LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de son licenciement intervenu le 15 novembre 2001, M. X... a signé une transaction le 20 novembre 2001 avec l'Unmrifen FP MRFP, son employeur ; qu'estimant cette transaction entachée de nullité, il a saisi la juridiction prud'homale, le 23 décembre 2010, d'une demande en paiement de sommes à caractère salarial et indemnitaire au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'un préjudice moral dirigée contre l'Union mutualiste retraite (UMR), venue aux droits de l'Unmrifen FP MRFP en décembre 2002 et qui en a repris le personnel ;
Attendu que pour dire cette demande irrecevable, la cour d'appel, après avoir, d'une part, constaté que l'intéressé a fait valoir devant elle que l'UMR a la qualité d'employeur et, d'autre part, relevé que dans le cadre d'un précédent litige porté par celle-ci en qualité de propriétaire devant le tribunal d'instance, il a soutenu que ne lui étant pas lié par un contrat de travail elle ne pouvait invoquer la fin de leur relation à ce titre pour obtenir son expulsion de l'appartement mis à sa disposition par l'Unmrifen FP MRFP, retient qu'il ne peut à la fois soutenir dans le cadre du litige soumis au juge d'instance qu'il n'a pas la qualité de salarié de l'UMR et revendiquer devant la juridiction prud'homale cette même qualité sans se contredire, alors même qu'il y a identité de parties et de cause et que cette contradiction dans les argumentations juridiques successives est constitutive d'une fin de non-recevoir ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action engagée devant la juridiction prud'homale était distincte de celle qui s'était terminée par un jugement définitif rendu par le tribunal d'instance, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'Union mutualiste retraite aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et signé par M. Béraud, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...
M. Pierre-Yves X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables ses demandes formées à l'encontre de l'UMR ;
AUX MOTIFS QUE M. Pierre-Yves X... fait valoir que l'UMR est garant de la réparation des préjudices qu'il a subis comme se substituant à la MRFP, dont elle a repris la gestion et dont l'ensemble du portefeuille de contrats lui a été transféré par l'approbation ministérielle en date du 23 décembre 2002 conformément au code de la mutualité, que son contrat de travail a, par conséquent, été transféré au sein des effectifs de l'UMR à compter du 1er janvier 2002, alors qu'il effectuait son préavis dont le terme était fixé au 16 février 2002 ; qu'il soutient ensuite que la transaction du 20 novembre 2001 avait pour seul objet de mettre un terme au litige né du licenciement prononcé le 15 novembre, qu'en aucun cas il n'a été dans l'intention des parties de l'indemniser du préjudice né de la mise en examen de son employeur ; que l'UMR invoque à titre liminaire la théorie de l'estoppel ; que nul ne peut se contredire au préjudice d'autrui ; que Pierre-Yves X... revendique la qualité d'employeur de l'UMR ; qu'or, dans le cadre de l'instance engagée par l'UMR à son encontre devant le tribunal d'instance du premier arrondissement de Paris, le 16 septembre 2003, cette dernière, en qualité de propriétaire et non pas en qualité d'employeur, a assigné Pierre-Yves X... afin d'obtenir son expulsion du logement mis à disposition et celle de sa famille par l'UNMRIFEN FP MRFP, dans le cadre de son contrat de travail ; que l'UMR souligne qu'elle avait pris soin d'indiquer expressément que Pierre-Yves X... avait été licencié par UNMRIFEN FP à effet du 16 février 2002 ; qu'or, Pierre-Yves X..., dans le cadre de cette instance a conclu en ces termes : « M. X... entend insister tout particulièrement sur le caractère incongru et parfaitement erroné des explications de l'UMR sur les rapports de travail qui ont pu exister entre M. X... et son ancien employeur, l'UNMIRFEN FP. L'UMR se trouve irrecevable à fonder ses demandes sur des rapports de droits qui lui sont totalement étrangers. Il est essentiel de souligner à cet égard que l'UMR ne s'est vu transférer par la MRFP (= UNMIRFEN FP) que l'ensemble du portefeuille de contrats de mutuelle retraite, et