LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la Société des productions Mitjavila du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Messageries du Midi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 juin 2013), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 mai 2011, pourvoi n° 10-16.758), que la Société des productions Mitjavila (la société Mitjavila) a confié à la société Messageries du Midi (la société Messageries) le transport de marchandises ; qu'elle a refusé de régler le montant des factures des mois d'octobre à décembre 2006, formé opposition à une ordonnance lui faisant injonction de le payer et, invoquant une créance résultant du dépassement du tarif contractuel pour les factures des mois de janvier à septembre 2006, a assigné en répétition de l'indu la société Messageries ; que, par jugement du 17 juillet 2007, le tribunal a joint les instances, rejeté les demandes de la société Mitjavila et condamné cette dernière à payer à la société Messageries une certaine somme ; qu'au cours de l'instance d'appel, le 22 octobre 2008, la société Messageries a été mise en sauvegarde ; que devant la cour d'appel de renvoi, la société Mitjavila a invoqué la compensation légale ;
Attendu que la société Mitjavila fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à la société Messageries alors, selon le moyen :
1°/ que la circonstance qu'une expertise soit en cours pour déterminer le montant exact de la créance d'une des parties n'est pas, à elle seule, de nature à faire obstacle à la compensation légale ; que la société Mitjavila faisait valoir que, dès 2006, lorsque la cour d'appel avait désigné un expert aux fins de faire les comptes entre les parties après compensation, la société Messageries ne contestait pas le principe de la compensation et qu'elle avait sollicité le bénéfice d'une procédure de sauvegarde deux jours seulement après que l'expert désigné par la cour d'appel avait fait apparaître les surfacturations qu'elle avait pratiquées ; qu'en se bornant à constater qu'une expertise était en cours à la date d'ouverture de la procédure collective, sans rechercher si, avant cette date, la créance de la société Mitjavila n'était pas déjà certaine, liquide, c'est-à-dire aisément déterminable au vu de l'expertise en cours, et exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1290 et 1291 du code civil ;
2°/ qu'une créance n'est pas exigible seulement au jour où elle est constatée dans un titre immédiatement exécutoire, mais au jour où le créancier est en droit d'en réclamer le paiement ; qu'en retenant que même la créance de la société Messageries n'aurait pas été exigible au motif que le jugement fixant celle-ci n'était pas assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a violé l'article 1291 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté qu'au jour du prononcé de la sauvegarde, une expertise était en cours afin de déterminer si les grilles tarifaires avaient été correctement appliquées et si des erreurs de facturations pouvaient être retenues, l'arrêt retient, par une appréciation souveraine, que la créance invoquée par la société Mitjavila résultant du dépassement du tarif contractuel au titre des factures des mois de janvier à septembre 2006 n'était ni certaine, ni liquide ni exigible avant le jugement d'ouverture de la procédure collective et en déduit que les conditions de la compensation légale n'étaient pas remplies à cette date ; que par ces motifs et abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par la seconde branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société des productions Mitjavila aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Messageries du Midi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la Société des productions Mitjavila
PREMIER MOYEN CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par motifs substitués, confirmé le jugement de première instance, condamnant la société Mijavila à payer à la société Messageries du Midi une somme de 34.915,61 euros,
AUX MOTIFS QUE la SAS des Productions Mitjavila (la société Mitjavila) a confié à la SA Messageries du Midi (la société Messageries), avec laquelle elle était en relation d'affaires depuis de nombreuses années, une partie du transport de ses marchandises en France et en Europe ; qu'à la fin de l'année 2006, un différend a opposé les parties à propos de l'application de la tarification en vigueur, la société Mitjavila refusant de payer le montant des factures émises en octobre, novembre et décembre 2006 ; que la société Messageries a obtenu du président du tribunal de commerce de Perpignan une ordonnance en date du 29 décembre 2006 enjoignant à la société Mitjavila de lui payer la somme de 35.571,03 euros en principal, correspondant au montant des factures susvisées ; que dans deux courriers recommandés des 3 et 10 janvier 2007, la société Mitjavila a invoqué une créance résultant du dépassement du tarif contractuel pour les factures de janvier à septembre 2006, égal à 41.687,57 euros TTC ; que la société Mitjavila a formé opposition à l'ordonnance portant injonction de payer et a fait assigner la société Messageries devant le tribunal de commerce de Perpignan en paiement de la somme de 51.423,95 euros, représentant le montant estimé des surfacturations, augmenté d'une somme de 9.736,38 euros restant due au titre des dégâts causés aux produits transportés ; qu'après jonction des instances, la juridiction consulaire a, par jugement du 17 juillet 2007, rejeté les demandes de la société Mitjavila et validé l'ordonnance en ce qu'elle enjoint le paiement de la somme de 35.571,03 euros ; que par arrêt du 10 juin 2008, la cour a ordonné, avant dire droit, une expertise confiée à M. Y..., avec pour mission de rechercher si les grilles tarifaires avaient été correctement appliquées aux factures litigieuses ; que la société Messagerie a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 22 octobre 2008 ; que la société Mitjavila n'a pas déclaré sa créance ; qu'il est de principe que, conformément aux articles 1290 et 1291 du code civil, les créances réciproques des parties contractantes sont compensées de plein droit s'il est établi et constaté qu'elles étaient certaines liquides et exigibles avant l'ouverture de la procédure collective ; que la société Mitjavila considère que les créances réciproques des parties ont fait l'objet d'une compensation avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde intervenue le 22 octobre 2008 ; que contrairement à ce que prétend la société Mitjavila, la créance invoquée résultant du dépassement du tarif contractuel au titre des factures de janvier à septembre 2006 n'était ni certaine, ni liquide ni exigible avant le prononcé de la sauvegarde puisqu'une expertise était en cours afin de déterminer si les grilles tarifaires avaient été correctement appliquées et si les erreurs de facturation pouvaient être retenues ; que de plus, et dans la mesure où le jugement rendu le 17 juillet 2007 n'était pas assorti de l'exécution provisoire, la créance de la société Messageries n'était pas exigible ; que les conditions de la compensation légale n'étaient pas remplies avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 622-7, L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que l'obligation pour tout créancier d'une somme d'argent née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de déclarer sa créance au passif du débiteur, sanctionnée, en cas de défaut, par l'inopposabilité de cette créance à la procédure collective, subsiste même dans le cas où la compensation pour créances connexes est sollicitée ; que la créance de surfacturation dont se prévaut la société Mitjavila qui n'a pas été déclarée, ne peut pas être invoquée pour opposer compensation à la demande en paiement de la société Messageries ; que la demande de la société Mitjavila tendant à la compensation des créances réciproques des parties n'est donc pas fondée et doit être rejetée ;
1°- ALORS QUE la circonstance qu'une expertise soit en cours pour déterminer le montant exact de la créance d'une des parties n'est pas, à elle seule de nature à faire obstacle à la compensation légale ; que la société Mijavila faisait valoir que dès 2006, lorsque la cour d'appel avait désigné un expert aux fins de faire les comptes entre les parties après compensation, la société Messageries du Midi ne contestait pas le principe de la compensation, et qu'elle avait sollicité le bénéfice d'une procédure de sauvegarde deux jours seulement après que l'expert désigné par la cour avait fait apparaître les surfacturations qu'elle avait pratiquées ; qu'en se bornant à constater qu'une expertise était, en cours à la date d'ouverture de la procédure collective, sans rechercher si, avant cette date, la créance de la société Mijavila n'était pas déjà certaine, liquide, c'est-à-dire aisément déterminable au vu de l'expertise en cours, et exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1290 et 1291 du Code civil ;
2°- ALORS QU'une créance n'est pas exigible seulement au jour où elle est constatée dans un titre immédiatement exécutoire, mais au jour où le créancier est en droit d'en réclamer le paiement ; qu'en retenant que même la créance de la société Messageries du Midi n'aurait pas été exigible au motif que le jugement fixant celle-ci n'était pas assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a violé l'article 1291 du Code civil ;
SECOND MOYEN CASSATION (subsidiaire) :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par motifs substitués, confirmé le jugement de première instance, condamnant la société Mijavila à payer à la société Messageries du Midi une somme de 34.915,61 euros,
AUX MOTIFS QU'en cause d'appel, la société Mitjavila demande subsidiairement à la cour de condamner la société Messageries au principe du paiement de la somme de 33.570,36 euros, correspondant au montant de la surfacturation retenue par l'expert judiciaire ; que l'arrêt des poursuites individuelles posé par l'article L. 622-7 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, interdit tout paiement ou toute action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent résultant d'une créance née antérieurement et oblige le créancier à se soumettre à la procédure de déclaration ; que la société Mitjavila n'a pas déclaré sa créance et n'a pas davantage exercé une action en relevé de forclusion dans le délai prescrit par l'article L. 622-26 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ; qu'il convient, en conséquence, de constater que la créance de la société Mitjavila est inopposable à la procédure collective de la société Messageries et qu'ainsi elle ne peut pas participer aux opérations de répartition et de distribution des dividendes provenant de la procédure collective ; que sa demande de condamnation au principe du paiement de la somme de 33.570,36 euros, au titre de l'indu, sera donc rejetée ;
ALORS QU'il résulte de l'article L. 622-26, al. 2, du code de commerce que les créances non déclarées au cours de la procédure ne sont pas éteintes mais seulement « inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et, après cette exécution, lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus » ; qu'en refusant de condamner la société Messageries au principe de la créance revendiquée par la société Mitjavila, c'est-à-dire, comme le précisait cette dernière, d'en fixer le montant, au seul motif que cette créance n'avait pas été déclarée, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.