LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 janvier 2014), que la société Bouygues immobilier a vendu, en l'état futur d'achèvement, une maison individuelle à M. et Mme X... ; que la réception a été prononcée avec des réserves ; que M. et Mme X... ont vendu la maison à M. et Mme Y... ; que, se prévalant de l'aggravation des fissures affectant les façades et pignons, M. et Mme Y... ont, après expertise, assigné la société Bouygues Immobilier en réparation de leur préjudice ;
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande relative aux fissures en façades et pignons, alors, selon le moyen :
1°/ que les vices connus à la date de la réception d'un ouvrage, ayant fait l'objet d'aggravations ultérieures, peuvent être indemnisés sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle ; que les époux Y... sollicitaient l'indemnisation des préjudices consécutifs aux fissures constatées sur les façades et les pignons sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre des dommages intermédiaires ; qu'en énonçant, pour déclarer leurs demandes en réparation irrecevables pour avoir été formées tardivement, que ces vices ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination, si bien que leur aggravation alléguée était dénuée de portée, quand une telle aggravation permettait aux époux Y... de demander l'indemnisation de leurs dommages sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que les juges du fond doivent analyser, fut-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; que pour déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts des époux Y... relative aux préjudices liés aux fissures sur les façades et les pignons, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la preuve de l'aggravation de ces désordres n'était pas rapportée, sans analyser, fut-ce sommairement, les pièces produites par les époux Y... aux fins d'établir le caractère évolutif de ces fissures, à savoir, le rapport Dommage ouvrage du cabinet Eurisk, le rapport d'expertise de M. Z... du 24 octobre 2006, et le procès-verbal de constat de M. A... du 19 octobre 2009 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres de fissures affectant les façades et pignons au moment de la réception et de la livraison, puis postérieurement, ne relevaient pas de la garantie décennale des constructeurs car ils ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, en a exactement déduit que, les demandes portant sur des vices apparents à la livraison, M. et Mme Y..., qui ne pouvaient pas agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, étaient forclos, faute d'avoir engagé leur action dans le délai d'un an et un mois à compter de la date de livraison ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable la demande des époux Y... relative aux fissurations en façades et pignons et d'avoir, par conséquent, ramené à la somme de 1. 380 euros hors taxes, soit 1. 455, 90 euros toutes taxes comprises le montant de leur préjudice,
AUX MOTIFS QUE « Monsieur et Madame Thierry Y..., sous-acquéreurs du pavillon et non pas cocontractants de la société Bouygues Immobilier dirigent leurs demandes en application des dispositions de l'article 1147 du code civil à l'encontre de cette dernière qui était le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre de l'opération et le vendeur en état futur d'achèvement du pavillon, que la société Bouygues Immobilier leur oppose, en ce qui concerne les fissures en façades et pignon, l'exception de forclusion de leur action en raison de la forclusion annale de cette action sur le fondement des articles 1642-1 et 1648 du code civil ; que la réception des travaux a été prononcée avec des réserves relatives à la présence de fissures sur le gros oeuvre le 21 octobre 2002, que la société Bouygues Immobilier a régularisé, le 7 octobre 2002, une déclaration de sinistre auprès de son assureur Tous Risques Chantier (TRC), donc dommages-ouvrage, qui a pris une position de non garantie pour ces désordres ; que le procès-verbal d'état des lieux et de remise des clés du 23 octobre 2002, pour le pavillon des époux X..., mentionne au titre des réserves constatées « fissures : présence de fissures sur façades expertise TR en cours » ; qu'aux termes de l'acte de vente du 21 mai 2003, entre les époux X... et les époux Thierry Y..., le vendeur subroge l'acquéreur dans le bénéfice des garanties prévues par les articles 1792, 1792-2, 1792-3 du code civil en ce que ces garanties peuvent encore bénéficier au bien vendu compte tenu des délais fixés par l'article 2270 du code civil (page 10) et dit que l'acquéreur sera subrogé dans tous les droits du vendeur relativement au bien (page 11) ; que le vendeur, dans cet acte de vente, a déclaré que l'ensemble des réserves constatées aux termes du procès-verbal du 23 octobre 2002 ont été levées à l'exception de celles concernant les fissures sur façades et que l'acquéreur sera donc subrogé dans tous les droits et actions du vendeur à cet égard ; qu'il s'agit du procès-verbal de livraison du 23 octobre 2002 ; que toutefois, est versé aux débats un quitus de levée de réserves du 13 décembre 2002, aux termes duquel les époux X... certifient que les réserves sur vices apparents constatés d'un commun accord lors de la livraison, consignées sur le procèsverbal de constatation d'état des lieux et de remise des clés à la livraison, en date du 23 octobre 2002, ont toutes été levées ; que ce procès-verbal est signé d'un seul époux ; qu'enfin, dans leurs conclusions devant la cours, Monsieur et Madame Y... énoncent que « les opérations d'expertise de Monsieur Z... » expert judiciaire, « n'ont pas davantage permis une levée amiable des réserves » ; qu'il ressort des éléments versés aux débats et des opérations d'expertise que les désordres de fissures affectant les façades et pignons au moment de la réception et de la livraison, puis postérieurement, ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs car ils ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination ; que dès lors, l'aggravation alléguée des désordres dans leur ampleur et leurs conséquences, qui, au demeurant, n'est pas formellement démontrée, est dénuée de portée ; qu'en cet état, en dépit de l'affirmation dans le procès-verbal de quitus de levée de réserves du 13 décembre 2002, antérieur à la vente par acte authentique du 21 mai 2003, que toutes les réserves sur vices apparents ont été levées, il est manifeste que les réparations justifiant ce quitus de levée de réserves pour les fissures litigieuses n'ont pas été engagées ; qu'il s'ensuit que, les demandes portant sur des vices apparents à la livraison, Monsieur et Madame Y... devaient agir en justice avant le 23 novembre 2003, soit dans le délai d'un an et d'un mois à compter de la date de livraison du 23 octobre 2002, en application des dispositions de l'article 1648 du code civil, ce qu'ils n'ont pas fait, alors qu'ils en avaient la possibilité ayant acquis le pavillon le 21 mai 2003, puisque leur assignation en référé est postérieure à cette date, qu'ils sont donc forclos à agir pour ces désordres ; qu'en tout état de cause, le quitus de la levée de ces réserves ayant été donné au nom des acheteurs de premier rang, le 13 décembre 2002, les acquéreurs de second rang, qui ne disposent pas de plus de droits que leur auteur, ne sont pas recevables à réclamer à la société Bouygues Immobilier la réparation de ces désordres ; que le jugement est donc réformé sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Bouygues Immobilier » (arrêt, p. 6 et suivantes).
ALORS QUE, d'une part, les vices connus à la date de la réception d'un ouvrage, ayant fait l'objet d'aggravations ultérieures, peuvent être indemnisés sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle ; que les époux Y... sollicitaient l'indemnisation des préjudices consécutifs aux fissures constatées sur les façades et les pignons sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre des dommages intermédiaires ; qu'en énonçant, pour déclarer leurs demandes en réparation irrecevables pour avoir été formées tardivement, que ces vices ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination, si bien que leur aggravation alléguée était dénuée de portée, quand une telle aggravation permettait aux époux Y... de demander l'indemnisation de leurs dommages sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, les juges du fond doivent analyser, fut-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; que pour déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts des époux Y... relative aux préjudices liés aux fissures sur les façades et les pignons, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la preuve de l'aggravation de ces désordres n'était pas rapportée, sans analyser, fut-ce sommairement, les pièces produites par les époux Y... aux fins d'établir le caractère évolutif de ces fissures, à savoir, le rapport Dommage Ouvrage du cabinet Eurisk, le rapport d'expertise de Monsieur Z... du 24 octobre 2006, et le procès-verbal de constat de Maître A... du 19 octobre 2009 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.