LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2013), que la Société des affaires Kesraoui (SAK) est bénéficiaire d'un bail commercial portant sur des locaux à usage de commerce de marchand de vins, café, hôtel, restaurant avec tables de débit et comptoir, terrasse sur le trottoir, appartenant aux époux X... ; que le 16 janvier 2007, la société SAK a demandé le renouvellement du bail ; que les époux X... ont accepté le principe du renouvellement moyennant un nouveau loyer annuel puis ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé ;
Attendu que pour fixer le loyer à une certaine somme, l'arrêt retient que l'ensemble des locaux ne pourrait être qualifié de monovalent qu'à la condition que les activités qui y sont exercées aient vocation, au regard de la configuration des lieux, à être interdépendantes, que la gestion de chacune des parties est autonome, que la partie occupée par l'hôtel demeure indépendante de celle du restaurant, même s'il existe une communication interne et que les parties au contrat de location-gérance sont convenues d'une jouissance commune pour les dépendances autres que la partie hôtel et la partie café-restaurant, qu'il ressort des plans fournis que rien ne s'oppose à ce que les accès aux toilettes, la cuisine et la livraison de fûts de bière nécessaires à l'exploitation du café-restaurant puissent lui être spécialement réservés, moyennant des aménagements ne nécessitant pas des travaux importants et financièrement coûteux ;
Qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions des époux Denizot qui soutenaient que le caractère monovalent des locaux jusqu'alors reconnu ne pouvait être affecté par les choix de gestion du preneur qui avait mis en location-gérance l'activité de café-restaurant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Société des affaires Kesraoui aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société des affaires Kesraoui à payer la somme de 3 000 euros aux époux X... ; rejette la demande de la Société des affaires Kesraoui ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à la Cour d'appel de PARIS ayant expressément « confirmé le jugement du 10 décembre 2008 » d'avoir jugé que « les lieux situés... Le Raincy ne sont pas monovalents » et que « le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2007 doit être fixé à sa valeur indiciaire en application de l'article L. 145-34 du Code de commerce » et, en conséquence, mis les dépens de première instance et d'appel à la charge des Epoux X... ;
AUX MOTIFS QUE les Epoux X... ont saisi le juge des loyers commerciaux qui a, par jugement avant dire droit du 10 décembre 2008, constaté que les Epoux X... acceptent le principe du renouvellement, dit que le bail s'est renouvelé à effet du 1er avril 2007 et avant dire droit sur le loyer de renouvellement, ordonné une expertise aux fins de fournir tous éléments susceptibles de permettre au juge de déterminer au 1er avril 2007 la valeur locative réelle des locaux monovalents donnés à bail ; que par jugement du 11 mai 2011, assorti de l'exécution provisoire, le juge a déclaré irrecevable la demande du locataire relative à l'absence de monovalence des lieux, fixé le loyer annuel de renouvellement à compter du 1er avril 2007 à la somme annuelle de 44. 350 ¿ hors taxes, dit que la société SAK devra compléter le dépôt de garantie et payer le rappel de loyers depuis le 1er avril 2007 avec intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation ; dit qu'à défaut d'un acte de renouvellement régularisé entre les parties, le jugement vaudra bail, partagé les dépens par moitié entre les parties ; par déclaration du 19 juillet 2011, la société SAK a fait appel du jugement du 11 mai 2011 ; que par déclaration du 5 juin 2013, la société SAK a fait appel du jugement du 10 décembre 2008 ; que par ordonnance du 12 juin 2013, les affaires ont été jointes ; que par ordonnance du 24 septembre 2013, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé par la société SAK contre le jugement du 10 décembre 2008 ; que la société SAK fait appel du jugement du 10 décembre 2008 en ce que le jugement du 11 mai 2011 a déclaré irrecevable sa demande relative à l'absence de monovalence des lieux aux motifs que la cour d'appel, dans son arrêt du 21 novembre 2001, a considéré que les lieux présentaient un caractère monovalent et que le juge des loyers commerciaux, saisi le 16 janvier 2007, à l'occasion du renouvellement suivant la période considérée par la cour, a tranché la question de la monovalence des lieux ; que pour dire que le caractère monovalent des locaux objets du litige a été définitivement jugé par le jugement rendu le 10 décembre 2008 par le juge des loyers commerciaux, le jugement du 11 mai 2011 retient que dans sa motivation, le jugement définit le caractère monovalent des locaux litigieux et définit une mission d'expertise prévoyant que l'expert devra fournir tous éléments susceptibles de permettre au juge de déterminer au 1er avril 2007 la valeur locative réelle des locaux monovalents donnés à bail ; que toutefois les motifs fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas l'autorité de la chose jugée pas plus que la mention de la monovalence des lieux dans la mission donnée à l'expert avant dire droit ; que les moyens articulés par la société SAK contre le jugement du 10 décembre 2008 sont donc sans portée ; qu'il soit être confirmé ; qu'en revanche, la demande de la société SAK concernant la monovalence des lieux doit être déclaré recevable ; que la cour d'appel dans les motivations de son arrêt du 21 novembre 2001, a retenu le caractère monovalent des lieux composés d'une partie hôtelière et d'une partie restaurant ; que contrairement à ce que soutiennent les Epoux X..., la décision de la cour en ce qui concerne la monovalence n'a pas l'autorité de chose jugée dans la mesure où le caractère monovalent n'est affirmé en tant que tel que dans les motivations de l'arrêt ; que l'appelante a conclu un contrat de location-gérance pour la partie café-restaurant ; que l'ensemble des locaux ne pourrait être qualifié de monovalent qu'à la condition que les activités qui y sont exercées aient vocation, au regard de la configuration des lieux, à être interdépendantes ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'expert que la salle dans laquelle est exploitée l'activité de café-restaurant est séparée de l'hôtel, les deux parties disposant d'un accès séparé, la rue... pour la partie café-restaurant, l'allée ... pour l'hôtel ; que la gestion de chacune des parties est autonome ; que la partie café-restaurant occupe une surface de 85 m2 pondérés et la partie hôtel de 227 m2 ; que la partie occupée par l'hôtel demeure indépendante de celle du restaurant, même s'il existe une communication interne et que les parties au contrat de location-gérance sont convenues d'une jouissance commune pour les dépendances autres que la partie hôtel et la partie café-restaurant ; qu'il ressort des plans fournis que rien ne s'oppose à ce que les accès aux toilettes, la cuisine et la livraison des fûts de bière nécessaires à l'exploitation du café restaurant puissent lui être spécialement réservés, moyennant des aménagements ne nécessitant pas des travaux importants et financièrement couteux ; que la clientèle de l'hôtel occupe des chambres au mois, sans que la restauration découle nécessairement de l'hébergement, l'hôtel ne fournissant pas d'autres prestations que l'hébergement ; qu'au vu de ces éléments, il convient de dire que les lieux ne sont pas monovalents, de rejeter la demande de fixation du loyer en application de l'article R. 145-10 du code de commerce et de dire que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à sa valeur indiciaire en application de l'article L. 145-34 du même code ;
1/ ALORS QUE l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 novembre 2001, avait jugé les locaux monovalents tant dans son dispositif fixant le montant du loyer du bail renouvelé au 28 mars 1997, à la somme de 163. 300 francs que dans ses motifs qui en étaient le soutien nécessaire pour avoir constaté la monovalence des locaux et jugé que la monovalence devait conduire au déplafonnement en application de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE le jugement mixte du 10 décembre 2008 avait jugé les locaux monovalents, tant dans son dispositif que dans les motifs qui en étaient le soutien nécessaire, en ordonnant, dans son dispositif, « avant dire droit, une mesure d'expertise, aux fins de déterminer la valeur locative réelle des locaux monovalents donnés à bail » et en relevant, dans ses motifs, qu'il convenait de déterminer la valeur locative dès lors qu'il avait été jugé lors du précédant renouvellement du bail que les locaux étaient monovalents ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE dès lors que le caractère monovalent des locaux permet d'écarter les règles du plafonnement du loyer, l'arrêt du 21 novembre 2011 ayant fixé le montant du loyer à une somme incompatible avec le plafonnement, après avoir constaté le caractère monovalent des locaux, avait autorité de la chose jugée ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble les articles 480 et 482 du Code de procédure civile ;
4/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE des locaux sont monovalents lorsqu'ils ont été construits ou aménagés à l'effet de servir un seul type d'exploitation et qu'ils ne peuvent être affectés à un autre usage sans transformations importantes ou onéreuses ; qu'après avoir constaté qu'à la date du précédant renouvellement les locaux avaient été jugés monovalents, ce dont il résultait qu'ils avaient été construits ou aménagés à l'effet de servir l'exploitation d'hôtel-bar-restaurant et qu'ils ne pouvaient être affectés à ces activités de façon distincte sans des transformations importantes et coûteuses, la cour d'appel devait rechercher si, à la date du présent renouvellement, des éléments nouveaux étaient de nature à justifier la cessation de la monovalence ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche à laquelle elle avait été invitée par des conclusions faisant valoir que la configuration des lieux était restée identique et que la monovalence n'était pas à « géométrie variable » (cf. conclusions, p. 9), la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article R 145-10 du code de commerce ;
5/ ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les Epoux X... avaient soutenu que la mise en location gérance de l'activité café-restaurant intervenue en 2005, n'avait pas eu d'incidence sur le caractère monovalent des locaux, tel que jugé en 2001, dès lors que ce caractère ne pouvait être affecté par les choix de gestion du fonds de commerce du preneur (cf. conclusions, p. 9 et 10) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions qui étaient péremptoires, dès lors qu'elle portaient sur le seul élément nouveau intervenu depuis le renouvellement précédant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6/ ALORS QU'aux termes clairs du contrat de location gérance, il avait été stipulé que « le preneur et le loueur pourront jouir conjointement pour leur exploitation des locaux loués à l'exception pour le loueur de la partie bar, salle de restaurant et cuisine et pour le preneur de la partie hôtel à partir du 1er étage, les autres dépendances faisant l'objet d'une jouissance commune » ; qu'en omettant de prendre en considération la stipulation fixant en principe la jouissance conjointe des locaux loués, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
7/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE s'il appartient au bailleur de démontrer le caractère monovalent de l'immeuble, qu'après avoir constaté que les parties au contrat de location gérance étaient convenues d'une jouissance communes pour les dépendances autres que la partie hôtel et la partie restaurant, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si le contrat de location gérance prévoyant sauf exception la jouissance conjointe des locaux, était de nature à établir les profondes et onéreuses transformations nécessaires pour rendre indépendants les locaux affectés à l'activité café-restaurant de ceux affectés à l'activité hôtel ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant d'affirmer, au vu des plans, que rien ne s'oppose à ce que les accès aux toilettes, la cuisine et la livraison de bière nécessaires à l'activité du café-restaurant puissent lui être spécialement réservés moyennant des aménagements ne nécessitant pas des travaux importants et financièrement couteux, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article R 145-10 du code de commerce, ensemble l'article 1315 du Code civil ;
8/ ALORS QUE pour établir que l'activité de bar-café-restaurant était complémentaire et interdépendante de celle d'hôtel de préfecture, les Epoux X... avaient fait valoir, au vu du précédant arrêt de la cour d'appel ayant retenu la monovalence, qu'il existait une identité au moins partielle de clientèle entre l'hôtel et le café restaurant, les clients de l'hôtel de Préfecture pouvant facilement venir déjeuner ou prendre une consommation dans le café restaurant se trouvant au sein de l'immeuble et communiquant avec l'hôtel et, au vu des plans et de l'expertise, que l'hôtel fonctionnant sans personnel et le restaurant lui étant imbriqué, c'était le café-restaurant qui faisait office de réception, tant du point de vue des locaux que du point de vue du personnel, les clients de l'hôtel s'adressant à la personne présente dans le café restaurant ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
9/ ALORS ENFIN QU'en affirmant que la restauration de la clientèle de l'hôtel ne découlait pas nécessairement de l'hébergement, sans asseoir cette affirmation sur le moindre élément, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile.