LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 novembre 2013), que l'EARL du Grand Jas (société du Grand Jas), qui avait acheté, en 2007, à la société Pépinières viticoles Lilian Bérillon (la société Bérillon) des plants de vigne greffés dont un certain nombre se sont révélés affectés d'une bactérie, a assigné cette dernière, ainsi que la société d'exploitation des établissements Jacques Richard, producteur de certains plants et la société Lovera, vendeur intermédiaire, sur le fondement de la garantie des vices cachés, de la responsabilité contractuelle et du dol, en restitution du prix de vente et paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société du Grand Jas fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;
Attendu que l'arrêt relève que des avis émanant des divers experts et techniciens, en particulier celui de l'expert judiciaire, et de la littérature scientifique versée au dossier, il ne se dégage aucune certitude quant à l'incidence effective de la maladie sur la production à court, moyen, et long terme, d'un cep contaminé planté dans une région méridionale et qu'il n'est pas possible d'inférer du seul fait de la contamination l'impropriété du plant à son usage ou même la diminution de cet usage ; qu'il ajoute que l'expert judiciaire n'a constaté aucune amorce de dépérissement des plants contaminés, mais relevé en revanche que les tumeurs, loin de se propager, avaient eu tendance à se dessécher, voire à disparaître sur certains plants, et que l'interruption, par la société du Grand Jas, de toute culture des plants contaminés, n'avait permis aucun constat d'une productivité anormalement faible ;
Que de ces énonciations, rendant inutile la recherche prétendument omise, la cour d'appel a souverainement déduit que ni l'impropriété des plants à leur usage ni même la diminution de cet usage n'était établie ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ne peut qu'être rejeté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société du Grand Jas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société du Grand Jas.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR débouté l'EARL du Grand Jas de ses demandes en paiement fondées sur la garantie des vices cachés, la responsabilité contractuelle et le dol de la société Pépinières viticoles Lilian Bérillon;
AUX MOTIFS QUE, pour que la garantie des vices cachés puisse être retenue, il faut que les défauts de la chose vendue la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que de la lecture de la masse des avis émanant, soit des divers experts (et en particulier celui de l'expert judiciaire) et techniciens intervenus, à un titre ou à un autre, dans le cadre du litige, soit de la littérature scientifique versée au dossier par les parties, ne se dégage aucune certitude quant à l'incidence effective de la maladie sur la production à court, moyen, et long terme, d'un cep contaminé planté dans une région méridionale (et non pas septentrionale pour laquelle les avis semblent converger pour dire que le risque de dépérissement, voire de mort, du plant contaminé, est avéré et important du fait de la durée et de l'intensité de l'hiver), et ce même si la plantation ne s'est pas effectuée en bord de mer, mais dans l'arrière-pays, où il peut geler l'hiver ; qu'il n'est donc pas possible d'inférer du seul fait de la contamination l'impropriété du plant à son usage ou même la diminution de cet usage ; que dans cette mesure, sachant que l'expert judiciaire n'a constaté aucune amorce de dépérissement des plants visiblement contaminés, ayant relevé au contraire que les tumeurs n'avaient pas augmenté, qu'elles avaient plutôt eu tendance à se dessécher, à devenir peu visibles, et même à disparaître sur certains plants, qu'il n'est pas établi qu'un dépérissement se soit manifesté au jour où la cour statue, et qu'enfin le fait de l'arrêt par la société du Grand Jas de toute culture des plants contaminés ne permet aucun constat d'une productivité qui aurait été anormalement faible, il ne peut être retenu aucune impropriété des plants à leur usage ni même diminution de cet usage ; que la société du Grand Jas doit donc être déboutée de ses demandes sur le fondement de la garantie des vices cachés ; que sur la responsabilité contractuelle de la société Bérillon à l'égard de la société du Grand Jas, la société du Grand Jas recherche à titre subsidiaire la responsabilité contractuelle de la société Bérillonau motif qu'une publicité que cette dernière aurait diffusée sur son site internet en 2007 au moment où les deux sociétés étaient en pourparlers, vantant notamment le fait que les plants qu'elle commercialisait étaient issus de ses propres vignes et ateliers, permettant ainsi toute garantie de traçabilité, de contrôle sanitaire, et de transparence, a eu une influence sur son consentement, serait ainsi entrée dans le champ contractuel, et que par suite, en fournissant des plants issus d'autres pépiniéristes (et en particulier les plants contaminés), la société Bérillona failli à son obligation de fourniture de plants issus de ses pépinières ; mais qu'en ne versant pas aux débats la publicité sur laquelle elle se fonde, la société du Grand Jas ne met pas la cour en mesure d'apprécier si, comme elle le soutient, la société Bérillonse serait engagée à ne lui fournir que des plants issus de ses propres vignes et ateliers, et bénéficiant ainsi d'une garantie de traçabilité et d'excellence sanitaire, et elle ne peut qu'être déboutée de sa demande en réparation sur ce fondement ; que sur le dol invoqué par la société du Grand Jas à l'encontre de la société Bérillon, la société du Grand Jas soutient encore que le défaut d'information par la société Bérillon, alors que celle-ci avait fait paraître la publicité ci-dessus évoquée, sur le fait que certains des plants livrés, dont les plants contaminés, étaient issus d'autres pépiniéristes producteurs, sur les conditions de production par ces autres pépiniéristes, sur leurs noms, sachant que la totalité des sacs ayant contenu les plants étaient marqués au nom de « Pépinière Bérillon», établit la mauvaise foi de sa cocontractante, et que le silence de cette dernière à cet égard lui a « celé un élément déterminant de son consentement ; mais que les circonstances invoquées par la société du Grand Jas n'établissent aucune mauvaise foi ni manoeuvre malveillante de la part de la société Bérillon (il n'était en rien anormal que les plants que cette dernière lui vendait fussent conditionnés dans des sacs estampillés à son nom), et elle ne démontre en rien, quand elle n'émet aucune critique sur la réputation professionnelle des autres pépiniéristes ayant produit les plants qui lui ont été livrés, qu'elle n'aurait pas contracté si elle avait su leur implication dans la fourniture des plants ; qu'elle est donc déboutée de ses demandes sur ce fondement ;
1°) ALORS QU'en écartant le vice caché de la chose vendue quand la société Pépinières Lilian Bérillon, venderesse, reconnaissait l'existence du vice caché dans ses conclusions d'appel (conclusions d'appel pour les Pépinières Lilian Bérillon, p. 5 et p. 6), la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS subsidiairement QUE le vendeur doit garantir non pas la rentabilité économique effective mais le potentiel technique de rendement de la chose qu'il vend ; qu'en écartant la demande fondée sur la garantie des vices cachés après avoir constaté la fourniture de plants de vigne contaminés par une bactérie pathogène susceptible d'entraîner le dépérissement ou la mort des plants au gré des conditions climatiques aux motifs qu'aucune certitude ne se dégageait quant à l'incidence effective de la maladie sur la production à court, moyen ou long terme et qu'il n'était pas établi un dépérissement des plants au jour où elle statuait, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition tenant à la preuve d'une baisse de la rentabilité effective, a violé l'article 1641 du code civil ;
3°) ALORS subsidiairement QU'en écartant la demande fondée sur la garantie des vices cachés après avoir constaté la fourniture de plants de vigne contaminés par une bactérie pathogène au motif qu'aucune certitude ne se dégageait quant à l'incidence effective de la maladie sur la production et qu'il n'était pas possible d'inférer du seul fait de la contamination l'impropriété du plant sans rechercher si la seule incertitude s'attachant à la survie des plants ne constituait pas le vice caché de la chose vendue la rendant impropre à son usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil.