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08/07/2015 | FRANCE | N°14-11015

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2015, 14-11015


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X..., après avoir dispensé des formations en management à M. Y... président de la société Chimie recherche environnement évolution (CREE) a d'abord été engagée du 3 avril 2006 au 4 avril 2007 par deux contrats de travail à durée déterminée, puis par un contrat à durée indéterminée à temps partiel, statut cadre, sous l'autorité du président de la société ; que le 23 octobre 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement, avec mi

se à pied conservatoire puis licenciée pour faute grave le 14 novembre 2009 ; qu'e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X..., après avoir dispensé des formations en management à M. Y... président de la société Chimie recherche environnement évolution (CREE) a d'abord été engagée du 3 avril 2006 au 4 avril 2007 par deux contrats de travail à durée déterminée, puis par un contrat à durée indéterminée à temps partiel, statut cadre, sous l'autorité du président de la société ; que le 23 octobre 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement, avec mise à pied conservatoire puis licenciée pour faute grave le 14 novembre 2009 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail ;
Sur le troisième moyen dont la recevabilité est contestée par la défense :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt du 19 septembre 2013 de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire, alors, selon le moyen, que même lorsqu'il est prononcé en raison d'une faute grave, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; que la cour d'appel, après avoir considéré que le licenciement de la salariée reposait sur des fautes graves, a rejeté l'intégralité de ses demandes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la salariée le licenciement n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert du grief d'un défaut de base légale, le moyen qui ne vise qu'une omission de statuer, pouvant être réparée par l'application des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis et de congés payés, d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le comportement du salarié doit être apprécié en fonction du contexte et que l'employeur ne peut pas reprocher à un salarié un comportement qu'il a lui-même provoqué ; que la cour d'appel a considéré que le comportement de la salarié justifiait son licenciement pour faute grave ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que M. Y..., président, était également directeur commercial et qu'en cette qualité, il se considérait comme étant sous la subordination de Mme X..., que leurs rapports étaient restés identiques pendant près de quatre ans, que l'employeur avait lui-même favorisé, encouragé et provoqué la situation en instituant le tutoiement, en s'épanchant sur ses malheurs professionnels et privés et en faisant de sa salariée une sorte de tutrice à qui il demandait de corriger son comportement si nécessaire, de relire et de modifier tous ses courriers et de valider toutes ses rencontres avec les clients, qu'il lui avait toujours manifesté sa satisfaction et sa totale confiance et l'avait remerciée de l'avoir « secoué », tandis qu'elle avait agi pour le faire réagir à une situation critique, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
2°/ que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que la cour d'appel a considéré que la salariée avait abusé de son droit d'expression et commis une faute grave ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever l'existence de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ; Mais attendu qu'ayant relevé les excès des commentaires et critiques que la salariée adressait à son supérieur et pris connaissance des très nombreuses attestations des salariés et des clients de la société CREE qui se sont mobilisés pour stigmatiser le manque de correction et de respect de la salariée vis à vis de M. Y..., les liens de subordination étant mêmes inversés, l'ego démesuré de la salariée, la détérioration de l'ambiance au sein de l'entreprise, certains clients attestant même avoir remis en cause leur collaboration avec la société CREE en raison de l'attitude de sa directrice, la cour d'appel a pu retenir que compte tenu de ces fonctions, ces faits rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et justifiaient une rupture immédiate du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil et l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et en paiement d'un rappel de salaire l'arrêt retient, d'une part, que le statut de cadre, mentionné dans ce contrat de travail, excluait l'application de la réglementation légale et réglementaire de la durée du travail et, d'autre part, qu'elle disposait d'une grande autonomie dans l'accomplissement de son travail et qu'elle avait d'autres activités professionnelles ;
