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15/04/2015 | FRANCE | N°13-26123

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-26123


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc., 10 mai 2012, n° 10-28.314), que M. X... a été engagé par le Port autonome de Marseille, devenu Grand Port maritime de Marseille, à effet du 1er décembre 1981 en qualité d'ouvrier professionnel à la direction des travaux neufs, service réseaux électriques et télécommunications, puis en dernier lieu comme surveillant de travaux principal ; que le 1er juillet 2008, il a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute

grave, par lettre du 7 août 2008 ;
Sur le premier moyen :
Vu les arti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc., 10 mai 2012, n° 10-28.314), que M. X... a été engagé par le Port autonome de Marseille, devenu Grand Port maritime de Marseille, à effet du 1er décembre 1981 en qualité d'ouvrier professionnel à la direction des travaux neufs, service réseaux électriques et télécommunications, puis en dernier lieu comme surveillant de travaux principal ; que le 1er juillet 2008, il a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave, par lettre du 7 août 2008 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte des textes susvisés que la cassation d'une décision "en toutes ses dispositions" investit la juridiction de renvoi de la connaissance de l'entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeter les demandes du salarié, l'arrêt retient que ce dernier a certifié des travaux en régie sans définition préalable ni contrôle des trois factures d'un montant total de 7 487,30 euros dont le montant excessif correspond au double de la valeur du marché et que ce manquement avéré à l'occasion de la signature de trois factures représentant pour l'entrepreneur un enrichissement non causé du double du dû constitue une faute contractuelle de nature à justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, en se dispensant, en conséquence, d'examiner les moyens tirés de la prescription des faits fautifs repris devant elle par le salarié, alors que la Cour de cassation n'ayant définitivement statué que sur l'inexistence d'une faute grave, la cour d'appel de renvoi qui, saisie des autres points du litige remis en cause par l'effet de la cassation, devait se prononcer sur la prescription des faits invoqués au soutien du licenciement, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et infirme le jugement en ce qu'il alloue à M. X... une somme de 75 000 euros au titre d'indemnité pour licenciement abusif, une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et personnel et une somme de 21 403,59 euros au titre du préjudice économique s'ajoutant à l'indemnisation dont il bénéficie au titre de la législation protectrice pour les salariés exposés aux risques de l'amiante, l'arrêt rendu le 12 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne le Grand Port maritime de Marseille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen tiré de la prescription des faits et statuant sur la base de ceux-ci, d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes de 75.000 ¿ en réparation du licenciement abusif, de 10.000 ¿ au titre du préjudice moral et personnel et de 21.403,59 ¿ au titre de dommages intérêts compensateurs de l'indemnité spéciale Amiante ;
AUX MOTIFS QUE le salarié X... a certifié des travaux en régie sans définition préalable ni contrôle de trois factures d'un montant total de 7.487,30 euros dont le montant, excessif, correspondait au double de la valeur du marché ; que la lettre de licenciement du 7 août 2008 lui fait grief de ce manquement ; sachant que ce salarié avait une ancienneté importante, remontant au 1er décembre 1981, considérant l'évolution de sa carrière et l'importance des manquements, les faits reprochés ne rendaient pas impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise ; que pour autant, le manquement avéré de M. X... à l'occasion de la signature de trois factures représentant pour l'entrepreneur un enrichissement non causé du double du dû, caractérise une faute contractuelle de nature à justifier son licenciement sur le fondement d'une cause réelle et sérieuse ; que l'employeur doit la délivrance d'un bulletin de salaire mentionnant le paiement du préavis, des congés payes afférents à ce préavis (voir supra) et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que d'une attestation destinée a Pôle emploi dûment rectifiée ; que la délivrance ordonnée par les premiers juges d'une attestation patronale ne repose sur aucune obligation connue ; que l'appel incident du chef du paiement de dommages et intérêts pour licenciement illégitime, est nécessairement rejetée en l'état des motifs précédemment adoptés ; que le salarié argumente encore que son licenciement illégitime caractérise une procédure inique avec un caractère très humiliant lui ayant déclenché une grave affection ; mais que le licenciement était légitime, en conséquence non inique et non humiliant ; que quant à la relation de cause à effet de la rupture de son contrat de travail d'avec la survenance d'un cancer de la thyroïde, aucune pièce médicale n'est produite permettant de relier la rupture de son contrat de travail survenue le 7 août 2008 à la constatation d'une métastase par un carcinome d'architecture papillaire détectée en février 2009, ayant nécessité pour curage plusieurs interventions ; que son médecin traitant, dont il verse un certificat médical signé le 22 mai 2009, se garde d'imputer la survenance de ce cancer à la situation professionnelle de son patient ; que l'imputation de son état de santé dégradé à son licenciement ne peut être sérieusement retenue, pas plus que l'existence de préjudices personnel et moral puisque, in fine, M. X... fut légitimement remercié en l'état d'un triple manquement à ses obligations contractuelles ; ( ...) que sur la demande en paiement de la somme de 21.403,59 ¿ au titre de dommages-intérêts compensateurs de l'indemnité Spéciale Amiante, M. X... est bénéficiaire d'une allocation de travailleurs de l'amiante à compter du 1er janvier 2009 ; que son conseil réclame la réparation du préjudice économique par lui éprouvé par une perte de revenus du fait de la privation de son emploi pendant sept années entre la rupture de son contrat de travail et l'âge de sa retraite ; mais qu'il est désormais de principe que le salarié victime de l'amiante n'est pas fondé à faire valoir un préjudice économique né de la cessation de son activité pour cette cause médicale ;
ALORS QU'un fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en rejetant sans énoncer le moindre motif, le moyen du salarié qui faisait valoir que le dispositif de contrôle et la nature des travaux permettaient à l'employeur d'avoir au moment de leur survenance, une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés datant de deux ou trois ans à date du déclenchement de la procédure le 1er juillet 2008, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QU'à tout le moins, en ne s'expliquant pas sur ce moyen opérant, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes de 75.000 ¿ en réparation du licenciement abusif, de 10.000 ¿ au titre du préjudice moral et personnel et de 21.403,59 ¿ au titre de dommages intérêts compensateurs de l'indemnité spéciale Amiante ;
AUX MOTIFS QUE le salarié X... a certifié des travaux en régie sans définition préalable ni contrôle de trois factures d'un montant total de 7.487,30 euros dont le montant, excessif, correspondait au double de la valeur du marché ; que la lettre de licenciement du 7 août 2008 lui fait grief de ce manquement ; sachant que ce salarié avait une ancienneté importante, remontant au 1er décembre 1981, considérant l'évolution de sa carrière et l'importance des manquements, les faits reprochés ne rendaient pas impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise ; que pour autant, le manquement avéré de M. X... à l'occasion de la signature de trois factures représentant pour l'entrepreneur un enrichissement non causé du double du dû, caractérise une faute contractuelle de nature à justifier son licenciement sur le fondement d'une cause réelle et sérieuse ; que l'employeur doit la délivrance d'un bulletin de salaire mentionnant le paiement du préavis, des congés payés afférents à ce préavis (voir supra) et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que d'une attestation destinée à Pôle emploi dûment rectifiée ; que la délivrance ordonnée par les premiers juges d'une attestation patronale ne repose sur aucune obligation connue ; que l'appel incident du chef du paiement de dommages et intérêts pour licenciement illégitime, est nécessairement rejetée en l'état des motifs précédemment adoptés ; que le salarié argumente encore que son licenciement illégitime caractérise une procédure inique avec un caractère très humiliant lui ayant déclenché une grave affection ; mais que le licenciement était légitime, en conséquence non inique et non humiliant ; que quant à la relation de cause à effet de la rupture de son contrat de travail d'avec la survenance d'un cancer de la thyroïde, aucune pièce médicale n'est produite permettant de relier la rupture de son contrat de travail survenue le 7 août 2008 à la constatation d'une métastase par un carcinome d'architecture papillaire détectée en février 2009, ayant nécessité pour curage plusieurs interventions ; que son médecin traitant, dont il verse un certificat médical signé le 22 mai 2009, se garde d'imputer la survenance de ce cancer à la situation professionnelle de son patient ; que l'imputation de son état de santé dégradé à son licenciement ne peut être sérieusement retenue, pas plus que l'existence de préjudices personnel et moral