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23/06/2015 | FRANCE | N°13-22375

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 juin 2015, 13-22375


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juin 2013) que M. X... est propriétaire d'un fonds contiguë de celui de Mme Y..., situé en contrebas ; que les deux propriétés sont séparées par un mur implanté en totalité sur le fonds Y..., longé, sur le fonds de M. X... par un caniveau qui reçoit les eaux de pluie provenant des toitures de celui-ci ; que le fonds de Mme Y... est grevé d'une servitude de passage au profit du fonds de M. X... ; que se plaignant de l'écoulement sur son terrain des eaux

de pluie captées par le caniveau, ainsi que de dégradations causées pa...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juin 2013) que M. X... est propriétaire d'un fonds contiguë de celui de Mme Y..., situé en contrebas ; que les deux propriétés sont séparées par un mur implanté en totalité sur le fonds Y..., longé, sur le fonds de M. X... par un caniveau qui reçoit les eaux de pluie provenant des toitures de celui-ci ; que le fonds de Mme Y... est grevé d'une servitude de passage au profit du fonds de M. X... ; que se plaignant de l'écoulement sur son terrain des eaux de pluie captées par le caniveau, ainsi que de dégradations causées par des engins agricoles appartenant à M. X... sur l'assiette du droit de passage, Mme Y... l'a assigné en cessation des écoulements sur son fonds et en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu les articles 640 et 681 du code civil ;
Attendu qu'en vertu du second de ces textes, un propriétaire ne peut pas établir son toit de façon que les eaux pluviales qui y tombent se déversent sur le fonds voisin ; qu'il doit les faire écouler sur son propre terrain ; que cependant, une fois tombées sur son terrain, les eaux peuvent s'écouler sur le fonds voisin dans les conditions fixées par l'article 640 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. X... à faire cesser l'écoulement des eaux de pluie sur son fonds pour les diriger et recueillir sur son propre terrain, l'arrêt retient que tout propriétaire doit établir ses toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain sans pouvoir les verser sur le fonds voisin ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'égout des toits de M. X... tombait dans un caniveau situé sur son propre fonds, et que l'écoulement naturel des eaux sur le fonds inférieur était ensuite détourné par un muret construit par Mme Y... en limite de sa propriété, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne la cassation par voie de conséquence de la disposition critiquée par le second moyen du pourvoi principal ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné sous astreinte M. X... à faire cesser l'écoulement des eaux de pluie sur le fonds de Mme Y... pour les diriger et les recueillir sur son propre terrain, et au paiement d'une somme de 1 500 euros, l'arrêt rendu le 5 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. X... à faire cesser l'écoulement des eaux de pluie sur le fonds de Mme Y... pour les diriger et recueillir sur son propre terrain dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai et d'avoir débouté M. X... de sa demande de suppression du muret édifié par Mme Y... ;
Aux motifs qu'en vertu de l'article 681 du Code civil, tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique et qu'il ne peut pas les verser sur le fonds voisin ; qu'en application de l'article 640 du Code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué ; qu'en l'espèce il est établi que le fonds Y... est inférieur au fonds X... et donc soumis à la servitude naturelle d'écoulement des eaux ; que la pente du toit de la propriété X... fait que les eaux de pluie coulent bien en direction du terrain de M. X... ; que cependant au lieu de s'écouler sur le terrain de celui-ci, ces eaux sont recueillies par le caniveau qui les canalise pour les déverser à son extrémité sur le fonds voisin Y... en un seul point où la pente naturelle ne les aurait pas conduites ; qu'en conséquence, ce caniveau qui est une construction réalisée de la main de l'homme, aggrave la servitude naturelle d'écoulement des eaux en méconnaissance des articles 640 et 681 du Code civil et que le jugement doit donc être infirmé de ce chef ; que l'article 681 du Code civil prévoit que tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique et qu'il ne peut pas les verser sur le fonds voisin ; qu'il sera donc fait droit à la demande de Mme Y... de voir condamner M. X... à faire cesser l'écoulement des eaux de pluie sur son fonds pour les diriger et recueillir sur son propre terrain ; qu'il résulte du constat d'huissier de Maître Z... en date du 1er décembre 2011 que Mme Y... a fait édifier un muret en parpaings entre un ancien mur en pierre lui appartenant et le bâtiment agricole appartenant à M. X..., obstruant ainsi le passage situé entre les deux propriétés et sur lequel a été construit le caniveau ; que la construction de ce muret construit par Mme Y... fait obstacle à l'écoulement des eaux recueillies artificiellement par le caniveau entrainant une aggravation de la servitude dont la responsabilité incombe à M. X... ; qu'il n'est cependant pas démontré que ce muret serait un obstacle à l'écoulement naturel des eaux pluviales ;