Qu'en statuant ainsi, alors, que, d'abord, les cadres, fussent-ils autonomes, à la différence des cadres dirigeants, relèvent de la réglementation de la durée du travail, et ensuite, par des motifs inopérants impropres à établir que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de connaître à l'avance à quel rythme elle devait travailler, et contrainte de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en requalification du contrat à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'arrêt rendu le 19 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Chimie recherche environnement évolution aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Chimie recherche environnement évolution à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... tendant à voir requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, obtenir le paiement de rappel de salaires et de congés payés, et de l ¿ avoir condamnée à verser à la SARL C. R. E. E la somme de 2000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE pour la première fois en cause d'appel, Mme Lydie X...demande la requalification de son contrat de travail à temps partiel du 1er janvier 2008 en contrat de travail à temps plein, avec en conséquence un rappel de salaires de 72. 1306 bruts avec les congés payés afférents ; la Cour note tout d'abord, à la lecture des pièces versées aux débats, que le contrat de travail a été établi, selon les souhaits de la salariée, qui l'a même rédigé elle-même (échanges de mails avec le nouveau comptable de la société), alors qu'elle exerçait également par ailleurs des fonctions de Médecin Urgentiste au CHU d'ANGOULEME (60 %) ainsi que la direction de sa société AX'HOM, société de développement en ressources humaines et qu'elle avait donc besoin d'une grande souplesse d'organisation pour mener à bien parallèlement ces trois activités ; le statut de cadre de Mme Lydie X..., mentionné dans ce contrat de travail, excluait, de plus, à priori, l'application de la réglementation légale et réglementaire de la durée du travail et d'ailleurs il est clairement mentionné, dans l'article 2 dudit contrat concernant la durée du travail, que la salariée pouvait s'organiser comme elle le souhaitait : « Du fait de son statut, de ses fonctions et de ses responsabilités, Mme Lydie X... dispose d'une grande autonomie dans l'accomplissement de son travail et dans l'organisation de son temps pour la mise en oeuvre et le suivi qui lui sont confiés. De plus, Mme Lydie X... pourra exercer son travail par télétransmission et déplacements divers sans être présente physiquement au siège de la société ; cependant, Mme Lydie X... n'avait pas la qualité de télétravailleuse qu'elle revendique aujourd'hui, mais exerçait seulement ses fonctions comme elle l'entendait, au regard des obligations liées à son emploi de médecin urgentiste et aux missions de sa propre société, " AX'HOM CONSULTING ", en communiquant avec son employeur par téléphone ou par mail hors les périodes (une fois par quinzaine environ) pendant lesquelles elle se rendait au siège de la société pour un ou deux jours ; Mme Lydie X... revendique avoir été à la disposition permanente de son employeur en répondant aux mails de celui-ci, de jour comme de nuit ; à la lecture de l'importante production de pièces faite par les parties (notamment les mails échangés entre M. Y... et Mme X...), la Cour constate que :- c'est la propre organisation de travail de la salariée, entre ses diverses activités, qui induisait des mails ou échanges téléphoniques à des moments inhabituels dans une relation de travail plus classique,- les relations contractuelles entre les parties commencées par " un coaching de M. Y... " étaient très vite devenues " fusionnelles ", le contenu des mails ou courriers échangés entre les parties dépassant le simple échange professionnel pour devenir parfois très intime, Mme X..., maintenant au fil des mois et de l'évolution de la relation professionnelle, une relation de dépendance affective peu conforme à son statut dans l'entreprise ; sur la base de cette analyse, il convient donc de débouter Mme Lydie X... de sa demande de requalification de contrat de travail et de rappel de salaires en découlant ;

