LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 mars 2014), que le 20 mai 2006, la société civile immobilière 20 place de la Fontaine chaude (la SCI) a entrepris la rénovation d'un immeuble lui appartenant, sous la maîtrise d'oeuvre de la société d'architectes Philippe X... et Associés (la société X...), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (MAF), et a chargé des travaux, la société Sud maçonnerie aménagement rénovation (SMAR) qui a abandonné le chantier en juillet 2006 avant d'être placée en liquidation judiciaire le 20 avril 2007 ; que la SCI a assigné l'architecte et son assureur en indemnisation ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires et de la condamner à payer à la société X... un solde d'honoraires alors, selon le moyen :
1°/ que l'architecte, tenu d'un devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage pendant toute la durée de sa mission, a l'obligation de concevoir un projet réalisable et de s'assurer de sa faisabilité au regard de l'offre proposée par l'entrepreneur chargé de sa réalisation ; qu'en déclarant qu'aucun manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles n'était caractérisé au stade du lancement du projet de rénovation en 2006 après avoir cependant constaté, par motifs propres et adoptés, que ce professionnel assumait alors une mission complète de maîtrise d'oeuvre et que le « chantier de rénovation lourde avait été insuffisamment évalué par la société SMAR », ce dont il résultait que l'architecte, tenu de s'assurer de la faisabilité du projet, avait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de mettre en garde le maître de l'ouvrage quant au risque de non achèvement des travaux qui avaient été sous-évalués par l'entrepreneur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que l'architecte qui conseille le choix d'un entrepreneur au maître de l'ouvrage, est tenu de vérifier son aptitude à réaliser le chantier ainsi que sa solvabilité ; qu'en écartant toute responsabilité de l'architecte pour avoir conseillé au maître de l'ouvrage le choix de la SARL SMAR au motif adopté « qu'il est difficile d'évaluer a priori la qualité et le sérieux d'un professionnel et qu'il est de même difficile d'évaluer la santé financière d'une entreprise », quand ce professionnel était tenu de s'assurer de l'aptitude de l'entrepreneur qu'il recommandait à assumer seul un « chantier de rénovation lourde », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que l'architecte est tenu d'indemniser le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles ; qu'en déclarant que le maître de l'ouvrage était tenu de supporter le coût supplémentaire engendré par la nouvelle consultation qu'a dû effectuer l'architecte pour évaluer les travaux nécessaires à la reprise de la rénovation de l'immeuble, quand cette seconde étude ne s'imposait qu'en raison des carences de l'architecte dans l'établissement du projet initial et, partant, ne pouvait être mise à la charge du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que le chantier avait été arrêté en raison de la carence de la société SMAR et de son placement en liquidation judiciaire, que l'existence de la faute alléguée de l'architecte dans le choix de cette entreprise n'était étayée par aucun élément précis, que celui-ci s'était chargé de contacter de nouvelles entreprises pour terminer les travaux, exempts de désordres ou de malfaçons, et que le retard constaté dans ces conditions n'était pas anormal, la cour d'appel a pu en déduire, que le maître de l'ouvrage ne rapportait pas la preuve d'une faute quelconque de l'architecte et devait prendre à sa charge le coût des honoraires supplémentaires justifiés par la défaillance de la société SMAR ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI 20 place de la Fontaine chaude aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI 20 place de la Fontaine chaude à payer à la Mutuelle des architectes français la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la SCI 20 place de la Fontaine chaude ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société 20 place de la Fontaine chaude.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI de la Fontaine Chaude de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société X... et de l'avoir condamnée à payer à la société X... et associés la somme de 10.894,93 ¿ au titre du solde des honoraires ;
aux motifs que les conclusions du rapport d'expertise de M. Y... du 22-23 novembre 2010 ont été prises après établissement d'un pré-rapport et réponses aux 6 dires de la SCI 20 place de la Fontaine Chaude ; qu'il en résulte que :
