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20/05/2015 | FRANCE | N°14-80410

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 mai 2015, 14-80410


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

M. Olivier X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2013, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 mars 2015 où étaient

présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale :...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

M. Olivier X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2013, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 555, 565, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, violation des droits de la défense ;
"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de nullité de la citation ;
"aux motifs que l'avocat de M. X... fait valoir que la citation délivrée ne comporte pas le montant des droits fraudés alors même que le directeur général des finances publiques a ensuite sollicité devant le tribunal la condamnation de M. X... au paiement de ces droits solidairement avec la société Action immobilier international, qu'ainsi il n'était pas en mesure de préparer ses moyens de défense et qu'il a été porté atteinte à ses intérêts ; qu'il convient de rappeler que l'appréciation du montant de l'assiette de l'impôt relevant de la compétence du juge administratif, il appartient uniquement aux juridictions correctionnelles de statuer sur la constitution de l'infraction pénale et non sur le montant des impôts fraudés et, en conséquence, la citation n'a pas à préciser le montant des droits éludés ;
"alors que la citation doit mettre le prévenu en mesure de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés et le texte de loi qui les réprime ; qu'à cette fin, doit être précisé à la citation pour des faits de fraude fiscale le montant des droits prétendument éludés ; qu'en écartant le moyen de nullité de la citation ne comportant pas le montant des droits prétendument fraudés aux motifs inopérants que l'appréciation du montant de l'assiette de l'impôt relèverait de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la citation délivrée des chefs de fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, tirée de son défaut de précision sur le montant des droits éludés, l'arrêt retient qu'il appartient aux juridictions correctionnelles de statuer, non pas sur le montant de ces droits, mais sur la constitution des infractions pénales poursuivies ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme 8, 427, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que la cour d'appel a dit que l'action n'était pas prescrite ;
"aux motifs que l'avocat de M. X... invoque les dispositions de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales et qu'en l'espèce, les faits reprochés auraient été commis sur la période du 1er avril 2003 au 31 décembre 2004, qu'en conséquence, la plainte pouvait être déposée jusqu'à la fin de l'année 2007 alors qu'elle ne le fut que le 22 février 2008 et qu'ainsi l'action publique est prescrite ; qu'il convient de rappeler, comme le premier juge, que le délit de l'article 1743 du code général des impôts ne peut être définitivement caractérisé qu'à la date à laquelle les comptes annuels doivent être transcrits au livre d'inventaire après clôture de l'exercice qu'en conséquence, en l'espèce, l'exercice clos au 31 décembre 2003 la retranscription ne peut être effectuée qu'à compter du 1er janvier 2004 ; que les délits de l'article 1741 code général des impôts pour les faits les plus anciens (défaut de souscription des déclarations de TVA du 1 avril 2003 au 31 décembre 2004 et des déclarations de résultat au titre des exercices clos les 31 décembre 2003 et 31 décembre 2004) les déclarations auraient dû être effectuées au plus tard les 4 mai 2004 et 3 mai 2004 ; qu'en application de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales la prescription est suspendue jusqu'à la fin de la troisième année, soit en l'espèce 2004, et, en conséquence, l'administration fiscale pouvait déposer plainte jusqu'au 31 décembre 2007 ; que, la commission des infractions fiscales ayant été saisie le 21 août 2007, la prescription a été suspendue du 21 août 2007 au 31 décembre 2007 soit cent trente deux jours ; que l'avis de la commission des infractions fiscales ayant été rendu le 6 février 2008 l'administration fiscale pouvait déposer plainte jusqu'au 17 juin 2008 et la cour, comme le premier juge, constate que le parquet de Perpignan par un soit-transmis en date du 10 mars 2008 mentionnant : bien vouloir entendre le pénalement responsable, a interrompu la prescription ; que la cour comme le premier juge rejette la prescription soulevée ;
"1°) alors qu'il appartient à la partie poursuivante de démontrer que l'action n'est pas prescrite ; que M. X... avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que le soit transmis du 10 mars 2008 visé dans le procès-verbal de police du 13 mai 2008 et constituant, selon les premiers juges, le premier acte de la poursuite, ne figurait pas au dossier si bien qu'il était impossible d'en vérifier la teneur et d'établir si ce document pouvait effectivement constituer un acte interruptif de la prescription ; qu'en se bornant à affirmer que le parquet de Perpignan par un soit-transmis du 10 mars 2008 mentionnant « bien vouloir entendre le pénalement responsable », avait bien interrompu la prescription, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et violé les textes susvisés ;
"2°) alors que le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ; qu'en estimant que l'action publique n'était pas prescrite en se fondant sur un soit transmis du 10 mars 2008 du parquet de Perpignan sans s'assurer que ce document dont l'existence et la teneur était contestée par le prévenu avait été porté à sa connaissance et soumis à un débat contradictoire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le prévenu est poursuivi des chefs d'omission d'écritures en comptabilité, entre le 1er avril 2003 et le 31 décembre 2004, et de fraude fiscale par absence de déclarations au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 décembre 2004 ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription soulevée par M. X..., la cour d'appel énonce qu'en application de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale pouvait porter plainte jusqu'au 31 décembre 2007 et que le délai de prescription, suspendu pendant la saisine de la commission des infractions fiscales, aurait expiré le 17 juin 2008 s'il n'avait été interrompu par un "soit-transmis en date du 10 mars 2008" du procureur de la République ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'existence des réquisitions aux fins d'enquête du procureur de la République est établie par les mentions portées sur les procès-verbaux figurant au dossier, et notamment celui dressé par les enquêteurs le 13 mars 2008, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8, 591, 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision ;
"aux motifs que les faits, tels que rappelés précédemment, et non contestés par M. X... qui se borne à évoquer pour se justifier le fait qu'il ait confié la charge d'établir l'ensemble des déclarations à son expert-comptable ne peut l'exonérer de ses obligations de gérant, représentant légal de la société, à savoir adresser au fisc ces déclarations de régularisations annuelles de taxe sur le chiffre d'affaires et de résultat mentionnant l'intégralité des bénéfices réalisés, et, par ailleurs, l'absence de tenue d'une comptabilité incomplète et non probante, et ce malgré les relances de l'administration fiscale, vient conforter sa mauvaise foi ; que c'est donc par des motifs pertinents que la cour fait siens ainsi que par une juste appréciation des faits et circonstances de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont à bon droit retenu M. X... dans les liens de la prévention ;
"alors que la soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt doit être intentionnelle ; que M. X... avait fait valoir que la société A 2 I avait bénéficié des services d'un expert-comptable qui était chargé d'établir toutes les déclarations litigieuses ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'appel aux services d'un expert-comptable quand bien même il n'était pas de nature à décharger le gérant de la société de ses obligations vis-à-vis de l'administration fiscale n'était pas à même, à tout le moins, d'ôter toute mauvaise foi aux déclarations entachées d'erreurs de calcul, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts, des articles 61-1 et 62 de la Constitution, ensemble l'article 111-3 du code pénal ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable des faits reprochés et a ordonné la publication du dispositif de la décision au journal officiel et dans le journal l'Indépendant dans les limites pour chaque insertion du maximum légal du montant de l'amende encourue et ordonné l'affichage de la décision pour une durée de trois mois sur les panneaux d'affichage de Canet-en-Roussillon et sur la partie extérieure de l'immeuble professionnel du condamné ;
"aux motifs qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la peine qui constitue une juste application de la loi pénale, toute autre sanction étant manifestement inadaptée ;
"alors que nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'était pas prévue par la loi ; qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, la cour d'appel a ordonné, notamment, la publication et l'affichage de la décision, par application de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts ; que ces dispositions ont été abrogées comme contraires à la Constitution ; que les dispositions du même texte résultant de l'article 63.IV de la loi du 29 décembre 2010 ne sont pas applicables aux infractions commises avant son entrée en vigueur ; qu'en conséquence, l'arrêt encourt l'annulation sur ce point" ;
Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution, ensemble l'article 111-3 du code pénal ;
Attendu que, d'une part, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;
Attendu que, d'autre part, nul ne peut être puni, pour un délit,d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt ordonne, notamment, la publication et l'affichage de la décision, par application de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des faits ;
Mais attendu que ces dispositions ont été déclarées contrairesà la Constitution par la décision du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française, le 11 décembre 2010 ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susviséde la cour d'appel de Montpellier, en date du 19 décembre 2013, en ses seules dispositions ayant ordonné des mesures de publication et d'affichage, toutes autres dispositions étant maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-80410
Date de la décision : 20/05/2015
Sens de l'arrêt : Cas. part. par voie de retranch. sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 19 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 mai. 2015, pourvoi n°14-80410


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.80410
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