Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Air France,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 13 septembre 2011, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 45 000 euros d'amende, a ordonné une mesure d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 février 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, M. Finidori, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de Me LE PRADO, de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ et de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 22 novembre 2006, vers 23 heures, sur la zone avion de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, M. Laurent X..., salarié de la société Air France, qui participait aux opérations de chargement de fret et de bagages ainsi qu'à l'avitaillement en carburant d'un vol de nuit de cette compagnie, a été heurté et grièvement blessé lors d'une manoeuvre en marche arrière d'un tracteur de manutention conduit par M. Olivier Y..., également salarié de la société Air France ; qu'à la suite de ces faits, M. Y..., la société Air France et la société Aéroports de Paris ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois et, en ce qui concerne les deux sociétés, également sous la prévention de mise en danger d'autrui ; que, par jugement du 9 décembre 2009, le tribunal a déclaré M. Y... et la société Air France coupables de blessures involontaires, a relaxé la société Air France du chef de mise en danger d'autrui, a renvoyé la société Aéroports de Paris des fins de la poursuite, et, sur l'action civile, a débouté M. X... de ses demandes d'expertise et de provision, au motif que le tribunal des affaires de sécurité sociale était seul compétent pour en connaître ; que la société Air France, le ministère public et la partie civile ont interjeté appel du jugement ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2, 222-21 du code pénal, R. 4223-1, R. 4223-4, R. 4324-42 et R. 4324-23 du code du travail, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Air France coupable du délit de blessures involontaires et l'a condamnée à une amende de 45 000 euros d'amende et à une peine complémentaire d'affichage ;
" aux motifs que « le tribunal a exactement et complètement rapporté la procédure, la prévention et les faits de la cause dans un exposé auquel la Cour se réfère ici expressément ; qu'il y a lieu pour la Cour de retenir aujourd'hui utilement de ce rapport, et plus généralement de l'ensemble du dossier de l'enquête diligentée, quant aux circonstances de l'espèce de première part que l'accident du 22/ 11/ 2006 s'est produit à l'aéroport Charles de Gaulle 2 à Roissy, sur les installations aéroportuaires de la société Aéroports de Paris mises à la disposition de la société Air France (comme de toute compagnie aérienne y assurant des liaisons aériennes) pour les besoins de son activité ; que précisément, le 22/ 11/ 2006, de nuit à 23 heures 00, par temps légèrement pluvieux, avec un sol mouillé, il s'agissait de l'aire de stationnement E 13, du terminal E2, désignée comme zone d'évolution contrôlée (ZEC) sur laquelle se trouvait un aéronef de la société Air France, de type Boeing 777, n° de vol AF-418, en partance pour buenos Aires, pour qu'y soient effectuées les opérations de chargement du fret et des bagages, en même temps que d'avitaillement en carburant et autres vérifications techniques préparatoires au vol ; Que l'ensemble de ces interventions étaient réalisées par des personnels de la société Air France, à savoir, outre M. Olivier Y..., agent de service avion conduisant un tracteur de manutention, dit " charlatte " de marque Tracma, fabriqué en 1991, et M, Laurent X..., responsable de zone avion (ou RZA), en charge de la coordination des différents intervenants, et précisément occupé à transmettre des informations relatives au chargement de l'avion par son ordinateur portable, dit " nomade ", au centre de chargement centralisé d'Air France (CLD), MM. Z... et H..., deux manutentionnaires, M. A..., employé à faire le plein de kérosène de l'avion, et M. B..., qualifié de " poly " chargé de guider les autres présents ; qu'ainsi, à la suite des constatations pertinentes du tribunal pour relever qu'une telle ZEC constituait pour la société Air France, lors des escales de ses appareils, une zone homogène de travail, où s'effectuait de manière permanente, les opérations d'assistance nécessaire avec des équipes composées uniquement de ses salariés, il doit être observé que sur cette ZEC la société Air France exerçait une autorité propre et exclusive pour l'organisation du travail à y effectuer à son seul profit ; Qu'il peut d'ailleurs, par exemple, être constaté que la société Air France a édicté elle-même les règles de sécurité et circulation applicables sur les ZEC par ses agents ; qu'il y a donc lieu pour la Cour, en l'état du dossier soumis à son appréciation, du jugement déféré dans ses constatations et énonciations venant à l'appui de ses dispositions non frappées d'appel, et des débats d'audience, de tenir pour constant de première part que M. Laurent X... avait été amené à se positionner à l'extrémité de l'aile droite de l'avion (dans son sens de marche), sous laquelle ne s'effectuait pas ravitaillement en carburant, pour disposer d'une luminosité satisfaisante à la consultation et utilisation de son appareil " nomade ", à la pleine connaissance de M. Olivier Y... avant d'entreprendre de manoeuvrer son Tracma ; Qu'il est tout aussi constant de deuxième part, sur la base des déclarations non discutées de ce dernier aux enquêteurs, que c'est pour exécuter une consigne reçue de M. B...d'aller chercher un chariot de bagages que M. Olivier Y... a entrepris une marche arrière, de fait sur une " longue " distance (prévue sur environ 40 mètres), sans être guidé, sans autre élément de visibilité pour se diriger que la vitre arrière alors embuée de son engin, lequel ne disposait d'aucun équipement complémentaire spécifique visuel et/ ou sonore, tel que feu de recul ou gyrophare, pour assurer la visibilité de ses mouvements ; Qu'il doit être alors observé que n'ont pas été davantage contredites, en tout cas objectivement, les indications de M. Olivier Y... à la fois pour faire état d'une pratique usuelle et connue de manoeuvres par marche arrière au sein de la ZEC, de l'habitude, aussi connue, pour lui et les conducteurs de " charlatte " de manoeuvrer " quelque peu à l'aveugle " en cas d'embuage du véhicule, et encore des conditions objectives d'occupation au sol des uns et des autres autour de l'avion l'ayant amené à procéder de la sorte ce jour là ; qu'il n'est pas davantage discuté, et en tout cas discutable, que l'accident s'est produit parce que M. Olivier Y... pour sa part n'a pas disposé d'une visibilité suffisante pour surveiller après son démarrage un éventuel changement de position de M. Laurent X..., et parce que celui-ci n'a pu avoir son attention suffisamment éveillé par la progression de la " charlatte " vers lui ; Considérant dès lors quant à l'infraction reprochée devant la Cour à la société Air France, comme personne morale, dans les termes de l'article 222-1 9 alinéal du code pénal, de blessures involontaires, suivies d'une incapacité totale de travail de plus de 3 mois sur la personne de M. Laurent X..., par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi, qu'il y a lieu, avec les premiers juges, de retenir à l'encontre de celle-ci que le matériel mis à la disposition de M. Olivier Y..., comme ci-dessus rappelé, n'était pas conforme aux prescriptions réglementaires de l'article R 4324-42 (R 233-38 ancien) du code du travail, faute d'être équipé d'un phare de recul avec signal sonore et/ ou d'un gyrophare aussi sonorisé ; Qu'il doit en effet être pareillement retenu qu'il appartient à la société Air France, entant qu'employeur, pour une bonne exécution de son obligation générale d'assurer en toutes circonstances la sécurité de ses salariés, de veiller, en considération de la réalité des conditions de travail de ceux-ci, à l'adaptation continue de ses matériels, quelle que soit leur date d'acquisition, au regard de l'évolution des normes applicables, par ses moyens propres ou en faisant appel à ses fournisseurs ; qu'il ne peut qu'être observé que la société Air France n'a fait état de ce chef d'aucune impossibilité technique ou autre à procéder ainsi ; qu'il y a donc lieu de juger qu'en l'espèce il y a bien eu de la part de la société Air France négligence et manquement au respect de son obligation légale de sécurité, lesquels ont été en relation causale directe avec l'accident, et permettent à suffisance d'entrer en voie de condamnation à son égard, sans avoir à examiner plus avant les autres manquements allégués à la prévention ; Que c'est valablement que la société Air France se trouve ainsi pénalement recherchée comme personne morale au sens de l'article 121-2 du code pénal, dès lors qu'il peut être vérifié qu'ont été entendus par les enquêteurs son directeur juridique et social, M. Franck C..., et son directeur de l'exploitation CDG, M. Michel D..., dont la qualité pour chacun de responsable fonctionnel de la société Air France à cet effet est certaine, et de plus de responsable compétent au regard des faits reprochés pour avoir été au cours de l'enquête les interlocuteurs de l'inspection du travail notamment pour discuter en connaissance de cause de la question de la conformité du tracteur Tracma (ou " charlatte ") quant aux règles de sécurité, à la date des faits reprochés et ultérieurement ; qu'au regard de ces circonstances et eu égard à la qualité de la société Air France, il apparaît approprié et nécessaire de prononcer, par voie de réformation, une peine d'amende portée à 45000 euros, et d'ordonner de plus à titre de peine complémentaire l'affichage du dispositif de la présente décision relatif à l'action publique aux portes des locaux d'accès du personnel de la société Air France du terminal E2 de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle à leur lieu de travail, pour une durée d'1 mois, dans les conditions de l'article 131-35 du code pénal » ;
