Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Lionel X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 17 mai 2013, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET et Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 385, 459, 460, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité invoquées par M. X..., l'a déclaré en conséquence coupable d'avoir, à Bedarrides, courant 2006, en sa qualité de dirigeant de droit de la société Reifen international, volontairement et frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, en s'abstenant de souscrire la déclaration requise et l'a condamné au titre des actions publique et civile ;
" aux motifs que, à la lecture des écritures que M. X...fait déposer en cause d'appel, la cour croit pouvoir déceler, après une sous partie « A » relative à la prescription, qui touche d'ailleurs le fond, deux exceptions de nullité, l'une entachant la citation, en ce qu'il n'y est pas précisé en quelle qualité il est poursuivi et de quelle personne morale il s'agit, l'autre entachant la procédure fiscale, en ce que les visites domiciliaires, réalisées comme indiquées ci-avant en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'ont été en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et en ce qu'il n'a jamais été entendu dans le cadre de l'enquête préliminaire ce qui est une atteinte aux droits de la défense, également protégé par les dispositions conventionnelles susvisées ; qu'aux termes de l'article 459, alinéa 3, du code de procédure pénale, les exceptions de nullité doivent être présentées avant tout débat au fond et, sauf application des dispositions de l'alinéa 4 de l'article précité, doivent être jointes au fond, le juge devant alors statuer par un seul et même jugement en se prononçant en premier lieu sur l'exception et ensuite sur le fond ; que devant la cour ces exceptions n'ont pas été présentées avant tout débat au fond comme le démontrent les notes d'audience relevées par Mme le greffier ; que, de plus, elles n'ont pas davantage été soulevées utilement devant le premier juge en ce que la lecture des notes d'audience du 23 mai 2012 page 2 (cote E23) enseigne que seule celle relative à la nullité de la procédure fiscale (« demande annulation perquisition fiscale ») a été présentée après les réquisitions du ministère public ; qu'au demeurant, malgré la mention dans lesdites notes « conclusions déposées », l'examen de l'ensemble des pièces de procédure devant le tribunal correctionnel (dossier E) enseigne qu'il n'y a pas eu de dépôt régulier, au sens de l'article 459 du code de procédure pénale, de conclusions le jour même de l'audience au fond du 23 mai 2012, les écritures adressées par fax le 26 mars 2012 (E 21) pour l'audience du 29 mars suivant, non visées d'ailleurs par le greffier et par le président, ne pouvant suppléer cette carence ; qu'en conséquence de ce qui précède, les moyens de nullité susvisés seront déclarés irrecevables ;
" alors que les énonciations des notes d'audience ne peuvent suppléer les conclusions régulièrement déposées pour déterminer si le juge a été valablement saisi d'une exception de nullité avant toute défense au fond ; qu'en se fondant sur les notes d'audience de première instance pour affirmer que les exceptions de nullité soulevées par M. X...ne l'avaient pas été avant les moyens de défense au fond, quand ces notes ne pouvaient servir à déterminer l'ordre de présentation des exceptions de nullité et des moyens de défense au fond, cette ordre ne pouvant résulter que des conclusions régulièrement déposées et visées par le tribunal à son audience du 23 mai 2012, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ; Attendu que, pour déclarer irrecevables les exceptions de nullité de la citation et de la procédure de vérification fiscale proposées par le prévenu dans ses conclusions en cause d'appel, l'arrêt attaqué énonce notamment que ces exceptions n'ont pas été présentées avant tout débat au fond, comme le démontrent les notes d'audience devant la cour d'appel, et n'ont pas non plus été soulevées utilement devant le premier juge, les notes d'audience faisant apparaître que seule la seconde a été présentée, après les réquisitions du ministère public ;
Attendu que, si c'est à tort que les juges du second degré ont statué ainsi, les conclusions déposées lors des débats devant la cour d'appel prévalant sur les mentions des notes d'audience, l'arrêt n'encourt cependant pas la censure, les conclusions déposées devant le tribunal n'ayant fait valoir aucune exception de nullité avant les moyens de défense sur le fond, de sorte que, les exceptions invoquées n'ayant pas été soulevées devant les premiers juges avant toute défense au fond, le moyen est irrecevable en application de l'article 385 du code de procédure pénale ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 230 du livre des procédures fiscales, en sa rédaction applicable en l'espèce, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable d'avoir, à Bedarrides, courant 2006, en sa qualité de dirigeant de droit de la société Reifen international, volontairement et frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, en s'abstenant de souscrire la déclaration requise, et l'a condamné en conséquence au titre des actions publique et civile, écartant ainsi la prescription invoquée par M. X...;
" aux motifs que, selon l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, " les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise " ; que la prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée de six mois maximum " entre la date de la saisine de la commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission émet son avis " ; qu'en l'espèce, la commission des infractions fiscales a été saisie le 24 novembre 2008 et a émis son avis le 20 mai 2009, soit une suspension de cinq mois et vingt-six jours ; qu'il est constant que la plainte du directeur des services fiscaux du Vaucluse a été déposée le 1er juillet 2009, date à laquelle, eu égard à ce qui précède, la prescription était déjà acquise en ce qui concerne certains faits visés à la prévention (¿) ; que toutefois, tel n'est pas le cas s'agissant des faits de soustraction au paiement de l'impôt sur les sociétés par absence de déclaration au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, le délai du dépôt de la déclaration des résultats au titre de cet exercice ayant en effet couru jusqu'au 31 mars 2006 ;
" alors que le délai triennal de la prescription des délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, qui ne court qu'à partir du 31 décembre suivant la date à laquelle les déclarations fiscales ont été ou auraient dû être déposées et les écritures comptables ont été ou auraient dû être reportées au livre d'inventaire, ne peut être interrompu que par un acte d'instruction ou de poursuite ; que la plainte de l'administration des impôts, préalable aux poursuites du chef de fraude fiscale, ne constitue pas un acte de poursuite ou d'instruction au sens de l'article 7 du code de procédure pénale et n'a pas d'effet interruptif de la prescription de l'action publique ; qu'en l'espèce, en écartant la prescription du délit dont M. X...était prévenu et tenant à des faits de soustraction au paiement de l'impôt sur les sociétés par absence de déclaration au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, aux motifs que le délai de dépôt de déclaration des résultats au titre de cet exercice avait couru jusqu'au 31 mars 2006, que la saisine de la commission des infractions fiscales avait emporté une suspension de cinq mois et vingt-six jours et que la plainte du directeur des services fiscaux du Vaucluse avait été déposée le 1er juillet 2009, quand cette plainte ne constituait ni un acte de poursuite ni un acte d'instruction interruptif du délai de prescription, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun acte de poursuite ou d'instruction qui serait intervenu dans un délai de trois ans suivant le point de départ de la prescription, outre la suspension de ce délai, a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que le prévenu est poursuivi du chef de fraude fiscale pour s'être soustrait frauduleusement au paiement de l'impôt sur les sociétés par absence de déclarations au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005 ;
Attendu que, si c'est à tort que, pour écarter l'exception de prescription, les juges retiennent la plainte de l'administration fiscale comme acte interruptif de prescription, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors qu'en application de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, la prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 1er janvier 2007, a été suspendue du 24 novembre 2008 au 20 mai 2009 pendant le temps de saisine de la commission des infractions fiscales et n'était pas acquise le 1er juillet 2009, date des réquisitions aux fins d'enquête du procureur de la République ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, de l'article 50 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, 121-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable d'avoir, à Bedarrides, courant 2006, en sa qualité de dirigeant de droit de la société Reifen international, volontairement et frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, en s'abstenant de souscrire la déclaration requise, l'a condamné en répression à une amende de 20 000 euros et, sur l'action civile, a reçu le directeur général des finances publiques en sa constitution de partie civile et a dit que M. X...sera solidairement tenu avec la société Reifen international au paiement de l'impôt fraudé et des pénalités y afférentes ;
