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22/09/2015 | FRANCE | N°14-11382

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2015, 14-11382


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc. 25 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.352), que Mme X... engagée à compter du 24 mars 2003 par la société Nike France en qualité de responsable des relations presse, a été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre du 11 février 2008 ; que l'arrêt (Versailles, 9 mars 2011) l'ayant déboutée de sa demande en nullité de son licenciement intervenu en raison de sa dénonciation de faits constitutifs de harcèlement moral et de sa

réintégration a été cassé et annulé en toutes ses dispositions ;
Sur l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc. 25 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.352), que Mme X... engagée à compter du 24 mars 2003 par la société Nike France en qualité de responsable des relations presse, a été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre du 11 février 2008 ; que l'arrêt (Versailles, 9 mars 2011) l'ayant déboutée de sa demande en nullité de son licenciement intervenu en raison de sa dénonciation de faits constitutifs de harcèlement moral et de sa réintégration a été cassé et annulé en toutes ses dispositions ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Nike France, qui est préalable :
Vu l'article L. 411-1, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, ensemble les articles 604 et 638 du code de procédure civile ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires, sauf disposition législative contraire ; que selon le deuxième, le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu'il attaque aux règles de droit ; qu'il résulte du troisième que lorsque la décision a été cassée « en toutes ses dispositions » la juridiction de renvoi connaît de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit ;
Attendu que pour dire que, d'une part, le licenciement est nul et, d'autre part, que la salariée a subi un préjudice moral, de santé et de carrière, et condamner l'employeur à lui payer des sommes à titre d'indemnités, l'arrêt retient qu'ayant relaté des faits de harcèlement et estimé que son licenciement était nul de plein droit, la Cour de cassation s'est fondée sur des actes existants pour estimer que la salariée avait bien relaté des faits de harcèlement, tels que l'orchestration de son éviction dès le moment où elle a dénoncé auprès de la direction des relations humaines des faits et agissements dont elle s'était déclarée victime, outre le manque délibéré de moyens lui permettant de mener à bien ses missions s'ajoutant à des rétentions caractérisées d'informations avec mise à l'écart de certaines réunions, un retrait de responsabilités et du management opérationnel avec corrélativement une atteinte à sa santé physique et mentale, qui laissent ainsi présumer l'existence d'un harcèlement moral, pour juger que « le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral ... emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement »,qu'en conséquence, l'existence de faits de harcèlement moral étant établie et retenue en tant que telle par la Cour de cassation pour fonder sa décision, il est ainsi suffisamment démontré que c'est bien du fait que la salariée a, sans aucune mauvaise foi alléguée, et encore moins établie, dénoncé, dès courant juillet 2007, des faits de harcèlement moral, et en tout cas antérieurement à l'engagement par l'employeur d'une procédure de licenciement, qu'elle a été licenciée, alors surtout que la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel ayant jugé « qu'il n'est pas établi qu'à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, le salarié a effectivement relaté des faits de harcèlement moral » ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en réintégration, l'arrêt retient que les agissements de harcèlement que la salariée a relatés constituent un obstacle sérieux à cette demande, car l'exposant à un risque de mésentente, et que le poste qu'elle occupait a été supprimé et celui équivalent aux fonctions qu'elle exerçait antérieurement n'est plus disponible à la suite de la réorganisation du service ;
Qu'en se déterminant comme elle a fait, par des motifs ne caractérisant pas une impossibilité pour l'employeur de réintégrer la salariée dans son emploi on un emploi équivalent, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et signé par Mme Lambremon, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et M. Maron, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile en l'audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à être réintégrée au sein de la société NIKE France ;
