La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2015 | FRANCE | N°14-87902

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 mai 2015, 14-87902


Statuant sur les pourvois formés par :
- La société civile immobilière 64 rue de Bezons,- Mme Cécilia X...,- Mme Annie-Léa Y..., épouse X...,- M. Stephan X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 6 novembre 2014, qui, dans l'information suivie contre eux, des chefs d'escroquerie en bande organisée, abus de confiance, abus de biens sociaux et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction maintenant une saisie pénale immobilière ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 avril 2

015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code...

Statuant sur les pourvois formés par :
- La société civile immobilière 64 rue de Bezons,- Mme Cécilia X...,- Mme Annie-Léa Y..., épouse X...,- M. Stephan X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 6 novembre 2014, qui, dans l'information suivie contre eux, des chefs d'escroquerie en bande organisée, abus de confiance, abus de biens sociaux et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction maintenant une saisie pénale immobilière ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 avril 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Azema, conseiller rapporteur, M. Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire AZEMA, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, et de la société civile professionnelle YVES et BLAISE CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 21 janvier 2015, joignant les pourvois en raison de la connexité, et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, 706-141 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée de la saisie immobilière de l'immeuble appartenant à la société civile immobilière 64 rue de Bezons et a autorisé la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France à poursuivre la saisie immobilière du bien précité ;
" aux motifs que l'information se poursuit après des investigations multiples ; que l'appel interjeté par Maître Schinazi au nom de Mme Cécilia X..., M. Stephan X..., Mme Annie-Léa Y..., épouse X..., la société civile immobilière 64 rue de Bezons, personnes mises en examen, enregistré au greffe du tribunal de Grande Instance de Nanterre le 9 octobre 2013 de l'ordonnance du 25 septembre 2013 de rejet de mainlevée de saisie pénale du lot n° 11 de l'ensemble immobilier sis 64 rue de Bezons à Courbevoie, composé d'un appartement sur cinq niveaux situé au rez-de-chaussée, premier, deuxième et troisième étages et sous-sol du bâtiment C, bien appartenant à la société civile immobilière 64 rue de Bezons rendue par le magistrat instructeur a été par arrêt du 23 octobre 2014 déclaré irrecevable ; qu'au terme (sic) de l'article 706-146 du code procédure pénale si le maintien de la saisie du bien en la forme n'est pas nécessaire, un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut être autorisé, dans les conditions prévues à l'article 706-144, à engager ou reprendre une procédure civile d'exécution sur le bien, conformément aux règles applicables à ces procédures ; que toutefois, il ne peut alors être procédé à la vente amiable du bien et la saisie pénale peut être reportée sur le solde du prix de cession, après désintéressement des créanciers titulaires d'une sûreté ayant pris rang antérieurement à la date à laquelle la saisie pénale est devenue opposable ; que le solde du produit de la vente est consigné ; qu'en cas de classement sans suite, de non-lieu ou de relaxe, ou lorsque la peine de confiscation n'est pas prononcée, ce produit est restitué au propriétaire du bien s'il en fait la demande ; que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel est munie d'un acte notarié établi le 6 novembre 2007 par Maître Z...de souscription d'un emprunt de la société civile immobilière 64 rue de Bezons à hauteur de 800 000 euros aux fins d'acquisition des biens immobiliers sis à Courbevoie 64 rue de Bezons cadastrés T14 ; qu'à titre de garantie elle a inscrit son privilège de prêteur de deniers sur les biens financés, inscription publiée le 10 janvier 2008 ; qu'au terme de l'article L. 111-3-4 du code des procédures civiles d'exécution un acte notarié revêtu de la formule exécutoire constitue un titre exécutoire ; qu'ainsi la Caisse régionale du crédit agricole mutuel est muni (sic) d'un titre exécutoire ; que par acte du 19 juin 2008 rédigé par Maître Z..., l'immeuble a été divisé en 11 lots numérotés de 1 à 11 ; que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France a accepté la vente des lots (1 à 7, 3 et 4, 5, 2 et 9) réduisant corrélativement son droit de préférence et de suite au titre de son privilège de prêteur de deniers qui ne concerne, désormais, plus que les lots 6, 8, 10 et 11 ; que le lot n° 11 de l'ensemble immobilier sis 64 rue de Bezons à Courbevoie, composé d'un appartement sur cinq niveaux situé au rez-de-chaussée, premier, deuxième et troisième étages et sous-sol du bâtiment C, bien appartenant à la société civile immobilière 64 rue de Bezons fait l'objet d'une saisie pénale immobilière par ordonnance du 9 décembre 2011 prise au visa des articles 131-21 et 131-39 du code pénal, 706-141 à 706-147 et 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale ; que ce bien immobilier constitue l'objet ou le produit direct ou indirect des infractions au sens de l'article 131-21 alinéa 3 du code pénal et qu'il encourt la confiscation à ce titre qui pourrait être prononcée dans l'hypothèse où la juridiction de jugement, qui pourrait être saisie, entrerait en voie de condamnation ; que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient les éléments permettant son évaluation ; que la mise en demeure de payer adressée par la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France à la société civile immobilière 64 rue de Bezons est demeurée vaine ; qu'à la date du 20 juillet 2013, la créance de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France se montait à la somme de 560 737, 19 euros outre intérêts et frais postérieurs dont le montant n'est pas contesté ; qu'ainsi la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France est munie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible lui permettant d'en poursuivre l'exécution forcée ; qu'il n'est pas démontré, qu'en la forme, la saisie pénale qui n'est pas utile à la manifestation de la vérité soit nécessaire ; qu'elle peut être reportée sur le solde du prix d'adjudication dont il n'est nullement démontré qu'il puisse être considérablement déprécié, l'ordonnance de saisie mentionnant que les travaux de modification, d'embellissement et d'amélioration réalisés ont valorisé ce bien dont la valeur en décembre 2011 était supérieure à 3 300 000 euros ; que l'article 706-146, alinéa 1er, du code de procédure pénale garantit les droits des créanciers titulaires d'une sûreté ayant pris rang antérieurement à la date à laquelle la saisie est devenue opposable ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise ;
" 1°) alors qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; que l'article 706-146 du code de procédure pénale autorise l'aliénation forcée, avant jugement, d'un bien saisi ; que cette aliénation entraine une privation du droit de propriété au sens de l'article 17 8 de la Déclaration des droits de l'homme ; que, par ailleurs, selon les dispositions de l'article 16 de la Déclaration de 1789, toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ; que le droit au recours juridictionnel effectif est garanti par cet article ; que le pourvoi formé à l'encontre d'une décision autorisant l'aliénation du bien saisi est conditionné par la décision de recevabilité immédiate du président de la chambre criminelle ; qu'il en résulte que la vente forcée autorisée par la chambre de l'instruction peut revêtir, en l'absence de recours effectif prévu par l'article 706-146 du code de procédure pénale, un caractère définitif, le bien aliéné sortant définitivement du patrimoine de la personne mise en cause ; qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la non-conformité à la Constitution de l'article 706-146 du code de procédure pénale en ce qu'il autorise l'aliénation d'un bien saisi avant jugement, sans aucune nécessité publique, la vente forcée ayant pour objet de désintéresser un créancier, et qu'il ne prévoit aucun recours juridictionnel effectif ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir, l'arrêt attaqué sera dépourvu de tout fondement juridique ;
" 2°) alors que la saisie immobilière avant jugement est incompatible avec l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'elle porte sur une valeur importante et que sa durée est excessive ; que le Conseil constitutionnel considère que l'aliénation forcée de biens saisis, qui prive son propriétaire de son droit de disposition, n'est compatible avec l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme que si elle est justifiée par une nécessité publique ; que cette nécessité est notamment établie en cas d'absence de dépréciation du bien, qui doit donc être vendu rapidement après la saisie ; qu'en l'espèce, lors de sa saisie, le 9 décembre 2011, l'immeuble a été estimé à la somme de 3 300 000 euros ; que la saisie dure depuis plus de trois années, et a entrainé, en raison de la situation du marché immobilier depuis décembre 2011, une dépréciation du bien ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge d'instruction maintenant la saisie et autorisant la vente forcée de l'immeuble, ce qui entrainera immanquablement une seconde dévalorisation du bien, la chambre de l'instruction a violé les articles visés au moyen ;
" 3°) alors que la saisie pénale garantit la peine complémentaire de confiscation ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a considéré que la saisie portait sur un bien immobilier constituant, au sens de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal, le produit des infractions reprochées aux exposants ; que les exposants ont cependant fait valoir qu'ils n'étaient redevables que d'une somme d'environ 350 000 euros envers le Crédit mutuel-CIC Ile de France, somme dérisoire par rapport au montant du prêt consenti, à savoir 2 400 000 euros ; qu'il en résulte que, sauf à être injustifiée en raison de sa disproportion par rapport au but légitime poursuivi, la peine complémentaire de confiscation n'est pas sérieusement envisageable, le « produit » résiduel des infractions, à les supposer établies, étant quasi inexistant ; qu'en autorisant pourtant la vente forcée de l'immeuble saisi, la chambre de l'instruction a violé les articles visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société civile immobilière 64 rue de Bezons, ayant pour gérante Mme Cécilia X..., associée à ses parents, M. Stephan X... et Mme Annie-Léa Y...épouse X..., a fait construire un immeuble à Courbevoie, financé par un prêt accordé le 6 novembre 2007 par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France (Crédit agricole), qui bénéficiait d'un privilège de prêteur de deniers ; qu'en septembre 2008, deux prêts d'un montant total de 600 000 et 1 800 000 euros ont été accordés aux époux X... par le Crédit mutuel d'Ile de France pour financer l'achat d'un terrain et la construction d'un immeuble à Issy-les-Moulineaux ; qu'une partie de ces fonds, versés sur production de faux documents, a en réalité été affectée à des travaux d'amélioration de l'immeuble de Courbevoie ; que les époux X..., leur fille et la société civile immobilière 64 rue de Bezons ont été mis en examen des chefs, notamment, d'escroquerie en bande organisée et blanchiment ; que le juge d'instruction a pris, le 9 décembre 2011, une ordonnance de saisie pénale de l'immeuble situé à Courbevoie, confirmée par un arrêt, devenu définitif, de la chambre de l'instruction du 24 mai 2012 ; qu'à la suite d'une demande du Crédit agricole, il a rendu, le 2 octobre 2013, une ordonnance maintenant la saisie et autorisant cette banque à mettre en oeuvre une procédure civile d'exécution sur le lot n° 11 de cet immeuble ;
Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, la chambre de l'instruction relève que le maintien de la saisie pénale n'est plus en la forme nécessaire et que le Crédit agricole est muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible qui lui permet d'en poursuivre l'exécution forcée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que, d'une part, la saisie d'un immeuble dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal, faite en application de l'article 706-150 du code de procédure pénale, s'étend à tout bien qui est l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, peu important que celui-ci ait été acquis pour partie avec des fonds d'origine licite, d'autre part, il résulte de l'article 706-146 du même code, qui n'est pas contraire à l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, que le juge qui a autorisé ou ordonné la saisie d'un immeuble peut permettre à un créancier de ne pas attendre l'issue de la procédure pénale pour engager ou poursuivre une mesure d'exécution forcée sur ce bien, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, devenu sans objet en sa première branche, la Cour de cassation ayant, par arrêt de ce jour, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par les demandeurs à l'occasion du présent pourvoi, ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi et que la procédure est régulière ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. Stephan X..., la société civile immobilière 64 rue de Bezons, Mme Annie-Léa Perrin épouse X... et Mme Cécilia X... devront payer in solidum à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-87902
Date de la décision : 06/05/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 06 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 mai. 2015, pourvoi n°14-87902


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.87902
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award