" aux motifs que, sur la qualité de représentant légal de la société Reifen international, à titre liminaire, il y a lieu d'observer, quand même ne seraient pas indiquées dans la citation qui lui a été régulièrement délivrée en quelle qualité il est poursuivi et de quelle société il s'agit, que M. X...ne pouvait se méprendre, la plainte de l'administration fiscale, argumentée, figurant au dossier pénal et donc aisément consultable, étant à cet égard parfaitement explicite ; que de plus, la longueur et la densité des écritures qu'il fait régulièrement déposer en cause d'appel démontrent son entière compréhension de ce qui lui est reproché ; que, cela étant, M. X...soutient qu'il a démissionné de ses fonctions d'administrateur délégué lors d'une assemblée générale extraordinaire (AGE) tenue le 15 décembre 2003, dont il produit procès-verbal, et a été remplacé par M. Y...; qu'à compter du 20 décembre 2003, soit avant la commission des faits objet des présentes poursuites, il n'exerçait qu'une fonction salariée en qualité de directeur des ventes et ce jusqu'en février 2003 ; qu'il est constant, bien qu'il s'agisse là d'une décision d'importance pour la vie de la société, que le procès-verbal de l'AGE n'a pas été enregistré au RCS du Luxembourg, ce qui suscite de légitimes interrogations sur sa validité et, en tout état de cause, lui enlève toute opposabilité aux tiers ; que selon la pièce DGI-DNEF numérotée 000821 et 000822 portant procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 3 juin 2005, présente parmi les documents produits en première instance par l'administration des impôts, parfaitement identifiable et donc consultable malgré que lesdits documents aient été « versés en vrac », a été adoptée la deuxième résolution en ces termes : « confirmation des 3 administrateurs pour une nouvelle période jusqu'à l'année 2010 : 1°) M. X..., directeur de sociétés, demeurant à L-1347 Esch-sur-Alzette ..., 2°) Mme Z..., adresse inchangée, 3°) Firstclass Trading Ltd., adresse inchangée » ; qu'il est constant qu'il a été procédé à l'enregistrement de ce procès-verbal au RCS du Luxembourg ; que de plus, il résulte de la pièce DGI-DNEF 000870 que M. X..., lors de l'AGE du 19 avril 2004 qu'il présidait, est mentionné en qualité d'administrateur mais aussi de porteur d'une action ; que la cession d'une action intervenue le 20 décembre 2003 entre un certain M. A...et M. Y...(DGI-DNEF 000741) qu'il produit en pièce n° 14 ne saurait contrarier sérieusement ce qui précède en ce que, notamment, elle ne démontre en rien que l'action dont s'agit aurait été préalablement cédée par ses soins au nommé M. A...; qu'enfin, d'une part, dans un courrier daté du 18 octobre 2004 (DGI-DNEF 0002804) adressé aux époux A...en recommandé le 19 octobre 2004 (RA 2228 032501FR) présenté le 20 octobre 2004, M. X..., dont d'ailleurs l'adresse « retour » est « SA Reifen Zone du Rémourin 84370 Bedarrides », écrit entre autres « étant le seul dirigeant de ladite société », d'autre part, que dans un autre courrier (D 61) adressé le 25 octobre 2004 à la société 3D Pneus sises à 95250 Beau Champ, figurent les mots : « l'administrateur ¿ M. X...» ; qu'il se déduit de tout ce qui précède, au constat qu'il se contente d'affirmer qu'il n'a pas signé les documents qui lui sont opposés par l'administration des impôts, d'ailleurs, et cela mérite d'être souligné, saisis à l'occasion de visites domiciliaires pratiquées dans les locaux susénoncés (à Bedarrides et à Uchaux), ou qu'il s'agit de faux, que M. X...exerçait les fonctions d'administrateur de la société Reifen international entre 2004 et 2006 période retenue pour la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ;
" 1°) alors qu'est dirigeant d'une société, la personne qui dispose, en toute indépendance, de pouvoirs de gestion effective et de direction ; que le défaut d'enregistrement de la décision constatant la cessation des fonctions d'administrateur d'une personne ne suffit pas à caractériser une telle activité de direction par cette personne, pendant la période au cours de laquelle cette cessation des fonctions n'aurait pas été opposable aux tiers ; qu'en se contentant de retenir la qualité d'administrateur de M. X...au sein de la société Reifen international, faute d'opposabilité de l'acte constatant la cessation de ces fonctions, tandis que ce défaut, à le supposer réel, ne suffisait pas à caractériser l'exercice effectif d'une activité de gestion et de direction par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors, en tout état de cause, qu'en se contentant d'affirmer en outre, que M. X...avait conservé la mission d'administrateur de la société Reifen international, qu'il était porteur d'une action de cette dernière et qu'il s'était présenté dans un courrier comme dirigeant et administrateur de cette société, pour juger que M. X...avait la qualité d'administrateur au cours de la période ayant fait l'objet de la vérification de comptabilité, quand cette seule qualité, à la supposer réelle, ne caractérisait pas l'exécution par M. X...d'actes précis de direction et de gestion effectives ou d'administration générale de la société Reifen international qui auraient été accomplis en toute indépendance et aurait ainsi justifié sa poursuite pénale personnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, de l'article 50 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, 121-1 du code pénal, 2. 2, 2. 3, 2. 4 et 4 de la Convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable d'avoir, à Bedarrides, courant 2006, en sa qualité de dirigeant de droit de la société Reifen international, volontairement et frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, en s'abstenant de souscrire la déclaration requise, l'a condamné en répression à une amende de 20 000 euros et, sur l'action civile, a reçu le directeur général des finances publiques en sa constitution de partie civile et a dit que M. X...sera solidairement tenu avec la société Reifen international au paiement de l'impôt fraudé et des pénalités y afférentes ;
" aux motifs que, aux termes des dispositions des articles 209-1 et 259 du code général des impôts, d'une part, une entreprise dont le siège est situé hors de France est assujettie à l'impôt sur les sociétés en France à raison des profits tirés d'une exploitation dans ce pays, d'autre part, le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire y a le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ; qu'il est de principe tiré de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat que la notion d'exploitation doit s'entendre de l'exercice habituel d'une activité qui peut, soit s'effectuer dans le cadre d'un établissement autonome, soit être réalisée, à défaut d'établissement, par l'intermédiaire de représentants sans personnalité professionnelle indépendante, ou encore résulter de la réalisation d'opérations formant un cycle commercial complet ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 2 de la Convention conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg, l'expression « établissement stable » s'entend d'une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité, cette expression comprenant notamment : « ¿ a) un siège de direction, b) une succursale, c) un bureau, d) une usine ¿ » ; que de même, en application de l'article 4 de la Convention précitée, les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant qui exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, sont imposables dans l'autre Etat dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ; qu'en l'espèce, il résulte des divers documents saisis lors des visites domiciliaires effectuées tant à Uchaux, au domicile de Mme Z..., propriété de la société civile immobilière Les Romarins dont le prévenu détenait à l'époque 50 % du capital social et était le gérant statutaire, qu'à Bédarrides dans les locaux de la société Marly gérée par M. X...(tous documents versés au dossier par l'administration des impôts), que la société Reifen international a exercé sur le territoire français son activité à partir d'un établissement stable au sens des dispositions susvisées ; qu'au nombre desdits documents peuvent être mentionnés à titre d'illustration, outre les actes intéressant directement la vie de la société (ex. : AGE du 30 mai 2000, PV d'AG, les originaux du rapport de l'AG du 3 juin 2005, acte de nomination de M. X...en qualité d'administrateur délégué ¿) : 1°) des documents de nature comptable, notamment des bilans, 2°) des relevés et/ ou autres documents relatifs aux comptes bancaires ouverts au nom de la société Reifen international, notamment au Crédit agricole mutuel Alpes-Provence (agence de l'Argensol à Orange), l'adresse de la société y figurant étant « ZA du Remourin 84370 Bedarrides », 3°) des documents de nature commerciale, établissant un cycle commercial complet en France : facturation, bons de commandes, contrats de partenariat et d'exclusivité, tableaux des ventes avec ventilation par moyens de paiements pour 2005 (ex. la pièce 010010 portant « expédition de l'année arrêtées au 15 décembre 2005 » à Annecy, Beauchamp, Bedarrides, Vendargues, Dijon, Fréjus, Rouen ¿), éléments de stocks pour l'année 2005, documents ressortant de divers contentieux avec les clients ainsi que des courriers commerciaux mentionnant « pour contact » soit l'adresse de la société Bédarrides et ses coordonnées téléphoniques, soit le n° de téléphone fixe de Mme Z...à Uchaux, soit celui du portable de la société civile immobilière Rolan dont M. X...était le gérant et détenait 100 % des parts en usufruit, sise petite route de Sorgues à Bedarrides, 4°) des documents établissant que la société Reifen international disposait dans les locaux de la société Marly à Bedarrides d'un lieu de stockage important lui permettant d'assurer les livraisons sur toute la France et même à l'étranger : contrat de mise en dépôt de marchandises conclu le 1er juillet 2000 entre cette société et la société Marly, inventaires des pneus, bons de commandes, divers courriers relatifs à des ventes, etc ¿ ; qu'en conséquence de l'ensemble de ces constatations il est à considérer que la société Reifen international était assujettie à l'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices tirés de son activité sur le territoire national s'agissant de l'exercice clos au 31 décembre 2005 ; que M. X...