Le marché de travaux initial a été signé le 20 mai 2006 entre la SCI 20 place de la Fontaine Chaude et la SARL SMAR, les travaux comprenaient deux phases, la rénovation du commerce du rez-de-chaussée d'une part et la rénovation des étages d'autre part ; que le début des travaux était fixé au 29 mai 2006 avec un achèvement de la première phase le 13 juillet 2006 et de la seconde phase le 31 octobre 2006 ; que le chantier a été arrêté suite à la carence de l'entreprise SMAR en juillet 2006 et à son placement en liquidation judiciaire le 20 avril 2007 ;
Ainsi que cela a déjà été rappelé, le contrat d'architecte a été passé le 14 juin 2007, M. X... s'est alors chargé de contacter de nouvelles entreprises et a procédé à une deuxième ouverture du chantier le 5 Juillet 2007, les travaux qui devaient se terminer le 5 décembre 2007 ont été réceptionnés le 19 mai 2008 ;
- lors de la réunion d'expertise du 21 janvier 2010, l'expert et les parties ont constaté qu'il n'y avait aucun désordre sur les deux appartements ;
- l'expert a considéré que, dans ce contexte, le retard de 5 mois ne paraissait ni anormal ni exorbitant ; que si des retards devaient être pris en compte, le préjudice global serait de 5.750 ¿ pour cinq mois eu égard à la valeur locative des appartements dont le coût a très peu évolué ; que le préjudice relatif à la baisse de valeur vénale chiffré à 23.500 ¿ ne peut pas se cumuler avec le préjudice locatif subi au titre du retard de chantier ; qu'il y a eu des frais supplémentaires de location estimés à 4.000 ¿, des frais supplémentaires de garde-meubles à 800 ¿, le préjudice au titre de l'augmentation du coût global de l'opération porte sur la somme de 33.818 ¿ générée par des travaux supplémentaires, le changement d'entreprise de gros oeuvre, la lourdeur de certains travaux de rénovation, le raccordement au réseau se chiffre à 8.355 ¿ et le coût des travaux supplémentaires serait de 18.300 ¿ ; qu'ils sont considérés comme normaux par l'expert eu égard à l'ancienneté de l'immeuble et à la nature des travaux réalisés ;
qu'il convient de rappeler, compte tenu de sa mission initiale qui était de vérifier les désordres, malfaçons, inachèvement de travaux allégués par la SCI 20 place de la Fontaine Chaude, que l'expert a formellement conclu après une analysé détaillée de chaque poste que tous les travaux avaient été faits et qu'il n'y avait plus aucun désordre, que toutes les réserves avaient été levées et que, de ce fait, de nombreux points de sa mission devenaient sans objet ; que l'expert a rappelé à juste titre que les contrats passés avec les entreprises de travaux, sous le contrôle du maître d'oeuvre, ne prévoyaient aucune durée d'exécution ; qu'en ce qui concerne les conventions passées pour la reprise des désordres, elles ne prévoyaient aucun délai ; que l'expert, qui a constaté un retard de livraison de 5 mois, a conclu au caractère normal d'un tel retard ; qu'en outre, la cour peut constater qu'aucune disposition contractuelle ne permet d'imputer ce retard à faute à l'architecte Philippe X... ; qu'il est important de rappeler à cet égard que, dans le contexte de la reprise d'un chantier de rénovation lourde, insuffisamment évalué par la société SMAR, les entreprises choisies par le maître d'oeuvre Philippe X... ont finalement délivré des travaux totalement exempts de désordres ou malfaçons, ce qui a entraîné la levée de toutes les réserves par le maître de l'ouvrage ; qu'il en résulte que le maître de l'ouvrage ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice occasionné par un retard de livraison du chantier imputable au maître d'oeuvre Philippe X... ; que le maître de l'ouvrage ne saurait reprocher au maître d'oeuvre le retard consécutif au dépôt de bilan de l'entreprise de maçonnerie SMAR avec laquelle la SCI 20 place de la Fontaine Chaude avait initialement contracté ; que la SCI 20 place de la Fontaine Chaude ne rapporte pas la preuve d'une faute quelconque de l'architecte dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles ; que c'est à juste titre que l'architecte a rappelé qu'après la défaillance de cette entreprise et à sa liquidation judiciaire, il a fallu refaire tout le travail d'état des lieux et lancer de nouveaux appels d'offres, ce qui a nécessairement un coût ; qu'en ce qui concerne les différences alléguées par le maître de l'ouvrage dans les comptes généraux qui correspondraient soit à des sur facturations, soit à des travaux facturés mais non réalisés, l'expert a relevé que la SCI maître de l'ouvrage ne précisait en aucune façon la nature des travaux dont il s'agit, qu'il n'est pas démontré que des travaux supplémentaires aient été indûment mis à la charge de cette société civile ; qu'en outre, les conclusions de l'expert concernant la qualité de l'achèvement des travaux et l'absence de réserves démontrent que tous les travaux prévus ont été réalisés de sorte que la réclamation de la SCI de ce chef ne saurait prospérer ; qu'il y a donc lieu de débouter la SCI 20 place de la Fontaine Chaude de l'ensemble de ses demandes ; qu'il est constant que le montant des honoraires de la société d'architectes
X...
