LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Crédit industriel et commercial (la banque) a consenti trois prêts à la SCI Noir d'ivoire dont Mme X... s'est portée caution solidaire ; qu'en raison de la défaillance du débiteur principal, la banque a prononcé la déchéance du terme pour chacun des prêts et mis la caution en demeure d'exécuter ses engagements par lettre recommandée du 10 avril 2002, puis l'a assignée en paiement ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des cautionnements et de la condamner à payer diverses sommes à la banque, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, la personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution au titre d'un crédit à la consommation ou d'un prêt immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d'une mention écrite de sa main telle que visée au texte ; que de même, au titre de l'article L. 313-8, la validité du cautionnement solidaire est subordonnée à la rédaction d'une mention manuscrite par laquelle la caution reconnaît renoncer à son bénéfice de discussion ; qu'en l'espèce, il a été constaté par les juges eux-mêmes que les mentions manuscrites figurant dans les actes de cautionnements solidaires souscrits par Mme X... n'avaient pas été écrites de sa main ; qu'en refusant néanmoins d'annuler ces cautionnements au prétexte qu'ils étaient antérieurs à l'introduction des articles L. 341-2 et L. 341-3 dans le code de la consommation, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé les articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 ;
2°/ que même à faire abstraction de la nullité des cautionnements, l'absence de mention écrite par la caution des sommes pour lesquelles elle s'engage ne peut être dépassée par la production d'éléments de preuve complémentaires que pour autant que ceux-ci ont trait, non seulement à l'existence de l'engagement, mais également à son étendue ; qu'en l'espèce, pour compléter le commencement de preuve par écrit constitué par l'acte de cautionnement sur lequel figurait une mention écrite par la main d'un tiers, les juges du fond se sont appuyés sur le fait que Mme X... avait apposé sa signature sur les actes de prêts et qu'elle en avait accusé réception ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de leurs propres constatations que les actes de prêts indiquaient des montants différents de ceux que Mme X... aurait accepté de garantir en qualité de caution, les juges du fond ont également violé les articles 1326, 1347 et 2292, anciennement 2015, du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que Mme X... n'a pas soutenu dans ses conclusions d'appel, que son cautionnement était nul en application des articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 1993 ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé que, si les mentions manuscrites portées sur les actes de cautionnement n'étaient pas de la main de Mme X..., la signature apposée était bien la sienne, de sorte que ces actes constituaient des commencements de preuve par écrit, que la caution avait signé les conditions particulières de deux prêts et, en cette qualité expressément rappelée, accusé réception des documents contractuels afférents aux trois prêts, la cour d'appel a pu en déduire que ces pièces constituaient des éléments extrinsèques aux actes de cautionnement complétant leur valeur probante, tant sur leur existence que sur leur étendue ;
D'où il suit que le moyen, fût-il d'ordre public en sa première branche, est nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable, et n'est pas fondé en sa seconde branche ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est recevable :
Vu l'article 1153 du code civil, ensemble l'article L. 341-6 du code de la consommation ;
Attendu que, pour dire que la banque est déchue de tout droit aux intérêts sur le prêt consenti le 14 décembre 2000, l'arrêt retient que celle-ci n'a jamais satisfait aux obligations d'information annuelle des cautions ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si, pour le prêteur, la méconnaissance de l'obligation prévue par l'article L. 341-6 du code de la consommation peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts au taux conventionnel, la caution reste néanmoins tenue aux intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés, par refus d'application et le second, par fausse application ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la banque est déchue de tout droit à intérêts pour le prêt consenti le 14 décembre 2000, l'arrêt rendu le 7 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la