La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2015 | FRANCE | N°14-14037

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2015, 14-14037


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 14 avril 2006 par M. C... en qualité de second de cuisine ; qu'un incident est intervenu le 17 août 2007 entre le salarié et l'employeur à l'issue duquel le salarié a quitté son poste ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 12 octobre 2007 ; que contestant les motifs de son licenciement et estimant avoir fait l'objet d'un licenciement verb

al le 17 août 2007, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 14 avril 2006 par M. C... en qualité de second de cuisine ; qu'un incident est intervenu le 17 août 2007 entre le salarié et l'employeur à l'issue duquel le salarié a quitté son poste ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 12 octobre 2007 ; que contestant les motifs de son licenciement et estimant avoir fait l'objet d'un licenciement verbal le 17 août 2007, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour écarter tout licenciement verbal et dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les propos tenus par l'employeur sous le coup de la colère ne caractérisent pas suffisamment sa volonté claire de se séparer de manière irrévocable du salarié, que ce dernier dans une lettre adressée à son employeur le 29 août 2007 ne mentionne pas que son contrat de travail est rompu mais réclame le paiement de son salaire pour la période du 18 au 31 août 2007 et que l'employeur dans ses lettres ultérieures lui a demandé de reprendre son travail ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que le 17 août 2007, l'employeur, après avoir proféré des insultes à caractère raciste et menacé de violences le salarié, lui avait enjoint de quitter son poste de travail en lui indiquant qu'« il devait s'arracher vite du restaurant », qu'il allait lui « casser le reste de ses dents et lui mettre le nez en sang » et que « s'il revenait il lui arracherait la tête », ce dont il résultait qu'il avait pris une décision irrévocable de rupture du contrat de travail et prononcé un licenciement verbal qui ne pouvait être régularisé par l'envoi postérieur d'une lettre de rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. X... n'a pas fait l'objet d'un licenciement verbal, dit que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires, l'arrêt rendu le 20 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. C... et le condamne à payer à la SCP Rousseau et Tapie la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X..., intervenu le 12 octobre 2007, était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que sur la harcèlement moral, le salarié produisant une sommation interpellative délivrée aux salariés Didier Y... et Alexis Z..., qui avaient confirmé avoir été, le 17 aout 2007 vers 21 heures 30, témoins d'un incident survenu dans les circonstances suivante : « M. X... en train de procéder à la mise en place de la cuisine (éplucher les pommes de terre, préparer les plats de la carte) pour réaliser le service du soir s'est vu accosté par M. C... qui lui a demandé de faire la plonge. M. X... lui a répondu qu'il ne pouvait pas faire la plonge car vous étiez préparer la cuisine pour le service du soir. M Robert C..., l'employeur s'est alors mis à hurler et à proférer des insultes racistes à l'encontre de M. X... telle que " sale arabe " " sur la tête de mes enfants je vais te frapper " et l'a renvoyé séance tenante du restaurant lui signifiant " si tu reviens, je t'arrache la tête " " je vais te casser le reste de tes dents " " je vais te mettre le nez en sang " " arrache toi vite du restaurant ". " et qu'ils " ont pu constaté que (Karim X...) n'a pu assurer son service du soir et les jours suivants » ; que si une telle sommation, n'a pas la même force probante qu'une attestation, en ce qu'elle exprime la position de la partie qui interpelle, que l'interpellé ne peut que confirmer ou infirmer, elle n'est pas pour autant dénuée de toute force probante, et doit donc être retenue comme élément de preuve ; que si M. Z... est venu, dans une attestation ultérieure, indiquer que « Monsieur A... n'est pas raciste », son attestation n'est pas signée, ne permet pas, par sa généralité, en tout état de cause, de remettre en question les propos singuliers visant le salarié, relatés dans