s'élève à la somme de 14.223,60 ¿ TTC, soit 9 % du montant final des travaux réellement effectués ; que la SCI 20 place de la Fontaine Chaude, qui conteste devoir quelque somme que ce soit, n'a cependant réglé qu'une somme de 4.884,06 ¿ HT à titre d'acompte, ce qui fait 5.152,68 ¿ TTC ; qu'il s'ensuit qu'elle reste redevable de la somme de 9.070,92 ¿ dont il convient de déduire un trop-perçu de TVA sur acompte précédent de 688,65 ¿ ; que, par conséquent la note d'honoraires n° 2 pour solde du montant de 8.3382,27 ¿ est due ; que le paiement de cette somme sera ordonné en deniers ou quittances pour éviter toute difficulté à cet égard ; que la nouvelle consultation effectuée par la société d'architectes à la suite de la carence de la société SMAR a engendré un coût supplémentaire de 2.467,56 ¿ qui sont dus par le maître de l'ouvrage à l'architecte ;
et aux motifs adoptés que la SCI soutient que la société X... a commis une faute en choisissant la société SMAR implantée dans le sud-est de la France et avec laquelle elle n'aurait jamais travaillé auparavant ; que l'expert relève qu'il est difficile d'évaluer a priori la qualité et le sérieux d'un professionnel et qu'il est de même difficile d'évaluer la santé financière d'une entreprise et donc de l'écarter pour ce motif ; qu'il conclut qu'il n'apparaît pas que la responsabilité du maître d'oeuvre soit à rechercher sur ce point ; que l'expert précise en outre que le retard du chantier ne présente pas de caractère anormal ou exorbitant ¿'compte tenu du contexte (2006) et des différents événements'' ; qu'il n'est ainsi pas établi que la défaillance de la société SMAR et le retard dans l'achèvement des travaux soient liés à une faute de la société X... ; qu'il ressort en outre des pièces produites comme des travaux de l'expert que les réunions de chantier ont été organisées et que l'architecte justifie suffisamment de l'exécution de sa mission ;
1°) alors que, d'une part, l'architecte, tenu d'un devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage pendant toute la durée de sa mission, a l'obligation de concevoir un projet réalisable et de s'assurer de sa faisabilité au regard de l'offre proposée par l'entrepreneur chargé de sa réalisation ; qu'en déclarant qu'aucun manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles n'était caractérisé au stade du lancement du projet de rénovation en 2006 après avoir cependant constaté, par motifs propres et adoptés, que ce professionnel assumait alors une mission complète de maîtrise d'oeuvre et que le « chantier de rénovation lourde avait été insuffisamment évalué par la société SMAR » (arrêt, p. 5), ce dont il résultait que l'architecte, tenu de s'assurer de la faisabilité du projet, avait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de mettre en garde le maître de l'ouvrage quant au risque de non achèvement des travaux qui avaient été sous-évalués par l'entrepreneur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil ;
2°) alors que, d'autre part, l'architecte qui conseille le choix d'un entrepreneur au maître de l'ouvrage, est tenu de vérifier son aptitude à réaliser le chantier ainsi que sa solvabilité ; qu'en écartant toute responsabilité de l'architecte pour avoir conseillé au maître de l'ouvrage le choix de la SARL SMAR au motif adopté « qu'il est difficile d'évaluer a priori la qualité et le sérieux d'un professionnel et qu'il est de même difficile d'évaluer la santé financière d'une entreprise » (jugement, p. 4), quand ce professionnel était tenu de s'assurer de l'aptitude de l'entrepreneur qu'il recommandait à assumer seul un « chantier de rénovation lourde » (arrêt, p. 5), la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;
3°) alors que, enfin, l'architecte est tenu d'indemniser le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles ; qu'en déclarant que le maître de l'ouvrage était tenu de supporter le coût supplémentaire engendré par la nouvelle consultation qu'a dû effectuer l'architecte pour évaluer les travaux nécessaires à la reprise de la rénovation de l'immeuble, quand cette seconde étude ne s'imposait qu'en raison des carences de l'architecte dans l'établissement du projet initial et, partant, ne pouvait être mise à la charge du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil.