LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Reims, 19 février et 9 juillet 2013), que M. X..., assigné par la société Cortefiel France en liquidation d'astreinte devant un juge de l'exécution, a soulevé l'incompétence de la juridiction française ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du 19 février 2013 de rabattre l'ordonnance de clôture du 18 décembre 2012, d'ordonner la réouverture des débats, et de l'inviter à conclure sur le fond, en rejetant ainsi l'exception d'incompétence soulevée par ce dernier, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que M. X... faisait notamment valoir, preuves à l'appui, que les parties « ont convenu compte tenu de l'habitation simultanée en Angleterre et en Belgique de M. X... de se reporter sur la juridiction belge » ; qu'en se bornant à affirmer que « contrairement aux allégations de M. X..., aucune pièce du dossier ne permet de conclure qu'un accord serait intervenu entre les parties, sur une attribution de compétence au profit des juridictions belges », sans examiner, ne serait ce que sommairement, les éléments susvisés produits par M. X... au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, subsidiairement, il résulte de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié, que le tribunal compétent est en principe celui du lieu du domicile du défendeur ; que M. X... faisait valoir qu'il habitait « familialement habituellement à Londres en Angleterre et pour ses activités professionnelles à Bruxelles en Belgique » ; que la société Cortefiel France le savait parfaitement puisqu'elle lui avait déjà fait délivrer des actes d'huissier à son adresse londonienne ; qu'elle avait aussi échangé régulièrement avec lui à cette adresse ; que surtout, la société Cortefiel France avait engagé et suivi une procédure contre lui devant la juridiction londonienne ; que l'huissier mandaté par la société Cortefiel France était également informé de son adresse à Londres ; qu'en retenant cependant la compétence du juge français, sans se prononcer sur les éléments susvisés, dont il ressortait que la société Cortefiel ne pouvait ignorer que M. X... n'avait pas son domicile en France et qu'elle avait agi de mauvaise foi contre lui dans ce pays, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'articles 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié ;
3°/ qu' il résulte de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié que le tribunal compétent est en principe celui du lieu du domicile du défendeur ; qu'en retenant la compétence du juge français, aux motifs que M. Y... avait déclaré à l'huissier de justice venu délivrer des actes de saisie attribution à Williers qu'il était habilité à les recevoir et qu'il les remettrait sans délai à M. X..., quand une telle circonstance était impropre à caractériser le domicile en France de l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié ;
4°/ qu'il résulte de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié que le tribunal compétent est celui du lieu du domicile du défendeur ; que le domicile est au lieu où le défendeur a son principal établissement ; qu'il s'apprécie au jour de l'acte introductif d'instance ; qu'en déclarant le juge français compétent, aux motifs que M. Y... avait confirmé que M. X... avait un « lieu de résidence » à Williers, et que M. X... avait déclaré dans les statuts d'une SCI que sa « résidence principale et personnelle » était dans un immeuble situé à Williers et qu'il y avait son « domicile » au 7 septembre 2011, sans préciser concrètement les conditions dans lesquelles M. X... aurait habité en France, et sans permettre ainsi de s'assurer que ce dernier y avait le lieu de son principal établissement, et non un simple lieu de résidence de passage, au jour de l'assignation devant le premier juge, le 18 avril 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur chacune des pièces produites, a estimé, au vu de l'ensemble des éléments de preuve soumis à son examen, et notamment des déclarations d'un tiers et de M. X..., que ce denier était toujours domicilié en France au moment de son assignation devant le juge de l'exécution, de sorte que le rejet de l'exception d'incompétence internationale était justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du 9 juillet 2013 de le condamner à payer à la société Cortefiel France la somme de 121 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée en vertu du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris le 13 janvier 2010, et d'assortir cette condamnation d'une nouvelle astreinte provisoire d'un montant de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, et ce pendant un délai de quatre mois ;
Attendu que le rejet des griefs contre l'arrêt du 19 février 2013 rend ce moyen sans portée ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Cortefiel France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué du 19 février 2013 D'AVOIR rabattu l'ordonnance de clôture du 18 décembre 2012, ordonné la réouverture des débats, et invité Monsieur X... à conclure sur le fond, en rejetant ainsi l'exception d'incompétence soulevée par ce dernier,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (¿) sur la compétence :
« attendu qu'il ressort de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, modifié par les règlements n° 1791/2006 et 1103/2008, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, que les personnes domiciliées sur le territoire d'un état membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet état membre ;
« que l'article 59 paragraphe 1 du règlement précise que pour déterminer si une partie a un domicile le territoire de l'état membre dont les tribunaux sont saisis, le juge applique sa loi interne ;
« attendu que l'article 43 du Code de procédure civile énonce que le lieu où demeure le défendeur s'entend, s'il s'agit d'une personne physique du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence ;
« que le domicile ou la résidence s'apprécie au jour de la demande ;
« attendu qu'en l'espèce, la Cour observe en premier lieu qu'à l'occasion de la signification, en date du 18 février 2011, des procès-verbaux de saisie-attribution des comptes courants d'associés et de tout dividende distribuable à M. Didier X..., en sa qualité d'usufruitier des parts sociales des SCI Country Base et Seven Compagny, M. Georges Y... s'est déclaré habilité à recevoir ces actes et a déclaré, en cette qualité, qu'ils seraient remis sans délai à M. X... ;
« que de la même façon, si les actes de dénonciation au débiteur, effectués le lendemain, grande rue à Williers (08), n'ont pas pu être remis en mains propres à leur destinataire, M. Georges Y..., acceptant d'en recevoir copie en raison de la présence à l'étranger de M: X..., a confirmé à maître Delvaux, huissier de justice, le lieu de résidence de ce dernier, à l'adresse sus-énoncée ;
« attendu au surplus qu'il ressort des propres déclarations de M. Didier X..., contenues dans les statuts de la SC1 Country Base, mis à jour le 13 juillet 2011 et signés le 7 septembre 2011 par celui-ci, que son domicile était bien à cette date celui indiqué en tête de l'acte, et que l'immeuble apporté, sis grande rue à Williers (08), a constitué, depuis la date de son acquisition et jusqu'à cette date, sa résidence principale et personnelle (page 4 des statuts) ;
« que cet élément achève donc de convaincre la Cour de ce qu'à la date de l'assignation devant le juge de l'exécution de Charleville-Mézières, soit le 18 avril 2011, M. Didier X... était toujours domicilié grande rue à Williers (08), sans que ni l'attestation de résidence de l'ambassade de Belgique (pièce n° 2), ni celle du maire de Williers, au demeurant datée du 5 mai 2011 (pièce n° 6), soit postérieurement à la date de l'assignation, n'emporte sa conviction dans le sens contraire ;
« attendu en conséquence que le défendeur demeurait bien, au sens de l'article 43 du code de procédure, dans le ressort territorial de la juridiction précitée ;
« que pour la simple moralité des débats, il y a lieu par ailleurs de relever que contrairement aux allégations de M. Didier X..., aucune pièce du dossier ne permet de conclure qu'un accord serait intervenu entre les parties, sur une attribution de compétence au profit des juridictions berges ;
« attendu en définitive qu'il convient de confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'appelant ;
« sur le fond :
« attendu que si M. Didier X... n'a pas cru devoir conclure au fond devant le premier juge, celui-ci s'étant alors borné à décliner la compétence de la juridiction française au profit de la juridiction londonienne, force est de constater que l'appelant n'a pas davantage conclu devant la cour, celui-ci ayant cette fois-ci soulevé le moyen pris de son incompétence territoriale, au profit de la juridiction belge ;
« qu'il convient en conséquence d'inviter M. Didier X... à y procéder, en exposant notamment les éventuelles difficultés rencontrées pour exécuter la sentence arbitrale prononcée à Marseille (13) le 19 décembre 2003 (¿)» (arrêt attaqué, p. 3),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il est de jurisprudence constante que le défendeur peut être valablement assigné au lieu où l'on pouvait, de bonne foi et d'après les apparences, penser qu'il avait son domicile ; qu'en l'espèce, Monsieur Didier X... reconnaît que WRIGNIES (Ardennes) est le lieu où deux de ses sociétés (COUNTRY BASE et SEVEN COMPANY) sont domiciliées ; que dès lors, le défendeur a bel et bien, à WILLIERS, un établissement qui a pu ainsi donner légitimement consistance à l'apparence de sa domiciliation au lieu où il a été assigné (¿) » (jugement entrepris, p. 3),