somme de 11 686, 21 euros, due au titre du prêt consenti le 14 décembre 2000, porte intérêt au taux légal à compter du 10 avril 2002 ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit n'y avoir lieu à annuler les cautionnements solidaires souscrits par Mme Nicole Y..., épouse X..., et l'a condamnée au paiement de diverses sommes au profit de la société CIC ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « par d'exacts motifs que la cour adopte, les premiers juges ont, pour condamner Mme X... au paiement de 20 % de la créance du CIC, pertinemment relevé que les mentions manuscrites figurant sur les trois cautionnements litigieux n'étaient pas de la main de Mme X..., mais que la signature était authentique, de sorte que ces actes valaient commencements de preuve par écrit de l'existence et de l'étendue des engagements de la caution, complétés par les actes de prêt des 27 octobre et 22 novembre 2000 dont elle a signé les conditions particulières rappelant les modalités du crédit et sa qualité de caution, ainsi que l'accusé de réception du prêt du 14 décembre 2000 par lequel elle reconnaissait avoir pris connaissance des conditions du crédit, et que la banque a manqué à l'égard de Mme X..., caution non avertie, à son devoir de mise en garde sur les risques nés de l'endettement et de la défaillance de l'emprunteur, ce dont il est résulté une perte de chance de ne pas s'engager quantifiée à 80 % ; que les allégations de Mme X... relativement à la participation consciente, sinon délibérée, du CIC à une escroquerie perpétrée par le vendeur des immeubles relèvent de la pure conjecture et ne sont nullement étayées par des éléments de preuve convaincants ; qu'elle ne saurait donc obtenir sur ce fondement, ni l'annulation des cautionnements litigieux, ni des dommages-intérêts équivalents au montant de la créance de la banque ; qu'en revanche, la cour a procédé à une vérification d'écriture qui, après rapprochement des trois cautionnements litigieux et de la pièce de comparaison produite, la conduit à constater, à l'instar des premiers juges, que les mentions manuscrites figurant sur ces actes des 5 octobre, 12 octobre et 5 novembre 2000 ne sont pas de la main de Mme X... ; que cependant, étant rappelé que les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation issus de la loi du 1er août 2003 ne sont pas applicables à la cause, et étant constant que la signature apposée sur ces actes est bien celle de Mme X..., il convient de les retenir comme commencements de preuve par écrit, l'omission des formalités de l'article 1326 du code civil étant sans effet sur la validité des engagements de la caution ; que contrairement à ce que Mme X... soutient, l'absence des mentions manuscrites prévues par l'article 1326 ne prive par ailleurs pas les actes litigieux de toute valeur probante, le montant garanti et l'indication qu'il inclut le principal ainsi que les intérêts, commissions, frais et accessoires figurant dans le corps de l'acte approuvé par la signature authentique de la caution ; qu'or, ainsi que le tribunal de grande instance l'a souligné, Mme X... a signé les conditions particulières des prêts des 27 octobre et 22 novembre 2000 avec leur tableau d'amortissement et, en sa qualité expressément rappelée de caution, elle a accusé réception les 24 octobre et 6 novembre 2000 des documents contractuels afférents à ces prêts en reconnaissant en avoir pris connaissance et en conserver un exemplaire ; qu'elle a de même accusé réception le 8 décembre 2000 des documents contractuels afférents au prêt du 14 décembre 2000 en reconnaissant en avoir pris connaissance et en conserver un exemplaire ; qu'elle laisse entendre qu'elle n'a en réalité accusé réception des contrats de prêt que le jour de leur signature, mais elle a pourtant expressément lu et approuvé les mentions de ce document indiquant de façon lisible les dates de réception par voie postale et de prise de connaissance des documents contractuels portées au-dessus de sa signature ; que ces pièces constituent en conséquence des éléments extrinsèques aux actes de cautionnement complétant la valeur probante de ceux-ci tant sur l'existence des cautionnements que sur leur étendue » (arrêt, p. 4) ;