la sommation interpellative et ne vaut pas rétractation de ce qu'il a reconnu, comme étant la vérité de ce qui s'était passé, devant l'huissier instrumentaire ; que par ailleurs, le salarié fournissait l'attestation régulière en la forme, émanant de Clémentine B..., employée à temps plein au restaurant de Robert C... en qualité de serveuse du 1er au 25 août 2007, qui mentionne : " Durant le service du soir du vendredi 17 août 2007 vers 21 h. 30 (elle) fut témoin d'une altercation entre Mr C... (le propriétaire) et Mr X... Karim, dans la cuisine, au cours de laquelle Mr C... a proféré plusieurs menaces et injures racistes (telles que " sale arabe " ou encore " sur la tête de mes enfants je vais te frapper ",'si tu reviens je t'arrache la tête') et l'a renvoyé du restaurant. A partir de ce jour Mr X... a cessé toutes fonctions dans l'établissement. J'insiste sur le fait que cette scène violente s'est déroulée dans la cuisine en plein service et devant plusieurs témoins. Je précise qu'avant cet événement Mr C... avait interdit à certains employés de s'adresser à Mr X... Karim dès son retour (de son arrêt maladie), les impliquant ainsi dans une situation embarrassante, telle que prendre partie à leurs différents. Toute cette mise en scène a plongé Mr X... Karim dans un cadre professionnel dégradant et même humiliant. " ; qu'ainsi, le salarié établissait des éléments, laissant supposer un harcèlement moral, ayant dégradé ses conditions de travail, caractérisé par des injures ; que pour sa part, l'employeur se bornait à critiquer les témoignages fournis, par des arguments qui ne permettent pas de les remettre en question, ni d'établir qu'ils sont complaisants, mais ne fournit aucun élément, établissant que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il convenait donc de retenir, que le salarié a été victime de harcèlement moral. » ; que sur le licenciement verbal du 17 aout 2007, la sommation interpellative et l'attestation de Mme B..., s'ils établissaient bien des propos tenus sous le coup de la colère par l'employeur, ne caractérisaient pas suffisamment sa volonté claire de se séparer irrévocablement de son salarié et de mettre fin au contrat ; qu'au demeurant, dans sa lettre du 29 août 2007, le salarié ne mentionnait pas la rupture de son contrat de travail mais indiquait au contraire faire toujours partie de la société puisque celle-ci n'avait pas prononcé le licenciement et il réclamait le paiement de ses jours du 18 au 31 août 2007, demande qu'il reprenait en appel, alors même qu'elle portait sur une période postérieure au 17 août ; que dans ses courriers ultérieurs, l'employeur demandait au salarié de reprendre le travail ; que le licenciement verbal du 17 août 2007 ne pouvait donc être retenu ; que faute de licenciement verbal, l'employeur était fondé à se prévaloir du licenciement intervenu le 12 octobre 2007 ; que sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave du 12 octobre 2007, même si les absences des 14 et 15 août étaient contestées et même s'il existait un doute sur ce point, doute qui devait profiter au salarié, du 18 au 28 août 2007, puis à compter du 3 septembre 2007, le salarié s'était trouvé en absence injustifiée, puisqu'il n'avait pas été licencié verbalement auparavant ; que ces faits caractérisaient une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Alors que le juge n'apprécie souverainement l'existence d'un licenciement verbal et d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse qu'à la condition que ses motifs ne soient pas contradictoires ou qu'il ne se soit pas abstenu de tirer les conséquences légales de ses constatations ; qu'en considérant que le licenciement verbal du 17 août 2007 ne pouvait pas être retenu et que l'existence d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse était établie, après avoir retenu l'existence d'un harcèlement moral commis par l'employeur et constaté à cette occasion que le 17 août 2007, M. C... avait proféré des insultes racistes à l'encontre de son salarié et l'avait renvoyé séance tenante en le menaçant de le frapper s'il revenait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-14037
Date de la décision : 12/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mai. 2015, pourvoi n°14-14037


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14037
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award