" et aux motifs adoptés que sur la culpabilité d'Air France ; dans son audition devant les services de la Gendarmerie Nationale, M. D..., directeur d'exploitation sol de la compagnie Air France a précisé que selon lui l'éclairement de la ZEC relevait de la responsabilité d'Aéroports de Paris. M. C..., directeur juridique et Social, a indiqué que la zone susvisée n'était pas soumise aux prescriptions définies par le code du travail mais aux normes élaborées par la DGAC. D'autre part, il soulignait qu'aucun travail permanent ne s'effectuait sur ladite zone. M F..., chargé de l'acquisition du matériel, soulignait que le Tex avait été acheté à la société TLD qui avait garanti la conformité de l'engin de piste lors de l'achat. M G..., responsable qualité du groupe TLD, indiquait que l'obligation d'installer des feux de recul et des rétroviseurs ne s'imposait pas aux constructeur pour les Tracma mis en service avant la parution du décret n° 98-1084. A l'audience, la société Air France fait valoir que le Tex 15 utilisé par M Y... était conforme, qu'elle disposait d'ailleurs du certificat de conformité remis lors de l'achat de l'engin. Elle a ajouté que les points de non conformité relevés par l'organisme NORISKO étaient sans lien avec l'accident. D'autre part, elle faisait valoir que l'éclairage de la ZEC était conforme à la réglementation en vigueur. Sur la conformité du matériel utilisé ; qu'il résulte du rapport NORISKO que ledit équipement de travail est non conforme aux dispositions qui lui sont applicables ; que la non conformité est notamment liée au " défaut de feux de reçut du tracteur permettant un éclairement suffisant de la zone de circulation arrière pendant les déplacements nocturnes en marche arrière " ; en effet, l'article R233-38 (R4324-42 du code du travail dans sa nouvelle codification) n'a pas été respecté. Il est applicable depuis le 02 décembre 1998. Il prévoit que les équipements de travail mobiles automoteurs doivent être munis de dispositifs auxiliaires améliorant la visibilité ; qu'en outre, il appartenait à la société Air France de mettre en conformité ses équipements en vertu de l'article R233-38 du code du travail. Depuis 2003, elle a équipé ses tracteurs de feux de recul ; que cette obligation pèse sur l'entreprise utilisatrice en vertu du même article R233-38 (article 3 du décret n° 98-1 084) ; ainsi, en fournissant à son salarié un matériel non conforme alors qu'elle avait eu connaissance des problèmes de buée sur les vitres du Tex (CHSCT du 13 décembre 2005) la société Air France a mis à disposition de son salarié un outil dangereux et inadapté à la mission confiée au salarié ; Sur le niveau d'éclairement de la ZEC ; que la société Air France fait valoir que la ZEC était une zone de circulation en espace extérieur au sens du code du travail, que la valeur minimale d'éclairement serait fixée à 10 lux, que dès lors elle aurait satisfait à son obligation, le rapport APAVE mentionnant qu'à l'emplacement de l'accident, le niveau moyen d'éclairement était de 25 lux ; que toutefois, il convient de remarquer ainsi que l'affirme ajuste titre la société Air France que les normes ITAC ne sont pas contradictoires avec les dispositions de l'article R232-7-2 du code du travail ; qu'en effet, les mesures d'éclairement indiquées dans le tableau du code du travail sont des valeurs minimales qui doivent être respectées à tout moment, en tout point du lieu concerné ; que la ZEC contrairement à ce qu'affirmé Air France n'est pas une zone de circulation extérieure mais une zone homogène de travail de 7, 50 mètres tout autour de l'avion où sont effectuées, non de manière occasionnelle mais de manière permanente, les opérations d'assistance en escale d'aéronefs, par plusieurs équipes, lesquelles ne comprenaient que des salariés d'Air France, d'ailleurs, Aéroports de Paris a confirmé que les nonnes ITAC préconisaient un éclairage vertical de 40 lux sur les ZEC. Aussi, la société Air France, en application de l'article R. 233-22 (R4329-23 du code du travail dans sa nouvelle codification) devait pour le travail de nuit mettre en oeuvre des moyens complémentaires d'éclairage sachant que la zone El3 avait pour vocation d'accueillir des avions long courrier. II peut d'ailleurs s'agir d'installations mobiles. Aucune demande n'a été effectuée auprès de Aéroports de Paris par Air France. Ainsi, le non respect des dispositions des articles R. 238-38 et R. 233-23 est en relation causale avec l'accident dont a été victime M X... ; qu'il y a donc lieu de condamner la société Air France du chef de blessures involontaires ; qu'en revanche, l'infraction de mise en danger est insuffisamment caractérisée tant dans son élément matériel qu'intentionnel ;
