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15/09/2015 | FRANCE | N°14-18150

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 septembre 2015, 14-18150


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2014), que Doris X... est décédée le 16 février 2005, laissant pour seule héritière sa fille, Mme Laurence X..., épouse Y... (Mme Y...) ; que la déclaration de succession mentionnait à l'actif un compte investi en bons du trésor américain, détenu en indivision par la défunte, ouvert auprès de la société Bernard L. Z... Investment Securities LLC (la société BMIS) ; que, le 29 décembre 2008, à la suite de la révélation de la « fraude pyramidale » de M

. Z..., dirigeant de la société BMIS, consistant, sur la promesse de profits ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2014), que Doris X... est décédée le 16 février 2005, laissant pour seule héritière sa fille, Mme Laurence X..., épouse Y... (Mme Y...) ; que la déclaration de succession mentionnait à l'actif un compte investi en bons du trésor américain, détenu en indivision par la défunte, ouvert auprès de la société Bernard L. Z... Investment Securities LLC (la société BMIS) ; que, le 29 décembre 2008, à la suite de la révélation de la « fraude pyramidale » de M. Z..., dirigeant de la société BMIS, consistant, sur la promesse de profits fictifs, à attirer les investisseurs et à payer les intérêts des premiers avec le capital apporté par les derniers, Mme Y... a demandé à l'administration fiscale la restitution partielle des droits de succession acquittés ; qu'elle lui a transmis les éléments du dossier de la procédure suivie aux Etats-Unis établissant le caractère fictif des états financiers fournis par la société BMIS pour la déclaration de succession et a fait valoir que, depuis le milieu des années 1990, selon les aveux mêmes de M. Z..., les déclarations de revenus et d'impôt de solidarité sur la fortune avaient été établies sur la base d'opérés fictifs communiqués par sa société ; que, le 16 octobre 2009, l'administration a rejeté cette réclamation au motif que Mme Y... ne rapportait pas la preuve de l'irrécouvrabilité, au jour du décès, des créances de la défunte à l'encontre de la société BMIS ; que Mme Y... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir la restitution de la totalité des droits acquittés ;
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que la fraude corrompt tout ; qu'ainsi que l'a admis l'administration fiscale et que l'a relevé la cour d'appel, la créance figurant sur les relevés du compte ouvert au nom de Doris X... dans les livres de la société BMIS procédait d'une fraude commise par M. Bernard Z... ; que le caractère fictif des placements prétendument effectués par ce dernier et, par conséquent, l'inexistence des bons du Trésor américain et des valeurs mobilières inscrites aux comptes de Doris X... étaient de ce chef établies ; que, dès lors, en retenant que l'administration des impôts était en droit de prendre en compte, au titre de la base taxable aux droits de succession, l'existence de ces bons du Trésor, la cour d'appel a violé le principe fraus omnia corrumpit et l'article 750 ter du code général des impôts ;
2°/ que la cour d'appel a relevé qu'il appartenait à Mme Y..., si elle entendait obtenir réduction de l'imposition dont elle avait été l'objet sur le fondement de sa déclaration, de prouver soit que la valeur du compte ouvert à la société BMIS était nulle, soit qu'il n'existait pas au jour du décès de Doris X... ; qu'elle a cependant constaté qu'il était établi que M. Z..., auteur de l'escroquerie pyramidale, avait avoué à la police qu'il avait attiré ses victimes en leur promettant des profits élevés et que les fonds qu'il les avait conduits à placer sur des comptes ouverts à sa société BMIS n'avaient jamais donné lieu à aucun placement mais avaient été détournés vers un compte personnel ouvert à la Chase Manhattan Bank et frauduleusement versés à des tiers ; qu'elle a en outre constaté que, parmi les nombreuses victimes de cette escroquerie, figuraient « Mme Doris X... et ses héritiers » ; qu'il s'ensuivait que la fraude de M. Z... avait atteint en particulier le compte de Doris X..., de sorte que les actifs qui y figuraient étaient fictifs et ne pouvaient dès lors constituer une base taxable réelle aux droits de succession ; qu'en décidant dès lors le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article 750 ter du code général des impôts, ensemble l'article R. * 194-1, § 2, du livre des procédures fiscales ;
3°/ que pour contester la substitution opérée par l'administration fiscale entre une créance et les actifs fictifs litigieux, Mme Y... avait soutenu qu'elle était dépourvue de base légale car elle ne trouvait de fondement, ni dans les dispositions de l'article R. * 174-1 (en réalité R. * 194-1) du livre des procédures fiscales dont ce n'est pas l'objet, ni dans celles des articles L. 203 et L. 204 du même livre, l'administration fiscale ne prouvant pas que les conditions de la compensation étaient réunies ; que pour écarter ce moyen, la cour d'appel s'est bornée à retenir que les dispositions de l'article L. 203 susvisé n'étaient pas applicables, l'administration n'ayant pas reconnu le dégrèvement demandé ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas dès lors de l'inapplicabilité de l'ensemble des textes susvisés que la substitution pratiquée était dépourvue de base légale, la cour d'appel a privé elle-même sa décision de base légale au regard des articles L. 750 ter du code général des impôts et R. * 174-1 (en réalité R. * 194-1) du livre des procédures fiscales ;
4°/ que lorsque, sur le fondement de l'article R. * 194-1 du livre des procédures fiscales, un contribuable présente à l'administration fiscale une demande de restitution d'une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite, le juge est appelé à vérifier s'il apporte la preuve du caractère exagéré de cette imposition et, si tel est le cas, ordonne une restitution partielle ou totale ; qu'en revanche, ce texte, qui ne confère à l'administration fiscale aucun pouvoir de substitution, ne confère pas davantage au juge saisi la faculté de substituer un autre bien au bien déclaré ni de déclarer justifiée une telle substitution opérée par l'administration ; qu'en décidant dès lors, au visa du texte susvisé, que l'administration fiscale était en droit, pour l'application de l'article 750 ter du code général des impôts, de prendre en compte, au titre de la base taxable aux droits de succession, une créance détenue par Doris X... sur la société BMIS, quand la déclaration de succession avait mentionné comme base taxable des avoirs reconnus ultérieurement fictifs, la cour d'appel a violé les articles L. 750 ter du code général des impôts et R. * 194-1 du livre des procédures fiscales ;
5°/ que lorsque l'administration fiscale invoque une créance non déclarée dans l'actif successoral, elle doit en établir la valeur et, lorsqu'il s'agit d'une créance, elle doit établir sa valeur probable de recouvrement ; qu'une créance conditionnelle n'est pas un bien taxable ; qu'en l'espèce, les relevés du compte ouvert à la société BMIS étant fictifs et ne permettant pas de déterminer la créance, la succession ne disposait que du seul droit de revendiquer une restitution correspondant à la différence entre les apports et les retraits effectués, outre une demande d'indemnisation pour le préjudice subi, ce droit étant suspendu à un très improbable remboursement des sommes escroquées par M. Z... ; qu'il appartenait dès lors à l'administration fiscale, qui soutenait que le droit à indemnisation de Mme Y... procédant de sa déclaration de créance entre les mains du liquidateur de la société BMIS pouvait être inclus dans l'actif taxable aux droits de succession, de démontrer la valeur probable de recouvrement de la créance ; qu'en la dispensant d'apporter cette preuve, pour imposer à Mme Y... de prouver l'impossibilité totale ou partielle de recouvrement de la créance au jour du décès, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 758 du code général des impôts et 1315 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; que