non pas les rapports de travail existant antérieurement audit transfert entre la MRFP et ses employés ; que le transfert de portefeuille ayant été régularisé en décembre 2002, soit bien postérieurement au licenciement de M. X... par la MRFP, aucun lien juridique n e lie le concluant à la demanderesse, si ce n'est le lien de locataire à bailleur. Seule la MRFP serait fondée à faire valoir une difficulté éventuelle dans l'exécution des accords pris avec M. X... ce qu'elle ne fait pas et n'a jamais entrepris » ; qu'il précisait même plus loin dans ces conclusions : « Il sera enfin insisté sur le fait que l'UMR n'est pas l'ancien employeur de M. X..., et ne vient qu'au droit de la société bailleresse. Par conséquent, la requérante n'a aucune qualité à invoquer une relation de travail qui ne le concerne en aucune manière » ; que l'UMR souligne de plus avec pertinence que le tribunal d'instance, dans son jugement, a relevé que les époux X... n'étaient pas fondés à se prévaloir d'un autre titre d'occupation que celui résultant de leur contrat de travail, que celui-ci ayant pris fin le 16 février 2002 pour licenciement, ils étaient occupants sans droit ni titre depuis le 16 mai 2002, qu'ils devaient aux termes du contrat de travail, restituer l'appartement mis à leur disposition dans le cadre du contrat de travail, à l'UMR, propriétaire ayant qualité « pour le faire judiciairement constater » ; qu'il en résulte que Pierre-Yves X... ne peut tout à la fois soutenir dans le cadre du litige soumis au juge d'instance qu'il n'avait pas la qualité de salarié de l'UMR et revendiquer devant la juridiction prud'homale cette même qualité sans se contredire, alors même qu'il y a identité de parties et de cause ; que cette contradiction dans les argumentations successives est constitutive d'une fin de non-recevoir ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris, de dire Pierre-Yves X... irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de l'UMR ;
1°) ALORS QUE la circonstance qu'une personne change de position en droit d'une action à l'autre n'est susceptible de constituer un estoppel et d'emporter fin de non-recevoir que si ces deux actions sont de même nature, sont fondées sur les mêmes conventions et opposent les mêmes parties ; que dès lors, en énonçant, pour déclarer irrecevables les demandes de ce dernier formées à l'encontre de l'UMR, que M. X... ne pouvait tout à la fois soutenir dans le cadre du litige soumis au juge d'instance qu'il n'avait pas la qualité de salarié de l'UMR et revendiquer devant la juridiction prud'homale cette même qualité sans se contredire, tout en constatant que l'action portée devant le juge d'instance avait pour fin l'expulsion du logement mis à sa disposition dans le cadre de son contrat de travail et avait été engagée par l'UMR, en qualité de propriétaire de ce logement, et que l'action portée devant la juridiction prud'homale avait pour fin l'indemnisation du préjudice subi par M. X... et avait été engagée par ce dernier contre l'UMR, en qualité d'employeur, venant aux droits de la MRFP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que les deux actions concernées étaient de nature différente et que le changement de position de M. X... ne pouvait par voie de conséquence emporter fin de non-recevoir dans le cadre de l'instance prud'homale, et a ainsi violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE le changement de position en droit d'une partie n'est susceptible de constituer un estoppel et d'emporter fin de non-recevoir que s'il est de nature à induire la partie adverse en erreur sur ses intentions ; que dès lors, en se bornant à retenir, pour déclarer irrecevables les demandes de M. X... formées à l'encontre de l'UMR, que ce dernier ne pouvait tout à la fois soutenir dans le cadre du litige soumis au juge d'instance qu'il n'avait pas la qualité de salarié de l'UMR et revendiquer devant la juridiction prud'homale cette même qualité sans se contredire et que cette contradiction était constitutive d'une fin de non-recevoir, sans pour autant relever que cette contradiction était de nature à induire la partie adverse en erreur sur ses intentions, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.