LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 2 février 2014), que l'association la Société protectrice des animaux de Bordeaux et du Sud-Ouest (la SPA) a vendu des parcelles de terrain à la société Priminvest, qui disposait d'une faculté de substitution ; que substituée à la société Priminvest, la société Friedland a acquis ces parcelles le 7 mars 2007 pour le prix total de 188 207,68 euros, avant de les revendre, le 13 juin 2007, à la société Orlim Investissements, pour le prix total de 850 000 euros ; que la SPA a fait assigner les sociétés Friedland et Orlim investissements afin de voir dire que la vente du 7 mars 2007 était lésionnaire ;
Attendu qu'ayant relevé que la valeur des terrains litigieux avait été fixée d'un commun accord par le collège d'experts désigné sur le fondement de l'article 1678 du code civil, par comparaison avec des parcelles semblables, en tenant compte de l'absence de viabilisation des terrains vendus et retenu, sans dénaturation de leur rapport, les estimations proposées par les experts judiciaires aux dates du 27 avril 2006 et du 5 octobre 2006, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, abstraction faite d'un motif surabondant et sans se contredire, a pu en déduire le caractère lésionnaire des ventes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Friedland aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Friedland à payer la somme de 3 000 euros à l'association la Société protectrice des animaux de Bordeaux et du Sud-Ouest ; rejette la demande de la société Friedland ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Friedland.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a prononcé la rescision pour lésion de la vente du 7 mars 2007 passée entre la SPA DE BORDEAUX ET DU SUD OUEST et la société FRIEDLAND et portant sur les parcelles cadastrées AR 277 et AR 29 sises à Salbris, et a renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 6 juin 2012 pour permettre à la société FRIEDLAND de faire connaître son choix de rendre les parcelles en retirant le prix qu'elle en a payé ou de les garder en payant le supplément du juste prix sous la déduction du 10ème du prix total avec intérêt au taux légal compter du 21 mai 2008 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la valeur exacte du terrain a été fixée d'un commun accord par un collège d'experts et que l'appelante, qui combat leurs conclusions, ne s'explique cependant pas sur son achat, moyennant un peu plus de 188.000 euros, d'un terrain revendu trois mois plus tard 850.000 euros alors qu'il avait été laissé dans le même état ; que, contrairement à ce que soutient la société FRIEDLAND, les experts judiciaires ont opéré une comparaison avec des ventes de parcelles semblables, et ont tenu compte de l'absence de viabilisation des parcelles pour procéder à un abattement de 25% lorsque les ventes étudiées portaient sur des parcelles viabilisées ; que ORL1M ne peut à l'évidence communiquer des lettres d'intention ou des contrats concernant les parcelles litigieuses dont la vente a été gelée par la procédure en cours ; que c'est par des motifs complets, qui ne sont combattus par aucun nouvel argument présenté par l'appelante, que le tribunal a écarté les éléments de comparaison proposés par la société FRIEDLAND. en retenant qu'ils concernent des ventes qui n'ont pas été opérées à la même date que l'opération litigieuse ou qui concernent des terrains non classés en zone NA comme l'était le terrain vendu par la SPA ; que les deux rapports "d'expertise amiable" versés aux débats n'apportent pas plus d'éléments convaincants puisque, s'ils confirment que la vente à un lotisseur peut être plus favorable pour le vendeur, ils ne permettent cependant nullement d'exclure l'existence d'une lésion mais ne font que reprendre les arguments déjà présentés au collège d'expert en prenant pour éléments de comparaison des ventes de terrains éloignés de la commune de Salbris; qu'enfin, contrairement à ce que soutient l'appelante, les parcelles litigieuses sont bien desservies, puisque situées à côté de la nationale et de la rocade ; que l'avis rendu par le service des domaines avant la vente n'était étayé par aucun élément de comparaison ; que la société FRIEDLAND ne présente dès lors devant la cour aucun moyen de fait ou de droit pertinent, et qu'approuvant entièrement la motivation du tribunal, il sera retenu que la valeur réelle de la première parcelle, vendue 164.604 euros, était de 750.000 euros, et que la valeur réelle de la seconde, vendue 23.603,68 euros, était de 282.000 euros, ce qui caractérise l'existence d'une lésion » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « conformément à l'article 1675 du code civil, selon lequel l'immeuble doit être estimé suivant son état et sa valeur au moment de la vente, les experts désignés par le tribunal avalent pour mission de donner leur avis sur la valeur vénale eu 27 avril 2006 de la parcelle cadastrée section AR n°277 sur la commune de SALBRIS et sur la valeur vénale eu 6 octobre 2006 de le parcelle cadastrée section AR 29 sur la même commune ; que les experts devaient donc déterminer le valeur vénale des parcelles à deux dates précises