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29/10/2013 | FRANCE | N°12/02843

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 29 octobre 2013, 12/02843


RG N° 12/02843



N° Minute :





















































































Notifié le :



Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MARDI 29 OCTOBRE 2013







Appel d'une décision (N° RG 10/00850)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 03 mai 2012

suivant déclaration d'appel du 26 Mai 2012



APPELANT :



Monsieur [K] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Comparant en personne

Assisté de Me Isabelle ROUX, avocat au barreau de VALENCE







INTIMEE :



LA SAS PERRENOT, prise en la personne...

RG N° 12/02843

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MARDI 29 OCTOBRE 2013

Appel d'une décision (N° RG 10/00850)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 03 mai 2012

suivant déclaration d'appel du 26 Mai 2012

APPELANT :

Monsieur [K] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant en personne

Assisté de Me Isabelle ROUX, avocat au barreau de VALENCE

INTIMEE :

LA SAS PERRENOT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me France TETARD, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Philippe ALLARD, Président,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Septembre 2013,

Monsieur PARIS, chargé du rapport, et Monsieur ALLARD, assistés de Madame Ouarda KALAI, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 29 Octobre 2013, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 29 Octobre 2013.

RG N°12/2843F.P

[K] [S] a été engagé en qualité de chauffeur routier zone longue par contrat à durée indéterminée du 1er mars 2007 par la société Perrenot.

Il s'était présenté à des élections du Comité d'entreprise au mois de juin 2010, cette élection a été annulée ; il s'est représenté ensuite en tant que membre du syndicat Force ouvrière en février 2011.

Il a saisi le conseil des prud'hommes de Valence le 18 novembre 2010 à l'effet d'obtenir le paiement de repos compensateurs.

Il a présenté sa démission le 10 juin 2011.

A l'issue de la procédure il a demandé la requalification de la démission en rupture abusive et des dommages et intérêts.

Par jugement du 3 mai 2012 le conseil des prud'hommes a condamné la société Perrenot à payer à [K] [S] la somme de 705,59 € pour repos compensateurs non pris, celle de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté du surplus de ses demandes.

[K] [S] a interjeté appel par déclaration du 26 mai 2012.

Il demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf sur le rejet de la demande de requalification de la rupture et la demande de dommages et intérêts subséquente,

- condamner la société Perrenot à lui payer :

* 4120 € à titre d'indemnité de préavis, et 412 € de congés payé afférents,

* 1785,33 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 12 360 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Perrenot à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que sur les repos compensateurs, son contrat a été rompu sans qu'il ait pu en bénéficier,

que le préjudice est égal au montant du repos récupérateur non pris et du montant des congés payés afférents,

que sur la requalification de la démission, il a subi des faits laissant présumer un harcèlement moral,

qu'il a été contraint de démissionner.

La société Perrenot demande à la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement en ce qui concerne les repos compensateurs, et débouter l'appelant de ses demandes,

- à titre subsidiaire, fixer les repos compensateurs à la somme de 441,34 €,

- confirmer le jugement sur le rejet de la demande de requalification de la démission,

- condamner [K] [S] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que sur les repos compensateurs le salarié a été informé de ses droits, le décompte de repos compensateur figurant dans le bulletin de paie, que ces repos doivent être pris dans un délai de trois mois,

que l'employeur n'a dès lors commis aucune faute et ne peut être tenu à payer des repos compensateurs non pris non réclamés,

qu'à titre subsidiaire, la demande est excessive,

Elle fait valoir sur la demande de requalification de la démission, que le salarié ne produit aucun élément susceptible d'établir des agissements laissant présumer un harcèlement moral,

que le salarié invoque des faits généraux, ponctuels et non concomitants de la démission.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience sans modification ;

