LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 14 septembre 1992, par la société Jules Roy, aux droits de laquelle vient la société Schenker, commissionnaire en douane agréé, exerçant en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe, a, après mise à pied conservatoire, été licencié par lettre du 26 mars 2010 pour faute grave ;
Attendu que pour dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'employeur à payer au salarié des dommages-intérêts, un rappel de salaire et les indemnités de rupture, l'arrêt retient que si ce dernier a emporté hors de l'entreprise des embouts de perçeuse appartenant à une société en dépôt de bilan et destinés à la destruction, il a agi avec l'autorisation de son supérieur hiérarchique, chef de quai, et sans prendre la précaution de se dissimuler alors qu'il savait que les lieux faisaient l'objet d'une vidéo-surveillance, de sorte qu'il en résulte un doute sur les pratiques en vigueur dans la société et que ce doute doit profiter au salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le fait qu'une infraction a été commise par un salarié avec l'autorisation d'un supérieur hiérarchique ne retire pas à ses agissements leur caractère fautif et alors que l'appréhension de marchandises sous douane même destinées à la destruction par un salarié travaillant pour le compte d'un commissionnaire en douane, susceptible de faire perdre son agrément à cet employeur, constitue une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Schenker
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... ne reposait pas sur une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse et, d'AVOIR condamné la société SCHENKER à lui verser les sommes de 34.000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.442 ¿ de rappel de salaire au titre de sa période de mise à pied, 4.738 ¿ à titre d'indemnité de préavis, 128,34 ¿ de rappel prorata temporis de prime de vacances, 367,79 ¿ de rappel de prime de 13e mois, 668 ¿ de rappel de congés payés, 13.783 ¿ d'indemnité conventionnelle de licenciement et 2.000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant du vol d'embouts de perceuse, M. X... soutient qu'il a été autorisé par son supérieur hiérarchique, Monsieur Jean-Dominique X... son frère, à emporter des embouts de perceuse hors de l'entreprise ; qu'il précise que les marchandises en cause appartenaient à une société en dépôt de bilan et qu'elles étaient destinées à la destruction ; que les captures d'images des enregistrements opérés les 4 et 5 mars dans l'entrepôt, dont le salarié ne soutient pas qu'ils aient été illicites, établissent que M. Jean-Dominique X... le 4 mars à 17h45 a sorti deux boîtes d'un carton puis les a remis et que le lendemain à 19h il les a ressortis en présence de son frère FRANCK et que chacun est reparti séparément avec une boîte qu'il a ensuite sortie de l'entreprise dans un sac de voyage ; que la seule circonstance que M. Jean-Dominique X... ait sorti les boîtes un jour et les ai finalement pris le lendemain ne suffit pas à caractériser la volonté de dissimulation que lui impute son employeur ; qu'au surplus, alors que lui et son frère ne pouvaient ignorer que les entrepôts étaient étroitement surveillés par des caméras ni l'un ni l'autre n'a pris la précaution de les cacher en se déplaçant dans l'entrepôt ; que ces faits objectifs permettent de retenir l'attestation de M. Jean-Dominique X... qui affirme qu'il a autorisé son frère à emporter une boîte d'embouts de perceuses qui devaient être détruites et que Monsieur Y... était au courant ; que les faits de l'espèce laissant planer un doute sur les pratiques en vigueur dans la société, doute qui, en application de l'article L. 1235-1 du Code du travail, doit profiter au salarié, ce grief n'est pas établi ; que s'agissant des flacons de parfum récupérés dans l'entrepôt, Monsieur X... ne conteste pas les faits eux-mêmes ; que la société SCHENKER affirme sans le démontrer que M. Z... et M. A..., qui témoignent de ce que le 5 mars 2010, M. X... a été sollicité par deux autres salariés pour acheter à un chauffeur de passage des parfums et de ce qu'ils ont fait la transaction à trois n'étaient pas présents lors des faits ; qu'elle ne dément pas que les autres deux salariés, eux, n'ont pas été sanctionnés ; que la note du 12 janvier 2010 communiquée par l'employeur vise l'approvisionnement en tabac et/ou alcool en provenance de l'étranger auprès de conducteurs routiers dans l'enceinte de l'entreprise et informe le personnel que « tout salarié impliqué dans de pareils agissements interdits par la loi sera poursuivi sur le terrain disciplinaire indépendamment des poursuites que pourraient diligenter l'administration des douanes ou la police » ; que Monsieur X... est donc fondé à se prévaloir de ce que les parfums ne sont pas expressément visés par cette note ; que ce grief n'étant pas non plus établi il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
1°) ALORS QUE l'appréhension de marchandises « sous douane » par un salarié travaillant pour le compte d'un commissionnaire en douane constitue une faute d'une particulière gravité en ce qu'elle est susceptible de faire perdre son agrément à l'entreprise, peu important que les marchandises aient été destinées à la destruction ; que l'interdiction de s'approprier les marchandises sous douane est intrinsèque à l'activité de commissionnaire en douane et ne peut jamais faire l'objet de dérogation ni de tolérance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il était établi que Monsieur Franck X... était parti avec un colis placé sous douane qui ne lui appartenait pas ; qu'en considérant qu'il n'avait cependant pas commis de faute au motif qu'il prétendait que son frère et supérieur hiérarchique, Monsieur Jean-Dominique X..., l'aurait autorisé à s'approprier ces biens, cependant qu'il ne pouvait ignorer qu'une telle « pratique » était nécessairement interdite et sans constater que Monsieur X... pouvait légitimement penser, malgré son ancienneté dans l'entreprise et les nombreuses notes de service en ce sens, que son frère, qui était simple chef de quai, avait le pouvoir de s'approprier et de disposer librement de biens « sous douanes », appartenant à un client de la société SCHENKER et entreposés dans ses locaux en sa qualité de commissionnaire en douanes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE le doute ne peut profiter au salarié que s'il est établi et incompressible, c'est-à-dire lorsque les juges du fond sont dans l'incapacité de trancher entre les thèses des deux parties ; qu'en l'espèce, en affirmant que le doute « sur les pratiques de l'entreprise » devait profiter à Monsieur Franck X..., sans caractériser aucun élément permettant de penser que le vol, expressément prohibé par le règlement intérieur de l'entreprise, et la libre disposition de biens détenus par la société SCHENKER en qualité de commissionnaire agréé en douanes, aient pu être considérés, bien qu'illicites et incompatibles avec les exigences de l'exercice de l'activité de commissionnaire en douanes, comme une « pratique » de l'entreprise et, partant, qu'un doute incompressible existait sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du Code du travail, ensemble l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE le fait pour un salarié de pratiquer des trafics à titre personnel dans les locaux d'une société commissionnaire en douanes constitue une faute justifiant son licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté toute faute de Monsieur X... dans le trafic de parfums auquel il se livrait dans l'entreprise par le fait qu'une note de service du 12 janvier 2010 n'avait pas expressément rappelé l'interdiction des trafics d'alcool et de cigarettes ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne suffisant pas à justifier la légitimité du trafic de parfums, qui ne pouvait s'accommoder des exigences liées à l'exercice de l'activité de commissionnaire en douanes, la cour d'appel privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du Code du travail ;
4°) ALORS QUE l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires, sanctionner différemment des salariés ayant commis une faute semblable ; qu'en se fondant sur le fait que certains salariés ayant participé au trafic de parfum n'avaient pas été sanctionnés, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1235-1 et L.1331-1 du Code du travail.