l'arrêt constate qu'en 1995, Doris X... était titulaire d'un compte titre indivis dans les livres d'une banque française, investi en bons du trésor américain, et, qu'à compter du second semestre 2000, cette banque en a délégué la gestion à la société BMIS, dirigée par M. Z... ; qu'il relève que la fraude mise en oeuvre par ce dernier, qui reposait sur une promesse de placements fictifs, n'a pu effacer la créance détenue par Doris X... à la suite du dépôt effectif des fonds sur ce compte ; qu'il en déduit exactement que l'actif déclaré de ce chef dans la déclaration de succession s'analyse en une créance détenue par Doris X... à l'encontre de la société BMIS ;
Et attendu, en second lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article R. * 194-1 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'un contribuable présente une réclamation pour obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par lui, il doit en démontrer le caractère exagéré ; que l'arrêt constate que la découverte du système frauduleux mis en place par M. Z... est postérieure au décès de Doris X..., que des prélèvements sur le compte en question sont intervenus au bénéfice de cette dernière, avant son décès, et se sont poursuivis après ce décès, notamment afin d'acquitter un passif fiscal auprès de l'administration américaine ainsi que l'impôt sur le revenu français et les droits de succession français et américains ; qu'il constate encore que les bons du trésor restants, inscrits au nom de la défunte, ont été transférés sur le compte personnel de Mme Y... le 31 mai 2006 et qu'il résulte des demandes du liquidateur de la société BMIS que celle-ci a fait bénéficier Mme Y... de versements substantiels ; que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que Mme Y... ne démontrait pas l'impossibilité totale ou partielle de recouvrement de la créance détenue par sa mère à l'encontre de la société BMIS, à la date de son décès, fait générateur de l'impôt ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement rendu le 30 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Paris et d'avoir débouté Mme Laurence Y... de ses demandes tendant à voir juger que les droits de succession qu'elle a payés sur la base des avoirs
Z...
fictifs au jour du décès du de cujus, d'un montant de 23 604 962 euros, sont indus et ordonner le remboursement de cette somme par le Trésor public,
AUX MOTIFS QUE, vus les articles 750 ter, 758, 760, R* 194-1 2 et R* 195-1 du Code général des impôts dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce ; que la réclamation adressée à l'administration des impôts par Mme Y... intervient dans le contexte particulier résultant des poursuites pénales exercées aux États-Unis contre B.
Z...
, dirigeant de BMIS, qui a mis en place une fraude financière de grande ampleur reposant sur un système dit de la " pyramide de B... " 2 ; qu'il ressort des écritures des parties que B.
Z...
a avoué le 11 décembre 2008 aux autorités américaines, après son arrestation, qu'il s'était livré depuis le début des années 1990 à une fraude consistant en une promesse de profits élevés faite aux investisseurs qui lui confiaient des fonds qui, au lieu d'être investis par l'intermédiaire de sa société BMIS, étaient déposés sur un compte ouvert à la Chase Manhattan, Bernard Z..., puis reversé lorsque des retraits lui étaient demandés par ses clients ; qu'il est également rappelé qu'une décision judiciaire du 15 décembre 2008 a désigné M. Irving A... en qualité de liquidateur de la société BMIS et que ce mandataire a mis en oeuvre de nombreuses procédures tendant à la réparation des préjudices causés aux victimes des infractions pénales commises par M. Z..., dont Doris X... et ses héritiers ; que, dans un communiqué publié en mars 2011, ce mandataire a annoncé qu'il avait d'ores et déjà récupéré 10 milliards $ sur les vingt dont il devait assurer le recouvrement, tout en soulignant que de nombreuses personnes, dont un nombre appréciable d'institutions financières, avaient réalisé des profits dans le cadre du système mis en place par B.
Z...
