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16/06/2015 | FRANCE | N°13-24698;13-25742

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 juin 2015, 13-24698 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° Q 13-24.698 et Z 13-25.742 qui attaquent le même arrêt ;
Donne acte au Grand Port maritime de Marseille du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les syndicats Confédération générale du travail et Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens du personnel du GPMM et détachés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Northrock, propriétaire du navire Illusion, a confié la réalisation de travaux sur celui-ci du 22 mai au 6 juin 2008

à la société Nautech établie au port Autonome de Marseille, devenu Le Grand Port...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° Q 13-24.698 et Z 13-25.742 qui attaquent le même arrêt ;
Donne acte au Grand Port maritime de Marseille du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les syndicats Confédération générale du travail et Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens du personnel du GPMM et détachés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Northrock, propriétaire du navire Illusion, a confié la réalisation de travaux sur celui-ci du 22 mai au 6 juin 2008 à la société Nautech établie au port Autonome de Marseille, devenu Le Grand Port maritime de Marseille (le GPMM) ; que par contrat du 23 mai 2008, le GPMM et la société Nautech sont convenues de l'entrée du navire en forme de radoub le même jour et de sa remise en eau le 5 juin 2008 au plus tard ; que les travaux ayant été achevés le 2 juin, la société Nautech a demandé le 3 juin la sortie anticipée du navire pour le lendemain ; qu'en raison d'une grève des services de réparation navale du port, le navire n'a quitté la forme de radoub que le 19 juin 2008 ; qu'invoquant le préjudice subi en raison de cette immobilisation forcée, la société Northrock a assigné la société Nautech et le GPMM en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° Q 13-24.698 :
Attendu que le GPMM fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable à l'égard de la société Nautech d'une perte de chance consécutive au non-respect du contrat du 23 mai 2008 et de le condamner à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; que la cour d'appel a constaté que le contrat conclu entre le GPMM et la société Nautech portait sur l'entrée d'un navire, pour un certain temps, dans un bassin de radoub du port de Marseille, ce dont il résultait que ce contrat comportait occupation du domaine public et que les litiges relatifs audit contrat devaient être portés devant la juridiction administrative ; qu'en retenant au contraire que la responsabilité contractuelle du Grand Port Maritime de Marseille à l'égard de la société Nautech relevait du juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, quand bien même les règles invoquées seraient d'ordre public, et que, selon l'article 92 du même code, la possibilité pour la Cour de cassation de soulever d'office l'exception d'incompétence n'est qu'une faculté ; qu'il en résulte que le moyen tiré de l'incompétence du juge judiciaire pour statuer sur la demande de condamnation dirigée contre le GPMM à raison d'un contrat portant occupation du domaine public, présenté par celui-ci pour la première fois devant la Cour de cassation, est irrecevable ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que le GPMM fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que le débiteur d'une obligation contractuelle peut s'exonérer de sa responsabilité, à l'égard de son créancier, par la démonstration, non seulement d'un cas de force majeure, mais également d'une faute dudit créancier ; qu'en se bornant, pour retenir la responsabilité du GPMM à l'égard de son cocontractant, la société Nautech, à écarter l'existence d'un événement constitutif de force majeure pour le GPMM, sans rechercher, comme elle y avait pourtant été invitée par les dernières écritures d'appel de celui-ci, si la société Nautech n'avait pas commis un manquement à son obligation d'information, à l'égard du propriétaire du navire, s'agissant de la grève annoncée dans le port de Marseille, ou un manquement à la bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'une grève est un événement imprévisible par le débiteur d'une obligation contractuelle lorsque, lors du dépôt du préavis de grève, il ne peut connaître l'ampleur de ce mouvement ; qu'après avoir constaté que des préavis de grève des 13 et 21 mai 2008 visaient tous les personnels du port de Marseille, la cour d'appel a néanmoins relevé que les personnels de maintenance et d'accorage n'étaient pas directement concernés par la modification du statut des agents de manutention que la grève avait pour objet de contester, ce dont il résultait que le GPMM ne pouvait pas savoir si les personnels de maintenance et d'accorage compteraient réellement au nombre des grévistes ni, partant, connaître, lors du dépôt de ces préavis de grève, l'ampleur du mouvement, de sorte que ladite grève était imprévisible par le GPMM ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1148 du code civil ;
3°/ qu'une grève est un événement imprévisible par le débiteur d'une obligation contractuelle lorsque, lors du dépôt du préavis de grève, il ne peut connaître la durée réelle de ce mouvement ; qu'en se bornant, pour retenir que la grève survenue dans le port de Marseille était prévisible par le GPMM, à relever que deux préavis de grève de vingt quatre heures reconductibles avaient été déposés, l'un le 13 mai pour une période du 22 au 31 mai, l'autre le 21 mai pour une période du 1er au 8 juin, sans rechercher, comme elle y avait pourtant été invitée par les dernières écritures d'appel du GPMM, si l'absence de cessation de travail des salariés concernés pendant certaines journées de grève annoncées par des préavis antérieurs et le dépôt répété de tels préavis, non nécessairement suivis d'effet, n'avaient pas privé le GPMM de la possibilité de savoir si les préavis de grève des 13 et 21 mai seraient quant à eux suivis d'effet et, partant, de connaître la durée réelle du mouvement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du code civil ;