ALORS QUE d'une part le statut de cadre n'exclut pas l'application de la réglementation légale et réglementaire de la durée du travail et que d'autre part, le contrat de travail du 1er janvier 1998 mentionne expressément qu'il est à temps partiel, que la durée mensuelle du travail est fixée à 98 heures et que la salariée pourra effectuer des heures supplémentaires dans les limites précisées ; que la cour d'appel a affirmé que « le statut de cadre de Mme Lydie X..., mentionné dans ce contrat de travail, excluait, à priori, l'application de la réglementation légale et réglementaire de la durée du travail » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Et ALORS QUE le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; alors que le salariée soutenait que le contrat à temps partiel ne comportait pas les mentions requises, que son temps de travail dépassait les 98 heures mentionnées au contrat, et qu'elle devait se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a rejeté ses demandes en retenant qu'elle avait elle-même rédigé le contrat (ce qu'elle contestait), qu'elle avait un statut de cadre, qu'elle disposait d'une grande autonomie dans l'accomplissement de son travail, qu'elle avait d'autres activités professionnelles, et en se fondant sur des appréciations quant au contenu des courriers échangés avec son employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'aucune de ces circonstances n'était de nature à écarter l'application des dispositions légales relatives au contrat de travail à temps partiel, la cour d'appel a violé l'article L 3123-14 du code du travail ;
ALORS QU'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrat de travail comportait les mentions requises et si la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de connaître à l'avance à quel rythme elle devait travailler, et contrainte de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 3123-14 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis et les congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire, et de l ¿ avoir condamnée à verser à la SARL C. R. E. E la somme de 2000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit : « A la suite de l'entretien préalable précité du 05 novembre 2009, les explications recueillies auprès de vous ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits qui vous sont reprochés et je vous informe en conséquence que j'ai pris la décision de vous licencier pour faute grave et pour les motifs ci-après :- Vous avez été engagée par la SAS C. R. E. E le 03 avril 2006 afin d'assurer le Développement en Ressources Humaines. Par contrat en date du 04 avril 2007, puis en date du 1er janvier 2008, vous avez été nommée Directrice Générale de la Société. Conformément à l'article 1 du contrat du 1er janvier 2008, vous exerciez vos fonctions sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par votre supérieur hiérarchique, à savoir moi-même, en qualité de Président de la Société. Aux termes de l'article 11 du même contrat, vous étiez tenue d'une clause de conscience libellée en ces termes : « La nature spécifique de la délégation de responsabilité attachée à la fonction de Madame Lydie X... implique une collaboration confiante, loyale et harmonieuse avec le Président, Monsieur Martial Y.... Dans la mesure où le climat relationnel ne reposerait plus sur ces principes fondamentaux et rendrait impossible la poursuite d'une collaboration professionnelle sereine exempte de divergences d'appréciation, le contrat pourrait être rompu sous réserve du respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au licenciement. "- Nonobstant les dispositions des articles 1 et 11 du contrat de travail du 1erjanvier 2008, vous avez gravement manqué à vos obligations professionnelles, tant vis à vis de moi-même en ma qualité de Président de la Société, que vis à vis du personnel, ou encore de tiers, s'agissant de certains de nos clients ou partenaires. Vous avez ainsi proféré, à mon égard et à l'égard de la Société, des injures et menaces ; vous tenez des propos accusatoires, dénigrants et irrespectueux tant à mon égard qu'à l'égard de certains salariés de la Société ou encore de tiers partenaires ou clients, faisant montre d'une attitude critique systématique qui porte dorénavant gravement préjudice à la Société ; vous refusez délibérément de déférer à mes instructions auxquelles vous vous opposez systématiquement ; vous vous permettez constamment de me donner des injonctions au travers d'innombrables mails comminatoires, oubliant que je suis votre supérieur hiérarchique ; vous avez adopté une attitude s'apparentant à du harcèlement moral essentiellement à mon égard, ainsi qu'à l'égard de certains salariés de la société, démontrant par là votre volonté de vous comporter purement et simplement comme si vous étiez le dirigeant de C. R. E. E au moyen d'une emprise insidieuse, d'une opposition systématique délibérée et réitérée mettant en cause mes compétences et mon statut, allant même jusqu'à mettre en cause mon équilibre mental.