ALORS QUE 1°), les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que Monsieur X... faisait notamment valoir (cf. ses conclusions d'appel, p. 3), preuves à l'appui (cf. ses pièces n° 10-1 à 11-4), que les parties « ont convenu compte tenu de l'habitation simultanée en Angleterre et en Belgique de M. X... de se reporter sur la juridiction belge » ; qu'en se bornant à affirmer que, « contrairement aux allégations de M. Didier X..., aucune pièce du dossier ne permet de conclure qu'un accord serait intervenu entre les parties, sur une attribution de compétence au profit des juridictions belges », sans examiner, ne serait ce que sommairement, les éléments susvisés produits par Monsieur X... au soutien de ses prétentions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), subsidiairement, il résulte de l'article 2 du règlement (CE)n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié que le tribunal compétent est en principe celui du lieu du domicile du défendeur ; que Monsieur X... faisait valoir qu'il habitait « familialement habituellement à LONDRES en ANGLETERRE et pour ses activités professionnelles à BRUXELLES en BELGIQUE » ; que la société CORTEFIEL FRANCE le savait parfaitement puisqu'elle lui avait déjà fait délivrer des actes d'huissier à son adresse londonienne ; qu'elle avait aussi échangé régulièrement avec lui à cette adresse ; que surtout, la Société CORTEFIEL FRANCE avait engagé et suivi une procédure contre lui devant la juridiction londonienne ; que l'huissier mandaté par la Société CORTEFIEL FRANCE était également informé de son adresse à LONDRES (cf. les conclusions d'appel de M. X..., p. 2 et 3) ; qu'en retenant cependant la compétence du juge français, sans se prononcer sur les éléments susvisés, dont il ressortait que la Société CORTEFIEL ne pouvait ignorer que Monsieur X... n'avait pas son domicile en FRANCE et qu'elle avait agi de mauvaise foi contre lui dans ce pays, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'articles 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié,
ALORS QUE 3°), il résulte de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié que le tribunal compétent est en principe celui du lieu du domicile du défendeur ; qu'en retenant la compétence du juge français, aux motifs que Monsieur Y... avait déclaré à l'huissier de justice venu délivrer des actes de saisie attribution à WILLIERS qu'il était habilité à les recevoir et qu'il les remettrait sans délai à Monsieur X..., quand une telle circonstance était impropre à caractériser le domicile en FRANCE de l'exposant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié,
ALORS QUE 4°), il résulte de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié que le tribunal compétent est celui du lieu du domicile du défendeur ; que le domicile est au lieu où le défendeur a son principal établissement ; qu'il s'apprécie au jour de l'acte introductif d'instance ; qu'en déclarant le juge français compétent, aux motifs que Monsieur Y... avait confirmé que Monsieur X... avait un « lieu de résidence » à WILLIERS, et que Monsieur X... avait déclaré dans les statuts d'une SCI que sa « résidence principale et personnelle » était dans un immeuble situé à WILLIERS et qu'il y avait son « domicile » au 7 septembre 2011, sans préciser concrètement les conditions dans lesquelles Monsieur X... aurait habité en FRANCE, et sans permettre ainsi de s'assurer que ce dernier y avait le lieu de son principal établissement, et non un simple lieu de résidence de passage, au jour de l'assignation devant le premier juge, le 18 avril 2011, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 modifié.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué du 9 juillet 2013 D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la Société CORTEFIEL FRANCE la somme de 121.000 ¿ u titre de la liquidation de l'astreinte prononcée en vertu du jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PARIS le 13 janvier 2010, et assorti cette condamnation d'une nouvelle astreinte provisoire d'un montant de 1.000 ¿ par jour de retard à compter de la signification de la décision, et ce pendant un délai de quatre mois,
AUX MOTIFS QUE « (¿) le premier juge a fait une exacte application des dispositions des articles 33 et suivants de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 en constatant que M. X... ne s'est pas expliqué sur le fond de la demande de liquidation de l'astreinte prononcée à son encontre, ses seules observations ayant ainsi portées sur la compétence territoriale du juge de l'exécution ;
« attendu qu'en appel, en dépit de l'invitation expresse qui lui a été faite par la cour à conclure sur le fond, en exposant notamment les éventuelles difficultés qu'il a rencontrées pour exécuter la sentence arbitrale prononcée à Marseille le 19 décembre 2003, l'appelant n'a pas davantage cru devoir exposer les motifs de sa résistance au paiement ;
« qu'il convient donc de confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé et notamment en ce qu'il a condamné M. Didier X... à payer à la société Cortefiel France la somme de 121 000,00 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée en vertu du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris le 13 janvier 2010 et assorti sa condamnation d'une nouvelle astreinte provisoire d'un montant de 1.000,00 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement (¿) »,
ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt du 19 février 2013 entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt du 9 juillet 2013, qui en est la suite, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.