" 1°) alors que la méconnaissance d'une obligation de sécurité réglementaire ne peut être imputée qu'à celui à qui cette obligation incombe ; qu'en déclarant la société Air France coupable du délit de blessures involontaires par manquement à une obligation de sécurité réglementaire relative à l'éclairage de la zone de l'accident, aux motifs inopérants que la société Air France exerçait sur cette zone une autorité propre et exclusive pour l'organisation du travail à y effectuer, sans rechercher si l'éclairage de cette zone, indépendante de l'organisation du travail, n'incombait pas exclusivement au gestionnaire de l'aéroport, à savoir Aéroports de Paris, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
" 2°) alors que la valeur minimale d'éclairement dans les zones et voies de circulation extérieures est de 10 lux et de 40 lux dans les espaces extérieurs où sont accomplis des travaux permanents ; que la cour d'appel a relevé que le niveau moyen d'éclairement de la zone de l'accident était de 25 lux ; qu'en considérant que la société Air France était coupable de blessures involontaires par méconnaissance d'une disposition réglementaire de sécurité relative à l'éclairage de l'emplacement de l'accident, sans rechercher si cette zone n'était pas située en dehors de tout poste de travail, ce qui excluait la qualification d'espace extérieur où sont accomplis des travaux permanents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
" 3°) alors que, les équipements de travail mobile automoteurs utilisés de nuit doivent être munis d'un dispositif d'éclairage adapté au travail à réaliser, sans qu'il ne soit imposé qu'ils soient dotés de feux arrière ; qu'en énonçant, pour considérer que la société Air France était coupable de blessures involontaires par méconnaissance d'une disposition réglementaire de sécurité, que le tracma conduit par M. Y... ne disposait pas d'équipement complémentaire spécifique visuel et/ ou sonore tel que feu de recul ou gyrophare pour assurer la visibilité de ses mouvements, la cour d'appel a ajouté une condition au règlement, et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;
" 4°) alors que, la réglementation du travail n'impose pas la mise en place d'un dispositif sonore sur les équipements mobiles ; qu'en énonçant, pour considérer que la société Air France était coupable de blessures involontaires par méconnaissance d'une disposition réglementaire de sécurité, que « le matériel mis à la disposition de M. Olivier Y... n'était pas conforme aux prescriptions réglementaires de l'article R. 4324-42 du code du travail, faute d'être équipé d'un phare de recul avec signal sonore et/ ou d'un gyrophare aussi sonorisé », la cour d'appel a méconnu les dispositions sus-visées ;
" 5°) alors que, la faute d'un tiers exonère le prévenu du délit de blessures involontaires lorsqu'elle est la cause exclusive des dommages ; qu'en s'abstenant de rechercher si le défaut de feu arrière sur le véhicule conduit par M. Y... n'était pas sans lien de causalité avec les dommages et si l'accident n'avait pas été exclusivement causé par le comportement dangereux de M. Y..., qui avait désobéi aux consignes de la société Air France quant à la conduite du véhicule, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées " ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré la société Air France coupable du délit de blessures involontaires, l'arrêt énonce par motifs propres et adoptés que la " zone d'évolution contrôlée " dans laquelle l'accident s'est produit constitue pour la société Air France, lors des escales de ses appareils, une zone homogène de travail, où s'effectuent de manière permanente les opérations d'assistance avec des équipes composées uniquement de ses salariés et sur laquelle elle exerce une autorité propre et exclusive pour l'organisation du travail à y effectuer à son seul profit ; que les juges retiennent que, dans cette zone où le niveau d'éclairement était insuffisamment adapté à la nature des travaux à exécuter, M. Y... a effectué avec son tracteur une manoeuvre en marche arrière sur environ quarante mètres, sans être guidé et sans autre élément de visibilité pour se diriger que la vitre arrière de son engin, lequel ne disposait d'aucun équipement complémentaire spécifique visuel et/ ou sonore, tel qu'un feu de recul ou un gyrophare, en violation des prescriptions de l'article R. 4324-42 du code du travail, ce qui aurait permis à M. X... d'avoir son attention attirée par la progression du tracteur dans sa direction ; qu'ils ajoutent qu'il appartenait à la société Air France, en tant qu'employeur, pour une bonne exécution de son obligation générale d'assurer en toutes circonstances la sécurité de ses salariés, de veiller, en considération de la réalité des conditions de travail de ceux-ci, à l'adaptation continue de ses matériels, quelle que soit leur date d'acquisition, au regard de l'évolution des normes applicables ; qu'ils en concluent qu'il y a bien eu ainsi de la part de la société Air France négligence et manquement au respect de son obligation légale de sécurité, lesquels ont été en relation causale avec l'accident ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent le lien de causalité certain entre les fautes reprochées à la prévenue et les blessures occasionnées à la victime, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 142-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 454-1 du code de la sécurité sociale, 2, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le juge répressif compétent pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts de M. X... formées à l'encontre de M. Y... et dit en conséquence que la société Air France devait prendre en charge toute condamnation pécuniaire indemnitaire qui sera mise à la charge de M. Y...,
Aux motifs que « au fond, il y a lieu aujourd'hui de statuer sur ses mérites compte tenu d'une part que son action à l'égard de M. Olivier Y..., qui n'a pas la qualité d'employeur, ne relève pas du TASS mais du juge correctionnel et que d'autre part le tribunal des Affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine, par jugement du 24 janvier 2011, dans le cadre de la reconnaissance d'une faute inexcusable de la société Air France à l'origine de son accident du 22 novembre 2006, a ordonné à son profit et à l'égard de cette seule société, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, une expertise médicale en vue de déterminer ses préjudices patrimoniaux permanents après consolidation et ses préjudices extra patrimoniaux après consolidation en lui allouant aussi avec le bénéfice de l'exécution provisoire une provision indemnitaire de 10 000 euros » ;
" alors qu'aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut être exercée devant les juridictions répressives par la victime contre l'employeur ou ses préposés ; qu'en énonçant, pour se déclarer compétente pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts formées par M. X... à l'encontre de M. Y... tout en relevant que ce dernier avait été victime d'un accident du travail que M. Y... n'avait pas la qualité d'employeur, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées " ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1384 du code civil, 2, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que la société Air France doit prendre en charge toute condamnation pécuniaire indemnitaire qui sera mise à la charge de M. Y... ;
" aux motifs que pour ce qui concerne les prétentions de M. Laurent X... à l'encontre de M. Olivier Y... et de la société Air France, qu'en l'état des culpabilités, acquise pour M. Olivier Y... et confirmée pour la société Air France, la recevabilité de principe de la constitution de partie civile de M. Laurent X... doit être confirmée ; qu'il convient alors d'observer qu'il s'en déduit nécessairement que M. Olivier Y... et la société Air France doivent assumer la responsabilité des conséquences dommageables causées par les infractions ainsi imputées ; qu'à cet effet, M. Laurent X... ayant recherché autant l'un que l'autre, M. Olivier Y... est recevable et fondé en l'espèce au regard des circonstances de l'accident examinées ci-dessus, à demander la prise en charge par la société Air France de toute condamnation pécuniaire indemnitaire qui serait mise à sa charge, et ce par application des dispositions de l'article 1384 alinéa 4 du code civil, au demeurant sans discussion de cette prétention par la société Air France ;
" alors que, le civilement responsable ne saurait être tenu à garantir son préposé des condamnations prononcées contre lui ; qu'en mettant à la charge de la société Air France, civilement responsable, toute condamnation pécuniaire indemnitaire qui serait mise à la charge de son salarié, sur le fondement de l'article 1384 du code civil, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que, selon ledit article, qui est d'ordre public, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée, conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur ou ses préposés ;
Attendu qu'après avoir déclaré recevable la constitution de partie civile de M. X..., victime de l'accident du travail, l'arrêt, infirmant le jugement en ce qu'il l'avait débouté de ses demandes à l'encontre de M. Y..., a ordonné une expertise médicale et dit que la société Air France devra prendre en charge toute condamnation pécuniaire mise à la charge de ce dernier ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'auteur de l'accident du travail était le préposé de l'employeur de la victime, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 13 septembre 2011, en ses seules dispositions ayant statué sur la demande en réparation de M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à faire application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze avril deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.