était donc tenu, en sa qualité de représentant légal de cette entité, de procéder au cours du premier trimestre 2006 à la déclaration des résultats, ce qu'il n'a pas fait ; que M. X...ne fournit aucune explication s'agissant de la présence de tous les éléments saisis lors des visites domiciliaires intéressant directement l'exercice de l'activité de la société Reifen international, alors qu'il dit résider au Luxembourg ; que nécessairement informé de la vérification entreprise (cf. ce qui précède), il n'a pas souhaité collaborer avec les vérificateurs et n'a pas davantage cherché utilement à être entendu pendant l'enquête diligentée par l'autorité poursuivante ; qu'il est établi qu'il disposait au moment des faits de participations financières dans diverses sociétés et qu'il était le gérant de plusieurs d'entre elles, ce qui traduit sa parfaite connaissance du fonctionnement des sociétés et donc des diverses obligations incombant à celles-ci, notamment en matière fiscale ; qu'en l'état de ces énonciations, il convient, réformant le jugement dont appel, de le déclarer coupable d'avoir, à Bédarrides (84), courant 2006 en sa qualité de dirigeant de droit de la société Reifen international, volontairement et frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, en s'abstenant de souscrire la déclaration requise ; qu'eu égard à la nature, à la gravité des faits et aux éléments de personnalité disponibles, il y a lieu de condamner M. X...à une amende de 20 000 euros ; que sur l'action civile, le directeur général des finances publiques est recevable en sa constitution de partie civile ; qu'il convient de faire droit à sa demande dans les termes ci-après précisés ;
" 1°) alors qu'aux termes de l'article 4 de la Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'État sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ; que l'existence d'un établissement stable en France au sens de cette convention exige la constatation en France d'une installation fixe d'affaires où la société étrangère exerce tout ou partie de son activité, afin de rendre cette société étrangère passible de l'impôt sur les sociétés en France ; qu'en se bornant à affirmer en l'espèce qu'il était établi que la société Reifen international avait eu une activité en France, en un lieu où M. X...se trouvait être gérant d'une SCI et où se trouvait une société Marly, sans dire en quoi la correspondance entre cette activité, à la supposer existante, et la présence d'autres sociétés, permettait de retenir que la société Reifen international, personne morale indépendante, disposait d'un établissement stable propre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors, subsidiairement, qu'en retenant l'élément intentionnel de l'infraction reprochée à M. X..., au motif impropre que celui-ci disposait de participations financières dans diverses sociétés et était le gérant de certaines d'entre elles, pour retenir sa connaissance du fonctionnement des sociétés et diverses obligations leur incombant en matière fiscale, quand cette connaissance du fonctionnement d'une société en France ne caractérisait pas, en outre, une connaissance de la notion d'établissement stable au regard de la fiscalité internationale et en particulier de la convention franco-luxembourgeoise, de sorte que M. X...pouvait légitimement penser que si la société Reifen international satisfaisait à ses obligations fiscales au Luxembourg, où elle était imposable et imposée, cette société n'était pas imposable de surcroît en France et aucune obligation déclarative n'existait donc à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors, en tout état de cause, qu'en retenant la culpabilité de M. X...sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette culpabilité allait à l'encontre du principe de la prohibition de la double imposition, tel que prévu par la Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer M. X..., en sa qualité de dirigeant de droit de la société Reifen international, coupable de fraude fiscale pour avoir frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur les sociétés en s'abstenant de souscrire la déclaration requise, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, fondées sur l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, qui établissent la qualité du prévenu en tant qu'administrateur et représentant légal de la société et caractérisent, pour cette dernière, l'existence d'un établissement stable en France, au sens de la Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, la rendant passible de l'impôt sur les sociétés, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a, sans méconnaître le principe de la prohibition de la double imposition, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit retenu à l'encontre du prévenu ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.