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03/06/2015 | FRANCE | N°15-81742

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 juin 2015, 15-81742


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- la société Consus Joint Stock Company,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de PARIS, 2e section, en date du 12 février 2015, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction la plaçant sous contrôle judiciaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567

-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rappo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- la société Consus Joint Stock Company,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de PARIS, 2e section, en date du 12 février 2015, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction la plaçant sous contrôle judiciaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle BOUTET-HOURDEAUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5, 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à cette convention, préliminaire, 137 et suivants, 591, 593 et 706-45 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a fixé l'obligation de cautionnement de la société Consus, dans le cadre de son placement sous contrôle judiciaire, à la somme de 2 000 000 d'euros, cette somme devant être versée, entre les mains du régisseur des recettes du tribunal, en un versement et avant le 12 avril 2015 ;
"aux motifs qu'il ressort suffisamment des éléments plus haut rappelés qu'il existe des raisons rendant plausibles l'implication directe de la société Consus Joint Stock Company dans les faits dont le juge d'instruction est saisi ; qu'en application de l'article 138 11° du code de procédure pénale, le cautionnement est fixé compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ; que les ressources prises en compte s'entendent non seulement des revenus de la personne mais aussi de tous les fonds dont elle dispose ou a disposé, quelle qu'en soit l'origine ; que le cautionnement d'un montant de 2 000 000 d'euros est destiné à garantir non seulement la représentation de la personne mise en examen en justice mais également la réparation des dommages et le paiement de l'amende encourue ; qu'en l'espèce, les sommes pour le blanchiment desquelles la société Consus Pologne a été mise en examen correspondent aux ventes hors TVA sur Bluenext de quotas de CO2 par Consus pour les sociétés défaillantes du dossier, en l'espèce 1 444 022 648,36 euros ; que l'amende encourue est donc égale à 722 millions d'euros ; que, sans qu'il y ait lieu à discuter ici des indices graves et concordants justifiant la mise en examen de la société Consus Joint Stock Company, l'unique objet dont est saisie la chambre de l'instruction étant le cautionnement, le juge d'instruction a à juste titre relevé l'implication directe de cette société dans les faits de l'information ; que, entendu le 11 octobre 2010 dans le dossier dit Crépuscule, M. X... déclarait : « Je suis gérant de la société Consus France, créée en 2006, qui est une sarl, et Consus SA est actionnaire unique de la société Consus France. La société Consus France a ses locaux 59 rue des Petits Champs, 75001 Paris, 100% externalisation. L'adresse est juste une domiciliation » ; que la société Consus Joint Stock Company a été mise en examen comme coauteur de l'infraction de blanchiment, pour laquelle la société Consus France, en état de cessation virtuelle de paiement, aurait pu elle aussi être mise en examen ; qu'également, à ce stade de la procédure, comme l'a justement et précisément relevé le magistrat instructeur, M. X... est « proxy » de la société Consus Joint Stock Company, c'est-à-dire fondé de pouvoir ou « représentant légal de Consus SA dans le monde entier », pour reprendre ses termes ; que l'influence et le rôle de M. X... déterminants dans la société Consus Joint Stock Company (Consus Pologne) résultent également du fait qu'il est propriétaire de 50% des parts de la holding chypriote Consus qui détient, entre autres, 100% de Consus Pologne ; que M. X... était également gérant de la société Consus France ; que la société Consus France est détenue à 100% par « Consus Pologne » ( la société Consus Joint Stock Company) ; qu'aussi bien la société Consus France que la société Consus Pologne étaient inscrites comme courtier agréé auprès de Bluenext ; que la société Consus Pologne a commencé le négoce de carbone en 2006 avant de créer la société Consus France ; que s'agissant des ressources de la personne morale, le juge d'instruction a justement analysé que nonobstant les pertes d'exploitation invoquées pour les années 2010, 2011, 2012 et 2013, les ressources effectives, telles que figurant au bilan 2013, incluent les avoirs de toute nature dont les immeubles de placement, terrains, moyens de transport dont un avion, et les participations dans une clinique, un garage automobile ou encore un club de base-ball sans qu'il incombe néanmoins au magistrat d'émettre des suggestions sur les modalités envisageables de mobilisation ; qu'en l'état du dossier, ce cautionnement est proportionné aux ressources et aux charges de la mise en examen, compte tenu notamment des sommes dont la personne morale a bénéficié dans le cadre des infractions reprochées et des sommes qui sont susceptibles de lui être réclamées dans le cadre de la procédure pénale au titre de la réparation des dommages causés par les infractions et des amendes ; que l'échéance fixée est également pertinente, la probabilité d'un cautionnement à verser étant connue de la personne morale depuis l'ordonnance de sursis à statuer du 9 octobre 2014 faisant suite aux réquisitions du ministère public demandant un cautionnement d'un montant de 10 millions d'euros ; que le paiement d'une caution dans le cadre du contrôle judiciaire est justifié par la nécessité de garantir également la représentation de la personne morale mise en examen en justice, celle-ci établie à l'étranger, pouvant pour partie décider de son avenir juridique, notamment par cession ou fusion ; qu'il résulte des éléments précis et circonstanciés ci-dessus rappelés que l'obligation de verser un cautionnement de 2 millions d'euros est nécessaire pour garantir à concurrence de 100 000 euros la représentation à tous les actes de la procédure de la personne morale mise en examen et à concurrence de 1 900 000 euros le paiement dans l'ordre suivant : de la réparation des dommages causés par l'infraction, des amendes ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise ;
"et aux motifs adoptés que sur les ressources de la société Consus Pologne : pour démontrer que la société Consus Pologne n'a aucune ressource pour payer une caution, son conseil fait valoir ses pertes d'exploitation en 2010 de 12 712 kzlotys, en 2011 de 16 229 kzlotys, en 2013 de 5 556 kzlotys, soit un total de 45 595 000 zoltys ; que cependant le bilan de la société Consus Pologne évalue en 2013 ses actifs immobiliers à la valeur de 30 000 000 zlotys et ses « matériel de transport » à 41 693 000 zlotys ; que s'agissant des actifs immobiliers, il est mentionné dans les rapports du commissaire aux comptes divers immeubles de placement et terrains à Torun et à Kuaszkowo ; que s'agissant du matériel de transport, il est mentionné un avion (évalué en 2012 à 6 791 502 zlotys) et d'autres bien, sans autres précisions (41 693 000 zlotys ¿ 6 791 502 zlotys, soit environ 34,8 millions de zlotys) ; que la société Consus Pologne pourrait mobiliser ses actifs, qu'elle valorise à 17 millions d'euros, par exemple par un « lease-back », pour au moins la moitié de leur valeur, soit 8,5 millions ; qu'à cela s'ajoute des titres et participations, valorisés au bilan 2013 à 9 276 670 zlotys (soit 2,2 millions d'euros) dont il semblerait qu'il s'agisse de participations dans une clinique, un garage automobile et un club de base-ball ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation des ressources de la personne mise en examen en fixant sa caution à la somme de 2 000 000 euros à régler d'ici quatre mois ; sur la nécessité de régler une caution : que nul ne peut prédire l'avenir d'une société, fût-elle de belle taille comme l'est le groupe Consus ; qu'elle peut tomber en déconfiture ou être absorbée et ainsi disparaître ; que cela justifie le paiement d'une caution destinée à garantir sa représentation ; que par ailleurs la caution sert à garantir le paiement de l'amende encourue ; qu'elle s'élève à 3 750 000 euros d'amende, ou à la moitié des sommes blanchies ; qu'en l'espèce, les sommes pour le blanchiment desquelles la société Consus Pologne a été mise en examen correspondent aux ventes (hors TVA) sur Bluenext de quotas de CO2 par Consus pour les sociétés défaillantes du dossier, en l'espèce 1 444 022 648,36 euros ; que l'amende encourue est donc égale à 722 millions d'euros ;
"1°) alors que la personne mise en examen sous contrôle judiciaire ne peut être astreinte à fournir un cautionnement qu'à la condition que cette mesure soit justifiée à la fois par la nécessité de garantir sa représentation à tous les actes de la procédure, l'exécution du jugement ainsi que, le cas échéant, l'exécution des autres obligations qui lui sont imposées ; qu'au cas particulier, pour fixer le cautionnement mis à la charge de la société Consus à la somme de 2 millions d'euros à concurrence de 100 000 euros pour la représentation à tous les actes de la procédure, la chambre de l'instruction a énoncé que le paiement d'une caution dans le cadre du contrôle judiciaire est justifié par la nécessité de garantir la représentation de la personne morale mise en examen en justice, celle-ci établie à l'étranger, pouvant pour partie décider de son avenir juridique, notamment par cession ou fusion, tomber en déconfiture ou être absorbée et ainsi disparaître ; qu'en statuant comme tel, par des motifs inopérants et quand la société Consus établissait que le risque de sa non représentation en justice était purement et simplement inexistant, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors subsidairement que pour arrêter le cautionnement imposé à la société Consus à la somme de 2 millions d'euros, la chambre de l'instruction a pris en compte le montant de l'amende encourue au titre des infractions supposées, soit 722 millions d'euros ; que la société Consus faisait pourtant valoir qu'à supposer l'obligation de cautionnement justifiée, les juridictions d'instruction devaient, pour en apprécier la proportionnalité, tenir compte des seules supposées remontées de dividendes dont elle aurait bénéficié pour un montant de 19,9 millions d'euros ; qu'en s'abstenant de répondre à cette articulation essentielle du mémoire de la société Consus, quand elle était de nature à limiter le montant du cautionnement, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par ordonnance du 12 décembre 2014, la société polonaise Consus joint stock company, mise en examen des chefs d'escroquerie et de blanchiment en bande organisée, a été placée sous contrôle judiciaire avec l'obligation de verser un cautionnement de 2 000 000 d'euros, dont 100 000 euros pour assurer sa représentation en justice et 1 900 000 euros afin de garantir, notamment, la réparation des dommages causés par l'infraction et les amendes ;
Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, l'arrêt, après avoir rappelé les faits reprochés à la société et les indices de culpabilité retenus contre elle comme co-auteur des infractions, indique les raisons pour lesquelles le cautionnement est nécessaire au regard de l'exigence conjointe et concomitante de se présenter aux actes de la procédure jusqu'à son issue et de permettre l'exécution de l'éventuel jugement quant à l'indemnisation des préjudices et au paiement des amendes ; que les juges ajoutent que son montant, fixé en fonction des facultés contributives de la société, est justifié, notamment, par les sommes objet du blanchiment et les amendes encourues, et que la répartition du cautionnement en deux parties est effectuée de façon proportionnée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction, qui s'est expliquée, au regard des circonstances de l'espèce, sur la nécessité et la proportionnalité du cautionnement, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois juin deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81742
Date de la décision : 03/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 12 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 jui. 2015, pourvoi n°15-81742


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.81742
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