Aux motifs que Madame Christine X... sollicite sa réintégration au sein de la société NIKE France en motivant sa demande par une nécessité économique et financière au regard de l'état actuel du marché de l'emploi dans une période où le taux de chômage des personnes âgées de plus de cinquante ans est en perpétuelle augmentation ; mais qu'outre le fait que les agissements de harcèlement moral que Madame X... a relatés constituent un obstacle plus que sérieux à cette demande de réintégration car l'exposant nécessairement à des risques plus que certains de mésentente, il est aussi établi par la société NIKE France que le poste de Responsable Relations Presse, précédemment occupé par la salariée, a été depuis supprimé, tandis que celui équivalent aux fonctions précédemment exercées par l'appelante n'est actuellement pas disponible suite à une profonde réorganisation parfaitement démontrée du département Marketing, 7 postes ayant été supprimées et 8 modifiés ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande mal fondée de réintégration de Madame Christine X... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la nullité d'un licenciement motivé par la relation d'agissements de harcèlement moral emporte, si le salarié la demande, sa réintégration de plein droit dans l'entreprise ; que la seule suppression ou modification du poste occupé par le salarié avant son licenciement ne rend pas matériellement impossible sa réintégration dans l'entreprise ; qu'en se bornant à relever, pour refuser d'ordonner la réintégration de Madame X... au sein de la société NIKE France à la suite de son licenciement nul, que « le poste de Responsable relations presse, précédemment occupé par la salariée, a été depuis supprimé » et que « celui équivalent aux fonctions précédemment exercées par l'appelant n'est actuellement pas disponible suite à une profonde réorganisation parfaitement démontrée du département Marketing, 7 postes ayant été supprimés et 8 modifiés », la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une impossibilité matérielle, pour l'employeur, de réintégrer la salariée dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'ainsi elle a violé les articles L 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en affirmant que « les agissements de harcèlement moral que Madame Christine X... a relatés constituent un obstacle plus que sérieux à cette demande de réintégration car l'exposant nécessairement à des risques plus que certains de mésentente », la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une impossibilité matérielle de réintégrer Madame X... au sein de la société NIKE FRANCE ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils pour la société Nike France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... est nul, d'AVOIR dit que Madame X... a subi un préjudice moral, de santé et de carrière et d'AVOIR condamné la société NIKE France à verser à Madame X... 60.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, 20.000 € en réparation du préjudice moral, de santé et de carrière subi et 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de son arrêt en date du 25 septembre 2013, saisissant cette Cour de renvoi, la Chambre sociale de la Cour de cassation, a posé, au visa des dispositions des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail, pour principe selon lequel : "... le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis" avant d'estimer : " le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par la salariée, dont la mauvaise foi n'était pas alléguée, emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés..." et a cassé l'arrêt d'appel pour avoir débouté la salariée en raison du fait, notamment : "que le licenciement dont elle a fait l'objet n'est dès lors pas nul mais fondé sur une cause réelle et sérieuse" ; que la Cour de cassation a donc ainsi clairement considéré que le débats ne devaient pas porter sur l'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame Christine X... pour insuffisance professionnelle mais sur la nullité du licenciement en raison des actes qu'elle a constaté et jugé comme relatant des faits de harcèlement moral ; qu'il en résulte nécessairement que le débat ainsi porté devant la Cour de renvoi ne doit plus avoir pour objet de discuter le bien-fondé éventuel des griefs invoqués par la société NIKE France à l'encontre de Madame Christine X... pour justifier son licenciement mais seulement sur la nullité du licenciement et sur son droit à réintégration ; qu'en l'espèce, Madame Christine X... ayant relaté des faits de harcèlement et estimé que son licenciement était nul de plein droit, la Chambre sociale de la Cour de cassation s'est fondée sur des actes existants pour estimer que la salariée avait bien relaté des faits de harcèlement, tels que l'orchestration de son éviction dès le moment où elle