, et en déclarant, par surcroît, non seulement que certaines institutions ne pouvaient ignorer la fraude et qu'à tout le moins, les victimes ne pouvaient ignorer les risques encourus au regard des rendements supérieurs à 10 % qui étaient obtenus ; qu'au soutien de son recours, Mme Y... prétend que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle est fondée à solliciter la restitution des droits de succession payés à tort, en raison de l'erreur consistant à déclarer des actifs fictifs ; que le contribuable qui sollicite la réduction d'une imposition établie conformément aux énonciations de sa déclaration supportant, en application des dispositions précitées de l'article R*194- l § 2 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de son caractère exagéré, il appartenait ainsi à Mme Y... de 2 Montage financier frauduleux inventé par Charles B... dans années 1920, consistant à rémunérer les investissements des clients par les fonds procurés par les nouveaux entrants. démontrer par tout mode de preuve compatible avec la procédure écrite, soit que la valeur du compte précité ouvert auprès de BMIS était nulle, soit qu'il n'existait pas au jour du décès de sa mère ; qu'il est constant qu'à la date du décès de M. X..., survenu en 1995, M. et Mme X... étaient titulaires d'un compte titre indivis dans les livres de la Banque pour l'Industrie Française (BIP) qui était investi en bons du trésor américain à hauteur de 646 259 256 francs et qu'à compter du second semestre 2000, la BIP a alors délégué la gestion de ce compte à la BMIS, dirigée par Bernard Z... ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le système frauduleux mis en place par Bernard Z... par l'intermédiaire de la BMIS n'a pas pu avoir pour effet d'effacer rétroactivement, dans son principe même, la créance détenue par Mme X... à l'encontre de la BMIS à la suite du dépôt effectif de bons du trésor américain réels sur un compte ouvert dans cet établissement ; qu'en effet, la fraude mise en oeuvre par Bernard Z... reposait sur une promesse de placements fictifs à. l'aide des fonds confiés par les investisseurs soit, au cas d'espèce, des bons du trésor américain apportés en 2000 à la BMIS ; que dès lors, en dépit de la découverte, postérieurement au décès de Mme X..., du système frauduleux mis en place par Bernard Z..., l'administration des impôts est cependant en droit, pour l'application des dispositions précitées de l'article 750 ter du CGI, de prendre en compte, au titre de la base taxable aux droits de succession, l'existence, dans son principe, de bons du trésor américain de la de cujus sur le compte ouvert à BMIS ;
1° ALORS QUE la fraude corrompt tout ; qu'ainsi que l'a admis l'administration fiscale et que l'a relevé la cour, la créance figurant sur les relevés du compte ouvert au nom de Doris X... dans les livres de la société BMIS procédait d'une fraude commise par M. Bernard Z... ; que le caractère fictif des placements prétendument effectués par ce dernier et, par conséquent, l'inexistence des bons du Trésor américain et des valeurs mobilières inscrites aux comptes de Doris X... étaient de ce chef établies ; que, dès lors, en retenant que l'administration des impôts était en droit de prendre en compte, au titre de la base taxable aux droits de succession, l'existence de ces bons du Trésor, la cour a violé le principe fraus omnia corrumpit et l'article 750 ter du Code général des impôts ;
2° ALORS QUE la cour a relevé qu'il appartenait à MME Y..., si elle entendait obtenir réduction de l'imposition dont elle avait été l'objet sur le fondement de sa déclaration, de prouver soit que la valeur du compte ouvert à la société BMIS était nulle, soit qu'il n'existait pas au jour du décès de Doris X... ; qu'elle a cependant constaté qu'il était établi que M. Z..., auteur de l'escroquerie pyramidale, avait avoué à la police qu'il avait attiré ses victimes en leur promettant des profits élevés et que les fonds qu'il les avait conduits à placer sur des comptes ouverts à sa société BMIS n'avaient jamais donné lieu à aucun placement mais avaient été détournés vers un compte personnel ouvert à la Chase Manhattan Bank (arrêt, p. 4, in fine) et frauduleusement versés à des tiers ; qu'elle a en outre constaté que, parmi les nombreuses victimes de cette escroquerie, figuraient « Mme Doris X... et ses héritiers » (arrêt, p. 5, § 1) ; qu'il s'ensuivait que la fraude de M. Z... avait atteint en particulier le compte de Doris X..., de sorte que les actifs qui y figuraient étaient fictifs et ne pouvaient dès lors constituer une base taxable réelle aux droits de succession ; qu'en décidant dès lors le contraire, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article 750 ter du Code général des impôts, ensemble l'article R. * 194-1 § 2 du Livre des procédures fiscales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement rendu le 30 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Paris et d'avoir débouté Mme Laurence Y... de ses demandes tendant à voir juger que les droits de succession qu'elle a payés sur la base des avoirs
Z...
