LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles R. 441-11, alinéa 1er, et R. 441-13, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable en l'espèce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne (la caisse) ayant pris en charge, le 10 mars 2008, au titre du tableau n° 57 de la législation professionnelle une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite déclarée par M. X..., salarié de la société Mas (l'employeur), sur la base d'un certificat médical initial du 2 octobre 2007, l'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale en demandant que cette décision lui soit inopposable ;
Attendu que, pour rejeter ce recours, l'arrêt retient, d'une part, que pour dire que la maladie de M. X... est apparue pendant la période d'exposition au risque, le médecin-conseil de la caisse s'est fondé sur une radiographie et une échographie du 25 juin 2007 dont il a retranscrit le contenu dans son rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente corroboré par un avis d'arrêt de travail délivré à compter du 27 juin 2007 et une attestation de versement d'indemnités journalières à partir de cette date, d'autre part, qu'il résulte des pièces produites par l'employeur, de ses observations dans le rapport d'enquête du service accident du travail de la caisse et de son propre rapport d'enquête, qu'il évoque l'arrêt de travail du mois de juin 2007 et précise que le salarié a alors cessé le travail en fin d'après-midi en se plaignant de l'épaule ainsi que le rapportent les témoins entendus dans le cadre de l'enquête sur cet accident de travail qui a été déclaré mais n'a pas été retenu par les services de la caisse ;
Qu'en se fondant ainsi, pour fixer la date d'apparition de la maladie litigieuse, sur un document établi par le service du contrôle médical, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'employeur en avait eu connaissance au cours de l'instruction de la demande de prise en charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne ; la condamne à payer à la société Mas la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quinze, signé par Mme Flise, président et par Mme Szirek, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Mas entreprise générale.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré opposable à la société Mas la décision de la CPAM de Haute Garonne de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par M. Yahya X... ;
AUX MOTIFS QUE le délai de prise en charge pour une tendinopathie de la coiffe des rotateurs est de sept jours à compter de la cessation de l'exposition au risque. Si le certificat médical initial du 2 octobre 2007 a été établi au-delà du délai de prise en charge de sept jours ainsi que l'ont constaté chacune des parties, il résulte des investigations de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne qu'en fait, la maladie de Monsieur Yahya X... est apparue pendant la période d'exposition au risque. Le médecin-conseil s'est fondé sur une radiographie et une échographie du 25 juin 2007 dont il a retranscrit le contenu dans son rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente « tenosynovie exsudative du long tendon bicipital au niveau de la gouttière humérale, tendinopathie inflammatoire du sus épineux et du long tendon bicipital » corroboré par un avis d'arrêt de travail à compter du 27 juin 2007 et une attestation de versement des indemnités journalières à compter de cette date. Il ressort par ailleurs des pièces produites par l'employeur et des observations qu'il a faites dans le rapport d'enquête du service accident du travail de la Caisse Primaire et de son propre rapport d'enquête qu'il évoque l'arrêt de travail du mois de juin 2007 et précise que le salarié a cessé le travail en fin d'après-midi en se plaignant de l'épaule ainsi que le rapportent les témoins entendus dans le cadre de l'enquête sur un accident de travail qu'il a déclaré et qui n'a pas été retenu par les services de la Caisse, que le certificat médical indique « traumatisme de l'épaule droite avec impotence fonctionnelle... » ; que si l'accident du travail déclaré n'a pas été retenu, il n'est pas contestable que la maladie de Monsieur Yahya X... est apparue pendant la période d'exposition au risque. Le délai de prise en charge court à compter de la première constatation médicale qui atteste de l'existence de l'affection qui peut être antérieure au certificat joint à la déclaration de maladie professionnelle ;
ALORS QUE la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie est soumise au respect du contradictoire ; que les pièces établissant que la maladie remplit les conditions de prise en charge prévues par le tableau de maladie professionnelle visé, notamment le délai de prise en charge, doivent être réunies et mises à la disposition de l'employeur avant la décision de la caisse ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt et des conclusions soutenues à l'audience (arrêt p. 3 § 5 et 6 ; conclusions pp. 5, 6 et 7) que la société Mas a fait valoir d'une part, que l'ensemble des pièces mises à sa disposition à la clôture de l'instruction mentionnait une date de première constatation médicale au 2 octobre 2007, ce dont le rapport d'enquête déposé le 8 février 2008 par l'inspecteur de la caisse déduisait le non-respect du délai de prise en charge, et d'autre part, que le rapport d'évaluation des séquelles auquel la caisse se référait pour fixer une date de première constatation médicale au 25 juin 2007, et dire le délai de