LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 janvier 2014) que M. et Mme X..., qui avaient confié à M. Y..., carrossier spécialisé dans la restauration de véhicules anciens, en vue de la réalisation de travaux de remise en état, deux véhicules, déposés l'un en 1998 et l'autre en 2009, ont assigné ce dernier en référé afin d'obtenir la restitution, sous astreinte financière et à leur domicile, des véhicules, et le versement d'une provision à valoir sur les sommes versées au titre de travaux non réalisés ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé ;
Attendu que l'arrêt relève que sont contestables tant l'obligation de restitution des véhicules en leur domicile dans les circonstances de la cause où les parties divergent sur le lieu dans lequel elle doit s'opérer et sur l'état dans lequel chacun des véhicules doit être restitué, que la demande de provision, dans la mesure où M. Y... soutient qu'il est créancier à l'égard des époux X... d'une somme d'un montant voisin de celui réclamé par ces derniers ;
Que par ces seuls motifs, la cour d'appel, à laquelle il n'était pas demandé d'ordonner des mesures pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite, appréciant souverainement les éléments soumis à son examen, a pu décider qu'il n'y avait pas lieu à référé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens; ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Amiens ayant dit n'y avoir lieu à référé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « La cour saisie de l'appel interjeté par les époux X... à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 5 avril 2013, ne peut statuer que dans les limites de la compétence du juge des référés ; or c'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que l'obligation de restitution des deux véhicules en cause à monsieur Xavier X... et à madame Sandrine Z..., épouse X..., en leur domicile, était dans les circonstances de la cause contestable, la contestation portant ainsi non sur l'obligation de restitution ellemême dont monsieur Willy Y... ne disconvient pas, affirmant sans être contredit qu'il tient les véhicules Porsche et Matra Bagheera à la disposition des époux X... et ce depuis plusieurs années, mais sur l'étendue de cette obligation, les parties divergeant tant sur le lieu dans lequel elle doit s'opérer que sur l'état dans lequel chacun des véhicules doit être restitué ; la demande d'astreinte est a fortiori ellemême contestable, de même que la demande de provision des époux X..., dont Monsieur Willy Y... soutient qu'ils sont débiteurs de sommes d'un montant voisin ; enfin il ne peut être relevé en la cause de trouble manifestement illicite ni de dommage imminent à prévenir puisque les véhicules ont été confiés, d'ailleurs à des dates différentes ¿ la remise du véhicule Matra, très postérieure à celle du véhicule Porsche, laissant entendre que les parties étaient encore à cette date en relation de confiance ¿ à Monsieur Willy Y... par les époux X... et que les démontages désormais contestés par ces derniers ont été exécutés de longue date » ;
ET AUX MOTIFS EXPRESSÉMENT ADOPTÉS QUE : « selon l'article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; si l'obligation de restitution des deux véhicules Porsche et Matra ne paraît pas sérieusement contestable, il en va différemment de l'obligation d'avoir à restituer aux époux X... ces deux véhicules en leur domicile de Méricourt ; par lettre RAR reçue le 2 août 2012, le conseil des époux X... a mis en demeure monsieur Y... de tenir ces deux véhicules à disposition de ses clients, la Matra en parfait état de fonctionnement et la Porsche après réalisation complète des travaux commandés ; il résulte des termes de ce courrier que monsieur Y... n'a pas été mis en demeure de restituer les deux véhicules au domicile des requérants, mais seulement de les tenir à leur disposition ; or les époux X... ne prétendent pas que Monsieur Y... aurait refusé de mettre les deux véhicules à disposition ni même qu'ils se seraient présentés chez Monsieur Y... pour en reprendre possession ; l'obligation de restitution au domicile des requérants paraît donc sérieusement contestable ;
ALORS 1°) QUE l'existence d'une contestation sérieuse n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'il n'y avait lieu à référé, la cour d'appel a relevé l'existence d'une contestation sérieuse quant à l'étendue de l'obligation de restitution des véhicules que monsieur et madame X... avaient confiés à monsieur Y... ; qu'en statuant ainsi, quand pourtant la présence d'une éventuelle contestation sérieuse était indifférente à l'intervention du juge des référés, la cour d'appel a violé l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QUE les notions de dommage imminent et de trouble manifestement illicite sont distinctes et constituent les deux conditions alternatives de l'intervention du juge des référés pour ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent ; qu'en conséquence, elles correspondent à deux situations différentes qu'il convient nécessairement de distinguer en vue de les caractériser ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent au même motif que les véhicules avaient été confiés à monsieur Y..., à des dates différentes, par les époux X... et que les démontages contestés par ces derniers avaient été exécutés de longue date ; qu'en statuant ainsi, sans distinguer les notions de trouble manifestement illicite et de dommage imminent, quand pourtant ces deux notions renvoient à des situations différentes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QU'EN TOUT ÉTAT DE CAUSE la notion de trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a retenu que les véhicules avaient été confiés à monsieur Y..., à des dates différentes, par les époux X... et que les démontages contestés par ces derniers avaient été exécutés de longue date ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas d'exclure l'existence d'un trouble manifestement illicite et quand pourtant elle constatait que monsieur Y... ne souhaitait pas restituer les véhicules appartenant aux époux X... dans l'état dans lequel ils les lui avaient confiés, ce dont il résultait une violation manifeste de leur droit de propriété constitutive d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, méconnaissant ainsi l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile ;
ALORS 4°) QUE ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE pour écarter en l'espèce l'existence d'un dommage imminent, la cour d'appel a retenu que les véhicules avaient été confiés à monsieur Y..., à des dates différentes, par les époux X... et que les démontages contestés par ces derniers avaient été exécutés de longue date ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas d'exclure l'existence d'un dommage imminent et quand pourtant les conclusions des exposants avaient fait état de ce que les véhicules ainsi démontés, ne pouvant rouler, se détérioraient (conclusions, p. 5), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile.