LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 14 août 2013), que, par acte authentique du 2 septembre 2006, établi par M. X..., notaire, M. Y... et Mme Z..., son épouse, ont acquis une parcelle de terrain sur laquelle ils ont édifié une maison d'habitation ; que les 7 et 15 juillet 2009, M. X...a rédigé une promesse de vente de ce bien immobilier entre M. et Mme Y...et M. A...avec, notamment, pour condition suspensive l'absence de servitude susceptible de rendre le bien impropre à son usage ; que le 8 septembre 2008, M. X...a adressé le projet d'acte authentique au notaire de M. A...mentionnant l'existence d'une servitude de passage d'une canalisation au profit de la commune ; que M. A..., qui a refusé d'acheter le bien compte tenu de la servitude, a assigné, d'une part, M. et Mme Y...en résolution de la promesse de vente, restitution de la somme versée au titre du dépôt de garantie et de la provision sur frais, remboursement de frais de déplacement et paiement de dommages-intérêts, et, d'autre part, M. X...en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. A...fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre M. et Mme Y..., à l'exception de celle tendant à la restitution du dépôt de garantie, alors, selon le moyen :
1°/ que le dol doit s'apprécier au moment de la vente ; qu'en l'espèce, la question était celle de savoir si, au moment de la vente à M. A..., les époux Y...avaient connaissance de la servitude de passage grevant le bien, objet de la vente ; qu'en conséquence, en énonçant que « l'acte d'achat des époux Y...du 2 septembre 2006 ne porte mention d'aucune servitude de passage d'une canalisation au profit de la commune », sans constater que les vendeurs étaient dans l'ignorance de la servitude lors de la signature du compromis de vente, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
2°/ que M. A...avait fait valoir, pièces à l'appui, que, dans le dossier de demande de permis de construire déposé par les époux Y...à la mairie, figurait un plan sur lequel apparaissait très nettement la servitude de passage tandis que sur le plan communiqué par les vendeurs n'apparaissaient que des résidus de tracé de cette servitude de sorte que la falsification de ce plan révélait que les époux Y..., qui avaient connaissance de la servitude, l'avaient sciemment dissimulée à leur acquéreur ; qu'en conséquence, en retenant que « rien ne permet d'affirmer qu'ils connaissaient la nature juridique exacte de ce droit de passage » sans examiner, comme elle y avait été invitée, les raisons de la discordance entre les deux plans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que M. A...soutenait que les époux Y...avaient nécessairement connaissance de la servitude de passage puisque, lors de la construction de leur mur de clôture, ils avaient prévu un décrochement à l'aplomb du regard de cette canalisation aux fins de la rendre accessible ; que dès lors, en énonçant que « rien ne permet d'affirmer qu'ils connaissaient la nature juridique exacte de ce droit de passage » sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions de M. A..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que rien ne permettait d'affirmer que M. et Mme Y...connaissaient la nature juridique exacte du droit de passage, la cour d'appel a, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. A...fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre M. X..., notaire, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a constaté que l'existence de la servitude de passage d'une canalisation constituait une information substantielle dont M. A...avait été privé, ce qui légitimait son action en caducité ; qu'en énonçant dès lors que « la question de l'absence de mention de la servitude à l'acte authentique du 2 septembre 2006 ne concerne que les rapports entre les consorts Y...et M. X..., et non M. A...», quand il résultait des propres constatations de l'arrêt que cette négligence avait eu des répercussions sur l'acte de vente litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le notaire, tenu à un devoir de conseil, l'oblige à éclairer les parties et à s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; qu'en l'espèce, il était constant que M. A..., ayant pris connaissance du compromis de vente, avait, outre un dépôt de garantie, versé une somme au titre des frais notariés ; qu'après avoir retenu l'existence d'un manquement par le notaire à son obligation d'information, pour n'avoir pas fait état de la servitude dans le compromis de vente et ordonné la restitution du dépôt de garantie, la cour d'appel a débouté M. A...de sa demande tendant à la restitution de la provision versée au titre des frais, motif pris de l'absence de « préjudice indemnisable autre que celui inhérent à tout projet qui n'est pas mené à son terme » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si cette somme aurait été payée par l'acquéreur s'il avait eu connaissance de l'existence de la servitude de passage au stade du compromis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que M. A...faisait valoir qu'il avait été contraint de se déplacer à plusieurs reprises à la mairie de Saint-Puy pour collecter des informations tues tant par les vendeurs que par le notaire et que ce n'était qu'à la faveur d'un déplacement qu'il avait appris la localisation géographique de la canalisation objet de la servitude (sous la maison) qui permettait à la mairie, fondée à en exiger l'accès, de détruire le sol de la maison ; que dès lors, en déboutant M. A...de ses autres demandes d'indemnisation sans répondre aux conclusions de ce dernier soutenant que le mutisme des vendeurs et de l'officier ministériel relativement aux informations afférentes à la servitude l'avait contraint à de nombreux déplacements, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les clauses du compromis avaient produit tous leurs effets, puisque la levée de l'acte hypothécaire avait rappelé l'existence de la servitude, objet de la querelle, permettant à chaque partie de connaître l'étendue des droits, charges et obligations liés à l'acte envisagé et souverainement retenu que M. A...ne rapportait pas la preuve d'un préjudice indemnisable autre que celui inhérent à tout projet qui n'est pas mené à son terme, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. A...de ses demandes dirigées contre les époux Y..., à l'exception de celle tendant à la restitution du dépôt de garantie ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'à la motivation particulièrement circonstanciée du premier juge, que la cour adopte, il convient de rappeler que les termes du compromis signé entre le vendeur et l'acquéreur mentionnaient au titre des conditions suspensives relatives à l'urbanisme que « la présente convention est soumise à la condition suspensive que le certificat ou la note de renseignements d'urbanisme et le certificat d'alignement et de voirie ne révèlent pas l'existence d'une servitude susceptible de rendre le bien impropre à la destination que l'acquéreur envisage de lui donner » ; que par ailleurs, toujours aux termes du compromis, au paragraphe servitude, il est dit : « le vendeur ¿ déclare qu'il n'existe à sa connaissance aucune servitude sur ce bien à l'exception de celle pouvant résulter de la situation naturelle des lieux, des titres de propriété, de l'urbanisme et qu'il n'en a créée aucune » ; qu'en l'espèce, il est constant que l'acte d'achat des époux Y...du 2 septembre 2006, ne porte mention d'aucune servitude de passage d'une canalisation au profit de la commune, de sorte qu'il ne saurait leur être reproché d'avoir lors du compromis omis de la déclarer ; que par ailleurs, quand bien même ils auraient su qu'une servitude de passage d'une canalisation traversait le terrain, alors qu'aucun document versé aux débats ne le démontre, puisque même la commune a délivré un permis de construire alors que la servitude passe sous les fondations, rien ne permet d'affirmer qu'ils connaissaient la nature juridique exacte de ce droit de passage ; qu'aussi, le compromis étant signé sous réserves de diverses conditions suspensives, la réalisation de l'une d'elles ne saurait dès lors constituer un dol, l'acquéreur parfaitement informé pouvant alors se rétracter avant la réalisation de la vente, ce qui exclut de fait le manquement au défaut de délivrance, ou l'action sur le vice caché ; que toutefois, l'existence de cette servitude, information substantielle, légitime l'action de M. A...en caducité du compromis telle que convenue au contrat liant les parties ; que par suite, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la restitution du contrat, à défaut de toutes autres demandes non fondées ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, le compromis de vente stipule que « la présente convention est soumise à la condition suspensive que le certificat ou la note de renseignement d'urbanisme ou le certificat d'alignement et de voirie ne révèlent pas l'existence d'une servitude susceptible de rendre le bien impropre à la destination que l'acquéreur envisage de lui donner (¿) le présent avant contrat est consenti également sous la condition que l'état hypothécaire afférent à ce bien (¿) ne révèle pas l'existence d'autres droits réels que ceux éventuellement ci-dessus énoncés faisant obstacle à la libre disposition du bien ou susceptible d'en diminuer sensiblement la valeur » ; qu'il est constant que lors de la délivrance de ces documents, et plus particulièrement à la lecture des documents émanant de la Conservation des Hypothèques, Me X...a constaté l'existence, dans le terrain, et sur toute sa longueur, d'une servitude de passage d'une canalisation au profit de la commune ; que selon les documents produits aux débats, il s'agit d'une canalisation d'eaux pluviales qui, depuis la construction de la maison, passe intégralement sous celle-ci et dont l'entretien incombe à la commune, laquelle doit pouvoir y accéder ; que compte tenu de l'ampleur de cette canalisation, il est possible de considérer qu'elle constitue une charge importante imprévue pour M. A...; que par suite, cette révélation caractérise une absence de réalisation de la condition suspensive ci-dessus rappelée, de sorte que le compromis de vente est frappé de caducité, ce qui rend M. A...libre de tout engagement et le dépôt de garantie doit lui être restitué ; que par contre, la provision pour frais couvrant, notamment, les diligences effectuées par le notaire pour préparer l'acte authentique, reste acquise à ce dernier au titre de sa rémunération ; qu'ensuite, du fait de la caducité de l'acte, M. A...ne souffre d'aucun préjudice de sorte qu'il ne peut y avoir lieu à des dommages-intérêts, ni à l'encontre des époux Y..., ni à l'encontre du notaire, dont le tribunal ne saisit d'ailleurs pas à quoi ils peuvent correspondre ; qu'en ce qui concerne les frais de déplacements, ils sont inhérents au projet d'achat de l'immeuble et aux visites, et ne constituent pas un poste de préjudice ; qu'en conséquence, M. A...n'est fondé qu'à obtenir restitution des 3 000 ¿ ;
1°) ALORS QUE le dol doit s'apprécier au moment de la vente ; qu'en l'espèce, la question était celle de savoir si, au moment de la vente à monsieur A..., les époux Y...avaient connaissance de la servitude de passage grevant le bien, objet de la vente ; qu'en conséquence, en énonçant que « l'acte d'achat des époux Y...du 2 septembre 2006 ne porte mention d'aucune servitude de passage d'une canalisation au profit de la commune », sans constater que les vendeurs étaient dans l'ignorance de la servitude lors de la signature du compromis de vente, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
