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16/06/2015 | FRANCE | N°13-88263

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 juin 2015, 13-88263


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Willie X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2013, qui, dans la procédure suivie contre lui du chefs des violences aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 juin 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Mirguet, conseiller rapporteur, MM. Pers, Fossier, Mmes Schneider, Farrenq-Nési, M. B

ellenger, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers référend...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Willie X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2013, qui, dans la procédure suivie contre lui du chefs des violences aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 juin 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Mirguet, conseiller rapporteur, MM. Pers, Fossier, Mmes Schneider, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Liberge ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller MIRGUET, les observations de la société civile professionnelle BARTHÉLEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD et POUPOT, et de la société civile professionnelle TIFFREAU, MARLANGE et DE LA BURGADE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu les mémoires, en demande et en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme sur l'exception de nullité et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de violences volontaires avec arme commises sur la personne de M. Sandro D... ; que les juges du premier degré ont rejeté l'exception de nullité de la procédure antérieure à l'acte de saisine tirée de l'absence de notification au prévenu de son droit de se taire et de celui d'être assisté par un avocat au cours de sa garde à vue ; qu'ils ont relaxé M. X... en retenant qu'il était en état de légitime défense et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. D... ; que seul ce dernier a relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, 63-1 à 63-4, 385, 591, 593 du code de procédure pénale, 6, 13, 32 et 46 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. X... de ses demandes, notamment celle tendant à voir juger qu'il ne pouvait être tenu aucun compte de la procédure d'enquête, arguée de nullité en première instance ;
"aux motifs que M. X... reproche principalement d'avoir été placé en garde à vue le 23 mars 2011 pour des faits qui s'étaient déroulés le 30 novembre 2010, le recours à cette mesure constituant ainsi une atteinte significative à ses droits en l'absence d'information sur le droit de garder le silence et celui d'être assisté par un avocat qui aurait eu accès au dossier ; qu'il demande comme en première instance, l'annulation de tous les actes accomplis pendant le temps de sa garde à vue, alors que, comme l'a retenu le premier juge, la mesure critiquée avait été diligentée dans le cadre du droit positif de l'époque ; que si la CEDH, notamment son article 6, est applicable en droit interne depuis 1974, rien dans les moyens soulevés par l'intimé, ni dans l'examen de la procédure d'enquête, ne permet de dire que les droits de M. X... auraient été violés ; qu'au demeurant, comme l'a relevé le tribunal correctionnel, une éventuelle annulation de la garde à vue n'entraînerait pas, en application de la jurisprudence sur le support nécessaire, une annulation des poursuites ;
"1°) alors qu'aux termes de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et au regard du principe général des droits de la défense, droit essentiel du procès équitable, l'effectivité d'un procès équitable exige, notamment, que la personne mise en garde à vue soit, dès le début de ces mesures, informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, puisse bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ; qu'il ressort des actes de la procédure qu'à aucun moment il n'a été notifié à M. X... qu'il était en droit de se taire et d'être assisté pendant la totalité de sa garde à vue par un avocat ; que les exigences du procès équitable n'ont, dès lors, pas été remplies ; que les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme s'imposent aux pays adhérents ayant des dispositions législatives analogues à celles censurées ; qu'en retenant que la garde à vue avait été diligentée dans le cadre du droit positif de l'époque pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu de l'annuler et en refusant ainsi d'appliquer immédiatement, au bénéfice de la personne qui en avait directement invoqué la violation à son encontre, les exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme relatives au droit de se taire et à l'assistance de l'avocat et qui avaient été méconnues durant la mesure de garde à vue, la cour d'appel a violé le principe de prééminence du droit, le droit à un recours effectif et le principe de l'effet direct des arrêts de la Cour européenne et droit immédiat à une interprétation de la loi interne conforme aux arrêts de la Cour européenne ;
"2°) alors que M. X... faisait valoir que tous les actes qui avaient suivi sa garde à vue en étaient la conséquence, notamment, le procès-verbal de synthèse et la citation directe qui n'auraient pu être pris ou décidés sans cette garde à vue préalable, laquelle en avait donc été le support nécessaire ; qu'en se bornant à énoncer que, comme l'avait relevé le tribunal correctionnel, une éventuelle annulation de la garde à vue n'entraînerait pas, en application de la jurisprudence sur le support nécessaire, une annulation des poursuites, sans expliquer en quoi, comme elle y était invitée, le procès-verbal de synthèse dans sa totalité et la citation directe délivrée par le procureur de la République n'étaient pas fondés sur des déclarations recueillis irrégulièrement lors de la garde à vue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que la cour d'appel a à tort répondu, pour la rejeter, à l'exception de nullité de la procédure soulevée devant elle, dès lors qu'en l'absence d'appel du ministère public, les juges, saisis du seul appel de la partie civile contre une décision de relaxe définitive, ne peuvent statuer sur la validité des actes relatifs à l'action publique et doivent déclarer cette exception irrecevable ; qu'en conséquence, le moyen qui la reprend devant la Cour de cassation est lui-même irrecevable ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-5, 222-12, alinéas 1er et 10, 222-11, 132-75 du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que M. X... avait commis des violences avec armes à l'encontre de M. D... qui sont à l'origine d'un dommage, a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de M. D... et de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (CGSSR) et a condamné M. X... à payer à M. D... la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice corporel et à la CGSSR la somme de 1 387,38 euros au titre de ses débours ainsi que 462,46 euros au titre de l'indemnité forfaitaire des articles 9 et 10, de l'ordonnance n° 96-51, du 24 janvier 1996, L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
