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23/06/2015 | FRANCE | N°14-18419

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 juin 2015, 14-18419


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique,13 décembre 2011, n° 11-11.934), que Mme X..., qui avait, le 28 mars 2000, donné à la société Banque gestion privée Indosuez, désormais dénommée la société CA Indosuez Private Banking (la banque), mandat d'assurer la gestion d'avoirs qu'elle détenait dans un plan d'épargne en actions, a révoqué ce mandat après avoir constaté la diminuti

on de la valeur de son portefeuille ; que reprochant à la banque d'avoir manqué ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique,13 décembre 2011, n° 11-11.934), que Mme X..., qui avait, le 28 mars 2000, donné à la société Banque gestion privée Indosuez, désormais dénommée la société CA Indosuez Private Banking (la banque), mandat d'assurer la gestion d'avoirs qu'elle détenait dans un plan d'épargne en actions, a révoqué ce mandat après avoir constaté la diminution de la valeur de son portefeuille ; que reprochant à la banque d'avoir manqué à son obligation d'information, elle l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard de son client non averti sur les risques des opérations boursières ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour la période postérieure à l'entrée en vigueur du contrat conclu entre Mme X... et la société BGPI, à relever que cette dernière avait commis des manquements à son obligation d'information telle qu'elle avait été strictement définie par les termes du contrat sans rechercher si, outre le manquement aux obligations contractuelles expresses ainsi clairement établie, elle n'avait pas, pendant cette même période, également manqué à l'égard de sa cliente à son obligation, générale, d'information, de conseil et de mise en garde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le juge ne saurait refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe ; que, si le dommage subi consiste en une perte de chance, il incombe seulement à la victime de préciser à quel montant elle évalue ses différents préjudices, l'office du juge consistant, alors, à en apprécier le bien-fondé et à déterminer la fraction de ces préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter ; que, dès lors, en l'espèce, en se fondant sur les seules considérations tirées de ce que Mme X... ni ne prouvait avoir subi un préjudice certain ni ne sollicitait expressément l'indemnisation d'une perte de chance pour refuser de lui octroyer une indemnisation, la cour d'appel, qui a pourtant relevé que le dommage qu'avait subi Mme X... devait s'analyser en une perte de chance, a méconnu son office et a violé les articles 4 et 1149 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, devant laquelle Mme X... ne soutenait pas qu'en cours d'exécution du mandat de gestion, la banque était, indépendamment des obligations contractuelles qu'il lui était reproché d'avoir méconnues, tenue d'une obligation générale d'information, de conseil et de mise en garde dont elle ne se serait pas acquittée, n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Et attendu, d'autre part, que loin de refuser d'évaluer un préjudice constaté dans son principe, la cour d'appel, après avoir énoncé que le préjudice indemnisable de Mme X... ne pourrait s'analyser que dans la perte de chance pour cette dernière d'échapper, par une décision plus judicieuse, au risque qui s'est réalisé, retient que Mme X..., qui ne démontre pas que les moins-values latentes ressortant de l'estimation d'un plan d'épargne en actions du 19 juin 2007 se sont effectivement réalisées sur la période 2000/2007, n'établit pas que ce risque s'est produit et ne justifie donc pas d'un préjudice certain ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société CA Indosuez Private Banking ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Michèle X... de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la société BANQUE GESTION PRIVEE INDOSUEZ (BGPI), aujourd'hui dénommée CA INDOSUEZ PRIVATE BANKING ;
Aux motifs que « sur le manquement à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde :
¿ Mme Michèle X... fait valoir qu'elle n'a bénéficié d'aucune étude personnalisée de sa situation et que la Banque Gestion Privée Indosuez ne s'est pas préoccupée des objectifs qu'elle poursuivait ; qu'elle a manqué à son obligation spécifique de mise en garde quant aux risques encourus, alors même qu'elle lui a confié la totalité de ses avoirs, et que des supports dépourvus de risque auraient dû être privilégiés ;
¿ qu'aux termes de l'article 19 du règlement COB n° 96-03 relatif aux règles de bonne conduite applicables au service de gestion de portefeuille, applicable aux faits de l'espèce :
« Le prestataire s'enquiert des objectifs, de l'expérience en matière d'investissement, et de la situation financière du mandant.
Les prestations proposées doivent être adaptées à la situation de ce dernier.
