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23/06/2015 | FRANCE | N°14-13714

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2015, 14-13714


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du code du travail ;

Attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail ; qu'il s'ensuit qu'elle ne peut être rétractée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 17 mars 2003 par la société Hoche promotion en qualité de secrétaire polyvalente ; que son contrat de travail a été t

ransféré à la société Groupe Ségur à compter du 1er janvier 2004 ; que, par lettre du 6 ja...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du code du travail ;

Attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail ; qu'il s'ensuit qu'elle ne peut être rétractée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 17 mars 2003 par la société Hoche promotion en qualité de secrétaire polyvalente ; que son contrat de travail a été transféré à la société Groupe Ségur à compter du 1er janvier 2004 ; que, par lettre du 6 janvier 2010, la salariée a pris acte de la rupture du contrat de travail avant de se rétracter le 8 février suivant ; que le 10 mars 2010, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Attendu qu'avant de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 19 mars 2013, l'arrêt constate que, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 6 janvier 2010, la salariée a notifié à son employeur sa volonté de prendre acte de la rupture aux torts exclusifs de celui-ci mais s'est rétractée par un courrier daté du 8 février 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à effet du 19 mars 2013 et condamne la société Groupe Ségur à verser à Mme X... des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 8 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Ségur

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X... aux torts de l'employeur à effet au 19 mars 2013 ;

