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01/07/2015 | FRANCE | N°13-17820

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 juillet 2015, 13-17820


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un navire appartenant à la société Compagnie maritime des Îles (la société) a heurté un appontement installé sur le domaine public maritime de la Province des Îles Loyauté ; que l'Assemblée de la Province des Îles a déféré la société devant la juridiction administrative pour contravention de grande voirie, aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer les frais de remise en état de cet ouvra

ge ; que, par arrêt du 17 juin 2010, devenu définitif, la cour administrative d'app...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un navire appartenant à la société Compagnie maritime des Îles (la société) a heurté un appontement installé sur le domaine public maritime de la Province des Îles Loyauté ; que l'Assemblée de la Province des Îles a déféré la société devant la juridiction administrative pour contravention de grande voirie, aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer les frais de remise en état de cet ouvrage ; que, par arrêt du 17 juin 2010, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la procédure de contravention de grande voirie n'avait pas été régulière et, en conséquence, a rejeté sa demande ; que l'Assemblée de la Province des Îles a saisi le juge judiciaire, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, d'une demande tendant aux mêmes fins ;
Attendu que l'arrêt déclare la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente pour connaître du litige ;
Attendu cependant que, saisi par la Cour de cassation (1re Civ., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-17.820), en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, alors en vigueur, le Tribunal des conflits a décidé, le 13 avril 2015, que la juridiction de l'ordre judiciaire était compétente pour connaître du litige ; que, conformément à l'article 11 de la loi du 24 mai 1872, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, relative au Tribunal des conflits, cette décision s'impose à toutes les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne la société Compagnie maritime des Îles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour l'Assemblée de la Province des Iles
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, au vu de l'exercice par la Province des Iles Loyauté d'une action devant les juridictions administratives pour contravention de grande voirie, déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de ses demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE si la juridiction administrative a compétence exclusive pour statuer sur les contraventions de grande voirie, il appartient à l'autorité judiciaire, en l'absence de toute poursuite administrative, de connaître, conformément au droit commun des articles 1382 et suivants du code civil, d'une action en dommages et intérêts formée contre une personne morale de droit privé en raison des dégâts occasionnés à un ouvrage public (Cass. civ., 9 janvier 1949, chambre de commerce de Marseille) ; qu'en l'espèce le Conseil d'Etat est saisi, en tant que juge de cassation, d'un recours contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui a déclaré nulle la procédure de contravention de grande voirie, engagée par la collectivité publique devant le juge administratif ; que rien ne permettant de présumer qu'un tel recours, que poursuit la collectivité publique, concomitamment à la saisine du juge judiciaire, ne puisse prospérer et une autre cour administrative d'appel se trouve saisie en tant que juge de renvoi, l'admission d'une nouvelle instance initiée par la collectivité publique devant le juge judiciaire risquerait d'aboutir à un double recours juridictionnel sur deux fondements juridiques différents, mais tendant aux mêmes fins indemnitaires ; qu'ainsi tant que le Conseil ne s'est pas prononcé, force est de constater que l'action devant la juridiction administrative, au titre de la contravention de grande voirie n'est pas éteinte, et qu'en conséquence les juridictions judiciaires ne peuvent, sans violer les règles impératives de séparation des pouvoirs, connaître de la requête de l'assemblée de la Province des Iles Loyauté sur le fondement des règles de droit commun des articles 1382 et suivants du code civil ;
1°) ALORS QUE en l'absence d'une disposition législative spéciale, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l'égard d'une personne publique ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans préciser quel texte attribuerait compétence au juge administrative pour écarter celle du juge judiciaire, saisi d'une demande d'indemnisation de la Province à l'encontre de la CMI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale à l'égard de la loi des 16-24 août 1790 ;
2°) ALORS QUE ce n'est que dans l'hypothèse où les poursuites pour contravention de grande voirie ont été concurremment et régulièrement engagées que le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur la demande formée par une personne publique tendant à l'indemnisation du dommage causé par une personne privée à une dépendance de son domaine public ; que le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat n'a aucun caractère suspensif en matière de contravention de grande voirie ; qu'en se déclarant incompétente pour statuer sur la demande en indemnisation de la Province dirigée contre la CMI, cependant qu'il résultait de ses constatations que les poursuites avaient été annulées par la cour administrative d'appel dans son arrêt du 17 juin 2010 qui demeurait exécutoire, la cour d'appel a violé la loi des 17-24 août 1790, ensemble l'article L. 4 du code de la justice administrative ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE lorsqu'une contestation sérieuse est portée sur la compétence de la juridiction judiciaire et que cette compétence dépend de l'intervention à venir d'une décision définitive du juge administratif, le juge judiciaire ne peut décliner sa compétence tant que cette décision n'est pas intervenue ; qu'il lui revient, fût-ce d'office, d'ordonner le sursis en attente de la décision dont dépend son incompétence ; qu'en se bornant à relever que le pourvoi en cassation pendant devant le Conseil d'Etat contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris était susceptible d'aboutir à la remise en cause de l'annulation des poursuites relatives à la contravention de grande voirie commise par la CMI, sans ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision à venir du Conseil d'Etat, la cour d'appel a violé les dispositions de la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 378 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-17820
Date de la décision : 01/07/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Responsabilité d'une personne privée à l'égard d'une personne publique - Conditions - Applications diverses

DOMAINE - Domaine public - Domaine public maritime - Dommage causé au domaine public maritime - Causes du dommage - Contravention de grande voirie - Portée CHOSE JUGEE - Décision dont l'autorité est invoquée - Décision d'un tribunal administratif - Portée

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l'action en responsabilité engagée par une collectivité publique à l'encontre d'une personne privée aux fins d'obtenir réparation du dommage causé à une dépendance du domaine public maritime, nonobstant le rejet par la juridiction administrative de l'action en contravention de grande voirie


Références :

loi des 16-24 août 1790

loi du 24 mai 1872

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 12 novembre 2012

Dans le même sens que :Tribunal des conflits, 13 avril 2015, Bull. 2015, T. conflits n° 10


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 jui. 2015, pourvoi n°13-17820, Bull. civ. 2016, n° 834, 1re Civ., n° 80
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 834, 1re Civ., n° 80

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Drouet
Rapporteur ?: Mme Canas
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.17820
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