LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 2 de l'annexe V de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a été engagé le 28 septembre 2000, en qualité de maçon coffreur, par la société Forézienne d'entreprises, aux droits de laquelle vient la société Eiffage travaux publics ; que victime d'un accident du travail, il a été, à l'issue des visites médicales de reprise, déclaré par le médecin du travail inapte à son poste et apte à un poste administratif, auquel il a été reclassé par l'employeur ; que le salarié a obtenu le titre professionnel de développeur informatique, équivalant à un BTS ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, imputant à l'employeur divers manquements à ses obligations contractuelles ;
Attendu que pour dire que le salarié doit être classé ETAM niveau E, l'arrêt retient que si la formation continue a été effectuée à l'initiative du salarié, le classement définitif dans l'emploi correspondant, au terme de ladite période, intervient dans la limite des emplois disponibles dans l'entreprise, que la convention collective applicable ne subordonne pas cette disposition favorable au salarié, titulaire d'un diplôme, à la condition qu'il occupe un emploi correspondant à la spécialité de son diplôme, que l'employeur reconnaît que le titre obtenu par ce dernier équivaut à un BTS et que le salarié a été reclassé en qualité d'employé administratif sur un poste créé par l'employeur et par suite disponible ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater l'existence d'un emploi de niveau E, susceptible de correspondre à la formation obtenue par le salarié, qui aurait été disponible au sein de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage TP
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... devait être reclassé ETAM niveau E à partir du mois d'avril 2006 et condamné la société EIFFAGE TP à verser à Monsieur X... des sommes de 17.428,45 € à titre de rappel de salaires conventionnel et 1.742,84 € de congés payés afférents, d'avoir condamné la société EIFFAGE TP à verser à Monsieur X... une somme de 1.000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société EIFFAGE TP à verser à Monsieur X... des sommes de 3.806,88 € d'indemnité compensatrice de préavis, 380,68 € de congés payés afférents, 4.887,08 € d'indemnité conventionnelle de licenciement et 12.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la classification : Kenan X... soutient, sur le fondement de l'article 2 de l'annexe 5 de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics, que la détention d'un diplôme lui donne droit à la classification ETAM niveau E même si le diplôme n'est pas nécessaire à l'exercice de ses fonctions ; l'employeur oppose que le diplôme produit un effet valorisant s'il est utile aux fonctions attribuées au salarié. En vertu des dispositions conventionnelles relatives aux employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics applicables à la cause : * le salarié titulaire de diplôme de niveau B.T.S., D.U.T., D.E.U.G. et de la licence professionnelle doit être embauché au niveau E des ETAM après une période d'accueil et d'intégration de 18 mois maximum, * ce classement s'applique également aux titulaires de diplômes obtenus dans le cadre de la formation continue à l'initiative de l'entreprise, la période d'accueil et d'intégration pouvant être réduite de moitié, * si la formation continue a été effectuée à l'initiative du salarié, le classement définitif dans l'emploi correspondant, au terme de ladite période, interviendra dans la limite des emplois disponibles dans l'entreprise. Contrairement à ce que soutient l'employeur, la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics ne subordonne pas cette disposition favorable au salarié titulaire d'un diplôme à la condition qu'il occupe un emploi correspondant à la spécialité de son diplôme. Kenan X... justifie qu'il a suivi un stage de développeur informatique du 31 janvier 2005 au 25 novembre 2005 auprès du centre de formation professionnelle des adultes et qu'il a obtenu le 24 novembre 2005 le titre professionnel de développeur informatique qui est homologué au niveau III code NSF 326 T ; l'employeur reconnaît que le titre obtenu par Kenan X... équivaut à un B.T.S. Il résulte d'un courrier du 1er décembre 2004 que l'employeur a accepté que Kenan X... suive la formation à condition qu'elle soit entièrement prise en charge par le FONGECIF (salaires et frais) ; il s'agit donc d'une formation effectuée à l'initiative du salarié. Dès lors, Kenan X... pouvait prétendre, en raison de son diplôme, à la classification ETAM niveau E, dans la limite des emplois disponibles dans l'entreprise. Inapte à son poste initial de maçon coffreur suite à un accident du travail, Kenan X... a été reclassé en qualité d'employé administratif à compter du 27 février 2006 sur un poste administratif créé par l'employeur. Il s'ensuit de la création d'un poste administratif spécialement pour Kenan X... que le poste était disponible. L'employeur n'allègue pas une période d'accueil et d'intégration, la convention collective se limite à en fixer la durée maximale et Kenan X... demande à être reclassé ETAM niveau E à compter du mois d'avril 2006. En conséquence, Kenan X... doit être reclassé ETAM niveau E à compter du mois d'avril 2006. Le jugement entrepris doit être infirmé. Kenan X... a donc droit au salaire minimum conventionnel correspondant à sa classification ETAM niveau E depuis le mois d'avril 2006 ; les calculs opérés par Kenan X... sur le rappel de salaire sont exacts et ne sont pas querellés par l'employeur ; Kenan X... a chiffré pour chaque mois la différence entre la rémunération perçue et le salaire due ; il s'ensuit un rappel de salaire conventionnels de 17.428,45 euros. En conséquence, la S.A.S. EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS doit être condamnée à verser à Kenan X... la somme de 17.428,45 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel, outre 1.742,84 euros de congés payés afférents » ;
