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09/07/2015 | FRANCE | N°14-23556

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 juillet 2015, 14-23556


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 16, IX de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007,
Attendu, selon ce texte, que les dispositions de l'article L. 137-12 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du VIII du même texte sont applicables aux indemnités de mise à la retraite versées à compter du 1er octobre 2007 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 juin 2014), que l'URSS

AF de la Gironde, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 16, IX de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007,
Attendu, selon ce texte, que les dispositions de l'article L. 137-12 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du VIII du même texte sont applicables aux indemnités de mise à la retraite versées à compter du 1er octobre 2007 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 juin 2014), que l'URSSAF de la Gironde, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF), a notifié à la société Compagnie IBM (la société) divers chefs de redressement ; que contestant celui relatif à la réintégration dans l'assiette de la contribution sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur, de sommes versées entre le 11 octobre 2007 et le 22 décembre suivant, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir ce dernier, l'arrêt énonce qu'en matière civile le législateur peut prévoir une entrée en vigueur rétroactive dès lors que la loi repose sur un impérieux motif d'intérêt général et qu'elle assure un juste équilibre entre l'atteinte aux droits et ce dernier motif, lequel ne peut être strictement budgétaire ; que l'article 16 IX de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 publiée le 21 décembre 2007 prévoit une application rétroactive à compter du 11 octobre 2007 de l'article L. 137-12, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale instituant à la charge de l'employeur une contribution sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite à son initiative d'un salarié ; que cette loi a pour objectif, en taxant les mises à la retraite d'office, d'améliorer l'emploi des seniors ; qu'il constate que ne sont pas démontrés la nature et l'étendue des résultats attendus de la mise en application de cette nouvelle contribution deux mois et demi avant la publication de la loi la créant, sur la réalité de l'emploi des seniors, même si celle-ci est une réelle préoccupation sociétale ; que cette contribution a également pour objectif d'augmenter les recettes de la caisse nationale d'assurance vieillesse, ce qui est un motif purement financier ; qu'il n'est ainsi pas établi que la rétroactivité de la loi à la date de présentation du projet de loi est fondée sur un motif d'intérêt général suffisant pour justifier une atteinte aux situations légalement acquises et au principe de non-rétroactivité des lois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'assujettissement à une contribution nouvelle d'un fait générateur antérieur ne confère pas à la loi un caractère rétroactif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que seules les indemnités versées au titre de la mise à la retraite entre le 22 décembre 2007 et le 1er octobre 2010 sont soumises à la contribution prévue à l'article L. 137-12 du code de la sécurité sociales, les acomptes versés antérieurement au 22 décembre 2007, même si le départ effectif du salarié est postérieur à cette date, devant être exclus de l'assiette de calcul, en ce qu'il annule partiellement le chef de redressement n° 6, la mise en demeure du 1er octobre 2010 et la décision de la commission de recours amiable sur ce point, en ce qu'ils intègrent dans l'assiette de calcul les acomptes versés aux salariés dont le départ est effectif à partir du 11 octobre 2007 et les versements effectués entre le 11 octobre et le 21 décembre 2007 et en ce qu'il annule les majorations de retard complémentaires qui portent sur les chefs de redressement annulés par l'effet de l'arrêt et la décision de la commission de recours amiable contestée ainsi que la mise en demeure du 1er octobre 2010 dans le même sens, l'arrêt rendu le 26 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Compagnie IBM France aux dépens ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile rejette la demande de la société Compagnie IBM France et la condamne à payer à l'URSSAF d'Aquitaine la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Poirotte, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine
IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR dit qu'il convenait d'exclure de l'assiette de la contribution sur les indemnités de mise à la retraite, les indemnités versées entre le 11 octobre 2007 et le 21 décembre 2007 et d'avoir annulé partiellement le chef de redressement n° 6, la mise en demeure du 1e r octobre 2010 et la décision de la commission de recours amiable sur ce point en ce qu'ils intégraient dans l'assiette de calcul les versements effectués entre le 11 octobre et le 21 décembre 2007
AUX MOTIFS QUE le redressement notifié de ce chef (n° 6) par l'URSSAF de la Gironde s'élevait à 8 485 281 € au titre de la contribution sur les indemnités de mise à la retraite instituée par l'article 16 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 qui prévoyait une entrée en vigueur au 11 octobre 2007, l'URSSAF ayant réintégré dans l'assiette de cette contribution l'intégralité des sommes versées aux salariés mis à la retraite progressivement qu'elle que fût leur date de versement ; qu'aux termes de l'article L.137-12 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale, créé par l'article 16-VIII de la loi susvisée du 19 décembre 2007, il était institué à la charge de l'employeur et au profit de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV), une contribution sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur ; que l'alinéa 2 de ce texte prévoyait que le taux de cette contribution était fixé à 50% mais qu'il était toutefois limité à 25% sur les indemnités versées du 11 octobre 2007 au 31 décembre 2008 ; que l'article 16-IX précisait que