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03/09/2015 | FRANCE | N°14-19548

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 septembre 2015, 14-19548


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., ès qualités, de son intervention ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 février 2014), que la société Cabinet Y... et M. Alain Y..., expert-comptable, s'estimant victimes d'actes de concurrence déloyale de la part de M. X..., leur ancien salarié à l'origine de la création des sociétés Soluce paie et Soluce expert conseil, ont saisi le président d'un tribunal de grande instance d'une requête sur le fondement d

e l'article 145 du code de procédure civile ; que la demande ayant été accueil...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., ès qualités, de son intervention ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 février 2014), que la société Cabinet Y... et M. Alain Y..., expert-comptable, s'estimant victimes d'actes de concurrence déloyale de la part de M. X..., leur ancien salarié à l'origine de la création des sociétés Soluce paie et Soluce expert conseil, ont saisi le président d'un tribunal de grande instance d'une requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la demande ayant été accueillie par ordonnance du 23 octobre 2012 et les opérations s'étant déroulées le 7 décembre 2012, les sociétés Soluce paie et Soluce expert conseil ont assigné la société Cabinet Y... et M. Y... en rétractation de l'ordonnance, nullité des opérations et restitution des documents saisis ; que par ordonnance du 29 mai 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance a rejeté les demandes ;
Attendu que les sociétés Soluce paie et Soluce expert conseil font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande tendant à l'annulation des opérations de constat du 7 décembre 2012, infondée la demande de rétractation de l'ordonnance du 23 octobre 2012, de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen, qu'à supposer que le juge saisi ait pu se référer à la requête, la cour d'appel ne pouvait, comme elle l'a fait, y renvoyer dès lors que celle-ci ne comportait aucune liste déterminée des clients concernés ; qu'en passant outre, en se référant aux seuls faits dénoncés à l'appui de la requête, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que si l'huissier désigné s'était reporté à un extrait de listing clients du Cabinet Y... fourni par ce dernier, ce document n'avait pas été remis au juge saisi de la requête, lequel avait rendu une ordonnance ne comportant aucune restriction du chef de la clientèle concernée ; que ce faisant, elle a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 232 du même code ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la mesure ordonnée n'était pas générale dès lors que la mission de l'huissier était circonscrite aux faits litigieux décrits dans la requête annexée à l'ordonnance et consistait à constater la présence ou non au sein des documents consultés d'anciens clients du Cabinet Y..., ainsi que l'utilisation ou non de la base documentaire de l'ancien employeur de M. X..., c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première et troisième branche, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Soluce paie et la société Soluce expert conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Soluce paie et Soluce expert conseil
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande tendant à l'annulation des opérations de constat du 7 décembre 2012, déclaré infondée la demande de rétractation de l'ordonnance du 23 octobre 2012, débouté les sociétés Soluce Paie et Soluce Expertise Conseil de toutes leurs demandes et condamné celles-ci à verser à la SAS Cabinet Y... et à Monsieur Alain Y..., ensemble, les sommes de 2.000 et 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que l'article 145 du code de procédure civile dispose que « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » ; que pour démontrer l'absence de motif légitime au soutien de la mesure requise, les sociétés appelantes argumentent sur les raisons pour lesquelles certains clients ont quitté le cabinet Y... pour leur confier leur comptabilité ; que toutefois, le juge saisi en rétractation n'a pas à apprécier la pertinence de la mesure sur le résultat obtenu, mais sur l'existence d'un motif légitime à la demander ; qu'il ne suffit pas d'une apparence de pertinence de l'ordonnance mais qu'il convient de rechercher le caractère plausible des faits qui en sont la cause dans le cadre du débat contradictoire instauré à l'occasion de l'instance en rétractation ; qu'or dans le cadre de ce débat, il apparaît que des clients du cabinet Y..., ainsi qu'il l'énonçait dans sa requête, l'ont quitté pour rejoindre les sociétés créées par Monsieur X... ; qu'il appartiendra aux juges du fond de statuer sur la qualification ou non d'actes de concurrence déloyale à l'origine de ces départs ; qu'il convient à ce stade de la procédure de considérer que la mesure ordonnée était fondée sur un motif légitime des requérants de faire établir, de manière non contradictoire pour éviter le risque de dissimulation des preuves, la présence de certains de leurs clients dans les fichiers des sociétés concurrentes ; que l'ordonnance a été rendue au visa de plusieurs attestations et lettres de résiliation de clients annexées à la requête ; que le fait que l'huissier désigné se soit reporté à un extrait du listing clients du cabinet Y... fourni par ce dernier ne concerne que le contentieux de l'exécution de la mesure ordonnée que le juge de la rétractation n'est pas compétent à connaître ; que dès lors que les requérants justifiaient d'un motif légitime d'obtenir avant tout procès la preuve des faits de concurrence déloyale dénoncés, la mission confiée à l'huissier pouvait être étendue à la copie des fichiers informatiques à l'effet de constater l'existence de logiciels développés par le cabinet Y... qui pourraient être exploités par Monsieur X..., faits constitutifs d'actes de concurrence déloyale et pas exclusivement d'actes de contrefaçon ; que le risque dénoncé d'utilisation de leurs fichiers a été étayé par la production des statuts de la société Bioshop (pièce 38 de la requête) ; que la requête énonce explicitement in fine de la page 2 que les actes de concurrence déloyale sont la cause de la désignation d'un huissier aux fins de constat « indépendamment » de la violation des règles de déontologie régissant la profession d'expert-comptable ; qu'à l'évidence cette formulation laisse entendre que la mesure sollicitée n'est pas destinée à une éventuelle procédure disciplinaire ; que le recours à une mesure non contradictoire a été motivé par le juge dans son ordonnance par le risque de dissimulation des preuves au vu des circonstances exposées par les requérants dont il ressort notamment que Monsieur X..., ancien salarié du cabinet Y..., a créé une société qui allait devenir concurrente de celle de son employeur, et accompli par l'intermédiaire de cette société des actes au profit des clients du cabinet, alors qu'il était toujours son préposé et à son insu ; que, dès lors que les requérants justifiaient d'un motif légitime de recourir à la désignation d'un huissier aux fins de constat, il ne peut être soutenu que la mesure était inutile pour la solution du litige, le simple fait au demeurant que certains clients aient quitté le cabinet Y... ne signifiant pas pour autant que ces clients devaient nécessairement se retrouver dans les fichiers clients des sociétés créées par son ancien préposé ;
Alors, de première part, que les mesures d'instruction légalement admissibles ne peuvent être ordonnées sur requête que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et que les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; qu'il appartient au juge saisi de vérifier, au besoin d'office, si sont caractérisées dans la requête les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction ; qu'en se contentant, pour refuser de rétracter l'ordonnance, d'invoquer « le risque de dissimulation des preuves au vu des circonstances exposées par les requérants dont il ressort notamment que Monsieur X..., ancien salarié du cabinet Y..., a créé une société qui allait devenir concurrente de celle de son employeur, et accompli par l'intermédiaire de cette société des actes au profit des clients du cabinet, alors qu'il était toujours son préposé et à son insu », sans expliciter en quoi les mesures sollicitées sur requête, consistant en la collecte et/ou la reproduction de données comptables et de données informatiques (fichiers et programmes) exigeaient une dérogation au principe du contradictoire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16, 145, 493 et 494 du code de procédure civile ;
Alors, de seconde part, que tout juge est tenu de respecter et de faire respecter la loyauté des débats ; que dans une procédure sur requête, l'absence de contradiction impose au requérant d'exposer loyalement les faits, sans recourir au mensonge ou à la dissimulation, la violation de cette obligation devant entraîner la rétractation de l'ordonnance ayant prescrit la mesure d'instruction ; qu'en l'espèce, dans la mesure où les requérants avaient remis à l'huissier instrumentaire un document qu'ils n'avaient pas annexé à la requête, la Cour d'appel, loin de se contenter de déclarer « que l'huissier désigné se soit reporté à un extrait du listing clients du cabinet Y... fourni par ce dernier ne concerne que le contentieux de l'exécution de la mesure ordonnée que le juge de la rétractation n'est pas compétent à connaître », aurait dû, comme elle y étaient invitée par les sociétés Soluce Paie et Soluce Expert Conseil, rechercher si les requérants n'avaient pas, en agissant comme ils l'ont fait, dissimulé au juge saisi un élément important de nature à caractériser leur défaut de loyauté ; qu'en s'abstenant de le faire, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 3, 145, 493, 494 du code de procédure civile et 10 alinéa 1er du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande tendant à l'annulation des opérations de constat du 7 décembre 2012, déclaré infondée la demande de rétractation de l'ordonnance du 23 octobre 2012, débouté les sociétés Soluce Paie et Soluce Expertise Conseil de toutes leurs demandes et condamné celles-ci à verser à la SAS Cabinet Y... et à Monsieur Alain Y..., ensemble, les sommes de 2.000 et 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que l'article 145 du code de procédure civile dispose que « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » ; que l'ordonnance a été rendue au visa de plusieurs attestations et lettres de résiliation de clients annexées à la requête ; que le fait que l'huissier désigné se soit reporté à un extrait du listing clients du cabinet Y... fourni par ce dernier ne concerne que le contentieux de l'exécution de la mesure ordonnée que le juge de la rétractation n'est pas compétent à connaître ; que dès lors que les requérants justifiaient d'un motif légitime d'obtenir avant tout procès la preuve des faits de concurrence déloyale dénoncés, la mission confiée à l'huissier pouvait être étendue à la copie des fichiers informatiques à l'effet de constater l'existence de logiciels développés par le cabinet Y... qui pourraient être exploités par Monsieur X..., faits constitutifs d'actes de concurrence déloyale et pas exclusivement d'actes de contrefaçon ;