puisque, in fine, M. X... fut légitimement remercié en l'état d'un triple manquement à ses obligations contractuelles ; ( ...) que sur la demande en paiement de la somme de 21.403,59 ¿ au titre de dommages-intérêts compensateurs de l'indemnité Spéciale Amiante, M. X... est bénéficiaire d'une allocation de travailleurs de l'amiante à compter du 1er janvier 2009 ; que son conseil réclame la réparation du préjudice économique par lui éprouvé par une perte de revenus du fait de la privation de son emploi pendant sept années entre la rupture de son contrat de travail et l'âge de sa retraite ; mais qu'il est désormais de principe que le salarié victime de l'amiante n'est pas fondé à faire valoir un préjudice économique né de la cessation de son activité pour cette cause médicale ;
1- Sur la motivation de l'arrêt
ALORS QU'en se contentant d'affirmer, sans se référer à aucune pièce ni aucun document que « le salarié X... a certifié des travaux en régie sans définition préalable ni contrôle de trois factures d'un montant total de 7.487,30 euros dont le montant, excessif, correspondait au double de la valeur du marché », quand précisément ces faits étaient débattus au vu de nombreuses pièces produites, la Cour d'appel qui n'a donné ainsi aucun motif à sa décision a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
2- Sur les prétendues 3 factures
QU'en retenant que le salarié avait commis un manquement avéré à l'occasion de la signature de trois factures, et en lui reprochant la certification de travaux sans contrôle de ces trois factures, alors qu'il n'était pas soutenu que le salarié contrôlait et visait les factures, ces documents énonçant au contraire que sa fonction consistait après le visa du bon de commande à vérifier seulement l'exécution des travaux pour en attester la réalisation, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ensemble l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
QU'en ne recherchant pas ainsi si Monsieur X... pouvait se voir reprocher la certification de factures quand il soutenait que cette responsabilité ne lui incombait pas, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
3- Sur le montant des facturations
QU'en retenant que la certification des travaux en régie sans définition préalable ni contrôle de trois factures d'un montant total excessif de 7.487,30 euros correspondant au double de la valeur du marché est un manquement constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement sans s'expliquer sur le mode spécifique de facturation des travaux en régie, pratique courante et admise par la hiérarchie, selon application de tarifs horaires, et non au mètre carré, et un coût unitaire contractuel plus élevé, au motif qu'ils concernent des travaux supplémentaires accessoires à des marchés conclus, correspondant à des demandes additionnelles des bénéficiaires des travaux au cours de l'exécution du marché principal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
QU'en retenant les trois factures des travaux en régie ont un montant total de 7.487,30 euros correspondant au double de la valeur du marché sans s'expliquer sur ce chiffrage avancé d'une valeur du marché de l'ordre de 3.700 ¿ issu d'un rapport d'expertise non contradictoire pourtant contesté par le salarié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
4- Sur la cause du licenciement
ALORS en tout cas QUE en retenant l'existence d'une cause réelle et sérieuse, après avoir constaté seulement un préjudice de l'ordre de 3.700 ¿ pour les seuls travaux en régie réalisés dans le cadre d'un marché à procédure adaptée ayant généré une facturation de 871.002,08 ¿ de SOMAPEINT, à l'encontre d'un salarié qui a eu une carrière de 28 ans sans reproche dans l'entreprise, alors que le licenciement a été prononcé sans invoquer un fait volontaire et sans préconisation de sanction par la commission de discipline en raison d'un préjudice de plusieurs milliers d'euros payés à tort sur la base du cumul de plusieurs irrégularités non limitatives, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
ALORS subsidiairement QU'en retenant que la certification des travaux en régie sans définition préalable ni contrôle de trois factures est un manquement constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement sans s'expliquer sur le fait que la Cour de Discipline Budgétaire et Financière par arrêt du 22 octobre 2012 avait blanchi Monsieur X... pour les mêmes faits, pour lesquels le Procureur Général près la Cour des comptes avait indiqué que les présomptions d'heures excessives de travaux en régie n'ont pu être étayées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-26123
Date de la décision : 15/04/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 avr. 2015, pourvoi n°13-26123


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26123
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