4°/ que hors le cas de faute lourde ou dolosive de sa part, le débiteur d'une obligation contractuelle est tenu à réparation des seuls dommages prévisibles au moment de la conclusion du contrat, ainsi notamment d'un préjudice de perte de chance de poursuivre des relations d'affaires avec un tiers ; qu'en se bornant, pour indemniser la société Nautech en raison d'un préjudice de perte de chance de poursuivre des relations d'affaires avec la société Northrock, à retenir un tel préjudice, sans caractériser en quoi il était prévisible par le GPMM au moment de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ;
5°/ que la réparation d'un préjudice de perte de chance doit être déterminée au regard de la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, de sorte que, pour apprécier la valeur d'une perte de chance de réaliser un gain, le juge doit préciser la probabilité de réalisation du gain attendu et le montant de ce gain, lequel doit être déterminé en fonction des bénéfices escomptés par la victime et en aucun cas de la diminution de son chiffre d'affaires ; qu'en évaluant l'indemnité allouée à la société Nautech en réparation d'un simple préjudice de perte de chance, sans faire apparaître le montant du gain attendu et la probabilité de réalisation de ce gain, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu que le litige portait non sur le blocage du port dans son ensemble mais sur la paralysie du service de réparation navale, l'arrêt retient que les services de réparation, maintenance et accorage se sont mis en grève à compter du 30 mai 2008, en exécution de deux préavis de grève de vingt-quatre heures renouvelables adressés au GPMM les 13 et 21 mai 2008 ; que l'arrêt retient encore que le GPMM avait conclu le 23 mai avec la société Nautech le contrat concernant la mise en cale sèche du navire sans formuler aucune réserve quant au risque de grève pendant la période susceptible d'affecter la remise à l'eau du navire à la date convenue ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le GPMM n'avait transmis aucune information sur ce mouvement de grève des services de réparation navale, qui était prévisible, mais dont la société Nautech était restée ignorante, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société GPMM ait soutenu devant les juges du fond que les préjudices subis par la société Nautech n'étaient pas prévisibles au moment de la conclusion du contrat ; que le moyen pris de cette circonstance est donc nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en dernier lieu, que répondant aux conclusions de la société Nautech qui soutenait qu'à cause de l'incurie du GPMM, l'armateur du navire Illusion avait fait réaliser des travaux dans un autre chantier naval au Royaume-Uni pour 4 000 000 euros environ, l'arrêt retient qu'ayant perdu un client habituel depuis 2003, qui lui fournissait chaque année des chantiers pour des coûts importants, la société Nautech a été informée, en 2009, par le capitaine, que le propriétaire s'opposait à ce que le navire utilise désormais les installations du port de Marseille ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont résulte la perte de la chance de réaliser des bénéfices en cas de maintien des relations avec la société Northrock, la cour d'appel, qui n'a pas fixé le montant de ce préjudice à un montant égal à celui de l'avantage qu'aurait procuré la chance perdue, a souverainement apprécié le préjudice subi par la société Nautech ;
D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 13-25.742 :
Attendu que la société Northrock fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Nautech alors, selon le moyen :
1°/ que la société Northrock invoquait la responsabilité de la société Nautech non seulement pour manquement à son obligation de remise à l'eau du navire à la date prévue, mais également pour manquement à son obligation d'information au cours de l'exécution du contrat ; que la société Northrock soutenait ainsi que la société Nautech avait engagé sa responsabilité pour ne pas l'avoir informée, au mois d'avril 2008, de la tension sociale qui régnait au sein du GPMM ; que la cour d'appel s'est contentée de statuer sur la responsabilité de la société Nautech au titre de la remise à l'eau du navire ; qu'en se déterminant ainsi, sans examiner le moyen tiré du manquement de la société Nautech à son obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen sans inviter les parties à formuler des observations ; que la société Northrock invoquait la responsabilité de la société Nautech pour non respect de son obligation d'information en cours d'exécution du contrat, et pour inexécution de son obligation de remise à l'eau avant le 6 juin 2008 ; que la société Nautech n'invoquait la force majeure qu'en défense au moyen formulé par la société Northrock tiré du manquement de la société Nautech à son obligation d'information, et non en défense au moyen tiré de l'inexécution de son obligation de remise à l'eau ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la société Nautech pourrait se prévaloir de la force majeure pour échapper à sa responsabilité au titre de l'inexécution de son obligation de remise à l'eau, sans appeler les parties à formuler leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que si la force majeure suppose que soit caractérisé un événement imprévisible lors de la formation du contrat, la circonstance qu'un événement soit raisonnablement envisageable, eu égard au contexte dans lequel est conclu le contrat, suffit à exclure l'imprévisibilité ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la réforme portuaire avait été annoncée dès l'année 2007, soit avant la conclusion du contrat ; qu'il était par ailleurs constant que le GPMM avait été paralysé par plusieurs grèves de grande ampleur depuis le début de l'année 2007 ; que pour considérer que la société Nautech pouvait se prévaloir d'un cas de force majeure, la cour d'appel a énoncé que, si la société Nautech savait, lors de la formation du contrat, qu'une réforme portuaire avait été annoncée, elle ne connaissait pas le contenu et le calendrier exacts de la réforme, et ne pouvait dès lors savoir que les agents des services de réparation navale seraient susceptibles de se mettre en grève dans la période à laquelle le navire devrait être remis à l'eau ; qu'en se focalisant ainsi sur la circonstance que la société Nautech ne pouvait être certaine, lors de la formation du contrat, d'une grève des services de réparation pendant la réalisation des travaux, cependant que la seule circonstance qu'une réforme portuaire était en cours, rendait envisageable, eu égard au contexte, la possibilité d'une grève de l'ensemble des services du GPMM lors de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1148 du code civil ;