Les informations utiles lui sont communiquées afin de lui permettre de confier la gestion de ses actifs, ou de prendre une décision d'investissement, en toute connaissance de cause. »
¿ qu'en l'espèce, contrairement à ce que soutient la Banque Gestion Privée Indosuez, la seule référence à un entretien préalable du 8 février, dans le document intitulé « projet de gestion » établi le 11 février 2000, ne suffit pas à faire la preuve de ce qu'elle s'est enquis de la situation personnelle et patrimoniale de Mme Michèle X..., et de ses objectifs en termes d'investissement ; qu'en effet, il ne figure dans ce projet aucune mention propre à celle-ci permettant de conclure à un examen individualisé en vue de lui fournir une information adaptée ; que pas davantage le contrat de gestion ne contient quelque élément que ce soit sur la situation de l'intéressée ;
qu'il en résulte que faute de démontrer qu'elle se soit préalablement renseignée sur la situation de Mme Michèle X..., la Banque Gestion Privée Indosuez n'établit pas que l'information dispensée ait été adaptée à la situation de sa cliente, et par voie de conséquence, que celle-ci ait opté pour une gestion dynamique de son portefeuille, en toute connaissance de cause, étant observé que la circonstance que Mme Michèle X... avait ouvert son PEA dans les livres du Crédit Agricole, trois ans avant la souscription du mandat de gestion, ne suffit pas à lui conférer la qualité d'opérateur avertie ;
¿ que pour ce seul motif, un manquement de la Banque Gestion Privée Indosuez à son obligation pré-contractuelle d'information doit être retenue ; qu'il est susceptible d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil sous réserve de justifier d'un préjudice en lien de causalité direct et certain avec cette faute ;
Sur les fautes dans l'exécution du contrat :
sur les stratégies de gestion et les performances du PEA :
¿ que Mme Michèle X... reproche à la Banque Gestion Privée Indosuez d'avoir commis des fautes de gestion et manqué à ses obligations de prudence et de diligence, qui lui imposaient de ne pas prendre de risques inconsidérés et de minimiser les pertes par rapport à l'ensemble des valeurs cotées ;
qu'elle soutient que la banque s'est acharnée à privilégier les valeurs technologiques et ne lui a jamais rendu compte de sa gestion au fur et à mesure des arbitrages ou des années ;
que la Banque Gestion Privée Indosuez, qui conteste ne pas avoir informé sa cliente conformément au mandat souscrit, soutient en réponse qu'il pèse sur elle une obligation de moyens et non de résultat, et qu'elle n'est pas comptable de l'évolution boursière ;¿ que l'article 2 du mandat de gestion stipule que dans le respect de l'objectif de gestion du PEA, le mandataire dispose de toute liberté pour gérer les avoirs qui lui sont confiés ; qu'il agit au mieux des intérêts du mandant et n'est pas tenu à une obligation de résultat ; qu'en vertu de l'article 3, le mandant autorise le mandataire à effectuer de sa propre initiative toutes opérations d'investissement et de désinvestissement qu'il jugerait opportune ; qu'il doit agir au mieux des intérêts de son client ;
¿ qu'il en résulte que sous réserve de respecter l'objectif de gestion poursuivi, la Banque Gestion Privée Indosuez avait toute latitude pour choisir la nature des investissements ;
¿ qu'il ressort des pièces versées aux débats que contrairement à ce qui est soutenu, le portefeuille n'était pas principalement composé de valeurs technologiques ; que le pourcentage de valeurs de ce type, dans le PEA, était de 6,69 % au 30 avril 2007 ; que Mme X... qui mentionne des arbitrages désastreux sur ces valeurs, sans les dater ni fournir la liste des titres concernés, n'en rapporte pas la preuve ;
qu'il n'est pas non plus établi que la Banque Gestion Privée Indosuez se serait livrée à une gestion excessivement risquée ; qu'en effet Mme X... ne contredit pas utilement les conclusions de la banque selon lesquelles, au jour de la résiliation du mandat de gestion, seuls trois titres sur les trente composant le portefeuille enregistraient une moins value ;
qu'en outre, à l'effet de rendre compte de la qualité de sa gestion, la Banque Gestion Privée Indosuez compare avec pertinence les performances du PEA avec l'évolution de l'indice Dow Jones Eurostoxx 50 sur la période écoulée entre le 31 mars 2000 et le 29 juin 2007 ; qu'il en ressort une performance de ¿ 12 % pour le PEA de Mme X... et de ¿ 13,75 % pour l'indice de référence ;
¿ que si tous les investissements en actions ne comportent pas la même part de risques, du fait notamment du recours à des OPCVM (SICAV et FCP) qui permettent de nuancer fortement les niveaux de risques, il ne peut, dans l'optique d'une gestion dynamique du PEA, être reproché à la banque de n'y avoir pas recouru ; qu'il ne peut être retenu une faute dans l'exécution du mandat de gestion à ce titre ;
Sur l'information lors de l'exécution du contrat :
¿ qu'à l'article 4, il est énoncé que, outre les documents (avis d'opéré, relevés de comptes¿) adressés par le dépositaire (le Crédit Agricole), le mandant recevra un arrêté mensuel du portefeuille, ainsi qu'un compte rendu de gestion semestriel retraçant les opérations réalisées par le mandataire et faisant ressortir l'évolution du portefeuille et les résultats dégagés pour la période écoulée ;
¿ qu'au vu des pièces produites, Mme X... a été destinataire de comptes rendus de gestion semestriels à compter du 13 septembre 2003, décrivant la stratégie de gestion, les arbitrages effectués et les performances de son portefeuille, ainsi que de relevés d'opérations et d'avis à partir de 2005 ;