ces dispositions étaient applicables aux indemnités de mise à la retraite versées à compter du 11 octobre 2007 ; que s'agissant de la date d'entrée en application de l'article L.137-12 du Code de la sécurité sociale, l'article 1 du Code civil disposait que les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent, ou, à défaut, le lendemain de leur publication, et l'article 2 du même Code énonçait que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'il était constant néanmoins qu'en matière civile, le législateur n'était pas lié par le principe de non rétroactivité des lois et pouvait prévoir une entrée en vigueur rétroactive dès lors que la loi reposait sur d'impérieux motifs d'intérêt général et qu'elle assurait un juste équilibre entre l'atteinte aux droits et le motif d'intérêt général, lequel ne pouvait être caractérisé par un motif strictement budgétaire ; qu'en l'espèce, l'article 16 IX de la loi n) 2007-1786 du 19 décembre 2007, publiée le 21 décembre 2007, prévoyait une application rétroactive à compter du 11 octobre 2007 et il résultait de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale du 11 octobre 2007 que celui-ci « (...) rompt avec la fatalité des déficits, engage la modernisation de l'organisation de notre système de santé et prend des mesures fortes pour l'emploi des seniors. Il marque la volonté du gouvernement d'opérer un redressement durable des comptes de la sécurité sociale (...) » et « (...) prévoit des mesures fortes pour l'emploi des seniors : le recours aux préretraites d'entreprises est rendu plus onéreux par un relèvement de la taxe due par les employeurs et l'application d'un taux normal de CSG ; les mises à la retraite d'offices ont également taxées et les incitations fiscales et sociales supprimées afin que le départ en retraite résulte bien d'un choix individuel et non d'une contrainte imposé e par l'entreprise (...) » ; que l'URSSAF de la Gironde, qui invoquait le bénéfice de cette rétroactivité, ne démontrait pas la nature et l'étendue des résultats attendus de la mise en application de cette nouvelle contribution deux mois et demi avant la publication de la loi créant sur la réalité de l'emploi des seniors, même si celui-ci était une réelle préoccupation sociétale ; qu'en outre l'augmentation des recettes de la CNAV que cette contribution avait pour objectif de générer était un motif purement financier, de sorte qu'il n'était pas établi que la rétroactivité de la loi à la date de présentation du projet de loi était fondée sur un motif d'intérêt général suffisant pour justifier une atteinte aux situations légalement acquises et au principe de non rétroactivité de la loi ; que l'article 16 VIII de la loi du 19 décembre 2007 ne pouvait donc pas être entré en application le 11 octobre 2007 ; que l'insertion de l'article 16 dans la troisième partie intitulée « dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour 2008 » ne justifiait pas, à défaut de dispositions expresses de la loi, une dérogation aux droit commun énoncé à l'article 1 du Code civil et une entrée en vigueur au 1e r janvier 2008, ainsi que le soutenait la SAS Compagnie IBM ; que la cour confirmait donc le jugement déféré en ce qu'il avait dit que l'article 16 VIII de la loi du 19 décembre 2007 était entré en application le lendemain de sa publication à compter du 22 décembre 2007
ALORS D'UNE PART QUE, en matière civile, le législateur n'est pas lié par le principe de la non rétroactivité des lois, de telle sorte qu'en refusant d'appliquer l'article L.137-12 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit expressément que la contribution qu'il institue est applicable aux indemnités de mise à la retraite versées à compter du 11 octobre 2007, la cour d'appel a violé ce texte, et faussement appliqué les articles 1 et 2 du Code civil
ALORS D'AUTRE PART QUE, hors la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, le juge judiciaire n'est pas compétent pour statuer sur un moyen tiré de la non-conformité d'une norme de nature législative à la Constitution ; et qu'en se substituant au juge constitutionnel pour apprécier si l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007 instituant une contribution sur les indemnités de mise à la retraite à compter du 11 octobre 2007, répondait bien à un impérieux motif d'intérêt général, la cour d'appel a violé l'article 61-1 de la Constitution et les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958 sur le Conseil Constitutionnel, tels qu'il résulte de la loi organique du 10 décembre 2009


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-23556
Date de la décision : 09/07/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Fait générateur antérieur - Loi instituant une contribution nouvelle - Caractère rétroactif (non)

SECURITE SOCIALE - Financement - Ressources autres que les cotisations - Contribution sur les indemnités de mise à la retraite - Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 - Caractère rétroactif (non)

L'assujettissement à une contribution nouvelle d'un fait générateur antérieur ne confère pas un caractère rétroactif à la loi qui l'institue. Viole l'article 16, IX, de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 qui institue une contribution sur les indemnités versées à compter du 1er octobre 2007 aux salariés en cas de mise à la retraite à l'initiative de l'employeur, la cour d'appel qui écarte l'application de cette disposition pour les sommes versées entre le 11 octobre et le 21 décembre 2007, au motif que sa rétroactivité à la date de présentation du projet de loi est fondée sur un motif d'intérêt général insuffisant pour justifier une atteinte aux situations légalement acquises et au principe de non-rétroactivité des lois


Références :

article 16, IX, de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 26 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 jui. 2015, pourvoi n°14-23556, Bull. civ. 2016, n° 834, 2e Civ., n° 72
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 834, 2e Civ., n° 72

Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. de Monteynard
Rapporteur ?: Mme Belfort
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.23556
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