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13/05/2015 | FRANCE | N°13-85427

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mai 2015, 13-85427


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Artur X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 2 juillet 2013, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement et cinq ans d'interdiction de séjour, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Castel, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;


Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller CASTEL, les obs...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Artur X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 2 juillet 2013, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement et cinq ans d'interdiction de séjour, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Castel, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller CASTEL, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-3, 222-11, 222-44, 222-45 et 222-47 du code pénal, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement en condamnant M. X..., dit le " C...", pour violences volontaires commise en réunion ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours sur la personne de M. Y...;
" aux motifs que M. X... a aussi été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour violences en réunion, commise avec un extincteur, ayant entraîné une incapacité de travail de trois mois qui auraient été perpétrées sur la personne de M. Y...dans la soirée du 11 mars 2010, ce dernier n'ayant déposé plainte que le 24 janvier 2011, soit dix mois plus tard, étant précisé, par ailleurs, qu'il résultait des informations médicales que, lors de son accueil aux urgences dans la nuit du 11 mars 2010, il présentait, à 3 heures 39, un taux d'alcoolémie de 2, 34 grammes par litre de sang ; que M. Y...a déclaré avoir été agressé par trois personnes ; qu'il a indiqué au magistrat instructeur, le 21 février 2012, lors d'une confrontation avec M. X... : " j ¿ étais avec mon ami (M. Z...) en train de regarder le match ; que cette voisine a tapé à la porte et a demandé de baisser le son ; qu'elle parlait méchamment, une heure après, deux hommes sont venus frapper à la porte, ils ont discuté avec mon ami et moi je m'apprête à partir, lui (il désigne M. X...) m'a donné un coup de poing sur la gauche, ensuite, j'ai reçu un deuxième coup sur le dos, c'était le coup de l'extincteur car je l'ai entendu tomber au moment où je suis tombé moi aussi, ensuite, lui (il désigne M. X...), il tenait M. Z...par la gorge et, pendant que j'étais à terre, me mettait des coups de talons, j'ai entendu la dame avec qui ils étaient crier " non " (...) Il (désignant M. X...) a pris mon ami et l'a étranglé pour qu'il n'intervienne pas ; quand je suis tombé sur les escaliers, il tenait mon ami par le cou et me donnait des coups de talons, tout ça s'est passé en dix secondes " ; que M. Y...et M. Z...ont déclaré que M. X... rendait régulièrement visite, en voiture Mercédès aux vitres teintées, flanqué d'individus que M. Y...désigne comme des gardes du corps, à la voisine de palier de M. Z...dont, selon eux, le logement était fréquenté par de nombreuses prostituées ; que M. Z...a été entendu par le magistrat instructeur, a décrit un modus operandi semblable à celui rapporté par M. Y..., n'a pas souhaité déposé plainte pour les violences dont il a été lui-même victime semblant craindre des représailles ; qu'on lit dans l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en sa page 38 : " nous pouvions noter lors de la confrontation que le comportement de M. X... était largement désadapté, il se montrait cassant à l'égard de la partie civile et se moquait ostensiblement de ses déclarations, M. Y...quittait notre cabinet en pleurs (note 4801) " ; que M. X... a déclaré n'avoir rendu visite seul qu'à une dame Narine A...qui a été citée en qualité de témoin par M. X... lors du procès qui s'est tenu en première instance à l'occasion duquel elle a déclaré sous serment : " M. Y...n'a pas été frappé mais il est tombé parce qu'il avait trop bu " ; que M. B..., expert-judiciaire désigné par le magistrat instructeur, a relevé en son rapport du 10 avril 2012, sur la personne de M. Y...: un traumatisme crânien initial avait possible perte de connaissance, un traumatisme facial avec plusieurs plaies cutanées et plusieurs factures de