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26/05/2015 | FRANCE | N°13-26762

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mai 2015, 13-26762


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la contestation par l'employeur de la nécessité de l'expertise ne peut concerner que le point de savoir si un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que, sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le comité d'hygiène, de sécurité et des conditi

ons de travail (CHSCT) a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui es...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la contestation par l'employeur de la nécessité de l'expertise ne peut concerner que le point de savoir si un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que, sauf abus manifeste, le juge n'a pas à contrôler le choix de l'expert auquel le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par délibération du 14 décembre 2011, le CHSCT de l'unité de production de Paris Saint-Lazare de l'établissement Traction ouest francilien de la région SNCF de Paris Saint-Lazare a décidé, en application de l'article L. 4614-12 du code du travail, de recourir à une expertise ayant pour objet de lui permettre d'être pleinement informé des situations de stress et de souffrance au travail des agents de conduite et de rechercher des solutions pour y remédier ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à désignation d'un expert par le CHSCT, l'arrêt retient que les situations de stress et de souffrance au travail relevées par le CHSCT constituent un risque grave en raison de leur nature et de leurs conséquences, que, s'agissant de l'information du CHSCT sur ces situations de stress et de souffrance au travail, la SNCF a fait diligenter une étude par une société extérieure, le cabinet Fanea, étude qui a recensé les situations d'insécurité en cause et les facteurs aggravants à partir d'entretiens ayant eu lieu entre le 11 octobre et le 19 novembre 2010, et qui a été présentée au CHSCT le 11 mai 2011, que les événements postérieurs dont fait état le CHSCT sont de même nature que ceux identifiés par l'étude concernée quelques mois auparavant, qu'enfin, aucun élément ne permet de remettre en cause le sérieux et l'exhaustivité de l'étude du cabinet Fanea, jugée comme positive par 77 % des agents ayant participé aux journées de formation en 2011, que, s'agissant des solutions pour enrayer les risques graves, le cabinet Fanea a formulé une série de préconisations, que la SNCF a adapté le cahier des charges des journées de formation sûreté pour la période 2011/2013 au regard de ces préconisations, qu'il ressort du bilan de la formation 2011, que les dispositifs sûreté existants sur la région et la cellule psychologique ressources humaines ont été jugés positifs respectivement par 84 % et 79 % des agents ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle retenait l'existence d'un risque grave, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la SNCF aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la SNCF à verser à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de l'unité de production UP de Paris Saint-Lazare de l'établissement ouest francilien de la SNCF

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé la délibération du CHSCT en date du 14 décembre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE « le CHSCT a désigné le cabinet DEGEST aux fins « d'être pleinement éclairé sur les situations de stress et de souffrance au travail des agents de conduite et de trouver des solutions pour enrayer les risques graves » résultant « des chocs psychologiques et traumatismes subis par les agents de conduite qui se font agresse, qui doivent faire face à des accidents de voyageurs survenant alors qu'ils sont en train de conduire leur train et dont ils se sentent, pour certains responsables, qui doivent faire face à la violence des voyageurs ou personnes se trouvant dans des rames censées être vides, notamment lorsqu'ils ramènent un train sur une voie de garage » ; considérant que les situations de stress et de souffrance au travail relevées par le CHSCT constituent un risque grave en raison de leur nature et de leurs conséquences, nonobstant le fait qu'ils proviennent d'événements extérieurs à l'établissement, contrairement à ce que le premier juge a estimé ; que s'agissant de l'information du CHSCT sur ces situations de stress et de souffrance au travail, la SNCF a fait diligenter une étude par une société extérieure, le cabinet FANEA ; que ladite étude qui recensé les situations d'insécurité en cause et les facteurs aggravants, réalisée à partir d'entretiens ayant eu lieu entre le 11 octobre et le 19 novembre 2010, a été présentée au CHSCT le 11 mai 2011 ; que les événements postérieurs dont fait état le CHSCT sont de même nature que ceux identifiés par l'étude concernée quelques mois auparavant ;qu'enfin aucun élément ne permet de mettre en cause le sérieux et l'exhaustivité de l'étude du cabinet FANEA, jugée comme positive par 77% des agents ayant participé aux journées de formation en 2011 ; que s'agissant des « solutions pour enrayer les risques graves », le cabinet FANEA a formulé une série de préconisations ; que la SNCF a adapté le cahier des charges des journées de formation sûreté pour la période 2011/2013 au regard des préconisations ; qu'il ressort du bilan de la formation 2011, que les dispositifs (sûreté) existants sur la région et la cellule psychologique RH ont été jugés positifs respectivement par 84 % et 79 % des agents ; qu'enfin, la problématique du bris des vitres des cabines des agents de conduite, comme le relève l'inspection du travail, ne concerne pas les nouvelles machines ; qu'en conséquence, le recours à la mesure d'expertise n'est justifié ni par la nécessité d'être éclairé sur les situation de stress et de souffrance au travail des agents de conduite ni par celle de trouver des solutions pour enrayer les risques graves, lesquels font l'objet d'une prise en charge spécifique par la SNCF » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « aux termes de l'article L. 4614-12 1° du Code du travail, le CHSCT peut notamment recourir à une expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. ¿ . Il ressort des pièces versées aux débats que la SNCF s'est préoccupée des problèmes notamment d'ordre psychologique, rencontrés par les agents (mise en place d'un pôle de soutien psychologique, guide pratique d'accompagnement de l'agent victime d'une agression, surveillance vidéo etc¿), qu'elle a donc proposé et mis en oeuvre des solutions aux problèmes rencontrés. De surcroît, il ressort des termes de la délibération du 14 décembre 2010 et des écritures du CHSCT que ce dernier est parfaitement capable d'analyser par lui-même les causes des incidents qui se sont produits et d'émettre des propositions et que dans ces conditions, le recours à un cabinet d'expertise n'apparaît pas justifiée au regard de ce que doit être l'utilité de la mesure d'expertise. Enfin, le CHSCT n'explique pas en quoi la prise en charge psychologique par l'employeur des agents traumatisés par des accidents de personnes serait insuffisante et pourrait justifier une expertise extérieure sur ce point précis. ».

ALORS d'une part QUE la contestation par l'employeur de la nécessité de l'expertise décidée par le CHSCT en application de l'article L. 4614-12 du Code du travail ne peut concerner que le point de savoir s'il existe un risque grave au sein de l'établissement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a constaté que les situations de stress et de souffrance au travail relevées par le CHSCT constituaient un risque grave en raison de leur nature et de leurs conséquences a néanmoins considéré que le recours à la mesure d'expertise décidé par le CHSCT n'était pas justifié ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel qui s'est abstenue de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions de l'article L. 4614-12 du Code du travail ;

ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE, par application de l'article L. 4614-12 du Code du travail, lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé qu'il choisit librement sauf abus manifeste ; que la circonstance que l'employeur ait, de sa propre initiative, fait réaliser une étude sur le risque grave en cause par un expert de son choix ne saurait priver le CHSCT du droit qu'il tient de l'article susvisé ; qu'en l'espèce, pour considérer que le recours à une mesure d'expertise sur le risque grave identifié par le CHSCT n'était pas justifié, la Cour d'appel a retenu que la SNCF avait d'ores et déjà fait réaliser une étude sur les situations de stress et de souffrance au travail par une société extérieure qui avait recensé les situations d'insécurité en cause et les facteurs aggravants et formulé une série de préconisations et qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause le sérieux et l'exhaustivité de cette étude ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du Code du travail ;

ALORS encore, à titre très subsidiaire, QUE le risque grave justifiant le recours à une mesure d'expertise par application de l'article L. 4614-12 du Code du travail s'entend d'un risque identifié et actuel ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu, d'une part, que les situations de stress et de souffrance au travail relevées par le CHSCT et ayant fait l'objet d'une étude du cabinet FAENA constituaient un risque grave et a constaté, d'autre part, que des événements de même nature que ceux identifiés par l'étude susmentionnée s'étaient reproduits postérieurement à cette étude ; qu'il découlait de ces constatations que, malgré l'étude réalisée par le cabinet FAENA et les mesures de prise en charge spécifiques adoptées consécutivement par la SNCF, le risque grave sur le fondement duquel le CHSCT avait décidé de recourir à une mesure d'expertise demeurait actuel à la date de la délibération litigieuse ; qu'en décidant néanmoins que le recours à cette mesure d'expertise n'était pas justifié, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 4614-12 du Code du travail ;

ALORS enfin QUE le risque grave justifiant le recours à une mesure d'expertise par application de l'article L. 4614-12 du Code du travail s'entend d'un risque identifié et actuel ; qu'en l'espèce, au soutien de sa décision de recourir à une expertise, le CHSCT faisait état du risque de blessures auquel sont soumis les agents de conduite de l'établissement en raison des jets de projectiles sur les vitres de leurs cabines pouvant entraîner le bris de ces vitres ; que pour considérer que ce risque ne justifiait pas le recours à une expertise, la Cour d'appel, sans en contester la réalité, s'est contentée de relever qu'il ne concernait pas les nouvelles machines ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si aucune machine ancienne n'était plus en circulation, afin de déterminer si le risque identifié par le CHSCT était encore actuel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-26762
Date de la décision : 26/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mai. 2015, pourvoi n°13-26762


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26762
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