LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 1er février 2008, M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire envers la Caisse de crédit agricole mutuel Toulouse 31 (la caisse) du prêt consenti par celle-ci à la société Design création (la société), dont il était le gérant ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 novembre 2010, la caisse a assigné en paiement la caution, qui a opposé la nullité de son engagement
Attendu que, pour rejeter la demande de la caution, l'arrêt, après avoir constaté que l'acte de cautionnement comportait la mention manuscrite suivante : « En me portant caution solidaire de la SARL Design Création dans la limite de 180 000 euros (cent quatre-vingts mille euros), couvrant le paiement principal des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 84 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et biens sans SARL Design Création n'y satisfait pas lui-même", retient que l'omission de l'article "du" entre paiement et principal et la substitution de la préposition "sans" à la conjonction "si" sont le résultat d'erreurs matérielles de retranscription qui ne modifient ni le sens ni la portée de l'engagement, le montant de 180 000 euros indiqué dans l'acte impliquant que le cautionnement porte sur le principal de la dette et l'emploi du mot "sans" n'ayant aucun sens ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les erreurs relevées, en ce qu'elles rendaient la mention inintelligible, étaient de nature à priver la caution de la possibilité de comprendre le sens et la portée de son engagement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la Caisse de crédit agricole mutuel Toulouse 31 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaque d'AVOIR débouté M. Maurice X... de l'ensemble de ses demandes et notamment d'AVOIR rejeté sa demande de nullité du cautionnement consenti au CRCAM DE TOULOUSE et de l'AVOIR condamné à payer à la banque différentes sommes ;
1°) AUX MOTIFS que « Les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation précisent les mentions manuscrites dont celui qui s'engage comme caution, et comme caution solidaire doit faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement.M. X... se prévaut de plusieurs non-conformités dans la partie suivante de la mention qu'il a écrite, qui sont soulignées : « En me portant caution solidaire de la SARL Design Création dans la limite de 180 000 euros (cent quatre-vingts mille euros), couvrant le paiement principal des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 84 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et biens sans SARL Design Création n'y satisfait pas lui-même. »Le terme « solidaire » qu'il était invité à écrire suivant le modèle proposé ne figure pas dans les mentions légales. Or l'ajout de ce terme, qui qualifie l'engagement pris, n'affecte ni le sens ni la portée de cet engagement.L'omission de l'article contracté « du » entre les mots « paiement » et « principal » résulte à l'évidence d'une erreur matérielle de retranscription ; en effet, en aucun cas le paiement principal des intérêts et pénalités du prêt cautionné (dont il convient de rappeler qu'il s'élève en principal à 150.000 ¿) ne justifierait que M. X... s'engage à hauteur d'une somme de 180.000 ¿. La portée de l'engagement qu'a voulu contracter M. X... n'est pas affectée par cette omission.Enfin, le terme « sans » au lieu de « si » n'a aucun sens dans la phrase, et ne modifie donc ni le sens, ni la portée de l'engagement.M. X... fait également état de l'absence de reprise d'une mention relative au consentement de l'épouse, inutile à la validité du cautionnement et sans incidence sur celui-ci, ainsi que d'un agencement défectueux des paragraphes relatifs au cautionnement et à la solidarité qui se suivent sans séparation et qui précèdent la signature. Les articles précités n'imposent pas de séparation, et par sa signature, M. X... valide le contenu de toutes les mentions qui la précèdent.La demande de nullité est rejetée » ;
2°) ET AUX MOTIFS ADOPTES que « M. Maurice X... est le gérant de la société DESIGN CREATION depuis la date de sa constitution ; Maurice X... est déjà identifié en qualité de caution d'un emprunt souscrit par ladite société auprès de la CRCAM DE TOULOUSE ET DU MIDI TOULOUSAIN le 24 mai 2007;Les deux mentions manuscrites prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341¬3 du code de la consommation figurent sur l'acte de cautionnement solidaire suivies de la signature de M. Maurice X... ;Certes les deux mentions sont reproduites à la suite l'une de l'autre mais qu'elles sont séparées par un point qui démarque bien la première mention de la seconde ;D'autre part, l'article L. 341-3 du Code de la consommation ne précise pas que sa rédaction doit être ou non sous un paragraphe distinct mais seulement que celle-ci doit précéder la signature de celui qui s'engage ;Le tribunal déboutera M. Maurice X... de ses demandes relatives aux conditions de forme de l'acte de cautionnement du 1er janvier 2008 » ;
