LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Courbevoie, 2 juin 2014), que du 29 novembre au 2 décembre 2013 (premier tour) puis du 11 au 13 décembre 2013 (second tour), ont été organisées les élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise de la société Devoteam ; que le 31 mars 2014, les membres du collège désignatif ont procédé à l'élection des représentants aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) « Ile-de-France » et « Régions » de cette société ; que par un jugement du 1er avril 2014, le tribunal d'instance de Courbevoie a annulé les élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise ; que le 11 avril 2014, la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT et quatre salariés, M. X..., Mme Y..., MM. Z... et A..., ont saisi le tribunal d'instance de Courbevoie afin d'obtenir l'annulation de la désignation des membres des deux CHSCT ;
Attendu que la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT et les salariés, font grief au jugement de rejeter leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'annulation des élections des membres du comité d'entreprise ou des délégués du personnel entraîne l'annulation de la désignation des membres du CHSCT effectuée par un collège désignatif irrégulièrement constitué ; qu'il suffit que le tribunal d'instance ait été saisi de la contestation dans le délai de quinze jours suivant cette désignation ; qu'en décidant dès lors, pour refuser d'annuler les désignations intervenues le 31 mars 2014, que l'annulation des mandats électifs n'a pu produire effet que le 1er avril 2014, date du jugement, le tribunal qui a été saisi dans le délai de quinze jours susvisé, a statué par un motif inopérant et a violé les articles L. 4613-1 et R. 4613-11 du code du travail ;
2°/ qu'à l'appui de leur requête, la fédération CGT et les salariés faisaient valoir que l'employeur et les parties qui s'étaient opposées à la demande d'annulation des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel avaient engagé le processus de désignation des membres du CHSCT en toute connaissance de cause du litige pendant devant le tribunal d'instance, que l'élection avait été organisée précipitamment la veille du délibéré ; qu'en se bornant à énoncer que l'annulation d'une élection ne fait perdre aux salariés leur qualité de membres de l'institution représentative qu'à compter du jour de l'annulation et n'a pas d'effet rétroactif, sans répondre à ces conclusions d'où il résultait que la désignation avait été obtenue par fraude, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'aux termes de l'article R. 4613-2 du code du travail, « l'inspecteur du travail peut autoriser des dérogations aux règles déterminant la répartition des sièges entre les représentants du personnel de maîtrise ou des cadres et ceux des autres catégories de personnel » ; qu'il s'ensuit que lorsque l'inspecteur du travail est saisi, le collège désignatif doit reporter l'élection dans l'attente de sa décision ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant que l'inspecteur du travail s'était déclaré incompétent sur la demande de dérogation formée par M. X..., le tribunal d'instance qui a constaté que les membres du collège désignatif avaient procédé à l'élection sans égard à la décision de l'inspecteur du travail, a violé l'article R. 4613-2 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu, d'abord, que l'annulation des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel ne fait perdre aux salariés élus leur qualité de membre de ces institutions représentatives du personnel qu'à compter du jour où elle est prononcée ; qu'il en résulte que l'annulation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise le 1er avril 2014 était sans incidence sur la régularité de l'élection des membres du CHSCT organisée le 31 mars précédent ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant constaté, d'une part, qu'il était demandé à l'inspecteur du travail de créer, sur le fondement de l'article R. 4613-2 du code du travail des sièges réservés aux employés et techniciens et fait ressortir, d'autre part, que la réunion des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel en vue de procéder à l'élection des membres des CHSCT, initialement prévue le 17 janvier 2014, avait été reportée au 14 mars, puis au 18 mars et enfin au 31 mars 2014, le tribunal d'instance, qui n'était pas tenu de répondre à un moyen que cette constatation rendait inopérant, en a exactement déduit que le collège désignatif n'était pas tenu de procéder à un nouveau report de l'élection des membres des CHSCT ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. X..., Z... et A..., Mme Y... et la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT
Le pourvoi reproche au jugement attaqué d'AVOIR débouté la Fédération nationale des Personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT, monsieur X..., monsieur Z..., madame Y... et monsieur A... de leur demande d'annulation des désignations intervenues le 31 mars 2014 des membres des CHSCT « Régions » et « Ile-de-France » de la société Devoteam SA ;