fictifs au jour du décès du de cujus, d'un montant de 23 604 962 euros, sont indus et ordonner le remboursement de cette somme par le Trésor public,
AUX MOTIFS QUE le contribuable qui sollicite la réduction d'une imposition établie conformément aux énonciations de sa déclaration supportant, en application des dispositions précitées de l'article R*194- l § 2 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de son caractère exagéré, il appartenait ainsi à Mme Y... de démontrer par tout mode de preuve compatible avec la procédure écrite, soit que la valeur du compte précité ouvert auprès de BMIS était nulle, soit qu'il n'existait pas au jour du décès de sa mère ; qu'il est constant qu'à la date du décès de M. X..., survenu en 1995, M. et Mme X... étaient titulaires d'un compte titre indivis dans les livres de la Banque pour l'Industrie Française (BIP) qui était investi en bons du trésor américain à hauteur de 646 259 256 francs et qu'à compter du second semestre 2000, la BIP a alors délégué la gestion de ce compte à la BMIS, dirigée par Bernard Z... ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le système frauduleux mis en place par Bernard Z... par l'intermédiaire de la BMIS n'a pas pu avoir pour effet d'effacer rétroactivement, dans son principe même, la créance détenue par Mme X... à l'encontre de la BMIS à la suite du dépôt effectif de bons du trésor américain réels sur un compte ouvert dans cet établissement ; qu'en effet, la fraude mise en oeuvre par Bernard Z... reposait sur une promesse de placements fictifs à. l'aide des fonds confiés par les investisseurs soit, au cas d'espèce, des bons du trésor américain apportés en 2000 à la BMIS ; que dès lors, en dépit de la découverte, postérieurement au décès de Mme X..., du système frauduleux mis en place par Bernard Z..., l'administration des impôts est cependant en droit, pour l'application des dispositions précitées de l'article 750 ter du CGI, de prendre en compte, au titre de la base taxable aux droits de succession, l'existence, dans son principe, de bons du trésor américain de la de cujus sur le compte ouvert à BMIS ; que ce n'est qu'au surplus que la cour relève, à ce stade, que Mme Y... reproche en vain à l'administration des impôts d'avoir substitué une créance à l'actif déclaré et ayant ainsi exercé selon des modalités incorrectes le droit à compensation prévu par les articles L. 203 et L. 204 du livre des procédures fiscales ; qu'en effet, il est rappelé qu'en application de l'article L. 203 du LPF, lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, en effet, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ; que, cependant, l'intimé est fondé à opposer à l'appelante que les conditions prescrites par ces dispositions ne sont pas réunies en l'espèce, dès lors qu'elle ne reconnaît pas le dégrèvement demandé et qu'il ne s'agit pas d'y substituer une insuffisance ou omission constatée par ailleurs ;
1° ALORS QUE, pour contester la substitution opérée par l'administration fiscale entre une créance et les actifs fictifs litigieux, Mme Y... avait soutenu qu'elle était dépourvue de base légale car elle ne trouvait de fondement, ni dans les dispositions de l'article R*174-1 du Livre des procédures fiscales dont ce n'est pas l'objet, ni dans celles des articles L. 203 et L. 204 du même Livre, l'administration fiscale ne prouvant pas que les conditions de la compensation étaient réunies (concl. pp. 14-15) ; que pour écarter ce moyen, la cour s'est bornée à retenir que les dispositions de l'article L. 203 susvisé n'étaient pas applicables, l'administration n'ayant pas reconnu le dégrèvement demandé ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas dès lors de l'inapplicabilité de l'ensemble des textes susvisés que la substitution pratiquée était dépourvue de base légale, la cour a privé elle-même sa décision de base légale au regard des articles L. 750 ter du Code général des impôts et R*174-1 du Livre des procédures fiscales ;
2° ALORS QUE lorsque, sur le fondement de l'article R. *194-1 du Livre des procédures fiscales, un contribuable présente à l'administration fiscale une demande de restitution d'une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite, le juge est appelé à vérifier s'il apporte la preuve du caractère exagéré de cette imposition et, si tel est le cas, ordonne une restitution partielle ou totale ; qu'en revanche, ce texte, qui ne confère à l'administration fiscale aucun pouvoir de substitution, ne confère pas davantage au juge saisi la faculté de substituer un autre bien au bien déclaré ni de déclarer justifiée une telle substitution opérée par l'administration ; qu'en décidant dès lors, au visa du texte susvisé, que l'administration fiscale était en droit, pour l'application de l'article 750 ter du Code général des impôts, de prendre en compte, au titre de la base taxable aux droits de succession, une créance détenue par Doris X... sur la société BMIS, quand la déclaration de succession avait mentionné comme base taxable des avoirs reconnus ultérieurement fictifs, la cour a violé les articles L. 750 ter du Code général des impôts et R. *194-1 du Livre des procédures fiscales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement rendu le 30 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Paris et d'avoir débouté Mme Laurence Y... de ses demandes tendant à voir juger que les droits de succession qu'elle a payés sur la base des avoirs
Z...