Mais ¿ qu'en s'abstenant pour la période antérieure à décembre 2003 d'adresser à Mme X... toute information concernant l'évolution du portefeuille, la Banque Gestion Privée Indosuez a commis un manquement à ses obligations contractuelles ;
¿ qu'en définitive, il doit être retenu à l'encontre de la Banque Gestion Privée Indosuez un manquement à son obligation d'information lors de la souscription du mandat de gestion puis en partie pendant l'exécution du contrat ;
Sur le préjudice :
¿ qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros, Mme X... allègue une perte en capital de 16 137 euros et le fait que la Banque Gestion Privée Indosuez lui avait proposé le 27 décembre 2007 un accord transactionnel sur la base d'une indemnité de 20 000 euros, protocole que la banque a dénoncé, selon Mme X..., de manière brutale et pour le motif fallacieux tiré de ce qu'elle avait renoncé à son contrat d'assurance vie, alors même que ces deux placements financiers, fondamentalement différents, n'avaient pas de lien ;
¿ qu'en réponse, la Banque Gestion Privée Indosuez réplique :
- que la somme de 20.000 ¿ avait été déterminée forfaitairement, par référence aux moins values réalisées par le contrat d'assurance vie (28.665 ¿ au 8 février 2007) et par le PEA (18.930 ¿ au 11 mai 2007) et avait pour objet de matérialiser un geste exceptionnel et commercial, qui n'avait plus de raison d'être dès lors que Mme X... avait renoncé à son contrat d'assurance vie et perçu la totalité de sa cotisation initiale, neutralisant les moins values constatées sur son épargne investie en unités de compte ;
- que cette somme de 20 000 euros ne saurait représenter le préjudice de Mme X..., lequel est inexistant, dès lors que, si elle a résilié le mandat de gestion, elle n'a pas clôturé son PEA, et que les moins values enregistrées par son portefeuille sur la période 2000/2007 ne sont que latentes et non réalisées ;
¿ que comme l'énonce la Banque Gestion Privée Indosuez le protocole d'accord, demeuré à l'état de projet, a été établi à la suite des mauvaises performances des placements financiers dont se plaignait Mme X... tant au titre de son PEA que de son contrat d'assurance vue ; que présenté comme un geste commercial excluant toute reconnaissance de responsabilité, il ne peut avoir la portée que tente de lui assigner Mme X... ;
¿ que ce projet de protocole est sans incidence sur l'évaluation du préjudice subi, qui doit s'apprécier au regard des fautes retenues, qui consistent ainsi qu'il a été dit, en un défaut d'information lors de la souscription du mandat de gestion, puis en partie pendant l'exécution du contrat ;
¿ que dès lors, le préjudice indemnisable ne pourrait s'analyser que dans la perte de chance de Mme X... d'avoir pu échapper, par une décision plus judicieuse, au risque qui s'est réalisé ;
Mais ¿ d'une part, que Mme X... ne demande pas la réparation d'une perte de chance ; que d'autre part, elle ne justifie pas d'un préjudice certain, dès lors qu'elle n'établit pas que le risque en question se soit produit ; qu'en effet, dans la mesure où elle verse exclusivement aux débats une estimation du plan d'épargne en actions en date du 19 juin 2007, elle ne démontre pas que les moins values latentes qui ressortent de ce document, sur la période 2000/2007 (18 012 euros) se sont effectivement réalisée ;
¿ que par suite, Mme X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts » ;
1. Alors que, d'une part, le prestataire de services d'investissement est tenu d'une obligation d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard de son client non averti sur les risques des opérations boursières ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour la période postérieure à l'entrée en vigueur du contrat conclu entre Mme X... et la société BGPI, à relever que cette dernière avait commis des manquements à son obligation d'information telle qu'elle avait été strictement définie par les termes du contrat sans rechercher si, outre le manquement aux obligations contractuelles expresses ainsi clairement établie, elle n'avait pas, pendant cette même période, également manqué à l'égard de sa cliente à son obligation, générale, d'information, de conseil et de mise en garde, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2. Alors que, d'autre part, le juge ne saurait refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe ; que, si le dommage subi consiste en une perte de chance, il incombe seulement à la victime de préciser à quel montant elle évalue ses différents préjudices, l'office du juge consistant, alors, à en apprécier le bien-fondé et à déterminer la fraction de ces préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter ; que, dès lors, en l'espèce, en se fondant sur les seules considérations tirées de ce que Mme X... ni ne prouvait avoir subi un préjudice certain ni ne sollicitait expressément l'indemnisation d'une perte de chance pour refuser de lui octroyer une indemnisation, la Cour d'appel, qui a pourtant relevé que le dommage qu'avait subi Mme X... devait s'analyser en une perte de chance, a méconnu son office et a violé les articles 4 et 1149 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-18419
Date de la décision : 23/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 jui. 2015, pourvoi n°14-18419


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.18419
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