AUX MOTIFS QUE lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; qu'il convient en conséquence d'examiner en premier lieu les motifs invoqués par Mme X... à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire ; que Mme X... soutient que la société Groupe Ségur a gravement manqué à ses obligations à compter du mois de septembre 2009 en la rétrogradant dans ses fonctions, en l'isolant et en l'affectant à des tâches humiliantes et subalternes ; qu'elle fait valoir que ces agissements qui caractérisent un harcèlement moral ont affecté sa santé physique et mentale ; qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Mme X... expose que durant six années, elle a été le bras droit de Mme Marie-Antoinette Y..., président directeur général de la société Groupe Ségur, et que brusquement, à la suite d'une demande de congé formulée le 31 août pour la période du 7 décembre 2009 au 11 janvier 2010 hors période légale en raison de la naissance d'un bébé chez sa fille demeurant à Tahiti, puis d'une journée d'absence début septembre, celle-ci lui a d'abord interdit l'accès à son bureau, puis à l'agenda et ne lui a plus adressé la parole, ne lui donnant quasiment plus de travail en rapport avec ce qu'elle faisait antérieurement, que le 5 novembre 2009, Mme Y... l'a affectée à un poste d'accueil et de standard téléphonique l'obligeant à quitter son bureau et l'a remplacée à compter du 10 novembre 2009 dans ses fonctions d'assistante de direction par Mme Catherine Z..., recrutée à cet effet, qu'ébranlée par cette rétrogradation abusive et illégitime, elle a alors été arrêtée le 12 novembre 2009 en raison d'un état dépressif réactionnel et n'a pas repris son travail ; que pour étayer ses affirmations, Mme X... produit notamment plusieurs attestations de ses collègues de travail qui témoignent de son investissement dans le travail accompli à son poste d'assistante de direction auprès de Mme Y... qui l'amenait à remplir un rôle d'interface entre les membres de la direction et la présidence du groupe et la conduisait à remplir des missions à grandes responsabilités, et déclarent n'avoir pas compris qu'elle soit rétrogradée à un poste de standardiste, constatant par ailleurs que ce traitement s'apparentant à une mise au placard affectait l'état moral de leur collègue ; qu'elle verse encore aux débats un courrier qu'elle a adressé en novembre 2009 à Mme Y... pour demander courtoisement des explications au changement d'attitude de son employeur à son égard, courrier resté sans réponse ; qu'elle produit encore des courriels que Mme Y... lui a adressés en septembre et octobre 2009 pour se plaindre de l'état de malpropreté des bureaux, du hall d'accueil et de la cuisine et du dysfonctionnement d'un ascenseur ; qu'enfin, elle justifie par les nombreux documents médicaux versés aux débats qu'elle a présenté un syndrome anxio-dépressif marqué qu'elle décrit en rapport avec la dégradation de ses conditions de travail ; que Mme X... établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que la société Groupe Ségur fait valoir qu'elle a accepté les congés que Mme X... demandait pour convenance personnelle hors période légale, conteste qu'elle ait été surchargée de travail antérieurement au mois de septembre 2009 et verse aux débats plus de 50 échanges de courriels entre le 27 août et le 5 novembre 2009 inclus relatifs à des demandes d'assistanat divers qui contredisent ses allégations de mise à l'écart et démontrent que jusqu'au 5 novembre 2009, la salariée exerçait réellement des fonctions d'assistante de direction dans le cadre d'un secrétariat polyvalent ; qu'elle ajoute que Mme X... travaillait en « open space » depuis toujours et jusqu'à son arrêt maladie du 12 novembre 2009 et avait un autre poste de travail à leur côté ; qu'elle ajoute que celle-ci avait en charge la gestion des bureaux et qu'elle était en contact avec les prestataires pour leur entretien, ce que confirme Mme A..., gestionnaire des actifs immobiliers, qui explique qu'elle travaillait en binôme avec Mme X... et assurait comme elle le secrétariat de Mme Y..., l'accueil, le standard téléphonique, ainsi que l'interface avec les entreprises en charge du ménage et le gestionnaire de l'immeuble, qu'à ce titre, Mme Y... pouvait leur demander d'intervenir auprès de ces personnes ; que la société Groupe Ségur démontre ainsi que Mme X... n'a pas été mise à l'écart à compter du mois de septembre 2009, qu'elle n'a pas eu à déménager de son bureau et que le suivi de l'entretien et de la maintenance des locaux de l'entreprise faisait partie de la mission qui lui était confiée ; que l'employeur fait encore valoir qu'il n'a pas écarté Mme X... de son poste en recrutant Mme Catherine Z..., embauchée en qualité d'assistante de direction générale avec le statut de cadre par contrat à durée indéterminée datée du 10 novembre 2009 pour ses expériences professionnelles et sa maîtrise de l'anglais sur un poste créé afin de répondre à l'extension des activités du groupe alors que Mme X... avait le statut d'employé ; qu'il prétend que les tâches confiées à Mme Z... étaient différentes de celles qu'assumait Mme X... et produit à son dossier des exemples des travaux réalisés par la première ; qu'enfin, la société Groupe Ségur justifie que Mme X... en son absence a été remplacée à l'accueil par des salariés recrutés par contrat à durée déterminée ou par des intérimaires puis, ses arrêts de maladie se prolongeant, par Mme B..., embauchée à compter du 11 octobre 2010 par un contrat à durée indéterminée en qualité d'hôtesse d'accueil ; que ces embauches ne peuvent toutefois être considérées comme destinées à pourvoir le poste de Mme X... qui était assistante de direction et dont les tâches n'étaient pas confinées à l'accueil ainsi que le prouvent le contenu des courriels échangés entre Mme Y... et la salariée au cours des mois de septembre et octobre 2009 ; que l'employeur, en revanche, se garde de produire aux débats les messages antérieurs au mois de septembre 2009, ainsi que tout autre élément relatif à la définition du poste d'assistante de direction occupé par Mme X..., ce à quoi celle-ci ne peut suppléer, sa connexion à l'intranet de l'entreprise ayant été coupée à compter de son arrêt de travail initial ; qu'or les tâches qui lui étaient confiées sont décrites dans l'attestation délivrée par M. C..., directeur général du groupe Ségur de mars 2006 à juin 2008, qui précise en outre que pour soulager Mme X... de sa charge de travail, Mme A..., cadre dans la société, lui a été adjointe pendant quelque temps à compter du mois d'octobre 2007 jusqu'en octobre 2008, ainsi que dans celle de Mme Nathalie D..., qui, chargée du management des hôtels Elysée Palace à Nice, Vernet à Paris et Miramar au Crouesty, déclare qu'elle était « 80 % du temps en relation avec Mme X... car aucune information ne passait en direct chez Mme Y... et Sylvie était en charge de trier les urgences et de faire un rapport au PDG de façon régulière » ; que force est de constater que ces témoignages montrent que le poste d'assistante de direction ne se limitait pas aux tâches d'accueil et de standard auxquelles Mme X... a été confinée à compter du début du mois de novembre 2009 ; qu'il apparaît ainsi que Mme Z... a été recrutée par l'employeur pour remplacer Mme X... dès le mois de novembre 2009 de façon définitive et non pas seulement pour la durée de son absence autorisée en congés payés hors période comme l'a cru Mme Brigitte F..., assistante du président de deux filiales du groupe Ségur, qui travaillait dans le même immeuble que Mme X... et atteste qu'à la fin de l'année 2009, celle-ci est venue lui présenter la personne qui devait la remplacer momentanément pendant les congés qui lui avaient été accordés, mais qu'elle a découvert en janvier 2010, à l'occasion d'une mission auprès de la directrice des ressources humaines du groupe Ségur, que sa collègue avait été affectée au poste d'assistante à la réception, que Mme X..., elle-même, ainsi qu'il résulte de plusieurs attestations fournies par son entourage non professionnel, avait été informée de ce changement de fonction dès le début du mois de novembre 2009 ; que peu importe que l'expérience et le profil de Mme Z... aient été différents de ceux de Mme X... et que l'employeur ait étendu le périmètre d'intervention de cette salariée en tirant profit de ses qualifications ; qu'il ressort à l'évidence des pièces produites aux débats que les responsabilités confiées à Mme X... ont été diminuées avant son départ en congés et qu'elle n'a pas par la suite été remplacée par une autre salariée que Mme Z... dans les fonctions d'assistante de direction qu'elle occupait jusqu'au début du mois de novembre 2009 ; que le fait pour l'employeur de modifier sans aucun motif les fonctions de Mme X... et de l'affecter à des missions sous qualifiées en comparaison de celles qu'elle occupait caractérise un manquement grave à ses obligations et justifie que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée aux torts de la société Groupe Ségur ; que lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement, soit en l'espèce au 19 mars 2013 ;

ALORS QUE la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être déclarée sans objet lorsqu'elle a été précédée d'une prise d'acte, celle-ci entraînant la cessation immédiate du contrat de travail ; qu'en se prononçant sur la demande de résiliation judiciaire de son contrat travail dont Mme X... avait saisi le juge de prud'homal le 10 mars 2010 tout en constatant (arrêt p. 2, § 5) que cette salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 janvier 2010, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qu'elles emportaient et, partant, a violé les articles L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-13714
Date de la décision : 23/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2015, pourvoi n°14-13714


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13714
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