AUX MOTIFS D'UNE PART QUE les résultats des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel au sein de la société Devoteam ont été proclamés le 13 décembre 2013 ; que, par requête en date du 16 décembre 2013, le tribunal d'instance de Courbevoie a été saisi en vue de voir annuler les élections ; que, suite à l'audience du 3 mars 2014, l'affaire a été mise en délibéré au 1er avril 2014 ; que le 31 mars 2014, le collège désignatif a procédé à l'élection des membres des CHSCT « Ile-de-France » et « Régions » (cf. jugement p. 3 § 1 à 4) ; 1°) Sur les conséquences de l'annulation le 1 er avril 2014 des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel : qu'en vertu de l'article L. 4613-1 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail comprend l'employeur et une délégation du personnel dont les membres sont désignés par un collège constitué par les membres élus du comité d'entreprise et les délégués du personnel ; que l'annulation d'une élection ne fait perdre aux salariés leur qualité de membres de l'institution représentative qu'à compter du jour de l'annulation et n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en l'espèce, le 31 mars 2014, lors de la désignation des membres du CHSCT, le collège désignatif était valablement constitué puisque l'annulation de la validité des mandats électifs n'a pu produire ses effets que le 1er avril 2014, date du jugement annulant les élections professionnelles ;
1°) ALORS QUE l'annulation des élections des membres du comité d'entreprise ou des délégués du personnel entraîne l'annulation de la désignation des membres du CHSCT effectuée par un collège désignatif irrégulièrement constitué ; qu'il suffit que le tribunal d'instance ait été saisi de la contestation dans le délai de 15 jours suivant cette désignation ; qu'en décidant dès lors, pour refuser d'annuler les désignations intervenues le 31 mars 2014, que l'annulation des mandats électifs n'a pu produire effet que le 1er avril 2014, date du jugement, le tribunal qui a été saisi dans le délai de 15 jours susvisé, a statué par un motif inopérant et a violé les articles L. 4613-1 et R. 4613-11 du code du travail ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à l'appui de leur requête, la Fédération CGT et les salariés faisaient valoir que l'employeur et les parties qui s'étaient opposées à la demande d'annulation des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel avaient engagé le processus de désignation des membres du CHSCT en toute connaissance de cause du litige pendant devant le tribunal d'instance, que l'élection avait été organisée précipitamment la veille du délibéré ; qu'en se bornant à énoncer que l'annulation d'une élection ne fait perdre aux salariés leur qualité de membres de l'institution représentative qu'à compter du jour de l'annulation et n'a pas d'effet rétroactif, sans répondre à ces conclusions d'où il résultait que la désignation avait été obtenue par fraude, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE 3°) Sur la décision de l'inspection du travail : qu'en vertu de l'article R. 4613-2 du code du travail, l'inspecteur du travail peut autoriser des dérogations aux règles déterminant la répartition des sièges entre les représentants du personnel de maîtrise ou des cadres et ceux des autres catégories de personnel ; qu'en l'espèce, par décision du 31 mars 2014, l'inspecteur du travail a rejeté la demande de monsieur X... visant à obtenir la réservation d'au-moins deux sièges pour les employés et techniciens au CHSCT IDF et un siège pour les employés et techniciens au CHSCT Régions en considérant que le code du travail n'attribuait pas compétence à l'inspecteur du travail pour réserver à une catégorie de personnel les sièges auxquels la réglementation n'attribue aucune affectation catégorielle particulière ; que s'il n'est pas établi que les membres du collège désignatif avaient eu connaissance de cette décision avant les désignations intervenues, il convient d'observer que la décision de l'inspecteur du travail, rejetant une demande qui ne relève pas de sa compétence, était sans conséquence sur les conditions de désignation des CHSCT et qu'aucune disposition légale ou règlementaire ne suspend le processus de désignation jusqu'à la notification de la décision de l'inspection du travail lorsque ce dernier est saisi ; qu'enfin, il convient de souligner que la saisine de l'inspection du travail la veille de la réunion du collège désignatif d'une question qui ne relève pas de sa compétence apparaît dilatoire ;
3°) ALORS QU'aux termes de l'article R. 4613-2 du code du travail, « l'inspecteur du travail peut autoriser des dérogations aux règles déterminant la répartition des sièges entre les représentants du personnel de maîtrise ou des cadres et ceux des autres catégories de personnel » ; qu'il s'ensuit que lorsque l'inspecteur du travail est saisi, le collège désignatif doit reporter l'élection dans l'attente de sa décision ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant que l'inspecteur du travail s'était déclaré incompétent sur la demande de dérogation formée par monsieur X..., le tribunal d'instance qui a constaté que les membres du collège désignatif avaient procédé à l'élection sans égard à la décision de l'inspecteur du travail, a violé l'article R. 4613-2 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.