4°/ que si, de manière générale, l'imprévisibilité s'apprécie uniquement au jour de la formation du contrat, il n'en va pas ainsi lorsque le contrat prévoit une exécution différée dans le temps, et que les parties peuvent se délier tant que le contrat n'a pas reçu de commencement d'exécution ; que dans une telle hypothèse, si un événement imprévisible au jour de la conclusion du contrat survient avant que l'exécution du contrat n'ait commencé, et que la partie qui a la possibilité de se délier poursuit l'exécution du contrat plutôt que de se désengager, alors elle ne peut se prévaloir de la force majeure pour s'exonérer de sa responsabilité ; qu'au cas présent, il était constant que le contrat conclu entre la société Northrock et la société Nautech au mois de février 2008 prévoyait l'exécution de travaux usuels d'entretien pour la fin du mois de mai 2008 et que la société Northrock avait expressément signalé à la société Nautech, lors de la formation du contrat, qu'elle souhaitait par dessus tout disposer de son navire au plus tard le 6 juin 2008, se montrant prête à renoncer à la réalisation des travaux à la date initialement prévue si nécessaire ; que la cour d'appel a considéré que la société Nautech pouvait invoquer le caractère imprévisible de la grève survenue lors de la mise en cale sèche du navire au motif que cette grève aurait été imprévisible lors de la formation du contrat ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Nautech n'avait pas connaissance des risques de blocage avant que le navire n'arrive au port, ce qui était de nature à exclure la possibilité pour elle d'invoquer la force majeure dès lors qu'elle avait la possibilité de se délier du contrat plutôt que d'en poursuivre l'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1148 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que, si la réforme portuaire a été annoncée dès l'année 2007, le litige porte en l'espèce non sur le blocage du port dans son ensemble mais sur la paralysie, du 30 mai au 18 juin 2008, du service de réparation navale ; qu'il retient encore que la société Nautech n'était pas en mesure de prévoir cette paralysie pendant la période des travaux, les services de réparation navale n'étant pas concernés par le changement de statut des agents de manutention, objet de la réforme portuaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Nautech n'avait pas connaissance des risques de grève des services de réparation navale du port à la date à laquelle le contrat avait commencé à recevoir exécution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, que, répondant aux conclusions de la société Nautech qui soutenait qu'elle n'avait commis aucune faute contractuelle et qu'elle se trouvait confrontée à un cas de force majeure, la cour d'appel n'a pas relevé d'office le moyen tiré de ce que cette société pouvait se prévaloir de la force majeure pour échapper à sa responsabilité au titre de l'inexécution de son obligation de remise à l'eau ;
Attendu, en dernier lieu, que la société Northrock n'a pas soutenu dans ses conclusions que la circonstance que la paralysie des services de réparation navale du port soit raisonnablement envisageable, eu égard au contexte de la réforme portuaire dans lequel était conclu le contrat, suffisait à exclure l'imprévisibilité ; que le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que pour déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour statuer sur la demande dirigée par la société Northrock contre le GPMM pour faute lourde dans l'exercice de sa mission de service public et renvoyer la société Northrock à se pourvoir devant la juridiction administrative, l'arrêt retient que les actes ou abstentions relatifs à l'organisation du service public qui sont susceptibles d'engager la responsabilité de la personne publique gestionnaire ont un caractère administratif dont le contentieux relève des juridictions de l'ordre administratif ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les litiges entre le gestionnaire d'un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l'activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l'occupation domaniale, l'arrêt a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les juridictions judiciaires incompétentes pour statuer sur la demande formée par la société Northrock à l'encontre du Grand Port maritime de Marseille pour faute lourde dans l'exercice de sa mission de service public et renvoie la société Northrock à se pourvoir devant les juridictions administratives, l'arrêt rendu le 18 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de l'Etablissement public Grand Port maritime de Marseille, de la société Nautech, des syndicats CGT et CGT UGICT du personnel du Grand Port maritime de Marseille ;
Condamne l'Etablissement public Grand Port maritime de Marseille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi n° Q 13-24.698 par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, pour l'Etablissement public Grand Port maritime de Marseille
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré le Grand Port Maritime de Marseille responsable contractuellement à l'égard de la société Nautech d'une perte de chance consécutive au non-respect du contrat du 23 mai 2008 et D'AVOIR condamné le premier à payer à la seconde la somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant ;
AUX MOTIFS QUE suivant contrat du 23 mai 2008, le Port Autonome de Marseille et la société Nautech ont convenu de l'entrée du navire Illusion en forme de radoub le 23 mai 2008 et de la remise en eau du navire le 5 juin 2008 à 15 heures au plus tard (arrêt, p. 3) ; que la responsabilité contractuelle du Grand Port Maritime de Marseille à l'égard de la société Nautech relevait du juge judiciaire (arrêt, p. 12) ;
ALORS QUE sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; que la cour d'appel a constaté que le contrat conclu entre le Grand Port Maritime de Marseille et la société Nautech portait sur l'entrée d'un navire, pour un certain temps, dans un bassin de radoub du port de Marseille, ce dont il résultait que ce contrat comportait occupation du domaine public et que les litiges relatifs audit contrat devaient être portés devant la juridiction administrative ; qu'en retenant au contraire que la responsabilité contractuelle du Grand Port Maritime de Marseille à l'égard de la société Nautech relevait du juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L.2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré le Grand Port Maritime de Marseille responsable contractuellement à l'égard de la société Nautech d'une perte de chance consécutive au non-respect du contrat du 23 mai 2008 et D'AVOIR condamné le premier à payer à la seconde la somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant ;
AUX MOTIFS QUE le litige portait en l'espèce non sur le blocage du port dans son ensemble mais sur la paralysie du service de réparation navale qui avait duré du 30 mai au 18 juin 2008 ; qu'il était constant que le contrat entre la société Northrock et la société Nautech avait été formé par un échange de courriers électroniques du 27 décembre 2007 au 15 février 2008, les parties ayant convenu de l'exécution des travaux du 12 au 19 mai 2008, et que la date de début des travaux a été reportée au 22 mai 2008 avec remise à l'eau du navire le 6 juin au plus tard à la demande de la société Northrock par échange de courriers électroniques du 6 avril 2008 ; que la réforme portuaire qui touchait notamment à l'organisation de la manutention portuaire et avait été la cause d'un vaste mouvement de grève dans les ports concernés, avait fait l'objet d'un projet de loi présenté en conseil des ministres le 23 avril 2008, adopté par le Sénat le 21 mai 2008, adopté par l'Assemblée Nationale le 24 juin 2008, et d'une publication au journal officiel le 5 juillet 2008 ; que si la réforme portuaire avait été annoncée dès l'année 2007, la société Nautech n'était en mesure de prévoir à la date de formation du contrat entre décembre 2007 et février 2008 ni le contenu de la réforme, ni l'état d'avancement de son élaboration, ni le calendrier parlementaire, ni la paralysie pendant la période des travaux des services de réparation navale non concernés par le changement de statut des agents de manutention ; que la paralysie du service de réparation navale à la date de formation du contrat était en conséquence imprévisible ; que l'irrésistibilité se caractérisait par le caractère insurmontable de l'événement et il convenait de déterminer si ce dernier avait mis le débiteur de l'obligation dans l'impossibilité d'exécuter son obligation ; qu'il était constant en l'espèce que les travaux avaient été réalisés dans le délai imparti dès lors que le navire était entré en cale sèche le 23 mai, que le travaux avaient été terminés le 2 juin, que la société Nautech avait demandé le 3 juin que la remise à l'eau du navire soit effectuée le 4 juin et qu'elle s'était heurtée à la grève des services de réparation navale ; que selon les courriers électroniques échangés entre le responsable du service accorage et divers interlocuteurs dont le responsable de la société Nautech, les services de réparation navale, maintenance et accorage, s'étaient en effet mis en grève à compter du 30 mai dans le cadre de deux préavis de grève de 24 heures renouvelables en date des 13 mai et 21 mai ; que le contrat conclu le 23 mai 2008 entre le Port autonome et la société Nautech concernant la mise à disposition d'une cale sèche pour la période du 23 mai 2008 au 5 juin 2008 à 15 heures au plus tard ne contenait aucune réserve formulée par le Port autonome quant au risque de grève pendant cette période susceptible d'affecter la remise à l'eau du navire à la date convenue alors qu' un préavis de grève lui avait été notifié le 21 mai pour la période concernée ; que la société Nautech justifiait par la production de nombreux courriers avoir alerté les autorités portuaires et le Préfet sur l'urgence à mettre un terme à la situation au regard de son engagement contractuel et leur avoir transmis les réclamations de la société Northrock ; que par ailleurs, la société Nautech était tenue d'exécuter les travaux convenus aux dates prévues qui lui avaient été imposées par la société Northrock conformément au contrat dont elle ne pouvait différer l'exécution sans faillir à son obligation contractuelle ; que la société Nautech qui utilisait les formes de radoub situées dans l'enceinte du port et avait nécessairement recours aux salariés du port pour procéder aux opérations de mise en cale sèche et de remise à l'eau du navire avait été confrontée à un événement extérieur et insurmontable malgré les diligences mises en oeuvre pour tenter d'y remédier, présentant le caractère de l'irrésistibilité ; que la société Nautech étant fondée à se prévaloir de la force majeure, le jugement déféré serait infirmé et la société Northrock serait déboutée de sa demande tendant à la condamnation de son co-contractant pour non respect de la date de remise à l'eau du navire (arrêt, pp. 8-9) ;
ET AUX MOTIFS QUE la force majeure se définissait par l'imprévisibilité et l'irrésistibilité d'un événement extérieur, qui étaient cumulatives ; qu'en matière contractuelle, l'imprévisibilité s'appréciait à la date de formation ou de conclusion du contrat ; que le contrat entre les parties concernant la mise à disposition d'une cale sèche du 23 mai au 5 juin 2008 avait été signé le 23 mai 2008 en l'état de deux préavis de grève de 24 heures reconductible l'un du 13 mai pour les 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 et 31 mai, l'autre du 21 mai pour les 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 juin ce pour tous les personnels du Port Autonome, notifiés les 13 et 21 mai, de sorte que le mouvement de grève des services de réparation navale était sinon certain à tout le moins hautement prévisible ; que le Grand Port Maritime de Marseille ne pouvait en conséquence se prévaloir de l'imprévisibilité de la grève des services de réparation navale à la date prévue de remise à l'eau du navire le 5 juin 2008 même si les services de maintenance et d'accorage n'étaient pas directement concernés par la modification du statut des agents de manutention, et sa responsabilité contractuelle était engagée à l'égard de la société Nautech pour non-respect de la date de remise à l'eau du navire nonobstant l'irrésistibilité du mouvement de grève et son caractère extérieur ; que seule constituait une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'il était établi que la société Northrock était un client habituel de la société Nautech depuis au moins 2003 suivant les courriers épistolaires produits et les copies du grand-livre auxiliaire qui révélaient l'existence chaque année de chantiers pour des coûts importants ; que par ailleurs, la société Nautech justifiait avoir établi le 10 février 2007 à la demande de la société Northrock un devis d'un montant total de 1.045.615 € relatif à divers travaux notamment de réfection des ponts en teck et de peinture ; que, par courrier électronique du 26 août 2009, le capitaine du navire Illusion avait informé la société Nautech que les travaux de rénovation envisagés seraient confiés à un chantier naval britannique et que le propriétaire du navire s'opposait à jamais à ce que le navire utilise les installations du port de Marseille, ce en raison de l'absence de remise à l'eau du navire à la date prévue en juin 2008 et des conséquences financières consécutives ; que la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable étant établie, en l'occurrence la clientèle de la société Northrock et un important chantier de rénovation du navire Illusion, la société Nautech était fondée à demander réparation au Grand Port Maritime de Marseille de la perte de cette chance et de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme demandée qui était en corrélation avec les marchés de travaux confiés antérieurement à la société Nautech et la perte du marché en préparation (arrêt, pp. 12-13) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le débiteur d'une obligation contractuelle peut s'exonérer de sa responsabilité, à l'égard de son créancier, par la démonstration, non seulement d'un cas de force majeure, mais également d'une faute dudit créancier ; qu'en se bornant, pour retenir la responsabilité du Grand Port Maritime de Marseille à l'égard de son cocontractant, la société Nautech, à écarter l'existence d'un événement constitutif de force majeure pour le Grand Port Maritime de Marseille, sans rechercher, comme elle y avait pourtant été invitée par les dernières écritures d'appel de celui-ci (pp. 31-33, points 31 et 32), si la société Nautech n'avait pas commis un manquement à son obligation d'information, à l'égard du propriétaire du navire, s'agissant de la grève annoncée dans le port de Marseille, ou un manquement à la bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QU'une grève est un événement imprévisible par le débiteur d'une obligation contractuelle lorsque, lors du dépôt du préavis de grève, il ne peut connaître l'ampleur de ce mouvement ; qu'après avoir constaté que des préavis de grève des 13 et 21 mai 2008 visaient tous les personnels du port de Marseille, la cour d'appel a néanmoins relevé que les personnels de maintenance et d'accorage n'étaient pas directement concernés par la modification du statut des agents de manutention que la grève avait pour objet de contester, ce dont il résultait que le Grand Port Maritime de Marseille ne pouvait pas savoir si les personnels de maintenance et d'accorage compteraient réellement au nombre des grévistes ni, partant, connaître, lors du dépôt de ces préavis de grève, l'ampleur du mouvement, de sorte que ladite grève était imprévisible par le Grand Port Maritime de Marseille ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1148 du code civil ;
ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QU'une grève est un événement imprévisible par le débiteur d'une obligation contractuelle lorsque, lors du dépôt du préavis de grève, il ne peut connaître la durée réelle de ce mouvement ; qu'en se bornant, pour retenir que la grève survenue dans le port de Marseille était prévisible par le Grand Port Maritime de Marseille, à relever que deux préavis de grève de 24 heures reconductibles avaient été déposés, l'un le 13 mai pour une période du 22 au 31 mai, l'autre le 21 mai pour une période du 1er au 8 juin, sans rechercher, comme elle y avait pourtant été invitée par les dernières écritures d'appel du Grand Port Maritime de Marseille (p. 21, point 23), si l'absence de cessation de travail des salariés concernés pendant certaines journées de grève annoncées par des préavis antérieurs et le dépôt répété de tels préavis, non nécessairement suivis d'effet, n'avaient pas privé le Grand Port Maritime de Marseille de la possibilité de savoir si les préavis de grève des 13 et 21 mai seraient quant à eux suivis d'effet et, partant, de connaître la durée réelle du mouvement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du code civil ;
ALORS, EN QUATRIÈME LIEU, QUE hors le cas de faute lourde ou dolosive de sa part, le débiteur d'une obligation contractuelle est tenu à réparation des seuls dommages prévisibles au moment de la conclusion du contrat, ainsi notamment d'un préjudice de perte de chance de poursuivre des relations d'affaires avec un tiers ; qu'en se bornant, pour indemniser la société Nautech en raison d'un préjudice de perte de chance de poursuivre des relations d'affaires avec la société Northrock, à retenir un tel préjudice, sans caractériser en quoi il était prévisible par le Grand Port Maritime de Marseille au moment de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ;
ALORS, EN CINQUIÈME LIEU, QUE la réparation d'un préjudice de perte de chance doit être déterminée au regard de la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, de sorte que, pour apprécier la valeur d'une perte de chance de réaliser un gain, le juge doit préciser la probabilité de réalisation du gain attendu et le montant de ce gain, lequel doit être déterminé en fonction des bénéfices escomptés par la victime et en aucun cas de la diminution de son chiffre d'affaires ; qu'en évaluant l'indemnité allouée à la société Nautech en réparation d'un simple préjudice de perte de chance, sans faire apparaître le montant du gain attendu et la probabilité de réalisation de ce gain, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil.

Moyens produits au pourvoi n° Z 13-25.742 par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Northrock LDC

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société NORTHROCK de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société NAUTECH ;
Aux motifs que « sur la responsabilité contractuelle de la SOCIETE NAUTECH à l'égard de la SOCIETE NORTHROCK et l'appel en garantie du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE : La SOCIETE NORTHROCK conclut à la responsabilité de la SOCIETE NAUTECH pour n'avoir pas remis le navire à l'eau le 6 juin 2008 au plus tard conformément au contrat conclu entre les parties ; qu'elle soutient que la SOCIETE NAUTECH a manqué à son obligation d'informer son cocontractant du climat de tension présent dans les ports français depuis le 17 avril 2008, des grèves successives des agents portuaires du 18 avril au 22 mai 2008 et du risque d'une mise en cale sèche pendant cette période, et n'a pris aucune mesure appropriée afin de remettre le navire à l'eau en temps utile ; que la société NAUTECH invoque en réponse la force majeure en faisant valoir que le blocage du port pendant seize jours était imprévisible et irrésistible, qu'elle ne détenait aucune information lui permettant d'aviser son co-contractant du risque de blocage du port pendant une telle durée et en particulier de l'accorage dont le personnel n'était pas concerné par la réforme portuaire qui visait les portiqueurs et les grutiers, que le capitaine du navire était en possession des mêmes informations que la concluante ; qu'il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives ; que, selon l'article 1148 du code civil, il n'y a pas lieu à dommages et intérêts à raison de l'inexécution d'une obligation ou du retard dans l'exécution lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé ; que la force majeure se caractérise par l'imprévisibilité et l'irrésistibilité d'un événement extérieur, qui sont cumulatives ; que l'imprévisibilité s'apprécie en matière contractuelle au jour de la conclusion ou de la formation du contrat, le débiteur ne s'étant engagé qu'en fonction de ce qui état prévisible à cette date ; que l'irrésistibilité s'apprécie comme en matière délictuelle à la date de l'événement ; que le litige porte en l'espèce non sur le blocage du port dans son ensemble mais sur la paralysie du service de réparation navale qui a duré du 30 mai au 18 juin 2008 ; qu'il est constant en l'espèce que le contrat entre la société NORTHROCK et la société NAUTECH a été formé par un échange de courriers électroniques du 27 décembre 2007 au 15 février 2008, les parties ayant convenu de l'exécution des travaux du 12 au 19 mai 2008, et que la date de début des travaux a été reportée au 22 mai 2008 avec remise à l'eau du navire le 6 juin au plus tard à la demande de la société NORTHROCK par échange de courriers électroniques du 6 avril 2008 ; que la réforme portuaire qui touchait notamment à l'organisation de la manutention portuaire et a été la cause d'un vaste mouvement de grève dans les ports concernés, a fait l'objet d'un projet de loi présenté en conseil des ministres le 23 avril 2008, adopté par le Sénat le 21 mai 2008, adopté par l'Assemblée Nationale le 24 juin 2008, et d'une publication au journal officiel le 5 juillet 2008 ; que si la réforme portuaire avait été annoncée dès l'année 2007, la société NAUTECH n'était en mesure de prévoir à la date de formation du contrat entre décembre 2007 et février 2008 ni le contenu de la réforme, ni l'état d'avancement de son élaboration, ni le calendrier parlementaire, ni la paralysie pendant la période des travaux des services de réparation navale non concernés par le changement de statut des agents de manutention ; que la paralysie du service de réparation navale à la date de formation du contrat était en conséquence imprévisible ; que l'irrésistibilité se caractérise par le caractère insurmontable de l'événement et il convient de déterminer si ce dernier a mis le débiteur de l'obligation dans l'impossibilité d'exécuter son obligation ; qu'il est constant en l'espèce que les travaux ont été réalisés dans le délai imparti dès lors que le navire est entré en cale sèche le 23 mai, que les travaux ont été terminés le 2 juin, que la société NAUTECH a demandé le 3 juin que la remise à l'eau du navire soit effectuée le 4 juin et qu'elle s'est heurtée à la grève des services de réparation navale ; que selon les courriers électroniques échangés entre le responsable du service accorage et divers interlocuteurs dont le responsable de la société NAUTECH, les services de réparation navale, maintenance et accorage, se sont en effet mis en grève à compter du 30 mai dans le cadre de deux préavis de grève de 24 heures renouvelables en date des 13 mai et 21 mai ; que le contrat conclu le 23 mai 2008 entre le PORT AUTONOME et la SOCIETE NAUTECH concernant la mise à disposition d'une cale sèche pour la période du 23 mai 2008 au 5 juin 2008 à 15 heures au plus tard ne contient aucune réserve formulée par le PORT AUTONOME quant au risque de grève pendant cette période susceptible d'affecter la remise à l'eau du navire à la date convenue alors qu'un préavis de grève lui avait été notifié le 21 mai pour la période concernée ; que la société NAUTECH justifie par la production de nombreux courriers avoir alerté les autorités portuaires et le Préfet sur l'urgence à mettre un terme à la situation au regard de son engagement contractuel et leur avoir transmis les réclamations de la société NORTHROCK ; que, par ailleurs, la société NAUTECH était tenue d'exécuter les travaux convenus aux dates prévues qui lui ont été imposées par la société NORTHROCK conformément au contrat dont elle ne pouvait différer l'exécution sans faillir à son obligation contractuelle ; que la société NAUTECH qui utilise les formes de radoub situées dans l'enceinte du port et avait nécessairement recours aux salariés du port pour procéder aux opérations de mise en cale sèche et de remise à l'eau du navire a été confrontée à un événement extérieur et insurmontable malgré les diligences mises en oeuvre pour tenter d'y remédier, présentant le caractère de l'irrésistibilité ; que la société NAUTECH étant fondée à se prévaloir de la force majeure, le jugement déféré sera infirmé et la société NORTHROCK sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de son co-contractant pour non respect de la date de remise à l'eau du navire ; que l'appel en garantie formé par la société NAUTECH à l'encontre du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE sera en conséquence déclaré sans objet » (arrêt p. 8-9).
1°/ Alors, d'une part, qu'au cas présent, la société NORTHROCK invoquait la responsabilité de la société NAUTECH non seulement pour manquement à son obligation de remise à l'eau du navire à la date prévue, mais également pour manquement à son obligation d'information au cours de l'exécution du contrat ; que la société NORTHROCK soutenait ainsi que la société NAUTECH avait engagé sa responsabilité pour ne pas l'avoir informée, au mois d'avril 2008, de la tension sociale qui régnait de la Grand port Maritime de Marseille ; que la cour d'appel s'est contentée de statuer sur la responsabilité de la société NAUTECH au titre de la remise à l'eau du navire ; qu'en se déterminant ainsi, sans examiner le moyen tiré du manquement de la société NAUTECH à son obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ Alors, d'autre part, que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen sans inviter les parties à formuler des observations ; qu'au cas présent, la société NORTHROCK invoquait la responsabilité de la société NAUTECH pour non respect de son obligation d'information en cours d'exécution du contrat, et pour inexécution de son obligation de remise à l'eau avant le 6 juin 2008 ; que la société NAUTECH n'invoquait la force majeure qu'en défense au moyen formulé par la société NORTHROCK tiré du manquement de la société NAUTECH à son obligation d'information, et non en défense au moyen tiré de l'inexécution de son obligation de remise à l'eau ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la société NAUTECH pourrait se prévaloir de la force majeure pour échapper à sa responsabilité au titre de l'inexécution de son obligation de remise à l'eau, sans appeler les parties à formuler leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ Alors, subsidiairement, que si la force majeure suppose que soit caractérisé un événement imprévisible lors de la formation du contrat, la circonstance qu'un événement soit raisonnablement envisageable, eu égard au contexte dans lequel est conclu le contrat, suffit à exclure l'imprévisibilité ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la réforme portuaire avait été annoncée dès l'année 2007, soit avant la conclusion du contrat (arrêt p. 8 § 9) ; qu'il était par ailleurs constant que le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE avait été paralysé par plusieurs grèves de grande ampleur depuis le début de l'année 2007 ; que pour considérer que la société NAUTECH pouvait se prévaloir d'un cas de force majeure, la cour d'appel a énoncé que, si la société NAUTECH savait, lors de la formation du contrat, qu'une réforme portuaire avait été annoncée, elle ne connaissait pas le contenu et le calendrier exacts de la réforme, et ne pouvait dès lors savoir que les agents des services de réparation navale seraient susceptibles de se mettre en grève dans la période à laquelle le navire devrait être remis à l'eau ; qu'en se focalisant ainsi sur la circonstance que la société NAUTECH ne pouvait être certaine, lors de la formation du contrat, d'une grève des services de réparation pendant la réalisation des travaux, cependant que la seule circonstance qu'une réforme portuaire était en cours, rendait envisageable, eu égard au contexte, la possibilité d'une grève de l'ensemble des services du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE lors de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1148 du code civil ;
4°/ Alors en tout état de cause que si, de manière générale, l'imprévisibilité s'apprécie uniquement au jour de la formation du contrat, il n'en va pas ainsi lorsque le contrat prévoit une exécution différée dans le temps, et que les parties peuvent se délier tant que le contrat n'a pas reçu de commencement d'exécution ; que dans une telle hypothèse, si un événement imprévisible au jour de la conclusion du contrat survient avant que l'exécution du contrat n'ait commencé, et que la partie qui a la possibilité de se délier poursuit l'exécution du contrat plutôt que de se désengager, alors elle ne peut se prévaloir de la force majeure pour s'exonérer de sa responsabilité ; qu'au cas présent, il était constant que le contrat conclu entre la société NORTHROCK et la société NAUTECH au mois de février 2008 prévoyait l'exécution de travaux usuels d'entretien pour la fin du mois de mai 2008 et que la société NORTHROCK avait expressément signalé à la société NAUTECH, lors de la formation du contrat, qu'elle souhaitait par dessus tout disposer de son navire au plus tard le 6 juin 2008, se montrant prête à renoncer à la réalisation des travaux à la date initialement prévue si nécessaire ; que la cour d'appel a considéré que la société NAUTECH pouvait invoquer le caractère imprévisible de la grève survenue lors de la mise en cale sèche du navire au motif que cette grève aurait été imprévisible lors de la formation du contrat ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société NAUTECH n'avait pas connaissance des risques de blocage avant que le navire n'arrive au port, ce qui était de nature à exclure la possibilité pour elle d'invoquer la force majeure dès lors qu'elle avait la possibilité de se délier du contrat plutôt que d'en poursuivre l'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1148 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour statuer sur la demande formée par la société NORTHROCK à l'encontre du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE pour faute lourde dans l'exercice de sa mission de service public, et d'avoir renvoyé la société NORTHROCK à se pourvoir devant la juridiction administrative ;