Et aux motifs que la mesure ordonnée n'est pas générale dès lors que la mission de l'huissier est circonscrite aux faits litigieux décrits dans la requête annexée à cette ordonnance et consiste à constater la présence ou non au sein des documents consultés d'anciens clients du cabinet Y..., ainsi que l'utilisation ou non de la base documentaire de son ancien employeur ; que le contrôle des modalités d'exécution par l'huissier de cette mission excède la compétence de la présente juridiction ; que, dès lors que les requérants justifiaient d'un motif légitime de recourir à la désignation d'un huissier aux fins de constat, il ne peut être soutenu que la mesure était inutile pour la solution du litige, le simple fait au demeurant que certains clients aient quitté le cabinet Y... ne signifiant pas pour autant que ces clients devaient nécessairement se retrouver dans les fichiers clients des sociétés créées par son ancien préposé ; que la mission de l'huissier était circonscrite aux sièges des deux sociétés Soluce et dans un bureau secondaire, les termes « ou en tout autre lieu où se trouverait la comptabilité de ces dernières » ne l'autorisant pas pour autant à investiguer sur l'ensemble du territoire national ; que dès lors que la requête était fondée sur un motif légitime, l'intention de nuire des requérants n'est pas démontrée ; qu'aucun élément ne permettait de considérer que la mesure sollicitée était destinée à soutenir une prétention manifestement vouée à l'échec : que l'ordonnance a autorisé l'huissier désigné à saisir de manière conservatoire certaines pièces comptables « à défaut de moyen de reproduction sur place », ce qui signifie qu'en aucun cas une saisie confiscatoire de ces documents n'était autorisée mais uniquement une saisie le temps nécessaire à leur reproduction en un lieu différent de celui où la mesure a été pratiquée, ce qui implique nécessairement la restitution des originaux ; que l'huissier a été désigné en qualité de séquestre à l'effet de conserver les éléments « dont s'agit » ; qu'il ne peut s'agir que des copies des pièces et fichiers recueillis au cours de sa mission, ce qui implique que l'ordonnance a prévu qu'ils ne soient pas remis aux requérants, de sorte que leur confidentialité est protégée et que les sociétés Soluce Paie et Soluce Expert Conseil seront déboutées de leurs demande de restitution de documents et données ainsi que d'allocation de dommages et intérêts et d'indemnité de procédure ;
Alors, de première part, que l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au dispositif de la décision ; que dès lors, en déclarant « que la mission de l'huissier est circonscrite aux faits litigieux décrits dans la requête annexée à cette ordonnance », pour implicitement considérer qu'étaient réunies en l'espèce les trois conditions cumulatives tenant à la qualification des faits poursuivis, aux lieux, aux clients concernés, afin sur cette base de dénier à la mesure d'instruction ordonnée le caractère général dénoncé par les sociétés Soluce Paie et Soluce Expert Conseil, la Cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile ;
Alors, de deuxième part et subsidiairement, qu'à supposer que le juge saisi ait pu se référer à la requête, la Cour d'appel ne pouvait, comme elle l'a fait, y renvoyer dès lors que celle-ci ne comportait aucune liste déterminée des clients concernés ; qu'en passant outre, en se référant aux seuls faits dénoncés à l'appui de la requête, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que si l'huissier désigné s'était reporté à un extrait de listing clients du cabinet Y... fourni par ce dernier, ce document n'avait pas été remis au juge saisi de la requête, lequel avait rendu une ordonnance ne comportant aucune restriction du chef de la clientèle concernée ; que ce faisant, elle a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 232 du même code ;
Alors, de troisième part, qu'il résulte des termes clairs et précis de l'ordonnance sur requête du 23 octobre 2012 que l'huissier désigné avait pour mission d'investiguer « au siège des sociétés ¿ ou en tout autre lieu où se trouverait la comptabilité de ces dernières, notamment dans le bureau secondaire situé 64 rue Casimir Bennier à 62300 Lens » ; que dès lors, en déclarant que sa mission « était circonscrite aux sièges des deux sociétés et dans un bureau secondaire », la Cour d'appel a dénaturé la portée de l'ordonnance et par là violé les articles 1134 du code civil et 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-19548
Date de la décision : 03/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 05 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 sep. 2015, pourvoi n°14-19548


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19548
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