"aux motifs que c'est à juste titre que l'appelant reproche au juge pénal d'avoir déclaré sa constitution de partie civile irrecevable à la suite de la relaxe de M. X..., alors qu'il lui appartenait de vérifier si les faits de violence volontaire étaient constitués et, dans l'affirmative, si ces faits avaient causé un préjudice qu'il convenait de réparer ; qu'il conviendra de recevoir M. D... en sa constitution de partie civile et de rechercher si des éléments constitutifs du délit de violence volontaire avec une arme sont réunis à l'encontre de M. X... ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure d'enquête, sans contestation sérieuse et quelles que soient les circonstances de commission, que M. X... a donné un coup de pagaie à M. D... sur son flanc gauche et à la tête au cours d'une altercation, en date du 30 novembre 2010 ; que le certificat médical, en date du 1er décembre 2010, fait état des lésions suivantes : « contusion occipitale cutanée, traumatisme crânien sans perte de connaissance, traumatisme thoracique latéral gauche, pas de fracture de côte, plaie de 3 cm au niveau de l'aisselle gauche, traumatisme de la métacarpophalangienne du pouce droit » avec une incapacité à prévoir de trois semaines ; qu'entendu par les enquêteurs le 23 mars 2011, M. X... a reconnu qu'il avait une rame dans sa cuisine et qu'il en avait porté deux coups à son adversaire et qu'après avoir posé la rame, il a foncé sur M. D..., lui a coincé la tête pour l'immobiliser, l'a soulevé et secoué à trois reprises ; ces faits sont constitutifs de violences volontaires avec arme qui sont la cause directe d'un préjudice qu'il convient de réparer ; que sur les demandes de l'appelant, la cour n'estime pas utile, près de trois ans après les faits, d'ordonner une expertise médicale de M. D..., les éléments contenus dans la procédure d'enquête étant suffisants pour fixer une éventuelle indemnisation ; que sur le préjudice corporelle, il a été clairement constaté par le certificat médical, en tenant compte de l'âge de la partie civile, née en 1974, des lésions multiples, de la nuit d'hospitalisation et de l'incapacité retenue, et en l'absence de pièces médicales nouvelles, il convient d'en fixer l'indemnisation à la somme de 4 000 euros ; que sur les demandes de la CGSSR, la constitution de partie civile de la CGSSR sera déclarée recevable ; que le montant du remboursement demandé n'est pas contestée, les sommes sont détaillées et justifiées par la production d'un décompte de débours, il y aura lieu de faire droit à la demande de remboursement et au paiement de l'indemnité forfaitaire ;
"alors que, n'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer M. X... coupable de violences volontaires, que celui-ci avait donné un coup de pagaie à M. D... sur son flanc gauche et à la tête au cours d'une altercation en date du 30 novembre 2010, que M. X... avait reconnu avoir porté deux coups avec sa rame à son adversaire, avoir foncé sur lui, lui avoir coincé la tête pour l'immobiliser et l'avoir secoué à trois reprises, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par le prévenu, si les violences incriminées n'avaient d'autre fin que de repousser un mal présent dès lors que M. X... avait été menacé par M. D... qui, après l'avoir agressé verbalement, lui avait jeté un galet et s'était dirigé vers lui avec une batte de base-ball et qu'ainsi il avait agi en état de légitime défense, la cour d'appel, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 2 dudit code et l'article 1382 du code civil ;
Attendu que selon le premier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte du dernier de ces textes que, lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l'appréciation appartient souverainement aux juges du fond ;
Attendu que, pour condamner le prévenu définitivement relaxé à réparer le préjudice de la partie civile, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la victime n'avait pas commis des fautes ayant concouru à la réalisation de son dommage, de nature à justifier une exclusion ou une atténuation de la responsabilité du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 13 novembre 2013, mais en ses seules dispositions ayant statué sur le préjudice de la partie civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize juin deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-88263
Date de la décision : 16/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel de la partie civile - Appel de la partie civile seule - Contestation de la régularité de l'action publique - Exception de nullité des actes relatifs à l'action publique - Irrecevabilité - Nécessité - Portée

CASSATION - Moyen - Recevabilité - Action publique - Moyen tendant à faire revivre l'action publique éteinte

Est irrecevable le moyen qui reprend devant la Cour de cassation l'exception de nullité des actes relatifs à l'action publique que la cour d'appel a rejetée, dès lors qu'en l'absence d'appel du ministère public, elle aurait dû la déclarer irrecevable


Références :

articles 497, 509 et 515 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 13 novembre 2013

Sur l'irrecevabilité du moyen reprenant l'exception de nullité des actes relatifs à l'action publique devant la Cour de cassation, à rapprocher :Crim., 8 avril 1991, pourvoi n° 90-80079, Bull. crim. 1991, n° 165 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jui. 2015, pourvoi n°13-88263, Bull. crim. criminel 2015, n° 148
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 148

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Liberge
Rapporteur ?: Mme Mirguet
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.88263
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