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23/06/2015 | FRANCE | N°14-15524

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 juin 2015, 14-15524


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président de cour d'appel (Pau, 27 mars 2014), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux sis à Anglet, susceptibles d'être occupés par les sociétés Aria, Bati-man et SPRL Refero, afin de rechercher la preuve de la fraude de cette dernière au regard de l'impôt sur les sociétés et d

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président de cour d'appel (Pau, 27 mars 2014), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux sis à Anglet, susceptibles d'être occupés par les sociétés Aria, Bati-man et SPRL Refero, afin de rechercher la preuve de la fraude de cette dernière au regard de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur le chiffre d'affaires ; que ces opérations ont été exécutées le 18 septembre 2013 et que les trois sociétés précitées ont formé un recours contre leur déroulement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Aria, Bati-man et SPRL Refero font grief à l'ordonnance de ne pas prononcer d'astreinte en cas de non-destruction des copies des pièces dont la saisie a été annulée alors, selon le moyen, que si le juge du fond peut librement prononcer ou non une astreinte, sa décision doit être motivée par référence à la nécessité d'assurer l'exécution de sa décision ; qu'en motivant son refus d'ordonner une astreinte par un motif, au demeurant hypothétique, tiré de difficultés de preuve auxquelles le contribuable pourrait se trouver confronté, le juge du fond, qui s'est ainsi fondé sur un motif inopérant, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 13 (33 en réalité) de la loi du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que le premier président a estimé qu'il n'y avait pas lieu de prononcer une astreinte ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que les sociétés Aria, Bati-man et SPRL Refero font grief à l'ordonnance de ne faire droit que partiellement à la demande en annulation des opérations de visite et de saisie alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de confidentialité qui protège les relations entre un avocat et son client s'attache à tous les documents et pièces concernés par les droits de la défense ou ne constituant pas directement des éléments des agissements frauduleux visés par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ce qui ne permet pas de distinguer parmi ces pièces celles qui n'ont pas un caractère « strictement comptable » et celle qui ont ce caractère ; qu'ainsi, en restreignant le secret professionnel à une partie seulement des pièces échangées entre l'avocat et son client et relatives au litige en cause, l'ordonnance attaquée a violé les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par la loi du 7 avril 1997 ;
2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si les factures et documents écartés du secret professionnel ne renvoyaient pas à des consultations pour lesquelles le secret professionnel avait été retenu, le premier président a entaché sa décision d'un manque de base légal au regard des mêmes textes ;
3°/ que, dans leurs conclusions d'appel les sociétés Aria, Bati-man et SPRL Refero avaient fait valoir qu'en raison de l'indivisibilité technique d'un fichier contenant les correspondances échangées entre un avocat et son client ou entre avocats, c'est l'ensemble du fichier qui est couvert par la confidentialité et ne peut donc être saisi par l'administration ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le premier président a entaché son ordonnance d'une insuffisance de motivation au regard de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la présence, dans un fichier informatique, d'éléments couverts par le secret professionnel n'a pas pour effet d'invalider la saisie des autres éléments y figurant ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que le premier président, répondant aux conclusions dont il était saisi, a estimé que les notes d'honoraires et factures émanant d'avocats ainsi que les documents contractuels ou leurs projets entre la société SPRL Refero et ses clients, soumis à son appréciation, ne relevaient pas du secret professionnel de l'avocat ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Aria, Bati-man et SPRL Refero aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros au directeur général des finances publiques ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Aria, Bati-Man et SPRL Refero.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée de ne pas avoir prononcé d'astreinte en cas de non-destruction des copies des pièces dont la saisie a été annulée ;
AUX MOTIFS QUE, la destruction de toute copie sous astreinte ne paraît pas pouvoir être utilement ordonnée au regard de la difficulté évidente que poserait la vérification de son exécution ;
ALORS QUE, si le juge du fond peut librement prononcer ou non une astreinte, sa décision doit être motivée par référence à la nécessité d'assurer l'exécution de sa décision ; qu'en motivant son refus d'ordonner une astreinte par un motif, au demeurant hypothétique, tiré de difficultés de preuve auxquelles le contribuable pourrait se trouver confronté, le juge du fond, qui s'est ainsi fondé sur un motif inopérant, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 13 de la loi du 9 juillet 1991.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée de n'avoir que partiellement fait droit à la demande en annulation des opérations de visite et de saisie ;
AUX MOTIFS QUE la saisie des quatre notes d'honoraires du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre à la SAS BATI-MAN (...), sans leurs annexes dont le sort a été ci-dessus tranché, est régulière dès lors qu'elles constituent des documents strictement comptables, portant en objet des mentions suffisamment précises («prestations effectuées en matière de fiscalité locale», «conseils donnés en matière de contributions écofolio/TGAP », « prestations effectuées en matière de droit des contrats » et «prestations effectuées en droit commercial ») pour établir le lien entre les sommes versées à ce cabinet et l'intérêt de l'entreprise sans détailler le contenu des prestations ; que la même solution s'impose pour les onze factures du cabinet FIDAL pour lesquelles les mentions portées en objet sont purement techniques et non détaillées ; qu'aucun élément du fichier CNTSARIAFactureNoteWord doc. ne permet d'identifier la qualité d'avocat de son auteur et que les mentions des noms et adresses du cabinet CMS Francis Lefebvre apparaissant en bas de première page des documents contractuels ou de leurs projets entre la SPRL REFERO et ses clients ne peuvent être considérés comme couverts par le secret professionnel ;
1° ALORS QUE le principe de confidentialité qui protège les relations entre un avocat et son client s'attache à tous les documents et pièces concernés par les droits de la défense ou ne constituant pas directement des éléments des agissements frauduleux visés par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ce qui ne permet pas de distinguer parmi ces pièces celles qui n'ont pas un caractère « strictement comptable » et celle qui ont ce caractère ; qu'ainsi, en restreignant le secret professionnel à une partie seulement des pièces échangées entre l'avocat et son client et relatives au litige en cause, l'ordonnance attaquée a violé les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homnie, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par la loi du 7 avril 1997 ;
2° ALORS subsidiairement QU'en s'abstenant de rechercher si les factures et documents écartés du secret professionnel ne renvoyaient pas à des consultations pour lesquelles le secret professionnel avait été retenu, le premier président a entaché sa décision d'un manque de base légal au regard des mêmes textes.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée de n'avoir fait que partiellement droit à la demande en annulation des opérations de visites et de saisies ;
AUX MOTIFS QUE, suivant les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 les consultations adressées par un avocat à son client destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et l'avocat, des notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ; qu'en l'espèce les sociétés ARIA, BATI-MAN et REFERO d'une part, le directeur général des finances publiques d'autre part conviennent que sont couvertes par ce secret diverses consultations et annexes ; que leur saisie doit donc être annulée ; que par ailleurs, la présence, parmi les fichiers informatiques susceptibles de contenir des éléments intéressant l'administration fiscale, de pièces insaisissables n'a pas pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents ; que les sociétés ARIA, BATI-MAN et REFERO ne sont donc pas fondées à solliciter, du seul fait que des documents couverts par le secret professionnel figurent dans la saisie contestée, l'annulation de l'ensemble des opérations ;
ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel les exposantes avaient fait valoir qu'en raison de l'indivisibilité technique d'un fichier contenant les correspondances échangées entre un avocat et son client ou entre avocats, c'est l'ensemble du fichier qui est couvert par la confidentialité et ne peut donc être saisi par l'administration ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le premier président a entaché son ordonnance d'une insuffisance de motivation au regard de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-15524
Date de la décision : 23/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 27 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 jui. 2015, pourvoi n°14-15524


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.15524
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