- Ainsi par mails des 11 octobre 2009, 18 octobre 2009, 19 octobre 2009, vous avez porté à mon encontre et à l'encontre de la SAS C. R. E. E de graves menaces. Votre mail du 11 octobre 2009 : Vous vous permettez d'évoquer " mes dérives comportementales ", vous m'écrivez " je considère que ta conduite constitue une prise de risque grave par notre Société ", ou encore " tu utilises différents moyens pour contourner les procédures qualité de C. R. E. E et dans le même temps jouer à mon insu par une désinformation qui alerte heureusement les responsables C. R. E. E qui me transmettent tes exactions " Vous êtes permis de surcroît d'adresser copie de ce mail injurieux et menaçant à mon expert comptable Monsieur Sam A.... Votre mail du 18 octobre 2009 : Vous m'écrivez " Je te demande de relire ce mail de toi et de le faire avant mercredi prochain, avant que ceux qui nous conseillent ne me somment de mettre en place une démarche administrative, ou toi, mais aussi moi, comme tout le personnel de C. R. E. E. ne sortiraient pas grandi ". Votre mail du 19 octobre 2009 : Après que je vous ai demandé par écrit si les termes précités de votre mail du 18 octobre 2009 constituaient une menace, vous me répondez " Sinon chacun va sortir son arme de guerre et tout C. R. E. E en crèvera " J'ai expressément répondu à ces mails par deux mails du 26 octobre 2009. Vous comprendrez que ces propos et agissements, de la part d'un cadre de votre niveau, sont parfaitement inacceptables et ce d'autant plus qu'ils s'inscrivent dans un comportement général et récurrent de votre part consistant à vous opposer systématiquement à mes instructions ou préconisations, à me dénigrer, à me critiquer, et à m'humilier devant le personnel de la Société ou devant mes clients et partenaires.- Ces graves manquements résultent des innombrables échanges de mail que nous avons pu avoir ces derniers mois qui confirment votre ton et vos propos, de même que par de multiples attestations et témoignages écrits émanant tant du personnel de la Société que de clients ou partenaires extérieurs. Tous font état des faits suivants :- lutte de pouvoir engagée à mon égard-harcèlement moral-manque de respect-humiliation devant le personnel de ma société-critiques désobligeantes devant le personnel de ma société-paroles humiliantes et injurieuses " vous êtes nul, vous ne savez pas travailler, vous êtes incompétent "- propos désobligeant, désinvoltes et méprisants-management par la terreur-volonté d'amoindrir et de bafouer mon autorité et ma position vis à vis du personnel de la Société et des tiers partenaires. J'ajoute d'ailleurs vis à vis des tiers partenaires que cela a engendré des pertes de marchés, voire des pertes de clients au détriment de la société C. R. E. E.- Vous avez en outre oeuvré de manière pernicieuse et insidieuse pour entrer au capital de la société et obtenir des avantages financiers sans mesure avec vos fonctions : j'en veux pour preuve nos échanges de mail de septembre 2009, notamment votre mail du 09 septembre 2009. Ainsi, outre votre politique de dénigrement, vos menaces, votre harcèlement moral incessant, vous avez révélé votre volonté de m'évincer afin de vous positionner en véritable " patron " de la Société.- L'ensemble de vos comportements fautifs ont définitivement altéré la confiance que j'avais pu avoir en vous, outre qu'ils ont porté atteinte à ma santé physique et morale (vous avez même osé mettre en doute ma santé psychologique) de même qu'ils ont altéré la santé physique et psychologique de certains de vos collègues auxquels vous avez imposé un stress et des contraintes de travail insupportables provenant d'un cadre supérieur investi de fonctions d'autorité. Pour l'ensemble de ces motifs et compte tenu de leur gravité, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible " ; aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié ; toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce ; la Cour rappelle que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; la longue lettre de licenciement précitée rappelle à juste titre l'article 1 du contrat de travail quant aux relations de subordination entre Madame Lydie X... et M. Marial Y..., Président de la société C. R. E. E, ainsi que la clause de conscience inscrite dans l'article 11 dudit contrat qui instaure la nécessité d'une collaboration confiante, loyale et harmonieuse avec le Président, Monsieur Martial Y..., avec pour corollaire la rupture du contrat de travail, sous réserve du respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au licenciement, dans l'hypothèse où le climat relationnel ne reposerait plus sur ces principes fondamentaux et rendrait impossible la poursuite d'une