ALORS QUE l'article 2 de l'annexe V de la convention collective nationale des employés dispose que, lorsqu'un diplôme a été obtenu postérieurement à l'embauche du salarié dans le cadre de la formation continue effectuée à l'initiative du salarié, le classement définitif dans un emploi correspondant à la formation ne peut intervenir, au terme d'une période d'accueil et d'intégration, que dans la limite des emplois disponibles dans l'entreprise ; qu'il en résulte que la seule obtention d'un diplôme par le biais d'une formation continue à l'initiative du salarié ne peut, à elle seule, donner droit au niveau de classification prévu par l'accord et que seule l'existence d'un emploi disponible correspondant à la formation obtenue et à ce niveau de classification est susceptible de donner droit à un tel classement ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que la formation obtenue par Monsieur X... était une formation de développeur informatique effectuée à l'initiative du salarié (arrêt p. 4 al. 4-5) ; que la société EIFFAGE TP exposait que le poste administratif qui avait été créé pour permettre le reclassement de Monsieur X... à la suite de son inaptitude à son poste de maçon était, d'une part, sans aucun rapport avec la formation de développeur informatique qu'il avait obtenue et, d'autre part, ne correspondait pas aux critères fixés par la convention collective pour les emplois de niveau E ; qu'en estimant néanmoins que Monsieur X... devait être reclassé ETAM niveau E à compter d'avril 2006, sans constater l'existence d'un emploi de niveau E susceptible de correspondre à la formation obtenue par Monsieur X... qui aurait été disponible au sein de la société EIFFAGE TP à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de l'annexe 5 de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société EIFFAGE TP à verser à Monsieur X... une somme de 1.000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société EIFFAGE TP à verser à Monsieur X... des sommes de 3.806,88 € d'indemnité compensatrice de préavis, 380,68 € de congés payés afférents, 4.887,08 € d'indemnité conventionnelle de licenciement et 12.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'exécution déloyale du contrat de travail : L'article L. 1222-1 du code du travail pose le principe selon lequel le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Le refus de l'employeur de classer le salarié qui a souhaité à plusieurs reprises une augmentation de sa rémunération conformément aux dispositions conventionnelles, le fait pour l'employeur de ne pas avoir réglé au salarié les indemnités de trajet, le fait pour l'employeur de maintenir sur les feuilles de paie la qualification de maçon coffreur caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail. L'employeur a satisfait aux demandes du salarié concernant les acomptes sur salaire et le changement des horaires de travail ; Kenan X... s'est vu prescrire un arrêt de travail le 18 octobre 2010 pour "évolution dépressive" ; le médecin n'a pas mentionné de lien entre l'état de santé et le travail ; Kenan X... a rencontré d'importantes difficultés familiales puisqu'en 2010, il était en procédure de divorce et demandait la garde de son fils, accusant sa mère de l'avoir enlevé pendant plusieurs mois. Ces éléments conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 1.000 euros. En conséquence, la S.A.S. EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS doit être condamnée à verser à Kenan X... la somme de 1.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Le jugement entrepris doit être infirmé. Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail : La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements imputés par le salarié à son employeur empêchaient la poursuite des relations contractuelles, soit d'une démission dans le cas contraire ; il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements qu'il invoque. Il résulte des énonciations précédentes que l'employeur a commis des manquements ; la gravité des manquements qui affectaient la rémunération légitime la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur. En conséquence, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur doit produire les effets d'un licenciement sans cause. Le jugement entrepris doit être infirmé. En application de l'article L. 1234-1-3° du code du travail, Kenan X... qui comptabilisait une ancienneté supérieure à deux ans a droit à une indemnité compensant un préavis de deux mois ; en 2010, le salaire mensuel minimum conventionnel d'un ETAM niveau E se montait à la somme de 1,903,44 euros ; il s'ensuit une indemnité de 3.806,88 euros dont le montant n'est pas discuté par l'employeur. En conséquence, la S.A.S. EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS doit être condamnée à verser à Kenan X... la somme de 3.806,88 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 380,68 euros de congés payés afférents.A l'issue du préavis, Kenan X... comptabilisait une ancienneté de 10,27 années ; la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics applicable à la cause chiffre l'indemnité de licenciement à 2,5 dixième de mois de salaire par année d'ancienneté ; le salaire mensuel était de 1.903,44 euros ; il s'ensuit une indemnité conventionnelle de licenciement de 4.887,08 euros dont le montant n'est pas discuté par l'employeur. En conséquence, la S.A.S. EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS doit être condamnée à verser à Kenan X... la somme de 4.887,08 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement. La S.A.S. EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS employait plus de onze salariés ; en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Kenan X... a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la rémunération des six derniers mois, soit à la somme de 11.420,64 euros. Kenan X... a immédiatement retrouvé du travail ; les éléments de la cause conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 12.000 euros. En conséquence, la S.A.S. EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS doit être condamnée à verser à Kenan X... la somme de 12.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause » ;
ALORS QUE les prétendus manquements de la société EIFFAGE TP affectant la rémunération conventionnelle de Monsieur X... ayant, selon l'arrêt, caractérisé une exécution déloyale du contrat de travail (arrêt p. 5 al. 3) et justifié que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt p. 5 al. 8), la cassation encourue sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt sur le second moyen.