Aux motifs que « Sur la responsabilité du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE à l'égard de la société NORTHROCK pour faute lourde dans l'exécution de sa mission de service public : la société NORTHROCK soutient que le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE a commis une faute lourde en ne prenant aucune mesure pour assurer la continuité du service public et permettre la remise à l'eau du navire le 4 juin, caractérisée en particulier par un comportement passif malgré les mises en demeure qui lui ont été notifiées, l'absence de réquisition des agents portuaires, et l'omission de prévenir la société NAUTECH en temps utile alors que le blocage du port était prévisible au regard du climat de tension qui régnait dans les ports français depuis le 17 avril 2008 ; que le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE soulève à titre principal l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif dès lors qu'est mise en cause l'organisation du service public portuaire ; qu'il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives ; que le PORT AUTONOME DE MARSEILLE auquel a succédé le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE est un établissement public industriel et commercial assurant une mission de service public administratif et une mission de service public industriel et commercial ; que la société NORTHROCK reproche au Port autonome de Marseille des actes ou des abstentions dans le cadre de l'organisation du service public ; que les actes ou abstention relatifs à l'organisation du service public qui sont susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance public gestionnaire ont un caractère administratif et relèvent, quant à leur contentieux, des juridictions de l'ordre administratif ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de déclarer la juridiction judiciaire incompétente au profit de la juridiction administrative » (arrêt p. 9-10) ;
1°/ Alors que les actions relatives à la réparation des dommages causés aux usagers d'un service public industriel et commercial par l'interruption ou les irrégularités du service relèvent, quelle que soit la cause des perturbations, de la compétence des tribunaux judiciaires ; qu'au cas présent, la société NORTHROCK engageait la responsabilité du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE fait des dysfonctionnements liés à la grève des agents de maintenance chargés de remettre à l'eau le navire après sa mise en cale sèche dans la forme de radoub, laquelle constitue un outillage public ; qu'il s'agissait donc d'une action relative à la réparation d'un dommage causé à un usager d'un service public industriel et commercial par l'interruption du service ; qu'en jugeant que cette action ne relevait pas la compétence des tribunaux judiciaires, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 92 du code de procédure civile ;
2°/ Alors que l'exception à la compétence des tribunaux judiciaires dans les litiges opposant un service public industriel et commercial à l'un de ses usagers, tirée de ce que l'action mettrait en cause un acte d'organisation du service public ne s'applique qu'à l'action introduite par l'usager d'un service public industriel et commercial dont l'objet est de contester la légalité d'un acte administratif ; qu'en considérant que cette exception s'appliquait dès lors qu'était en mis cause le comportement de l'établissement public dans la gestion du service public, indépendamment de tout acte administratif identifié dont la légalité serait contestée, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 92 du code de procédure civile ;
3°/ Alors en tout état de cause que l'exception à la compétence des tribunaux judiciaires dans les litiges opposant un service public industriel et commercial à l'un de ses usagers tirée de ce l'action mettrait en cause un acte d'organisation du service public ne s'applique qu'à l'action introduite par l'usager d'un service public industriel et commercial dont l'objet est de contester la légalité d'un acte administratif et non à l'action introduite par l'usager du service public industriel et commercial qui a pour objet d'obtenir réparation du préjudice qu'il subit, quand bien même ce préjudice prendrait sa source dans l'illégalité d'un acte administratif ; que dans cette dernière hypothèse, le juge judiciaire demeure compétent, sous la seule réserve d'un renvoi préjudiciel à la juridiction administrative portant sur la seule question de la légalité de l'acte ; qu'en considérant que les tribunaux judiciaires sont incompétents dès lors que sont en cause des actes relevant de l'organisation du service public, cependant que cette circonstance n'exclut la compétence des tribunaux judiciaires que lorsque l'action introduite par l'usager du service public industriel et commercial tend à contester la légalité d'un administratif, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 92 du code de procédure civile ;
4°/ Alors en tout état de cause que la société NORTHROCK recherchait la responsabilité du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE non seulement pour n'avoir pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour permettre une remise à l'eau du navire le 6 juin 2008, mais également pour avoir manqué à son obligation d'information tant à son égard qu'à l'égard de la société NAUTECH ; que cette faute ne concernait en rien l'organisation du service public portuaire ; qu'en déclarant les tribunaux judiciaire incompétents pour connaître de l'action en responsabilité introduite par la société NORTHROCK contre le GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE sans rechercher si les tribunaux judiciaires n'étaient pas à tout le moins compétents pour statuer sur la responsabilité du GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE à l'égard de la société NORTHROCK du fait d'un manquement à son obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 92 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-24698;13-25742
Date de la décision : 16/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 jui. 2015, pourvoi n°13-24698;13-25742


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.24698
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