collaboration professionnelle sereine exempte de divergences d'appréciation ; tout d'abord, force est de constater que dés l'origine de ses relations contractuelles avec la société C. R. E. E, Mme Lydie X... n'a pas appliqué les règles de déontologie élémentaires, les relations instaurées entre celle-ci et M. Y... ne s'inscrivant pas dans un cadre professionnel clair et rigoureux ; en effet, Mme Lydie X... a commencé une relation professionnelle avec la société C. R. E. E et son Président dans le cadre d'un " coaching ", qui était censé rendre M. Y... plus autonome et indépendant et non le soumettre à une dépendance personnelle avec des sentiments revendiqués d'affection ; pendant cette première période de collaboration initiale au cours de laquelle Mme X... avait été recrutée afin d'exercer seulement des fonctions de " développement en ressources humaines ", soit par des prestations de sa société, soit directement par un contrat salarié, les mails ou courriers échangés entre les parties s'inscrivent dans une relation mêlant intime et professionnel, les mails se concluant par des baisers (je t'embrasse très fort... mille baisers) Mme X... n'hésitant pas le dimanche 2 avril 2006 à 20 H 11 à envoyer à son client une bise douce à la température de ta voix ce soir ! comme à lui adresser le lundi 26 juin 2006 un " poème " faisant état de ce qu'elle avait entrevu au fond de son coeur.... au loin de mon âme, la main tendue de ce qui nous relie maintenant.... Un sentiment sans oser poser nom Un ressenti mélangé de confiance et de respect simplement un beau chemin pour une belle histoire tous ces courriers ayant trouvé un large écho sur la personnalité fragilisée de M. Y... (qui venait de perdre ses deux parents, dont la société connaissait des difficultés dans un contexte économique difficile qu'ingénieur chimiste de formation, il n'était peut-être pas armé pour affronter) qui écrit à sa coach en janvier 2007 une carte d'anniversaire élogieuse très affectueuse dans laquelle il lui promet de lui permettre de se réaliser chez C. R. E. E en lui promettant de lui donner tous les moyens pour faire ; suite à cette période de coaching, pendant laquelle Mme X..., qui avait installé une relation affective forte avec M. Y... et avait eu à connaître de toutes les forces et faiblesses de celui-ci et de son équipe, n'a pas hésité à se faire engager comme Directeur de l'entreprise, continuant à prodiguer conseils et critiques, à son supérieur hiérarchique sous lequel l'autorité duquel elle devait exercer ses fonctions, dans le cadre des instructions données par lui ; au dernier état de cette collaboration professionnelle particulière, il ressort des multiples témoignages versées aux débats et même des écrits de Mme X... (Mail du 26 septembre 2009 à M. B..., ingénieur commercial de ROCOCH FRANCE SAS pour une intervention sur la grippe H1N1 Je vous précise que je serai présente au sein de votre groupe sous ma casquette de dirigeante de la société C. R. E. E ¿ Pour cette raison, je serai accompagnée de Marial Y... et de Philippe C...qui mettront à la disposition de chacun une plaquette des développements CREE de produits de désinfection H1N1) que celle-ci agissait comme la véritable dirigeante de la société C. R. E. E et que forte de l'emprise psychologique qu'elle avait sur M. Y..., Mme X... allait tenter d'entrer au capital de la société C. R. E. E, tentative qui n'échouait finalement que grâce à l'intervention de l'expert comptable M. A..., d'abord partie prenante dans la mise en place de nouveaux statuts, qui atteste aujourd'hui de la manipulation morale de Mme X... envers M. Y... et des pressions pour procéder à ces changements de statuts de la société C. R. E. E ; ce contexte est important pour appréhender les fautes graves sur lesquelles se fonde la lettre de licenciement ;
Et AUX MOTIFS QUE la société C. R. E. E reprochait essentiellement à Mme X...deux séries de fautes, en s'appuyant sur la production des mails échangés par les parties en septembre et octobre 2009 :- les critiques virulentes sur la qualité du travail ou sur les compétences de M. Y... faites par Mme X... à son employeur lui-même, avec parfois copie des mails destinés à celui-ci à des tiers de l'entreprise (expert-comptable)- nombreux mails de Mme X... à M. Y... en septembre 2009 critiquant sans ménagement le comportement de celui-ci, M. Y... finissant immanquablement par se dévaloriser et s'excuser, n'osant plus parler de son travail à sa directrice, écrivant même Compte tenu de cet état de fait, je ne vis plus, je n'avance plus. JE COMPRENDS QUE TU M'EN VEILLES A MORT-que tu te sentes trahie par moi et que tu veuilles ma peau pour t'avoir trahie.... mail du 11 octobre 2009 envoyé à M. Y... à 01 h 07 avec l'objet attention conduite à risque, avec copie au comptable Je considère que ta conduite constitue une prise de risque grave pour notre société ¿ les responsables CREE qui me transmettent tes exactions ¿ Je veux bien entendre tes propositions pour revenir dans un fonctionnement intelligent et professionnel, entre nous, mais surtout avec le personnel, car je réitère mon message d'alarme en face de ton comportement au sein de la société.