LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Perrenot, en qualité de chauffeur routier zone longue, le 1er mars 2007 ; qu'il a démissionné le 10 juin 2011 et a saisi la juridiction prud'homale pour demander la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour dire que la démission du salarié n'était pas justifiée par un harcèlement moral et rejeter ses demandes, la cour d'appel retient qu'en ce qui concerne le changement de camion, l'employeur explique dans une lettre adressée au salarié qu'il ne dispose que de seize camions pour livrer le magasin Intermarché, alors qu'il y a dix-huit salariés affectés aux livraisons, qu'il a donc forcément deux salariés qui n'ont pas de camions attitrés, qu'il effectue un roulement entre les salariés, qu'en ce qui concerne le dépassement des heures légales de travail, il ressort des pièces produites aux débats que le salarié a dépassé une fois la durée de travail légal, lors de la grève des carburants de l'automne 2010 et que le caractère exceptionnel de ce dépassement, causé par une circonstance extérieure à l'entreprise, ne peut être reproché à l'employeur, et qu'en ce qui concerne les congés payés mentionnés en lieu et place de repos compensateurs, l'employeur a reconnu avoir commis une erreur sur un bulletin de paie, qu'il a rectifiée ensuite et qu'un tel fait est involontaire et ne laisse pas présumer un harcèlement moral comme établi ;
Qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour perte de repos compensateur, l'arrêt rendu le 29 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Transports Perrenot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble des demandes qu'il avait formées au titre de la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE le salarié lors des élections de 2010 n'était pas candidat ; que si l'employeur n'a pas empêché la diffusion d'un tract favorable à une liste non présentée par une organisation syndicale, ce qui a entraîné l'annulation des élections, le salarié ne verse aucun élément sur les pressions qu'il dit avoir subies avant le vote ; que pour les élections du 23 juin 2011, le salarié ne verse là encore aucun élément permettant d'établir qu'il a subi des pressions avant la désignation des candidats, ce qui l'aurait poussé à démissionner ; que le fait que l'employeur n'était pas favorable à la liste Force Ouvrière n'est pas suffisant à établir des faits laissant présumer un harcèlement moral ; que, de même, la circonstance que des salariés candidats FO ont subi des actes de harcèlement moral, ainsi que l'a jugé à plusieurs reprises la cour d'appel de Grenoble, ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral en l'absence de tout fait précis concernant M. X... ; que concernant la réduction d'activité, qui ne serait que la conséquence de sa proximité avec le syndicat FO, il ressort des fiches d'activité produites par le salarié que ce dernier a effectué un nombre d'heures conséquent de janvier à septembre 2010 ; qu'il a ainsi travaillé 183 heures en janvier 2010, 203,08 heures en février 2010, 200,15 heures en mars 2010, 215,36 heures en avril 2010 , 199,69 heures en mai 2010, 207,76 heures en juin 2010, 189,43 heures en juillet 2010, 192,26 heures en août 2010 et 220,68 heures en septembre 2010 ; que M. X..., qui ne fournit aucune information sur son activité les années précédentes, ne justifie pas d'une réduction de ses horaires ; que, concernant le changement de camion, l'employeur explique dans une lettre adressée au salarié le 6 décembre 2010 qu'il ne dispose que de 16 camions pour livrer le magasin Intermarché, alors qu'il y a 18 salariés affectés aux livraisons, qu'il a donc forcément deux salariés qui n'ont pas de camions attitrés, qu'il effectue un roulement entre les salariés ; que le salarié n'a pas répondu à l'employeur et n'a pas revendiqué ensuite jusqu'à sa démission intervenue plus de six mois plus tard l'attribution d'un véhicule attitré ; qu'en ce qui concerne le dépassement des heures légales de travail, qu'il ressort des pièces produites aux débats que le salarié a dépassé une fois la durée de travail légal, lors de la grève des carburants de l'automne 2010 ; que le caractère exceptionnel de ce dépassement, causé par une circonstance extérieure à l'entreprise, ne peut être reproché à l'employeur ; que, sur les congés payés mentionnés en lieu et place de repos compensateurs, l'employeur a reconnu avoir commis une erreur sur un bulletin de paie, qu'il a rectifié ensuite ; qu'un tel fait est involontaire et ne laisse pas présumer un harcèlement moral ; qu'enfin, sur les méthodes de calcul des heures défavorables aux salariés, les pièces produites ne démontrent pas que le calcul de l'employeur était défavorable au salarié ; que ce dernier d'ailleurs ne réclame aucune heure supplémentaire ou aucun rappel de salaire ; que, pour la calcul des congés payés, l'inspection du travail après contrôle n'a pas relevé d'infractions ; que, là encore, le salarié ne réclame aucune somme d'argent signifiant ainsi qu'il a été rempli de ses droits ; que le harcèlement moral n'est pas constitué ; que, dans ces conditions, la prise d'acte n'est pas justifiée ; qu'en conséquence, la démission produira son plein effet ;
ALORS, 1°), QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, s'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'à défaut d'avoir procédé à une appréciation d'ensemble des faits établis par le salarié, au nombre desquels figurait le fait que l'employeur n'était pas favorable à la liste Force Ouvrière sous l'étiquette de laquelle elle avait constaté que M. X... s'était présenté aux élections professionnelles, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1554-1 du code du travail ;
ALORS, 2°), QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 6), le salarié faisait valoir que le fait d'avoir, en bravant les consignes de son employeur, voté aux élections professionnelles du mois de juillet 2010 lui avait valu de se voir retirer le camion attitré dont il disposait depuis le début de la relation contractuelle ; que, pour écarter tout harcèlement moral de ce chef, la cour d'appel a relevé que l'employeur a exposé, dans une lettre adressée au salarié, disposer de moins de camions que de chauffeurs et effectuer un roulement entre ses salariés et que M. X... n'a ni répondu à ce courrier ni revendiqué jusqu'à sa démission intervenue six mois plus tard, un camion attitré ; qu'en se déterminant par ces considérations inopérantes, dès lors que l'absence de réclamation d'un salarié ne caractérise pas sa volonté claire et non équivoque d'accepter une modification de son contrat de travail, sans rechercher si la privation d'un camion attitré n'avait pas été la conséquence de la participation du salarié aux élections professionnelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, 3°), QUE les juges du fond doivent s'expliquer sur tous les faits dont un salarié se prévaut en vue d'établir qu'il a été victime d'un harcèlement moral ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 6), tout comme d'ailleurs dans sa lettre de prise d'acte, le salarié faisait valoir que l'employeur lui avait imposé de nombreux jours de repos forcés ; qu'en ne se prononçant pas sur ce grief, distinct de la réduction d'activité, qu'elle a seule envisagée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.