LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 juin 2013), que M. X... et Mme Y... ont acquis une villa en indivision qu'ils ont convenu de vendre après leur séparation ; qu'un jugement du 20 avril 2010 a dit que la vente à M. X... des parts indivises de Mme Y... était parfaite, a condamné M. X... à lui en payer le prix et a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme Y... fondée sur les loyers qu'elle avait dû payer ; que Mme Y... a assigné M. X... pour obtenir l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision et sa condamnation à verser une indemnité d'occupation de l'immeuble indivis ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire qu'il était redevable de diverses sommes au titre d'une indemnité d'occupation et qu'il devait être tenu compte des créances correspondant à des échéances réglées sur l'emprunt grevant le bien immobilier en indivision et à des travaux sur le bien immobilier indivis financés par Mme Y... avec ses propres deniers, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que la demande de l'indivisaire évincé de l'immeuble indivis ayant pour objet les conséquences de la privation de jouissance qui en résulte constitue toujours la même demande, peu importe à cet égard que le demandeur invoque comme fondement la jouissance exclusive de l'autre indivisaire et, par suite, le paiement d'une indemnité d'occupation ou, à l'inverse, l'absence de jouissance qu'il a lui-même subie et, par suite, l'indemnisation des frais de logement qu'il a lui-même exposé ; qu'il s'ensuit qu'un indivisaire évincé de l'immeuble indivis doit, dès l'instance relative à la première demande, faire valoir à la fois son droit à indemnisation des loyers en raison de son éviction et l'indemnité d'occupation due par l'autre indivisaire ayant occupé à titre exclusif ledit immeuble ; que, faute de l'avoir fait, l'indivisaire ne peut être admis à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que sa demande se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ; qu'au cas présent, Mme Y... avait réclamé, lors d'une première instance, l'indemnisation, par M. X..., des loyers qu'elle aurait exposé en raison de l'occupation exclusive de l'immeuble indivis dont aurait jouit M. X... ; que, par jugement du 20 avril 2010, passé en force de chose jugée, le tribunal de grande instance de Grasse a débouté Mme Y... de cette demande ; que l'autorité attachée à la chose jugée s'opposait à ce que Mme Y... formule à nouveau des demandes tendant à la voir indemniser des conséquences de la privation de jouissance qu'elle alléguait, fussent-elles fondées sur un autre moyen, réclamant désormais une indemnité d'occupation ; qu'en écartant l'autorité de chose jugée au motif que la demande d'indemnité d'occupation n'aurait pas le même objet que la demande en dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'il en va ainsi même lorsque, à défaut d'acte authentique signé des parties, le juge est conduit à constater judiciairement la vente ; qu'il en résulte que lorsqu'un jugement constate judiciairement l'accord des parties sur la chose et le prix et dit, dans son dispositif, la vente parfaite, sans fixer de date au transfert de propriété, ladite date doit être fixée au moment de l'accord des parties sur la chose et le prix ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, dans un jugement passé en force de chose jugée rendu le 20 avril 2010, le tribunal de grande instance de Grasse a dit la vente parfaite sans fixer de date à l'accord des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel en a déduit qu'il n'y aurait pas lieu de faire « remonter » les effets de cette vente à une date antérieure et a, par suite, fait courir l'indemnité d'occupation jusqu'en août 2010, date à laquelle le notaire a dressé l'instrumentum constatant la vente ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ainsi qu'il le lui était demandé, à quelle date les parties s'étaient mises d'accord sur la chose et le prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1583 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que la demande de dommages-intérêts de Mme Y... avait été rejetée par le jugement du 20 avril 2010 en l'absence de démonstration d'une faute commise par M. X..., relevé que la notion d'indemnité d'occupation, qui ne se rapportait pas à la faute ni à la nécessité pour l'indivisaire qui n'habite plus le bien de payer un loyer, était distincte et résultait du fait que l'autre indivisaire usait ou jouissait privativement de la chose indivise et retenu que les pièces versées par M. X... étaient insuffisantes à établir que la vente était parfaite dès le 16 janvier 2008, l'offre de M. X... étant formulée sous réserve de l'obtention d'un crédit qui n'a été demandé qu'en janvier 2010, la cour d'appel, devant laquelle il était seulement soutenu que les effets de la vente devaient remonter au 16 janvier 2008 ou au 17 mars 2008, date de l'assignation délivrée à Mme Y..., a pu, sans méconnaître l'autorité attachée au jugement du 20 avril 2010, en déduire que M. X... était redevable d'une indemnité d'occupation du mois de février 2008 au mois d'août 2010 ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que M. X... est redevable envers Mme Y... au titre de l'indemnité d'occupation des sommes suivantes : décembre 2006 à décembre 2007 : 9.600 ¿, février 2008 à août 2010 : 24.000 ¿ et en ce qu'il a dit qu'il doit être tenu compte des créances suivantes d'ores et déjà établies : M. X... est redevable d'une somme de 9.146,91 ¿ correspondant à des échéances réglées sur l'emprunt grevant le bien immobilier en indivision et de la somme de 8.915,96 ¿ correspondant à des travaux que Mme Y... a financés avec ses propres deniers sur le bien immobilier indivis ;
Aux motifs propres que « sur la demande d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre les parties, Monsieur X... fait valoir pour s'y opposer que Madame Y... y a renoncé dès lors que dans l'assignation délivrée le 03 mars 2008, celle-ci a formulé la demande suivante : "si l'immeuble est licité au profit de l'un des co-indivisaires cette licitation vaudra partage total et définitif de l'indivision", et qu'elle a en outre perçu 50 000 euros de plus que ce qu'elle proposait dans son assignation ; que cependant, ainsi que l'a relevé le tribunal, Madame Y... n'a pas eu un comportement sans équivoque qui permettrait de dire qu'elle a effectivement renoncé à son droit de demander l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, puisque, dans son assignation en licitation partage, elle n'a envisagé de clause relative au fait que la licitation vaudrait partage total et définitif, que dans l'hypothèse particulière où le bien serait vendu aux enchères, alors que le bien n'a pas été vendu aux enchères et n'a pas fait l'objet de la rédaction d'un cahier des charges et que, selon conclusions signifiées le 12 janvier 2010, Madame Y..., tout en maintenant à l'époque sa demande de licitation partage, a indiqué expressément qu'elle enlevait de son dispositif la demande spéciale concernant la clause du cahier des charges litigieuse, exposant que cette clause relevait d'une erreur, le fait qu'elle ait sollicité une mise à prix de 600.000 euros avant de vendre sa part 35.0000 euros à son ancien concubin étant par ailleurs sans lien avec l'existence d'un intérêt à agir en partage, et cette cession de parts n'étant qu'une opération préliminaire au partage ; que cette fin de non recevoir doit en conséquence être écartée ; que Monsieur X... soutient qu'en matière d'indivision, les demandes formulées par les indivisaires se prescrivent par cinq ans ; que la prescription quinquennale prévue par l'article 815-10 alinéa 3 du Code civil ne concerne cependant que les fruits et revenus, auquel il convient d'assimiler l'indemnité d'occupation privative, et que ce moyen ne pourrait être retenu que pour l'indemnité d'occupation sollicitée par Madame Y..., sauf que les périodes à compter de décembre 2006 pour lesquelles elle a été demandée dès février 2011 ne tombent pas sous le coup de la prescription quinquennale ; que ce moyen ne peut en conséquence prospérer ; que, sur l'indemnité d'occupation réclamée par Madame Y..., cette demande n'a pas le même objet que la demande en dommages et intérêts "en considération des loyers qu'elle a dû payer" que celle-ci avait présentée au cours d'une précédente instance et que le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée doit être rejeté ; qu'aux termes de l'article 815-9 du Code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose louée est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; que c'est ainsi à bon droit, et par des motifs pertinents que la Cour adopte, qu'après avoir relevé que la preuve d'un accord n'était pas rapportée, et que le jugement du 20 avril 2010 avait dit que la vente des parts indivises de Madame Y... était parfaite, sans faire remonter toutefois les effets de cette vente à une date antérieure, le tribunal a estimé que Monsieur X... était redevable d'une indemnité d'occupation qu'il a exactement évaluée, au vu des éléments qui lui étaient soumis, à 800 euros par mois pour la période du 02 décembre 2006 à décembre 2007, puis pour la période de février 2008 à août 2010, l'acte de vente des parts ayant été reçu en septembre 2010 par la SCP MOUZON R1CARD MALHEN GODEFROY JACQUOT » (arrêt, p. 3) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que «à la lecture du jugement du 20 avril 2010, il apparaît que la demande en dommages et intérêts a été rejetée en l'absence de démonstration d'une faute commise par M. X... ; que la notion d'indemnité d'occupation est distincte, elle ne se rapporte pas à la faute, ni à la nécessité pour l'indivisaire qui n'habite plus le bien de « payer un loyer », elle résulte seulement du fait qu'un indivisaire use ou jouit privativement de la chose indivise (article 815-9 du code civil) ; que toutefois cette indemnité est due, « sauf convention contraire » ; qu'en l'espèce, Monsieur X... invoque une convention ; qu'il ne verse toutefois aucune pièce à cet égard ; que Mme Y... verse quant à elle une convention en date du 1er mars 2007 dans laquelle M. X... s'engage notamment à entretenir la propriété et à en assumer les charges ; qu'à aucun moment il n'est question d'indemnité d'occupation, ou d'accord pour que l'occupation privative de l'un ou l'autre, ne donne pas lieu au paiement d'une indemnité d'occupation ; que les termes de cette convention ne permettent même pas de retenir l'existence d'un accord tacite à cet égard ; que M. X... qui ne conteste pas sérieusement l'occupation privative par lui du bien indivis jusqu'au mois de décembre 2007, est donc redevable d'une indemnité d'occupation pour la période du 2 décembre 2006 à décembre 2007 ; qu'il conteste l'occupation privative pour la période suivante, et justifie avoir adressé par la voix de son conseil, une lettre recommandée avec accusée réception le 4 janvier 2008 à Mme Y... par laquelle il indiquait avoir eu la surprise de découvrir qu'elle avait changé les serrures ; qu'il y a lieu de considérer que pour la période allant de décembre 2007 au mois de février 2008, l'occupation privative donnant naissance à une créance indemnité d'occupation, n'est pas établie ; que pour la période postérieure, il y a lieu de constater que dans sa décision du 20 avril 2010 le tribunal a fait droit à la demande de M. X... tendant à voir juger que la vente des parts indivises de Mme Y... était parfaite, sans faire remonter toutefois les effets de cette vente à une date antérieure ; que les pièces versées aux débats par Monsieur X... sont en outre insuffisantes à établir que la vente était parfaite dès le mois de janvier 2008 ; qu'en effet en janvier 2008 le conseil de M. X... a indiqué à son contradicteur que M. X... était d'accord pour acheter la part de Mme Y... « sous réserve de l'obtention d'un crédit » ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que ce crédit n'a été sollicité qu'en janvier 2010 ; que dès lors il y a lieu de juger que M. X... est redevable d'une indemnité pour la période de février 2008 à aout 2010 ; que Mme Y... sollicite une indemnité d'occupation de 1250 ¿ mensuelle, « la valeur locative étant de 2 500 E par mois », selon elle ; qu'elle produit à l'appui de cette demande une attestation d'un agent immobilier « ORPI » ; que M. X... conteste cette évaluation, mais ne verse aux débats aucune pièce de nature à la contredire ; que compte tenu des caractéristiques du bien, et du fait également qu'une indemnité d'occupation n'a pas pour seule base l'évaluation la valeur locative (compte tenu notamment de la précarité de l'occupation), la somme de 800 ¿ mensuelle sera due par M. X... à Mme Y... au titre de l'indemnité d'occupation pour les périodes suivantes : Décembre 2006 à décembre 2007: 12 mois, soit 9 600 ¿ ; février 2008 à aout 2010 : 30 mois soit 24 000 ¿ » (jugement, p. 9-10) ;
1°) Alors qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que la demande de l'indivisaire évincé de l'immeuble indivis ayant pour objet les conséquences de la privation de jouissance qui en résulte constitue toujours la même demande, peu importe à cet égard que le demandeur invoque comme fondement la jouissance exclusive de l'autre indivisaire et, par suite, le paiement d'une indemnité d'occupation ou, à l'inverse, l'absence de jouissance qu'il a lui-même subie et, par suite, l'indemnisation des frais de logement qu'il a lui-même exposé ; qu'il s'ensuit qu'un indivisaire évincé de l'immeuble indivis doit, dès l'instance relative à la première demande, faire valoir à la fois son droit à indemnisation des loyers en raison de son éviction et l'indemnité d'occupation due par l'autre indivisaire ayant occupé à titre exclusif ledit immeuble ; que, faute de l'avoir fait, l'indivisaire ne peut être admis à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que sa demande se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ; qu'au cas présent, Mme Y... avait réclamé, lors d'une première instance, l'indemnisation, par M. X..., des loyers qu'elle aurait exposé en raison de l'occupation exclusive de l'immeuble indivis dont aurait jouit M. X... ; que, par jugement du 20 avril 2010, passé en force de chose jugée, le tribunal de grande instance de Grasse a débouté Mme Y... de cette demande ; que l'autorité attachée à la chose jugée s'opposait à ce que Mme Y... formule à nouveau des demandes tendant à la voir indemniser des conséquences de la privation de jouissance qu'elle alléguait, fussent-elles fondées sur un autre moyen, réclamant désormais une indemnité d'occupation ; qu'en écartant l'autorité de chose jugée au motif que la demande d'indemnité d'occupation n'aurait pas le même objet que la demande en dommages-intérêts (arrêt, p. 3, in fine), la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°) Alors que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'il en va ainsi même lorsque, à défaut d'acte authentique signé des parties, le juge est conduit à constater judiciairement la vente ; qu'il en résulte que lorsqu'un jugement constate judiciairement l'accord des parties sur la chose et le prix et dit, dans son dispositif, la vente parfaite, sans fixer de date au transfert de propriété, ladite date doit être fixée au moment de l'accord des parties sur la chose et le prix ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, dans un jugement passé en force de chose jugée rendu le 20 avril 2010, le tribunal de grande instance de Grasse a dit la vente parfaite sans fixer de date à l'accord des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel en a déduit qu'il n'y aurait pas lieu de faire « remonter » les effets de cette vente à une date antérieure et a, par suite, fait courir l'indemnité d'occupation jusqu'en août 2010, date à laquelle le notaire a dressé l'instrumentum constatant la vente ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ainsi qu'il le lui était demandé (conclusions d'appel X..., p. 9-10), à quelle date les parties s'étaient mises d'accord sur la chose et le prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1583 du code civil.