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13/05/2015 | FRANCE | N°14-17610

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 mai 2015, 14-17610


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Hominis, Enthalpia Nord-Ouest et Enthalpia Nord-Est ont obtenu par ordonnance sur requête d'un président de tribunal de grande instance, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice autorisé à se rendre au siège social de la société Euro Deal France, à Metz, ainsi qu'au li

eu de ses cinq agences, afin de consulter tous documents prouvant des actes d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Hominis, Enthalpia Nord-Ouest et Enthalpia Nord-Est ont obtenu par ordonnance sur requête d'un président de tribunal de grande instance, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice autorisé à se rendre au siège social de la société Euro Deal France, à Metz, ainsi qu'au lieu de ses cinq agences, afin de consulter tous documents prouvant des actes de concurrence déloyale de la part de la société Euro Deal France, de Mme X... et de M. Y... ; que, par ordonnance du 28 février 2012, le président du tribunal a rejeté la demande de rétractation de cette ordonnance ;
Attendu que pour déclarer la procédure régulière et valable et dire n'y avoir lieu à annulation des procédures diligentées en exécution de l'ordonnance sur requête, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les productions révèlent des motifs légitimes au sens de l'article 145 du code de procédure civile étant rappelé que celui-ci n'exige pas l'absence de contestation sérieuse sur le fond ;
Qu'en statuant ainsi, sans énoncer, au besoin d'office, les circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne les sociétés Hominis, Enthalpia Nord-Ouest et Enthalpia Nord-Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Hominis, Enthalpia Nord-Ouest et Enthalpia Nord-Est à payer à la société Euro Deal la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze et signé par Mme Robineau conseiller le plus ancien faisant fonction de président et par Mme Genevey, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Euro Deal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré l'ordonnance du 24 août 2011 rendue par le Président du tribunal de grande instance de Nancy régulière et valable et d'AVOIR dit n'y avoir lieu à annulation des procédures diligentées en exécution de cette ordonnance,
AUX MOTIFS QUE « c'est manifestement à la suite d'une erreur purement matérielle que la requête porte la mention « à Monsieur le Président de la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de METZ » alors qu'elle a bien été présentée à un magistrat du Tribunal de Grande Instance de NANCY par un avocat postulant appartenant au barreau de cette ville ; Que c'est donc à tort que l'appelante excipe de l'irrégularité de la procédure ; que la requête pouvait être présentée au Président du Tribunal de Grande Instance de NANCY dès lors que des constatations devaient notamment être effectuées dans le ressort de cette juridiction ; que s'agissant de l'application de l'article 145 du Code de Procédure Civile, force est de constater que contrairement à ce que peut soutenir l'appelante il n'est nullement avéré qu'antérieurement à la présentation de la requête les parties étaient déjà en litige pour des faits objet des constatations sollicités ; que d'autre part les productions (plaintes, attestations de témoins, démissions de nombreux salariés des sociétés intimées dans des temps très rapprochés, attestations des commissaires aux comptes sur le chiffre d'affaire des sociétés), révèlent des motifs légitimes au sens de l'article 145 du Code de Procédure Civile étant rappelé que celui-ci n'exige pas l'absence de contestation sérieuse sur le fond ; Que c'est donc en vain que l'appelante conclut "sur le fond" ; Que de même, il n'appartient pas à cette cour de se prononcer sur l'exécution de l'ordonnance rendue sur requête »(arrêt, p.6 et 7),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la régularité de l'ordonnance : La SARL EURO DEAL invoque l'irrégularité de la procédure au motif que l'ordonnance a été signée par le Président du Tribunal de Grande Instance de NANCY alors que la requête était adressée au Président de la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de METZ. Mais il s'agit là, manifestement, d'une erreur matérielle, conséquence d'une utilisation inadaptée d'un logiciel de traitement de texte dont il ne résulte aucun grief. Cette erreur a été rectifiée dans l'ordonnance, laquelle porte la mention: Président du Tribunal de Grande Instance de NANCY et l'indication du nom, prénom et de la qualité de Mme la Présidente du Tribunal de Grande Instance de NANCY. La SARL EURO DEAL soutient par ailleurs que la requête aurait dû être présentée au Tribunal de Grande Instance de METZ dans le ressort duquel elle a son siège social. Mais s'agissant d'une procédure conservatoire et de constatation, il est de jurisprudence constante que les requérants pouvaient saisir l'une quelconque des juridictions dans le ressort desquelles devaient s'exécuter les opérations de constat. Il doit être rappelé à cet égard que l'article 145 du Code de Procédure Civile est une procédure autonome qui permet au requérant de saisir le Président de la Juridiction du lieu où doit être exécutée la ou l'une des mesures demandées. Dès lors que Mme Christine X..., demeurant ..., est désignée comme à l'origine des actes de concurrence déloyale opposant les parties et que des investigations étaient réclamées par les requérantes à son domicile, le Président du Tribunal de Grande Instance de NANCY était parfaitement compétent pour rendre l'ordonnance litigieuse et ordonner l'ensemble des mesures sollicitées par les sociétés HOMINIS, ENTHALPIA NORD OUEST et ENTHALPIA NORD. Sur le fondement juridique de l'ordonnance : L'article 145 du Code de Procédure Civile, fondement de la requête et de l'ordonnance contestées dispose que "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées a la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé." La SARL EURO DEAL prétend que la procédure a été détournée de de son objet des lors que l'article 145 du Code de Procédure Civile sous-tend l'absence de tout contentieux juridiquement engagé tant à l'encontre de M. Z... que de Mme X..., M. A... et M. Y.... Mais il doit être constaté que les contentieux dont s'agit ont été initiés par Mme Christine X... seule et que la SARL EURO DEAL ne parait pas être partie à ces contentieux, qui ont pour objet une demande de caducité d'un pacte d'actionnaire pour l'une et une révocation abusive d'un mandat de président pour l'autre. En outre, l'arrêt de la Cour d'Appel de TOULOUSE du 22 novembre 2010, concernant M. A..., ne semble pas transposable a la présente procédure et à la situation de Mme X... a qui il n'est reproché que des actes de concurrence déloyale et non de concurrence interdite. Par ailleurs, concernant M. Y..., aucune procédure ne semble l'opposer à l'une des sociétés du groupe HOMINIS. II apparait que les conditions d'application de l'article 145 du Code de Procédure Civile sont réunies et qu'il existe un motif légitime pour les sociétés HOMINIS, ENTHALPIA NORD-OUEST et ENTHALPIA NORD d'établir, avant tout procès, la preuve des faits de concurrence déloyale dont peut dépendre la solution de leur litige. La procédure contestée apparait donc juridiquement fondée de sorte que la demande de rétractation de l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de NANCY le 24 août 2011 ne peut qu'être rejetée. Sur la régularité des procédures subséquentes : II ressort du courrier adressé le 8 août 2011 par Mme Delphine B..., responsable commerciale a la SARL EURO DEAL, que l'huissier et l'expert en informatique mandatés se sont présentés à l'agence EURO DEAL d'ANGERS en présence d'un commissaire de police. II doit être constaté que cette assistance constitue une violation flagrante des dispositions de l'ordonnance du 24 août 2011, qui excluait le recours à la force publique. Cependant, cette violation n'est pas de nature à entacher d'irrégularité les actes accomplis car de l'aveu même de Mme B..., l'huissier de justice a donné congé au policier après qu'elle ait signé un document attestant de sa collaboration, de sorte que ledit policier n'a pas assisté aux opérations de constat et de saisie de documents. II ne saurait être reproché à l'ordonnance querellée d'avoir donné à l'huissier mandaté une mission d'investigation générale alors que les autorisations données sont limitativement énumérées et que les mesures confiées à l'auxiliaire de justice sont rigoureusement précisées » (ordonnance entreprise, p. 4 à 6),
1°) ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;
Que les sociétés Hominis, Enthalpia Nord-Ouest et Enthalpia Nord-Est ont rédigé une requête à l'attention du président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz afin d'obtenir des mesures d'instruction in futurum ; que cette requête, en l'état de ses mentions, apparaît donc avoir été déposée devant le président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz ;
Qu'en décidant cependant que l'ordonnance sur requête serait régulière, au motif inopérant que le président du tribunal de grande instance de Nancy a rectifié l'ordonnance, sans s'expliquer sur le fait que la requête était adressée au président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge ne saurait, sous couvert d'interprétation, donner à un écrit clair et précis, un sens et une portée qu'il n'a manifestement pas ;
Que la cour d'appel a estimé que l'ordonnance sur requête était régulière au regard du fait que la requête « a bien été présentée à un magistrat du tribunal de grande instance de Nancy par un avocat postulant appartenant au barreau de cette ville » ;
Qu'en statuant de la sorte lorsqu'il ressortait des termes clairs et précis de la requête qu'elle était déposée par Maître Bertrand Becker, avocat postulant inscrit au barreau de Metz, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la requête, et a violé l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QUE les mesures d'instruction prévues par l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées par voie d'ordonnance sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ;
Que la cour d'appel a estimé que l'ordonnance sur requête était régulière au seul motif qu'il existait des motifs légitimes, au sens de l'article 145 du code de procédure civile, d'obtenir les mesures d'instruction sollicitées ;
Qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur les circonstances justifiant le non-respect du principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE n'est pas légalement admissible, la mesure d'instruction qui s'analyserait en une mesure d'investigation générale ;
Que la société Euro Deal faisait valoir que les mesures d'instruction autorisées par l'ordonnance sur requête étaient trop vastes en ces qu'elles permettaient d'appréhender toutes les données informatiques et toute la comptabilité de la société Euro Deal ; qu'il ressort en effet des termes de l'ordonnance sur requête du 24 août 2011 que l'huissier instrumentaire est autorisé « à faire effectuer toute recherches ou constatations utiles, se faire remettre tout document, recueillir toute information ou toute déclaration, se faire ouvrir tout local ou bureau au besoin et en cas de refus des intéressés en faisant appel à l'aide d'un serrurier, afin de découvrir l'origine et l'étendue de l'activité litigieuse » et « à décrire, au besoin à copier ou reproduire tous éléments ou documents pouvant établir la preuve et l'origine et l'étendue des faits incriminés » ;
Qu'en déclarant cependant l'ordonnance sur requête du 24 août 2011 régulière et valable, sans s'expliquer sur la généralité des mesures d'instruction ordonnées, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-17610
Date de la décision : 13/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 18 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 mai. 2015, pourvoi n°14-17610


Composition du Tribunal
Président : Mme Robineau (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.17610
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