Attendu que le décret du 26 janvier 1983 modifié le 5 janvier 2007 prévoit de calculer les repos compensateurs sur la base d'un trimestre ;

que ce repos compensateur doit être pris dans un délai maximum de trois mois ;

que l'article 10 du même décret prévoit que le bulletin de paie ou un document mensuel doit mentionner obligatoirement pour les personnels de conduite les informations relatives aux repos compensateurs acquis en fonction des heures supplémentaires effectuées ;

que le salarié qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, lequel comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant des congés payés afférents ;

qu'il ressort des bulletins de paie produits aux débats que les repos compensateurs étaient mentionnés sur un compte RC ; que le salarié était en mesure de savoir si son compte était créditeur ;

que dès lors l'employeur n'a pas omis d'informer le salarié de son crédit d'heures ;

que la demande de dommages et intérêts sera rejetée ;

que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Attendu que le salarié a présenté sa démission par courrier du 8 juin 2011 dans les termes suivants :

'- vous ne respectez pas la loi sur le fractionnement des congés payés,

- vous ne payez pas les congés payés comme vous le devriez, selon les dispositions en vigueur et la loi,

- depuis que je me suis déclaré appartenir au syndicat Force ouvrière, les brimades n'ont cessées, changement de camion, arrêts forcés à la maison, plus de camion attitré,

- les feuilles de relevé d'heures ne correspondent pas à mon activité,

et de manière générale, l'attitude de mes supérieurs (discrimination, mauvais travail de manière perpétuelle) m'empêche de continuer notre collaboration...' ;

qu'il soutient qu'il s'est plaint avant sa démission de pression et de harcèlement : menaces pour ne pas voter aux élections, mise au repos régulier sans raison, retrait du véhicule attitré ;

qu'il a été contraint de démissionner car son employeur lui imposait des jours de repos forcés, que son camion habituel lui avait été retiré pour avoir voté aux élections professionnelles, qu'il dépassait les heures légales de travail, qu'il était attribué des congés payés en lieu et place de repos compensateurs, que les méthodes de calcul des heures étaient défavorables aux salariés, que le calcul des congés payés n'était pas basé sur la règle du 10 ème ;

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit dans le cas contraire d'une démission ;

qu'il appartient au salarié d'établir les faits antérieurs ou concomitants à la démission à l'origine de celle-ci ;

que la lettre de démission motivée du salarié équivalente à une prise d'acte ne fixe pas les limites du litige ;

que le doute dans le cadre de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail bénéficie à l'employeur ;

qu'il convient de rechercher si les faits invoqués sont établis et justifient par leur gravité la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

que le salarié fournit aux débats une lettre en date du 22 septembre 2010 aux termes de laquelle il dénonçait des pressions et un harcèlement, qu'il exposait avoir subi des menaces pour l'inviter à ne pas voter émanant de l'employeur, qu'il était mis au repos régulièrement sans raison valable, que l'employeur lui avait annoncé qu'il devenait 'conducteur jockey' compte tenu qu'il n'avait plus de véhicule attitré ;

qu'il adressait une nouvelle lettre à l'employeur le 5 octobre 2010 en dénonçant l'acharnement à ne pas le faire travailler ;

que l'employeur dans une lettre du 7 octobre 2010 a contesté les pressions et le harcèlement invoqués par le salarié ;

que selon l'employeur, il n'y a eu aucune pression lors des élections en juillet 2010 ;

qu'il justifie que le camion n'était plus attitré en expliquant qu'il s'agissait d'un roulement entre chauffeurs ;

que sur les heures de travail, l'employeur explique que celles-ci étaient variables compte tenu des contraintes de l'activité et de la qualification de chauffeur poids lourd zone longue, que néanmoins les bulletins de salaires de janvier à septembre 2010 attestent que le volume de travail le concernant n'avait pas diminué ;

Attendu que s'agissant des faits de harcèlement moral invoqués, il importe de rechercher si le salarié établit des faits laissant présumer un harcèlement moral au sens de l'article L 1152-1 du code du travail, étant rappelé que la réalité du harcèlement ne peut se déduire des seules impressions du salarié mais doit résulter de faits précis ;

que le salarié lors des élections de 2010 n'était pas candidat ;