en se référant aux mutations intervenues sur la commune de Salbris à ces mêmes dates, sens avoir à procéder à une analyse de l'évolution du marché immobilier postérieurement à ces dates et sans avoir à tenir compte ni de la destination, ni de l'utilisation ultérieures de ces terrains et par conséquent ni des conditions de réalisation du projet envisagé par l'acquéreur, comme voudrait le faire admettre la société FRIEDLAND à l'appui de sa contestation du rapport d'expertise judiciaire ; qu'ainsi ne peut être retenu l'argument de la société FRIEDLAND selon lequel un terrain vendre d'une surface inférieure à 2500 rn2 destiné à recevoir une construction n'est pas comparable à un terrain 26 fois plus grand, destiné à recevoir un lotissement d'une cinquantaine de lots environ, les prix de ces doux types d'acquisition aux économies différentes ne pouvant être les mêmes ; que même en retenant la destination des parcelles, leur valeur doit être fixée, selon une jurisprudence constante, au plus élevé des prix de vente que le vendeur aurait pu en obtenir ; que pour la même raison, les éléments de comparaison fournis par la société FRIEDLAND concernant des terrains vendus en 2000,2003,2009 et 2010 ne peuvent être retenus comme étant hors période ; que les autres parcelles vendues en 2004 et 2005 n'étaient pas classées en zone NA, mais Ulr, dans un secteur réservé aux installations à caractère artisanal, commercial et tertiaire, et Nr en zone protégée, outre que trois d'entre elles étant situées dans une zone imposant un certain nombre de servitudes, les constructions éventuelles sont soumises à autorisation du ministère de la défense ; que, pour la même raison il ne peut être tenu compte dans la valeur des parcelles de la marge du lotisseur en cas de revente ; que les éléments de comparaison fournis par la société FRIEDLAND pour des ventes intervenues en 2006, 2007 et 2009, malgré l'absence de précision sur le caractère constructible de ces parcelles, ne peuvent être retenus en raison de l'éloignement des communes au sein desquelles sont implantées les parcelles citées en référence ; que si la société FRIEDLAND s'interroge sur la justification du prix du mètre carré à Salbris d'un terrain destiné à un lotissement près de sept fois supérieur au meilleur prix du mètre carré dans d'autres communes comparables, elle n'explique pas comment les mêmes parcelles vendues le 7 mars 2007 moyennant le prix de 188 207,68 euros et bénéficiant d'un permis de lotir ont pu être revendues trois mois plus tard le 13 juin 2007 dans le Mémo état où elles se trouvaient le 7 mars 2007 moyennant le prix de 850 000 euros, soit plus de quatre fois et demi le prix d'achat ; que les experts qui avaient pris pour éléments de comparaison des parcelles de terrain viabilisées ont tenu compte dans leur estimation de l'absence de viabilisation des parcelles vendues par un abattement de 26 % au moins, ramenant ainsi les prix des ternies de comparaison recensés (de 6 euros à 39 euros), à 20 euros le mètre carré la valeur vénale de la parcelle AR277 et à 10 euros le prix du mètre carré de la valeur vénale de la parcelle AR29, étant observé qu'aucun justificatif n'est produit attestant du coût de le viabilisation et des frais financiers évoqués par la société FRIEDLAND dans ses conclusions ; que les évaluations faites par les services du Domaine suivant lettre du 2$ décembre 2006 ne constituent qu'un simple avis, au surplus dépourvu de termes de comparaison ; qu'au regard des éléments de comparaison recensés par les experts en zone NA, les parcelles pouvaient être estimées sur la base de 20 euros le mètre carré s'agissant de la parcelle AR 2007 au 27 avril 2006 et de 10 euros le mètre carré s'agissant de la parcelle AR 29 au 5 octobre 2006 ; que ces estimations se trouvent confortées par le prix acquitté par la SAS ORLIM INVESTISSEMENTS au mois de juin 2007 sur la base d'un prix unitaire moyen de 13 euros le mètre carré et un projet de revente sur la base de 69 euros le mètre carré ; que la société FRIEDLAND se contente de maintenir son argumentation précédemment soumise aux trois experts judiciaires sans produire aucun élément (un rapport d'expert amiable par exemple) qui aurait été de nature à remettre en cause les conclusions, les appréciations et les estimations des experts désignés par le tribunal ; qu'en conséquence, le tribunal retiendra les estimations proposées par les experts judiciaires, soit 760 000 euros au 27 avril 2006 pour la parcelle AR 277 et 262 000 euros au 5 octobre 2006 pour la parcelle AR 29 ; que les prix de ces parcelles indiqués dans les compromis de vente soit 164 604 euros pour la parcelle AR 277 et 23 603,08 euros pour la parcelle AR29, étant inférieurs aux cinq douzièmes de la valeur des parcelles au moment de leur vente, le caractère légionnaire de leur prix de vente est ainsi établi et justifie l'action en rescision de la SOCIETÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX DE BORDEAUX ET DU SUD OUEST » ;