- les comportements menaçants à l'encontre de M. Y... par Mme X...pour qu'il accepte ses critiques et suggestions. mail du 18 octobre 2009 " Je te demande de relire ce mail de toi et de le faire avant mercredi prochain, avant que ceux qui nous conseillent ne me somment de mettre en place une démarche administrative, ou toi, mais aussi moi, comme tout le personnel de C. R. E. E ne sortiraient pas grandi ". mail du 19 octobre 2009 " Sinon chacun va sortir son arme de guerre et tout C. R. E. E en crèvera " ; de manière générale, la Cour a pris également connaissance des très nombreuses attestations des salariés et des clients de la société C. R. E. E qui se sont mobilisés pour stigmatiser le manque de correction et de respect de Mme X... vis à vis de M. Y..., les liens de subordination étant mêmes inversés selon certains, l'ego démesuré de la salariée, la détérioration de l'ambiance au sein de l'entreprise, certains clients attestant même avoir remis en cause leur collaboration avec la société C. R. E. E en raison de l'attitude de sa directrice ; en conclusion, la Cour estime que les critiques, menaces ou comportements de Mme X... vis à vis de M. Y..., son supérieur hiérarchique, Président de la société C. R. E. E, vont bien au-delà la liberté d'expression dans l'entreprise d'une salariée, duquel il était attendu, comme le stipule le contrat de travail, une collaboration confiante, loyale et harmonieuse et sont bien constitutifs de fautes graves ; il convient donc d'infirmer la décision des premiers juges et de dire que le licenciement de Mme Sylvie X... repose bien sur des fautes graves, celle-ci étant déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS QUE le comportement du salarié doit être apprécié en fonction du contexte et que l'employeur ne peut pas reprocher à un salarié un comportement qu'il a lui-même provoqué ; que la cour d'appel a considéré que le comportement de la salarié justifiait son licenciement pour faute grave ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que Monsieur Y..., Président, était également directeur commercial et qu'en cette qualité, il se considérait comme étant sous la subordination de Madame X..., que leurs rapports étaient restés identiques pendant près de quatre ans, que l'employeur avait lui-même favorisé, encouragé et provoqué la situation en instituant le tutoiement, en s'épanchant sur ses malheurs professionnels et privés et en faisant de sa salariée une sorte de tutrice à qui il demandait de corriger son comportement si nécessaire, de relire et de modifier tous ses courriers et de valider toutes ses rencontres avec les clients, qu'il lui avait toujours manifesté sa satisfaction et sa totale confiance et l'avait remerciée de l'avoir « secoué », tandis qu'elle avait agi pour le faire réagir à une situation critique, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1121-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail.
Et ALORS QUE sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que la cour d'appel a considéré que la salariée avait abusé de son droit d'expression et commis une faute grave ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever l'existence de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a violé les articles L 1121-1, L 1232-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demandes tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire, et de l ¿ avoir condamnée à verser à la SARL C. R. E. E la somme de 2000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
AUX MOTIFS énoncés au deuxième moyen :
ALORS QUE même lorsqu'il est prononcé en raison d'une faute grave, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; que la cour d'appel, après avoir considéré que le licenciement de la salariée reposait sur des fautes graves, a rejeté l'intégralité de ses demandes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la salariée le licenciement n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11015
Date de la décision : 08/07/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 19 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2015, pourvoi n°14-11015


Composition du Tribunal
Président : M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11015
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