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12/05/2015 | FRANCE | N°13-10996

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mai 2015, 13-10996


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2012), que la société Sita France Centre Ouest (la société Sita) exploite à Sonzay un centre de stockage et d'élimination de déchets ménagers et assimilés ; qu'à la suite d'un contrôle effectué entre le 12 mai 2004 et le 24 janvier 2005, l'administration des douanes, ayant constaté que la société Sita n'avait pas acquitté la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) afférente à des déchets verts réceptionnés

sur ce site, a émis à son encontre, le 16 mars 2005, un avis de mise en recouvreme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2012), que la société Sita France Centre Ouest (la société Sita) exploite à Sonzay un centre de stockage et d'élimination de déchets ménagers et assimilés ; qu'à la suite d'un contrôle effectué entre le 12 mai 2004 et le 24 janvier 2005, l'administration des douanes, ayant constaté que la société Sita n'avait pas acquitté la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) afférente à des déchets verts réceptionnés sur ce site, a émis à son encontre, le 16 mars 2005, un avis de mise en recouvrement (AMR) de cette taxe ; que l'administration des douanes ayant rejeté sa contestation, la société Sita l'a assignée en annulation de l'AMR ;
Attendu que la société Sita fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que les matériaux verts et bois propres, utilisés par les exploitants d'installations de stockage de déchets ménagers et assimilés à des fins d'aménagement du site, ne relèvent pas de la taxe générale sur les activités polluantes ; qu'en décidant le contraire au motif erroné de la réception des déchets litigieux sur le site, la cour d'appel a violé l'article 266 sexies, I, 1, du code des douanes, ensemble les articles 266 septies, 1, et 266 octies, 1, du même code dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
2°/ que le droit national doit être interprété afin de donner un effet utile aux directives communautaires ; que la directive communautaire 1999/31/CE du 26 avril 1999 a pour objet d'encourager la prévention, le recyclage et la valorisation des déchets ainsi que l'utilisation des matériaux et de l'énergie récupérés afin de ménager les ressources naturelles et d'éviter le gaspillage dans l'utilisation des sols ; qu'elle préconise de tenir compte des dommages causés à l'environnement par les décharges sur la base du principe du pollueur-payeur ; qu'en reconnaissant cet objectif de valorisation et de réutilisation des déchets tout en refusant qu'il puisse produire une quelconque incidence fiscale incitative, la cour d'appel, qui a privé la directive de son effet utile, a violé les articles 3 et 5 de ce texte ;
3°/ que dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 14 interdit de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables ; qu'en retenant que n'est pas discriminatoire l'institution d'une taxe générale sur les activités polluantes due par une installation de stockage des déchets ménagers au titre des déchets verts qui y sont réceptionnés pour être compostés à laquelle ne sont pas assujettis les exploitants d'une installation de compostage au motif erroné que la seconde installation ne réceptionne pas de déchets ménagers, la cour d'appel a violé les articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel de cette Convention ensemble les articles 266 sexies et 266 septies du code des douanes ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève à juste titre que l'article 266 septies du code des douanes énonce que le fait générateur de la TGAP est constitué par la réception des déchets par les exploitants d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés, sans faire de distinction selon la nature et la destination des déchets réceptionnés au sein de l'installation ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu à bon droit que la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, dont l'objectif est de prévenir ou réduire les atteintes portées à l'environnement par la mise en décharge des déchets, ne comporte aucune disposition de nature fiscale ayant pour conséquence d'exclure les déchets verts du champ d'application de la TGAP ;
Et attendu, enfin, que l'arrêt relève que les installations de compostage ou de méthanisation, qui ne réceptionnent pas de déchets ménagers et assimilés ou de déchets industriels spéciaux, n'emportent pas les mêmes nuisances pour l'environnement que les installations de stockage de déchets ménagers et assimilés ; qu'il en déduit à juste titre que le traitement fiscal différent de ces installations ne constitue pas une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ni par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sita France Centre Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Sita Centre Ouest.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR validé l'avis de mise en recouvrement du 16 mars 2005 pour un montant de 53.280,65 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des dispositions de l'article 266 septies du code des douanes que le fait générateur de la TGAP est constitué par la « réception » des déchets par les exploitants d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ce texte n'opère pas une distinction entre les déchets réceptionnés destinés à être enfouis dans les alvéoles ou les casiers de l'installation, d'une part, et les déchets réutilisés ultérieurement dans le cadre de l'aménagement du site, d'autre part, même si ces derniers déchets sont entreposés séparément ; (...) que l'appelante n'est pas non plus en droit de soutenir que les dispositions de la directive n° 1999/31/CE du 26/04/99 réserveraien t l'assujettissement à la TGAP de la mise en décharge par stockage, en excluant l'approvisionnement en matériaux utilisés aux fins d'aménagement du site ; qu'en effet, même s'il est acquis que cette directive place la valorisation des déchets au rang d'orientation ou de mesure susceptible de prévenir ou réduire les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l'environnement, notamment en fixant des exigences techniques strictes pour les déchets et les décharges, ce texte ne comporte cependant pas de considérants ou de dispositions de nature fiscale ou susceptibles d'avoir des incidences fiscales emportant nécessairement l'exclusion des déchets verts en cause du champ d'application de la taxe ; qu'en outre, contrairement à ce qui est soutenu, le considérant 15 précité de la directive aux termes duquel la valorisation de certains déchets dans le cadre de travaux d'aménagement, de remblai ou de construction peut ne pas constituer une mise en décharge, laisse la possibilité aux Etats membres de décider qu'une telle utilisation n'exclut pas la mise en décharge, élément qui, en tout état de cause, est sans lien avec les dispositions de nature fiscale qui peuvent être mises en oeuvre par les Etats membres concernant le champ d'application de la taxation des déchets ; que, de même, les dispositions de l'article 3 - 2 de la directive excluant de son champ d'application les épandages de boues, y compris les boues d'épuration et les boues résultant d'opérations de dragage ainsi que de « matières analogues dans un but de fertilisation ou d'amendement » ne peuvent pas non plus, à supposer d'ailleurs possible une assimilation de ces derniers matériaux aux déchets verts, être interprétées comme emportant également une exclusion de ces déchets du champ d'application de la TGAP ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'avis de mise en recouvrement porte sur les déchets verts non intégrés dans l'assiette de la TGAP pour les années 2002 et 2003 ; que la taxe (TGAP) en cause a été instituée par la loi de finances pour l'année 1999 en date du 30 décembre 1998, elle devient un impôt d'Etat et remplace les différentes taxes affectées à l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie parmi lesquelles figurait la taxe sur le stockage des déchets ménagers et assimilés ; que l'article 266 sexies du Code des Douanes dispose que : I. Il est instituée une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques et morales suivantes : tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ou tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coïncinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit ; que, II. la taxe ne s'applique pas : aux installations d'élimination de déchets industriels spéciaux exclusivement affectées à la valorisation comme matière ; III. (ajouté à compter du 1er janvier 2003) sont exonérés de la taxe mentionné au I dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale de déchets reçus par les installations, les réceptions de matériaux inertes ; que l'article 266 septies du code des douanes précise : le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par la réception de déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ; que l'article L. 541-1 du code de l'environnement précise : est un déchet, tout résidu d'un processus de production, transformation ou utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon ; qu'il résulte de cette définition que la notion de déchet est liée à l'abandon qui en est fait par son détenteur initial, peu importe l'usage postérieur qui en est fait par l'exploitant d'une installation ; que la directive communautaire n° 75-442 du 15 juillet 1975 définit le déchet comme toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou a l'obligation de se défaire en vertu des dispositions nationales en vigueur ; que la cour de justice des communautés européennes avait précisé en répondant à une question préjudicielle le 28 mars 1990 que la notion de déchet n'excluait pas sa réutilisation ; qu'il résulte du procès-verbal du 18 octobre 2004 que les déchets verts n'ont pas été déclarés car ils ne sont pas enfouis mais seulement stockés en raison de leur utilisations