Attendu que si l'employeur n'a pas empêché la diffusion d'un tract favorable à une liste non présentée par une organisation syndicale, ce qui a entraîné l'annulation des élections, le salarié ne verse aucun élément sur les pressions qu'il dit avoir subies avant le vote ;

que pour les élections du 23 juin 2011, le salarié ne verse là encore aucun élément permettant d'établir qu'il a subi des pressions avant la désignation des candidats, ce qui l'aurait poussé à démissionner

que le fait que l'employeur n'était pas favorable à la liste Force Ouvrière n'est pas suffisant à établir des faits laissant présumer un harcèlement moral ;

que de même la circonstance que des salariés candidats FO ont subi des actes de harcèlement moral ainsi que l'a jugé à plusieurs reprises la cour d'appel de Grenoble, ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral en l'absence de tout fait précis concernant [K] [S] ;

Attendu que concernant la réduction d'activité qui ne serait que la conséquence de sa proximité avec le syndicat FO, il ressort des fiches d'activité produites par le salarié que ce dernier a effectué un nombre d'heures conséquent de janvier à septembre 2010 ;

qu'il a ainsi travaillé 183 heures en janvier 2010, 203,08 heures en février 2010, 200,15 heures en mars 2010, 215,36 heures en avril 2010, 199,69 heures en mai 2010, 207,76 heures en juin 2010, 189,43 heures en juillet 2010, 192,26 heures en août 2010 et 220,68 heures en septembre 2010 ; que [K] [S] qui ne fournit aucune information sur son activité les années précédentes, ne justifie pas d'une réduction de ses horaires ;

Attendu que concernant le changement de camion, l'employeur explique dans une lettre adressée au salarié le 6 décembre 2010 qu'il ne dispose que de 16 camions pour livrer le magasin Intermarché, alors qu'il y a 18 salariés affectés aux livraisons, qu'il a donc forcément deux salariés qui n'ont pas de camions attitrés, qu'il effectue un roulement entre les salariés ;

que le salarié n'a pas répondu à l'employeur et n'a pas revendiqué ensuite jusqu'à sa démission intervenue plus de six mois plus tard l'attribution d'un véhicule attitré ;

Attendu en ce qui concerne le dépassement des heures légales de travail, qu' il ressort des pièces produites aux débats que le salarié a dépassé une fois la durée de travail légal, lors de la grève des carburants de l'automne 2010 ;

que le caractère exceptionnel de ce dépassement, causé par une circonstance extérieure à l'entreprise, ne peut être reproché à l'employeur ;

que sur les congés payés mentionnés en lieu et place de repos compensateurs, l'employeur a reconnu avoir commis une erreur sur un bulletin de paie, qu'il a rectifiée ensuite ;

qu'un tel fait est involontaire et ne laisse pas présumer un harcèlement moral ;

qu'enfin sur les méthodes de calcul des heures défavorables aux salariés, les pièces produites ne démontrent pas que le calcul de l'employeur était défavorable au salarié, que ce dernier d'ailleurs ne réclame aucune heure supplémentaire ou aucun rappel de salaire ;

que pour le calcul des congés payés, l'inspection du travail après contrôle n'a pas relevé d'infractions, que là encore le salarié ne réclame aucune somme d'argent signifiant ainsi qu'il a été rempli de ses droits ;

Attendu que le harcèlement moral n'est pas constitué ;

que dans ces conditions la prise d'acte n'était pas justifiée ;

qu'en conséquence la démission produira son plein effet ;

que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu que des dépens seront à la charge de la partie perdante ;

que la demande au titre des frais irrépétibles de l'intimée sera rejetée pour des motifs tirés de l'équité ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME partiellement le jugement du conseil des prud'hommes de Valence du 3 mai 2012 en ce qui concerne la condamnation de la société Perrenot à titre de dommages et intérêts pour perte de repos compensateurs,

statuant à nouveau sur ce point,

DEBOUTE [K] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de repos compensateurs,

CONFIRME le jugement déféré en ce qui concerne le rejet des demandes de prise d'acte, de paiement d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE la société Perrenot de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [K] [S] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur ALLARD, Président, et Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02843
Date de la décision : 29/10/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°12/02843 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-29;12.02843 ?
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