3°) ALORS QU' est nul l'engagement de caution souscrit par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel dont la signature n'est pas précédée des mentions manuscrites identiques à celles prévues aux articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, et uniquement de celles-ci ; qu'en déboutant la caution de sa demande de nullité du cautionnement alors qu'elle avait ellemême constaté que les mentions qui y étaient apposées n'étaient pas conformes aux exigences légales, voire n'avaient aucun sens, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'ajout par le CRCAM DE TOULOUSE de la mention « solidaire » au texte prévu par l'article L. 341-2 du Code de la consommation, qui ne peut être qualifié d'erreur matérielle puisque le créancier est un professionnel du crédit, affecte de toute évidence le sens et la portée de l'engagement de la caution ; qu'en jugeant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation ;
5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, EN OUTRE, QUE la mention « couvrant le paiement principal des intérêts » écrite par la caution affecte de manière fondamentale la portée de son engagement, qui se limite dès lors au paiement des seuls intérêts, à l'exclusion du principal ; qu'en jugeant cependant que la portée de l'engagement de M. X... n'était pas affectée par cette modification, la Cour d'appel a derechef violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, ENFIN, QU'en retenant que le terme « sans » au lieu de « si » n'avait aucun sens dans la phrase, tout en affirmant néanmoins que ce changement ne modifiait ni le sens, ni la portée de l'engagement, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation et l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de mise en jeu de la responsabilité du CRCAM DE TOULOUSE pour manquement à son obligation d'information et de conseil ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la responsabilité de la banque, M. X... soutient que la multiplication des crédits dans des laps de temps très courts pour un montant de 610.000 ¿, alors que la société est en perte et dans une situation irrémédiablement compromise est inadaptée, le taux pratiqué pour l'ouverture de crédit et le dernier prêt étant au surplus usuraire, ce dernier prêt étant enfin consenti aux époux X... alors qu'il était destiné à la société. Il réclame en conséquence des dommages-intérêts à hauteur des sommes dues au titre de ses engagements de caution. Force est de constater que M. X... procède par voie d'affirmation, et qu'il ne produit aucune pièce de nature à démontrer l'inadaptation des financements à la situation de la SARL DESIGN CRÉATION, ce qu'avait pourtant déjà relevé le tribunal pour rejeter cette demande. Dès lors, comme l'a fait le tribunal, et sans qu'il soit nécessaire d'inviter les parties à s'expliquer sur les dispositions applicables de l'article L. 650-1 du Code de commerce, il ne peut être tiré de conséquence du montant et de la nature des prêts, étant rappelé, ainsi que le précise le jugement de liquidation judiciaire du 30 novembre 2010, que la SARL DESIGN CRÉATION a dû cesser son activité à la suite de l'incendie de ses locaux au mois d'octobre précédent. De plus, M. X... fait une présentation fausse des taux d'usure, puisqu'il vise à leur place le taux effectif moyen pratiqué pour l'ouverture de crédit (13,80 %) est inférieur au taux d'usure pour les découverts en compte des professionnels (14,29 %). Le prêt de février 2009 consenti aux époux X... était destiné à alimenter leur compte courant d'associé au sein de la SARL DESIGN CRÉATION. Ce contrat a été passé en la forme authentique. M. X..., gérant de sa société depuis 1993, rompu au monde des affaires, n'invoque aucun vice du consentement. Il n'est établi aucune faute de la banque dans l'octroi de ce prêt. »
ALORS QUE le créancier professionnel qui demande à la caution personne physique de recopier une mention manuscrite ne correspondant pas à celle figurant à l'article L. 341-2 du Code de la consommation commet nécessairement un manquement à son obligation d'information à l'égard de cette dernière ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le CRCAM DE TOULOUSE a fourni un modèle de mention manuscrite ne correspondant pas aux mentions légales ; qu'en affirmant cependant que le banquier n'avait commis aucune faute, sans inférer de cette mention erronée que le banquier avait manqué à son obligation d'information, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.