2°) ALORS QUE monsieur A...avait fait valoir, pièces à l'appui (conclusions d'appel p. 8), que dans le dossier de demande de permis de construire déposé par les époux Y...à la mairie figurait un plan sur lequel apparaissait très nettement la servitude de passage tandis que sur le plan communiqué par les vendeurs, n'apparaissaient que des résidus de tracé de cette servitude de sorte que la falsification de ce plan révélait que les époux Y..., qui avaient connaissance de la servitude, l'avaient sciemment dissimulée à leur acquéreur ; qu'en conséquence, en retenant que « rien ne permet d'affirmer qu'ils connaissaient la nature juridique exacte de ce droit de passage » sans examiner, comme elle y avait été invitée, les raisons de la discordance entre les deux plans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°) ALORS QUE monsieur A...soutenait (conclusions d'appel p. 9) que les époux Y...avaient nécessairement connaissance de la servitude de passage puisque, lors de la construction de leur mur de clôture, ils avaient prévu un décrochement à l'aplomb du regard de cette canalisation aux fins de la rendre accessible ; que dès lors, en énonçant que « rien ne permet d'affirmer qu'ils connaissaient la nature juridique exacte de ce droit de passage » sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions de monsieur A..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. A...de ses demandes dirigées contre le notaire, Me X..., notamment de celle en paiement de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le compromis a été signé entre les consorts Y...et M. A..., Me X...étant désigné en qualité de rédacteur d'acte ; que s'il ne s'agit pas à ce stade d'un acte authentique, pour autant, un notaire rédacteur d'acte est tenu au devoir de conseil et d'information, il doit s'assurer de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; que Me X...soutient encore en cause d'appel que le compromis fait état de la servitude, pour autant il ne le démontre pas et aucune mention à l'acte, qu'il se garde d'ailleurs bien de viser, ne permet de soutenir cette affirmation ; que pour autant, en l'espèce, les clauses du compromis ont bien produit tous leurs effets, puisque la levée de l'acte hypothécaire a rappelé l'existence de la servitude, objet de la querelle, permettant à chaque partie de connaître l'étendue des droits, charges et obligations liées à l'acte envisagé ; que la question de l'absence de mention de la servitude à l'acte authentique du 2 septembre 2006 ne concerne que les rapports entre les consorts Y...et Me X..., et non M. A...; que par suite, ayant pu faire valoir la condition suspensive liée aux clauses d'urbanisme, M. A...qui ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable autre que celui inhérent à tout projet qui n'est pas mené à son terme, est débouté de l'ensemble des demandes à ce titre, la provision pour frais restant acquise au notaire selon les termes même du compromis ;
1°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que l'existence de la servitude de passage d'une canalisation constituait une information substantielle dont monsieur A...avait été privé, ce qui légitimait son action en caducité ; qu'en énonçant dès lors que « la question de l'absence de mention de la servitude à l'acte authentique du 2 septembre 2006 ne concerne que les rapports entre les consorts Y...et Me X..., et non M. A...», quand il résultait des propres constatations de l'arrêt que cette négligence avait eu des répercussions sur l'acte de vente litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 1382 du code civil ;
2°) ALORS QUE le notaire, tenu à un devoir de conseil, l'oblige à éclairer les parties et à s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente ; qu'en l'espèce, il était constant que monsieur A..., ayant pris connaissance du compromis de vente, avait, outre un dépôt de garantie, versé une somme au titre des frais notariés ; qu'après avoir retenu l'existence d'un manquement par le notaire à son obligation d'information, pour n'avoir pas fait état de la servitude dans le compromis de vente et ordonné la restitution du dépôt de garantie, la cour d'appel a débouté monsieur A...de sa demande tendant à la restitution de la provision versée au titre des frais, motif pris de l'absence de « préjudice indemnisable autre que celui inhérent à tout projet qui n'est pas mené à son terme » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si cette somme aurait été payée par l'acquéreur s'il avait eu connaissance de l'existence de la servitude de passage au stade du compromis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°) ALORS QUE monsieur A...faisait valoir qu'il avait été contraint de se déplacer à plusieurs reprises à la mairie de Saint-Puy pour collecter des informations tues tant par les vendeurs que par le notaire et que ce n'était qu'à la faveur d'un déplacement qu'il avait appris la localisation géographique de la canalisation objet de la servitude (sous la maison) qui permettait à la mairie, fondée à en exiger l'accès, de détruire le sol de la maison ; que dès lors, en déboutant monsieur A...de ses autres demandes d'indemnisation sans répondre aux conclusions de ce dernier soutenant que le mutisme des vendeurs et de l'officier ministériel relativement aux informations afférentes à la servitude l'avait contraint à de nombreux déplacements, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.