1°- Alors que tout propriétaire doit établir les toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; qu'il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin ; que cependant, une fois tombées sur son terrain, les eaux peuvent s'écouler sur le fonds voisin dans les conditions fixées par l'article 640 du Code civil ; qu'en condamnant M. X... à faire cesser l'écoulement des eaux de pluie sur le fonds de Mme Y... pour les diriger et recueillir sur son propre terrain, après avoir constaté que la pente du toit de la propriété X... fait que les eaux de pluie coulent bien en direction du terrain de M. X... sur lequel est situé le caniveau qui les recueille, ce dont il résulte que les eaux de la toiture du hangar de M. X... sont recueillies sur le terrain de M. X... sur lequel elles s'écoulent avant de continuer vers le fonds voisin, conformément aux exigences de la loi, la Cour d'appel a violé l'article 681 du Code civil ;
2°- Alors que les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué ; que cette servitude comporte la possibilité pour le propriétaire du fonds dominant de réaliser des aménagements tels que des canalisations ou des caniveaux permettant de canaliser les eaux de ruissellement en un seul point, dès lors que ces aménagements ne dénaturent pas le principe de l'écoulement naturel des eaux ; qu'en l'espèce, dès lors que le caniveau en ciment en pied de mur au demeurant très ancien, qui recueille l'eau de la toiture du hangar de M. X... sur le fonds de ce dernier, ne modifie pas le principe de l'écoulement naturel des eaux vers le fonds de Mme Y... situé en contrebas, mais a simplement pour effet de canaliser cet écoulement en un seul point, le fonds de Mme Y... doit être assujetti à recevoir les eaux qui s'écoulent dans ce caniveau ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 640 du Code civil ;
3°- Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser en quoi le caniveau ancien qui recueille les eaux du toit du hangar de M. X..., et qui sans modifier la pente naturelle des lieux ne fait que les canaliser en un point, serait de nature à constituer une aggravation de la servitude d'écoulement des eaux à laquelle est assujetti le fonds de Mme Y... situé en contrebas, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 640 du Code civil ;
4°- Alors qu'en tout état de cause, le propriétaire du fonds supérieur qui, conformément aux dispositions de l'article 681 du même code, laisse se déverser sur son propre fonds, les eaux pluviales, provenant du toit de son immeuble, n'est pas tenu, après que ces eaux aient atteint le sol, de les empêcher de s'écouler selon la pente naturelle du terrain, vers le fonds de son voisin ; qu'en condamnant M. X... qui recueille bien les eaux de pluie du toit de son hangar sur son propre terrain avant qu'ils ne s'écoulent vers le fonds de Mme Y..., à faire cesser l'écoulement de ces eaux de pluie sur le fonds de cette dernière pour les diriger et recueillir sur son propre terrain, la Cour d'appel a violé les articles 681 et 640 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Aux motifs que Mme Y... a sollicité M. X... afin de voir remédier au problème d'écoulement des eaux à plusieurs reprises depuis 2007, qu'elle subit un préjudice qui sera réparé par le versement de la somme de 1500 euros ;
1° Alors que la cassation de l'arrêt attaqué sur le premier moyen de cassation en ce que M. X... a été condamné à faire cesser l'écoulement des eaux de pluie sur le fonds de Mme Y... pour les diriger et recueillir sur son propre terrain, entrainera la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. X... à réparer un préjudice résultant de sa résistance à faire cesser cet écoulement, par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
2°- Alors que la défense à une action en justice ne peut sauf circonstance particulière qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par les premiers juges malgré l'infirmation dont leur décision fait ensuite l'objet ; qu'en condamnant M. X... à réparer un prétendu préjudice résultant de sa résistance à exécuter les travaux sollicités par Mme Y... pour remédier à l'écoulement des eaux sans caractériser les circonstances particulières de nature à caractériser le caractère abusif de l'exercice par M. X... de son droit de défendre à une action dont la légitimité a été reconnue par le Tribunal, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3°- Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui qui résulte de la servitude légale d'écoulement naturel des eaux sur le terrain de Mme Y..., situé en contrebas et dès lors assujetti à recevoir les eaux qui découlent du fonds plus élevé de M. X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil. Moyen produit au pourvoi incident par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande à l'encontre de Monsieur X... de remise en état du chemin sur lequel s'exerce la servitude de passage ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la remise en état du chemin sur lequel s'exerce la servitude de passage : s'il n'est pas contesté que M. X... bénéficie d'une servitude de passage sur le fonds de Mme Y..., et s'il résulte des procès verbaux de constat de Maître Nekadi, huissier de justice, en dates des 13 novembre 2009 et 21 janvier 2010, que le chemin sur lequel s'exercerait la servitude de passage de M. X... est boueux et présente des ornières et des traces de pneus, Mme Y... ne produit pas le titre constitutif de cette servitude dont l'assiette notamment n'est pas précisée ; qu'en outre il n'est pas démontré par les seules constatations faites et par les photographies produites que les dégradations alléguées soient de la responsabilité de M. X... ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Y... de ce chef »
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Sur la servitude de passage : Madame Y... ne produit aucun document relatif à cette servitude, et notamment le titre de propriété la mentionnant et fixant éventuellement la charge de l'entretien de l'assiette de passage ; qu'elle fait allusion, mais sans les produire, à des courriers de la Poste évoquant le caractère impraticable du chemin nécessitant la réfection sollicitée ; que les clichés photographiques annexés au constat du 13 novembre 2009, seul document produit par Madame Y... à l'appui de l'ensemble de ses demandes, sont insuffisants à démontrer que le chemin supportant l'assiette de la servitude de passage, qui de surcroît n'est matérialisé par aucun plan produit, serait impraticable et nécessiterait sa réfection totale ; qu'il sera surabondamment observé qu'il n'est pas davantage justifié du montant des travaux correspondant à cette réfection, le devis d'un montant allégué de 2. 240 euros n'étant pas produit ; que le tribunal ne dispose donc pas d'éléments suffisants pour apprécier le bien-fondé de la demande de Madame Y... relative à l'entretien du chemin, et celle-ci sera donc déboutée »
ALORS QUE 1°) tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; que le juge ne peut poser une condition supplémentaire pour condamner l'auteur du dommage à réparation ; qu'en exigeant de Madame Y... qu'elle établisse l'existence et l'assiette de la servitude de passage, non contestée par la partie adverse (v. concl. adv. p. 5) pour rejeter la demande de Madame Y..., la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil
ALORS QUE 2°) le juge a le devoir d'analyser les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a constaté que le chemin litigieux « est boueux et présente des ornières et des traces de pneus » ; que Madame Y... versait aux débats de nombreuses pièces, dont en particulier un procès-verbal d'huissier dans lequel des photos faisaient apparaître le mauvais état du chemin présentant des ornières et de nombreuses traces de roues de tracteur et des photos d'engins agricoles traversant le terrain ; qu'il est constant que Madame Y... n'a pas d'outil agricole de cette envergure ; qu'en rejetant la demande de Madame Y... par pure affirmation, en refusant d'analyser les preuves qui lui étaient soumises, se contentant d'affirmer qu'« il n'est pas démontré par les seules constatations faites et par les photographies produites que les dégradations alléguées soient de la responsabilité de M. X... », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-22375
Date de la décision : 23/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 05 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 jui. 2015, pourvoi n°13-22375


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.22375
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