pour l'aménagement du site ; que la société ne peut tirer argument de l'exclusion de son champs d'application par la directive du 26 avril 1999, des épandages sur le sol de boues ainsi que de matières analogues dans un but de fertilisation et d'amendement pour justifier de l'exclusion des déchets verts de l'assiette de la TGAP . En effet la directive qui a pour objet de prévoir des mesures procédures et orientations visant à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l'environnement, ne se prononce pas sur les déchets devant être soumis au principe pollueur payeur ; que l'arrêté du 9 septembre 1997 impose un certain nombre d'obligation à l'exploitant d'une installation de stockage notamment l'obligation de recouvrir périodiquement les déchets stockés par des matériaux de recouvrement qui doivent toujours être disponible, dans une quantité au moins égale à celle utilisée pour quinze jours d'exploitation ; que cet arrêté a été modifié par l'arrêté du 31 décembre 2001 qui indique que la définition de l'installation de stockage exclut les installations où les déchets sont déchargés afin de permettre leur préparation à un transport ultérieur en vue d'une valorisation, d'un traitement ou d'une élimination dans un endroit différent ; qu'il est justifié par le constat d'huissier qu'au-dessus des déchets se trouve une couche d'argile puis une couche de terre puis une couche de déchets verts broyés et mélangés à la terre , puis une couche de terre végétale ; que l'arrêté autorisant la poursuite de l'exploitation de la déchetterie prévoit une couverture provisoire des alvéoles au fur et à mesure de leur comblement ; Cependant ces textes ne modifient pas la définition du déchet telle qu'elle est prévue à l'article 541 du code de l'environnement, la société SITA réceptionne des matériaux abandonnés par leur propriétaire initial ; que l'usage qu'il en fait ne permet pas de changer leur nature, ils restent des déchets même s'ils sont réutilisés pour la couverture végétales des alvéoles ; que la lettre du ministre de l'environnement en date du 9 octobre 2001 invoquée à l'appui de sa demande d'exonération, comme constituant une interprétation et une pratique qui excluent les matières fertilisantes de l'assiette de la TGAP ; que cependant la société SITA a fait l'objet, postérieurement à cette lettre, d'une notification d'infraction douanière le 1er octobre 2002 pour des déchets verts et des bois réceptionnés notamment sur le site de sonzay ainsi que cela est rappelé dans le procès-verbal du 12 octobre 20045 ; que dès lors la société ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article 80 A du LPF ;
1°) ALORS QUE les matériaux verts et bois propres, utilisés par les exploitants d'installations de stockage de déchets ménagers et assimilés à des fins d'aménagement du site, ne relèvent pas de la taxe générale sur les activités polluantes ; qu'en décidant le contraire au motif erroné de la réception des déchets litigieux sur le site, la cour d'appel a violé l'article 266 sexies, I, 1, du code des douanes, ensemble les articles 266 septies, 1, et 266 octies, 1, du même code dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QUE le droit national doit être interprété afin de donner un effet utile aux directives communautaires ; que la directive communautaire n° 1999/31/CE du 26 avril 1999 a pour objet d'encourager la prévention, le recyclage et la valorisation des déchets ainsi que l'utilisation des matériaux et de l'énergie récupérés afin de ménager les ressources naturelles et d'éviter le gaspillage dans l'utilisation des sols ; qu'elle préconise de tenir compte des dommages causés à l'environnement par les décharges sur la base du principe du pollueur-payeur ; qu'en reconnaissant cet objectif de valorisation et de réutilisation des déchets tout en refusant qu'il puisse produire une quelconque incidence fiscale incitative, la cour d'appel, qui a privé la directive de son effet utile, a violé les articles 3 et 5 de ce texte ;
3°) ALORS QUE dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 14 interdit de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables ; qu'en retenant que n'est pas discriminatoire l'institution d'une taxe générale sur les activités polluantes due par une installation de stockage des déchets ménagers au titre des déchets verts qui y sont réceptionnés pour être compostés à laquelle ne sont pas assujettis les exploitants d'une installation de compostage au motif erroné que la seconde installation ne réceptionne pas de déchets ménagers, la cour d'appel a violé les articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel de cette Convention ensemble les articles 266 sexies et 266 septies du code des douanes.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-10996
Date de la décision : 12/05/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 mai. 2015, pourvoi n°13-10996


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.10996
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