la face (sinus maxillaire gauche, plancher et paroi latérale de l'orbite, sinus frontal gauche, arcade dentaire, os zygomatique gauche), un traumatisme oculaire avec contusions initiale du globe oculaire gauche et fracture simple du plateau supérieur de la septième vertèbre dorsale ; que l'expert a considéré que la fracture de la septième vertèbre dorsale située au dos de M. Y...peut s'expliquer par un mécanisme de flexion forcée du dos avec compression ; qu'il a ajouté que " ces lésions fracturaires peuvent être expliquées par un traumatisme violent, que ce soit une chute énergique dans les escaliers, ou par un fort impact direct contondant sur le haut du dos à l'origine d'une flexion forcée du rachis ; que l'expert a conclu que ces lésions sont donc compatibles avec les déclarations de M. Y...déclarant un coup d'extincteur violent dans le dos suivi d'une chute au sol, puis dans les escaliers ; qu'il a encore précisé que les blessures constatées sur M. Y...au niveau de la face (plaies et fractures du massif facial) sont compatibles avec un mécanisme de coups de pied violents dans la face comme décrit par la victime ; qu'il a estimé à trois mois la durée du déficit fonctionnel temporaire total subi par M. Y...dont l'état n'était pas consolidé au moment où il l'a examiné ; que l'expert a chiffré à trois septièmes les souffrances physiques et psychiques endurées avant consolidation ; qu'il a retenu un préjudice sexuel et un préjudice d'agrément dans la mesure où il a été impossible à M. Y...de réaliser un acte sexuel avant l'ablation du corset au port duquel il a été tenu et où il ne lui était pas possible de pratiquer une activité sportive ou de loisirs en raison de douleurs persistantes du rachis cervical et lombaire ; que M. X... a été relaxé des faits de violences par le jugement déféré ; que le témoignage de Mme A...en première instance ne peut qu'être écarté car non crédible en raison des liens d'amitié qui l'unissent à M. X... ; que la circonstance que M. Y...n'ait déposé plainte que plusieurs mois après les faits s'explique par la très forte crainte de représailles dans laquelle il était ; que M. Y...a formellement reconnu, mis en sa présence, M. X... comme étant l'un de ses agresseurs le plus violent, outre devant le magistrat instructeur, devant le tribunal (page 37 des notes d'audience) et devant la cour d'appel, sur photo à lui présentée par les enquêteurs le 4 août 2011 (D 03709), et le 19 septembre 2011 en chair et en os (D 03730) ; qu'il a déclaré aux enquêteurs, au magistrat instructeur, au tribunal et à la cour d'appel que M. X... était celui qui lui avait donné des coups de pied dans le visage et dans le dos ; qu'il a dit à plusieurs reprises qu'il l'avait reconnu pour l'avoir croisé plusieurs fois dans les escaliers, notamment quand il rendait visite à son ami M. Z...qui habitait en étage dans le même immeuble que lui ; qu'il a ajouté en appel que le jour des faits, M. X... portait une barbe rase ; que M. Z...a formellement reconnu, au cours d'un tapissage, le 19 septembre 2011, M. X... comme ayant été l'un de ses agresseurs, M. Z...ayant reçu un coup sur la tête dès le départ de l'attaque et eu cinq points de suture ; qu'assommé, il n'a pu décrire précisément la suite de la scène, a préféré ne pas porter plainte par crainte de représailles et il a déménagé pour les éviter ; qu'en tout état de cause, il n'est ainsi pas sérieusement discutable que M. X..., quoique il s'en défende, a pris une part très active aux violences en réunion dont M. Y...a été victime et l'infraction est constituée, la réunion d'agresseurs étant caractérisée tant aux termes des déclarations de M. Z...que de M. Y..., les deux ayant, au cours de leurs déclarations réitérées, toujours évoqué que trois hommes avaient exercé des violences sur eux ; qu'il y a lieu de retenir M. X... dans la prévention du chef des violences en réunion ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail supérieure à huit jours, en l'espèce trois mois car rien ne permet d'invalider les reconnaissances formelles et réitérées de M. Y...l'ayant désigné comme étant celui qui l'a violemment frappé dans le dos et mis des coups de pied et de talon dans le visage ; qu'au surplus, M. Z...a précisé que M. X..., présent le soir des violences, était aussi l'un de ses agresseurs ; que ces faits appellent la condamnation de M. X... à une peine de deux ans d'emprisonnement, toutes autres étant manifestement inadéquates compte tenu de ce que les violences par lui commises à l'encontre de M. Y...sont graves, extrêmes, gratuites et niées ; que rien ne s'oppose toutefois ce que cette peine soit exécutée par le prévenu sous le régime de la semi-liberté ; qu'il convient aussi d'interdire ce dernier de séjour dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur pendant cinq ans ;
" 1°) alors que le principe de la présomption d'innocence commande que les déclarations de la partie civile ne puissent servir de fondement exclusif à une décision de condamnation à défaut d'être corroborées par des éléments objectifs susceptibles d'être soumis à la discussion des parties ; que dès lors, en retenant la responsabilité du demandeur sur la base des seules déclarations de la partie civile, au demeurant fluctuantes, sans prendre en considération, comme l'avait justement fait le tribunal, les déclarations d'un témoin, entendu sous serment, selon lequel la victime avait chuté dans les escaliers, cet élément étant étayé par un fait objectif, les examens médicaux ayant précisément révélé que celle-ci présentait un taux d'alcoolémie très important, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et privé le demandeur de son droit à un procès équitable ;
" 2°) alors qu'en prenant en considération les déclarations de M. Z..., ami de la victime, tout en écartant celles de Mme A...en raison de ses liens prétendus d'amitié avec le prévenu, la cour d'appel a placé le prévenu dans une situation de net désavantage par rapport à la victime rompant ainsi l'égalité des armes entre les parties ;
3°) alors que la preuve est libre en matière pénale et que le juge doit examiner tous les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision en écartant d'emblée, de manière totalement péremptoire, le témoignage de Mme A..., qui avait été citée en qualité de témoin, aux motifs inopérants de ses liens prétendus d'amitié qui l'unissent au prévenu " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de violences aggravées dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, L. 376-1 du code de la sécurité sociale, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action civile de M. Y..., ordonné, avant dire droit, une expertise corporelle, en lui accordant une provision de 5 000 euros à valoir sur son préjudice ;
" aux motifs qu'une expertise corporelle de M. Y...est prescrite selon les modalités spécifiées dans le dispositif ; qu'il convient, dans l'attente des résultats de cette expertise, de condamner M. X... à payer à M. Y...une provision sur dommages-intérêts de 5 000 euros compte tenu de la gravité de ses blessures ;
" alors que dans le cas prévu à l'article 376-1 du code de la sécurité sociale, dont les dispositions d'ordre public doivent recevoir application non seulement en première instance mais également devant les juges du second degré, la victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse de sécurité sociale en déclaration de jugement commun ; qu'il résulte des pièces de la procédure que la caisse primaire d'assurance maladie qui, devant le tribunal correctionnel avait été appelée en déclaration de jugement commun par la partie civile, ne l'a pas été en cause d'appel ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait valablement statuer sur la demande d'indemnisation de cette dernière " ;
Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la mise en cause de l'organisme de sécurité sociale s'impose à peine d'irrecevabilité de la demande en réparation de la partie civile ;
Attendu que la cour d'appel, avant dire droit sur la demande d'indemnisation du préjudice corporel subi par M. Y..., partie civile, a ordonné une expertise médicale et condamné M. X... à lui verser une indemnité provisionnelle, sans que l'organisme de sécurité sociale auquel était affiliée la victime ait été appelé en déclaration d'arrêt commun ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 juillet 2013, en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice corporel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-85427
Date de la décision : 13/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 02 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mai. 2015, pourvoi n°13-85427


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.85427
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