LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse Terre, 21 mai 2013), que le préfet de la Guadeloupe a, par arrêté du 27 février 1987, accordé un permis de lotir sur une parcelle de terre sise à Saint-Barthélémy, barrant l'accès à la pointe d'une presqu'île ; qu'à cet arrêté était notamment annexée une prescription du service maritime, à laquelle les lotisseurs devaient « impérativement se conformer », et aux termes de laquelle la voirie d'accès vers la pointe au-dela du lot n° 1 devait faire l'objet d'une cession gratuite à la commune ou être soumise à une servitude de passage public ; que s'estimant enclavé du fait de la construction du lotissement, M. X..., propriétaire d'une parcelle de la pointe de la presqu'île a assigné l'association syndicale pour voir reconnaître la servitude légale de passage s'exerçant sur la voie cadastrée AZ 193 joignant le lotissement à la voirie publique ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que l'article 10 de l'arrêté préfectoral autorisant le lotissement en cause prévoyait que le lotisseur devrait impérativement se conformer aux prescriptions formulées par le service maritime, aux termes desquelles la voirie d'accès vers la pointe ferait l'objet d'une cession gratuite à la commune ou serait soumise à une servitude de passage public, la cour d'appel, qui a constaté qu'aucune preuve d'une rétrocession à la commune n'était apportée, en a déduit à bon droit, abstraction faite d'un motif erroné, mais surabondant, relatif à l'existence d'une voie ouverte à la circulation publique, que l'arrêté avait eu pour effet d'affecter la voie cadastrée AZ193 à l'usage public, et que M. X... était libre de l'emprunter avec son véhicule pour accéder à sa parcelle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association syndicale libre du domaine du Levant aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association syndicale libre du domaine du Levant à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de l'association syndicale libre du domaine du Levant ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour l'association syndicale libre du domaine du Levant.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la voie traversant le lotissement du Domaine du Levant, cadastrée AZ n° 193, est ouverte à la circulation publique, de sorte que Monsieur Franck X... est en droit de l'emprunter librement ;
AUX MOTIFS QUE M. X... produit aux débats le projet du lotissement déposé devant notaire, le 11 juillet 1988, qui comprend l'arrêté du préfet en date du 27 février 1987 autorisant le lotissement par la Société Lestina NV d'un terrain sis à Saint-Barthélemy ; que cet arrêté prévoit, en son article 10, que les prescriptions imposées à la réalisation de ce lotissement sont les suivantes: (...) « l'attention du pétitionnaire est attirée sur la nécessité de respecter les prescriptions formulées par (...)le Service maritime figurant en annexe et auxquelles il devra impérativement se conformer. » ; que ce document annexé impose des prescriptions pour l'accès au public de la plage, la création d'un parking public à proximité de celle-ci, laquelle fait partie du domaine public, un accès piétonnier le long du rivage et dispose : « L'accès à la plage publique, les parkings publics, la voirie d'accès vers la pointe au-delà du lot n°1 doivent faire l'objet d'une cession gratuite à la commune ou être soumise à une servitude de passage publique. » ; qu'il résulte de l'acte du 11 juillet 1988 que le lot n° 1 est la parcelle n°182, parcelle limitrophe de la parcelle AZ 69, propriété de M. X... ; que cette dernière prescription se comprend aisément, car le plan cadastral révèle que le lotissement est situé sur un cap et le barre en toute sa largueur, de sorte que, sauf à passer par la mer, l'accès aux parcelles au-delà du lotissement, aux places et au rivage du domaine public maritime ne peut se faire que par la voie intégrée ou créée par le lotissement, à savoir la parcelle AZ 183 (lire « AZ 193 ») ; qu'en application de cette disposition, aucune preuve de la rétrocession de la voie à la commune n'étant apportée, il convient de juger, qu'a minima, la voie cadastrée AZ n°183 (lire « AZ n° 193 »), est affectée à l'usage public et ouverte à la circulation publique, de sorte quelle peut être empruntée librement par tous et notamment par M. Y... lire « M. X... » , dont la parcelle n'est desservie que par cette voie, lequel est libre de l'emprunter avec son véhicule ; que le jugement entrepris sera, donc, infirmé en toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QUE tout ce qui concerne les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale est déterminé par des lois ou des règlements particuliers ; que l'autorité administrative est seule compétente pour fixer les règles et servitudes d'intérêt général lors de la division d'un fonds en vue de la création d'un lotissement ; qu'en décidant que la voie traversant le lotissement du Domaine du Levant, cadastrée AZ n° 193, était ouverte au public, après avoir pourtant constaté que l'article 10 de l'arrêté préfectoral du 27 février 1987, autorisant la création du lotissement du Domaine du Levant, dispose que le pétitionnaire devra se conformer aux prescriptions formulées par le Service Maritime et, notamment, que la voirie d'accès au-delà du lot n° 1 devra soit faire l'objet d'une cession gratuite à la commune, soit être soumise à une servitude de passage publique, mais qu'aucune de ces prescriptions n'avait été mise en oeuvre ni même adoptée, ce dont il résultait que l'autorité préfectorale était seule compétente pour décider que la voie cadastrée AZ n° 193 constituait une servitude de passage publique et en fixer l'assiette, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation l'article 650 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'en déduisant des prescriptions formulées par le Service Maritime, annexées à l'arrêté préfectoral du 27 février 1987 autorisant la création du lotissement du Domaine du Levant, que la voie cadastrée AZ n° 193 constituait une voie privée ouverte à la circulation publique, bien que lesdites prescriptions n'aient fait aucune référence à l'existence d'une voie privée affectée à la circulation publique, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision de porter atteinte au droit de propriété des colotis, en violation de l'article 544 du Code civil ;
3°) ALORS QUE l'ouverture d'une voie privée à la circulation publique ne peut résulter que de la volonté exclusive de son propriétaire d'en accepter l'usage public et de renoncer, par là même, expressément ou tacitement, à son usage purement privé ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que la voie cadastrée AZ n° 193 constituait une voie privée ouverte à la circulation publique, que l'article 10 de l'arrêté préfectoral du 27 février 1987, autorisant la création du lotissement du Domaine du Levant, dispose que le pétitionnaire devra se conformer aux prescriptions formulées par le Service Maritime et, notamment, que la voirie d'accès au-delà du lot n° 1 devra faire l'objet d'une cession gratuite à la commune ou être soumise à une servitude de passage publique, sans avoir constaté que les propriétaires de ladite voie en avaient expressément ou tacitement accepté l'usage public, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil ;
4°) ALORS QUE l'ouverture d'une voie privée à la circulation publique n'en modifie pas le caractère ; qu'à défaut de servitude, le propriétaire d'une voie privée peut à tout moment interdire à quiconque tout droit de passage ou d'accès à cette voie ; qu'en jugeant néanmoins que la voie traversant le Domaine du Levant, cadastrée AZ 193, était ouverte à la circulation publique, tandis qu'une telle voie, dès lors qu'elle n'avait pas été classée dans le domaine public communal ou grevé d'une servitude, restait la propriété des colotis qui étaient en droit d'en interdire à tout moment l'accès, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 544 du Code civil.