prise en charge respecté, avait été établi le 12 février 2009, soit postérieurement à la décision de prise en charge de la maladie ; qu'en disant le délai de prise en charge respecté compte tenu d'une date de première constatation médicale fixée au 25 juin 2007 par le « rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente » établi par le médecin-conseil, sans préciser la date de ce rapport et sans répondre aux chefs de conclusions précités, de nature à caractériser une méconnaissance du principe du contradictoire, la cour d'appel a :1°) - violé l'article 455 du Code de procédure civile ;2°) - privé son arrêt de base légale au regard des articles R. 441-11 alinéa 1er ancien du Code de la sécurité sociale et 16 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré opposable à la société Mas la décision de la CPAM de Haute Garonne de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par M. Yahya X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale et afin d'assurer le respect du principe du contradictoire la Caisse est tenue, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, d'informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de faire des observations et de la date à compter de laquelle elle prévoit de prendre sa décision. Il y a lieu de déterminer le nombre de jours utiles laissés à l'employeur pour venir consulter le dossier, la lettre est datée du 21 février 2008, reçue le 26 février 2008, la décision devait être prise à compter du 7 mars, elle a été prise le 10 mars 2008. Il n'est pas contesté que la Société MAS a bénéficié de 7 jours ouvrables pour venir consulter le dossier et présenter ses observations, la Caisse n'est pas tenue de lui adresser le dossier en communication. Par conséquent, il y a lieu de dire qu'il a été laissé un délai suffisant à la Société MAS pour faire valoir ses observations préalablement à la décision de la Caisse, ce délai a permis de garantir le respect du principe du contradictoire, de sorte que la décision de la Caisse relative à la prise en charge de la maladie de Monsieur Yahya X... au titre de la législation professionnelle doit être déclarée opposable à la Société MAS ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE compte tenu de la dimension économique de la société Mas, de son organisation interne et des possibilités qui lui étaient dès lors offertes de déléguer quelqu'un parmi son personnel administratif pour prendre connaissance des pièces du dossier, il doit être considéré que le délai octroyé par la caisse était suffisant et que dès lors le principe du contradictoire n'a aucunement été remis en cause en ce qui concerne les droits dont l'employeur disposait ; la société Mas ne peut reprocher à la CPAM de ce que, en réponse à sa demande de transmission de pièces, elle n'aurait eu que des éléments peu exploitables ou insuffisants, dans la mesure où c'est bien à l'employeur qu'il appartient de prendre connaissance des pièces du dossier ; le choix de la société Mas de solliciter une copie des pièces du dossier, ce qui a eu pour influence directe de réduire les délais utiles dont elle pouvait disposer, circonstance qu'elle ne pouvait ignorer au moment où elle a sollicité la transmission des pièces, ne saurait constituer à ce titre un élément pertinent ; si la société Mas estimait les éléments transmis insuffisants ou peu exploitables, il lui appartenait de prendre les initiatives nécessaires pour accéder matériellement, physiquement et de manière directe au dossier en cause ;
1°) ALORS QUE le délai octroyé à l'employeur en vertu des articles R 441-11 et suivants anciens du Code de la sécurité sociale en vue d'assurer le caractère contradictoire de la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie, n'a d'utilité que s'il est effectif ; qu'il doit permettre à l'employeur de prendre connaissance des éléments du dossier de la caisse et de présenter ses observations ; qu'en cas d'impossibilité légitime dûment signalée par l'employeur à la caisse de se présenter dans ses locaux dans le délai imparti pour prendre connaissance du dossier, la caisse est tenue soit de proroger ce délai si les délais légaux d'instruction l'y autorisent, soit dans la négative, d'adresser son dossier à l'employeur dans un délai lui permettant, préalablement à sa décision, de présenter ses observations ; qu'en l'espèce la société Mas a justifié avoir signalé à la caisse l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait dans le délai imparti, de dépêcher un salarié pourvu des compétences requises pour consulter le dossier alors que son siège social se situait à 190 km des locaux de la caisse (conclusions de la société Mas soutenues à l'audience, p. 7 et s., bordereau des pièces communiquées annexé aux conclusions et télécopie du 3 mars 2008 : production) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé d'effet les articles R.441-11 et suivants anciens du Code de la sécurité sociale et les a violés, ainsi que le principe du contradictoire ;
2°) ALORS QUE le juge est tenu de motiver sa décision de manière à ce qu'elle se suffise à elle-même ; qu'en énonçant, pour dire le délai octroyé par la caisse suffisant, que la société Mas compte tenu de sa dimension économique et de son organisation interne avait la possibilité de déléguer quelqu'un parmi son personnel administratif pour prendre connaissance des pièces du dossier, sans préciser sur quelle pièce produite aux débats elle fondait une telle appréciation, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.