fictifs au jour du décès du de cujus, d'un montant de 23 604 962 euros, sont indus et ordonner le remboursement de cette somme par le Trésor public,
AUX MOTIFS QUE sur l'évaluation de la créance détenue par Mme X... à l'encontre de la société BMIS que l'administration des impôts est fondée à opposer à Mme Y... qu'elle ne démontre pas une impossibilité totale ou partielle de recouvrement de cette créance à la date du décès, fait générateur de l'impôt, survenu le 16 février 2005, dès lors qu'il est constant que des prélèvements sur le compte en question sont intervenus au bénéfice de Mme X..., avant son décès ; que l'administration des impôts est également en droit de faire valoir que sa position sur ce point est, en tant que de besoin, confortée par des événements, certes postérieurs au fait générateur de l'impôt, mais dont il ressort : 1° que ces prélèvements se sont poursuivis après le décès de la de cujus, afin d'acquitter notamment le passif fiscal auprès de l'administration américaine ainsi que l'impôt sur le revenu français et les droits de succession français et américains ; 2° que les 35 875 000 bons du trésor restant inscrits au nom de Mme X... ont été transférés sur le compte personnel de Mme Y... le 31 mai 2006 et que, ainsi que cela résulte d'un acte (pièce n° 37 de l'appelante) comportant des demandes du liquidateur de BMIS adressée à Mme Y..., celle-ci a été bénéficiaire de la part de BMIS de versements substantiels ; que pour les motifs précités tenant au défaut de démonstration d'une impossibilité totale ou partielle de recouvrement par Mme X... de la créance détenue à l'encontre de la BMIS, Mme Y... n'est a fortiori pas non plus fondée à soutenir que le droit à indemnisation procédant de sa déclaration de créance entre les mains du liquidateur de BMIS effectuée le 7 janvier 2009 ne pouvait être inclus dans l'actif taxable aux droits de succession ; qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal a débouté Mme Y... de sa demande de restitution des droits dirigée contre l'administration des impôts après avoir relevé qu'elle n'établissait pas que les valeurs déclarées dans le cadre de la succession de Mme X... étaient erronées ;
ALORS QUE, lorsque l'administration fiscale invoque une créance non déclarée dans l'actif successoral, elle doit en établir la valeur et, lorsqu'il s'agit d'une créance, elle doit établir sa valeur probable de recouvrement ; qu'une créance conditionnelle n'est pas un bien taxable ; qu'en l'espèce, les relevés du compte ouvert à la société BMIS étant fictifs et ne permettant pas de déterminer la créance, la succession ne disposait que du seul droit de revendiquer une restitution correspondant à la différence entre les apports et les retraits effectués, outre une demande d'indemnisation pour le préjudice subi, ce droit étant suspendu à un très improbable remboursement des sommes escroquées par M. Z... ; qu'il appartenait dès lors à l'administration fiscale, qui soutenait que le droit à indemnisation de Mme Y... procédant de sa déclaration de créance entre les mains du liquidateur de la société BMIS pouvait être inclus dans l'actif taxable aux droits de succession, de démontrer la valeur probable de recouvrement de la créance ; qu'en la dispensant d'apporter cette preuve, pour imposer à Mme Y... de prouver l'impossibilité totale ou partielle de recouvrement de la créance au jour du décès, la cour, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 758 du Code général des impôts et 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-18150
Date de la décision : 15/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 sep. 2015, pourvoi n°14-18150


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Le Griel, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.18150
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