a dénoncé auprès de la Direction des Relations Humaines des faits et agissements dont elle s'était déclarée victime, outre le manque délibéré de moyens permettant à la salarié de mener à bien ses missions s'ajoutant à des rétentions caractérisées d'informations avec mise à l'écart de certaines réunions, un retrait de responsabilités et du management opérationnel avec corrélativement une atteinte à sa santé physique et mentale, qui laissent ainsi présumer l'existence d'un harcèlement moral, pour juger que : "le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral ... emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement" ; qu''en conséquence, l'existence de faits de harcèlement moral étant établie et retenue en tant que telle par la Cour de cassation pour fonder sa décision, il est ainsi suffisamment démontré que c'est bien du fait que Madame Christine X... a, sans aucune mauvaise foi alléguée, et encore moins établie, dénoncé, dès courant juillet 2007, des faits de harcèlement moral, et en tout cas antérieurement à l'engagement par l'employeur d'une procédure de licenciement, qu'elle a été licenciée, alors surtout que la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel ayant jugé : "qu'il n'est pas établi qu'à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, le salarié a affectivement relaté des faits de harcèlement moral ; qu'il en résulte que le seul fait pour un salarié de relater, sans aucune mauvaise foi démontrée ou même alléguée, des actes laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, ne doit pas conduire l'employeur à le licencier, faute de quoi il s'expose à porter atteinte au statut protecteur particulier prévu par les articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du Code du travail, avec pour sanction corrélative la nullité de plein droit de la rupture du contrat de travail, telle que prévue et clairement énoncée par les dispositions de l'article L. 1152-3 dudit code ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de CERGY-PONTOISE en date du 24 septembre 2009 et de déclarer nul le licenciement de Madame Christine X... ;
1. ALORS QUE selon l'article 638 du Code de procédure civile, la cour de renvoi, saisie à la suite d'un arrêt de cassation totale, est investie de la connaissance du litige dans tous ses aspects de fait et de droit ; qu'il lui appartient en conséquence d'examiner toute les prétentions et moyens des parties, sans être tenue ni par les motifs de la décision cassée, ni par les moyens de cassation retenus par la Cour de cassation ; qu'en l'espèce, par son arrêt du 25 septembre 2012, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 9 mars 2011 de la cour d'appel de Versailles ; qu'en décidant néanmoins de limiter le débat à la seule question de la nullité du licenciement et du droit à réintégration de la salariée et en retenant que « c'est bien du fait que la salariée a, sans mauvaise foi alléguée et encore moins établie, dénoncé courant juillet 2007 des faits de harcèlement moral (...) qu'elle a été licenciée », au seul motif que la Cour de cassation s'est « fondée sur des actes existants pour estimer que la salariée avait bien relaté des faits de harcèlement moral » et que « l'existence de faits de harcèlement moral a été établie et retenue en tant que telle par la Cour de cassation pour fonder sa décision », la cour d'appel de renvoi a méconnu son office et violé les articles 625, 632 et 638 du code de procédure civile ;
2. ALORS, AU SURPLUS, QUE la Cour de cassation contrôle uniquement la conformité du jugement attaqué aux règles de droit, et non l'appréciation des éléments de fait et de preuve ; qu'en affirmant que la Cour de cassation a « estimé que la salariée avait bien relaté des faits de harcèlement moral » et que « l'existence de faits de harcèlement moral a été établie et retenue en tant que telle par la Cour de cassation », la cour d'appel a violé l'article 604 du Code de procédure civile ;
3. ALORS, ENFIN, QUE la société NIKE soutenait, devant la cour d'appel de renvoi que la salariée avait fait preuve de mauvaise foi, en dénonçant pour la première fois l'avant-veille de l'entretien préalable une situation de harcèlement moral qu'elle savait pertinemment inexistante dans le seul but de bénéficier d'une immunité injustifiée contre une éventuelle mesure de licenciement ; qu'en affirmant néanmoins que la que la mauvaise foi de la salariée n'était pas alléguée, pour refuser d'exercer son office, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 638 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11382
Date de la décision : 22/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2015, pourvoi n°14-11382


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11382
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