ALORS premièrement QU'en affirmant que les experts avaient effectué une comparaison avec des ventes de parcelles « semblables » aux parcelles litigieuses en tenant compte de leur absence de viabilisation, quand ces dernières étaient respectivement de 37 410 m² et de 28 230 m² cependant que le rapport d'expertise s'était fondé sur neuf ventes de parcelles inférieures à 1 000 m², neuf autres de parcelles inférieures à 1 500 m², une de 1 800 m² et une dernière de 2 441 m² (p. 17), la cour d'appel a dénaturé ledit rapport d'expertise et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS deuxièmement QUE l'arrêt attaqué a retenu la lésion aux motifs propres et adoptés que la société FRIEDLAND n'expliquait pas comment il se faisait que trois mois après avoir acquis les parcelles, le 7 mars 2007, elle les revendait en semblable état, le 13 juin 2007, quatre fois et demi leur prix d'achat ; qu'en appréciant ainsi la valeur des parcelles en se plaçant à la date des 7 mars et 13 juin 2007 correspondant à la signature des actes d'acquisition et de revente, tout en retenant les estimations des experts judiciaires aux dates des 27 avril 2006 et 5 octobre 2006 correspondant à la signature des deux promesses synallagmatiques de vente, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS troisièmement QUE l'arrêt attaqué a constaté que les parcelles litigieuses avaient fait l'objet de deux promesses synallagmatique de vente les 27 avril 2006 et 5 octobre 2006, dates auxquelles il fallait donc exclusivement se placer pour apprécier la valeur des terrains en cause ; qu'en se plaçant également à la date 7 mars et 13 juin 2007 en retenant que la société FRIEDLAND n'expliquait pas comment il se faisait que trois après avoir acquis les parcelles, le 7 mars 2007, elle les revendait en semblable état, le 13 juin 2007, quatre fois et demi leur prix d'achat, la cour d'appel a violé l'article 1675 du code civil ;
ALORS quatrièmement QUE la société FRIEDLAND soulignait qu'il fallait se placer au 27 avril et 5 octobre 2006, date des promesses de vente, et non au 7 mars 2007, date de l'acte d'acquisition, pour apprécier la valeur des parcelles, c'est-à-dire avant l'autorisation de lotir, laquelle avait été obtenue postérieurement, au moment de la revente des parcelles à la société ORLIM INVESTISSEMENTS (conclusions, p. 7) ; que l'exposante ajoutait que si elle avait revendu à cette société en juin 2007 au prix de 850 000 ¿ c'était après avoir effectué études et démarches et obtenu l'autorisation de lotir le 23 janvier 2007, cependant que la société ORLIM INVESTISSEMENTS avait parié sur une évolution favorable du marché (conclusions, p. 17) ; qu'en affirmant que la société FRIEDLAND n'expliquait pas comment il se faisait que trois après avoir acquis les parcelles, le 7 mars 2007, elle les revendait en semblable état, le 13 juin 2007, quatre fois et demi leur prix d'achat, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS cinquièmement QU'en toute hypothèse, en ne répondant pas au moyen de la société FRIEDLAND expliquant qu'elle avait pu revendre les parcelles litigieuses en juin 2007 à la société ORLIM INVESTISSEMENTS au prix de 850 000 ¿ en raison des études et démarches qu'elle avait effectuées, de l'obtention de l'autorisation de lotir le 23 janvier 2007 et de la spéculation de la société ORLIM sur une évolution favorable du marché (conclusions, p. 7 et p. 17), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS sixièmement QUE la société FRIEDLAND observait que la commune de Salbris n'étant qu'une petite localité du Loir-et-Cher qui enregistre 10 ou 11 ventes immobilières par an, pour coller au plus près aux caractéristiques des parcelles litigieuses il fallait choisir les termes de comparaison sur une longue période et le cas échéant hors zone NA quitte à appliquer un coefficient de pondération pour tenir compte de l'évolution du marché et du zonage, sachant que seules des ventes de terrains supérieurs à 5 000 m² permettait une approche réaliste (conclusions, p. 11) ; que l'exposante précisait que, pour la même raison que la commune de Salbris est une petite ville dans laquelle il n'y avait pas eu de vente de parcelles similaires aux parcelles litigieuses, il fallait raisonner de façon plus large et qu'elle avait pris soin de fournir des références de ventes de terrains de plus de 20 000 m² dans des villes également du Loir-et-Cher et de moins de 20 000 habitants de sorte qu'il ne pouvait pas y avoir de grosses différences (conclusions, p. 12) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen en se bornant à affirmer, pour écarter les termes de comparaison de la société FRIEDLAND, que les ventes n'avaient pas été opérées à la même date que l'opération litigieuse ou concernaient des terrains non classés en zone NA, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS septièmement QU'en énonçant, par motifs adoptés, qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la destination et de l'utilisation des terrains après leur vente ni par conséquent des conditions de réalisation du projet de l'acquéreur, et que les estimations effectuées par les experts étaient confortées par le prix acquitté par la société ORLIM INVESTISSEMENTS en juin 2007 sur la base d'un prix moyen unitaire de 13 ¿ le m² et un projet de revente sur la base de 59 ¿ le m², la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.