ET AUX MOTIFS EXPRESSÉMENT ADOPTÉS QU'« il est constant en jurisprudence que l'acte de cautionnement dépourvu de mention manuscrite ou comportant une mention insuffisante n'est pas nul mais seulement dépourvu de force probante ; qu'il constitue en outre un commencement de preuve par écrit dès lors qu'il est signé par la caution ; qu'il est constant et non contesté que la pièce n° 8 produite par Nicole X... correspond à son écriture ; qu'il est manifeste que cette écriture est distincte de celles qui apparaissent sur les trois actes litigieux ; qu'ainsi, les mentions manuscrites précisant le montant et la durée de chaque cautionnement n'ont pas été rédigées par Nicole X... ; qu'il en est de même des mentions " Bon pour accord pour le présent cautionnement " ; que cependant, les trois actes litigieux signés par elle rendent vraisemblable son engagement de caution au regard des mentions pré imprimées qu'ils contiennent (cf. pièces n° 3, 5 et 7) et constituent donc des commencements de preuve par écrit pouvant être complétés par des éléments extrinsèques y compris postérieurs ; qu'il est constant en jurisprudence que ces éléments extrinsèques peuvent être recherchés dans l'acte de prêt cautionné ainsi que dans l'aveu implicite de la caution ou le caractère tardif de l'invocation après d'autres arguments de celui fondé sur l'article 1326 du code civil ; que Nicole X... a signé les conditions particulières des prêts des 27 octobre et 22 novembre 2000 qui rappellent non seulement les modalités, mais aussi sa qualité de caution solidaire (pièces n° 2 et 4) ; que s'agissant du prêt du 14 décembre 2000, il n'apparaît pas qu'elle a signé les conditions particulières ; que cependant, elle a signé " l'accusé réception " relatif à ce prêt qui porte la mention " ACCEPTATION DE LA CAUTION " ; qu'en outre, ce document stipule que l'intéressée reconnaît avoir lu et accepté les conditions générales, les conditions particulières, les tableaux d'amortissement et annexes contenues dans l'envoi postal de l'offre de prêt qui font référence à sa qualité de caution solidaire ; qu'enfin, elle a signé chacune des pages du tableau d'amortissement ; que la signature par Nicole X... de ce document fait nécessairement présumer que les conditions générales, particulières et annexes lui ont été adressés ; que par ailleurs, malgré les multiples mises en demeure qui lui ont été adressées en qualité de caution, Nicole X... n'a jamais écrit au CIC pour le contester ou interroger la banque ; que surtout, comme le relève le demandeur, aux termes de ses premières écritures et après communication des pièces dont les cautionnements litigieux, Nicole X... n'a pas contesté ses engagements indiquant que les trois prêts étaient bien garantis par son cautionnement à concurrence de 720 000 francs, 1 200 000 francs et 480 000 francs, ajoutant même qu'au moment de la cession des parts sociales de la SCI aucune substitution de caution n'avait été stipulée ; que si Nicole X... n'avait pas eu conscience de s'être engagée comme caution, elle n'aurait pas manqué de le signaler dès ses premières écritures ; qu'or ce n'est que dans ses conclusions postérieures soit environ 14 mois après communication des actes de cautionnement qu'elle indique qu'elle " a effectué des recherches approfondies concernant ces engagements dans la mesure où elle n'avait pas connaissance de s'être portée caution du CIC " ; que ces éléments extrinsèques complètent les commencements de preuve par écrit constitués par les actes de cautionnement qu'elle a signés de telle sorte que la preuve de son engagement de caution est rapportée dans les termes de ces différents actes » (jugement, p. 3-4) ;
ALORS QUE, premièrement, aux termes de l'article L. 313-7 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, la personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution au titre d'un crédit à la consommation ou d'un prêt immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d'une mention écrite de sa main telle que visée au texte ; que de même, au titre de l'article L. 313-8, la validité du cautionnement solidaire est subordonnée à la rédaction d'une mention manuscrite par laquelle la caution reconnaît renoncer à son bénéfice de discussion ; qu'en l'espèce, il a été constaté par les juges eux-mêmes que les mentions manuscrites figurant dans les actes de cautionnements solidaires souscrits par Madame X... n'avaient pas été écrites de sa main (arrêt, p. 5, in medio) ; qu'en refusant néanmoins d'annuler ces cautionnements au prétexte qu'ils étaient antérieurs à l'introduction des articles L. 341-2 et L. 341-3 dans le code de la consommation, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé les articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, même à faire abstraction de la nullité des cautionnements, l'absence de mention écrite par la caution des sommes pour lesquelles elle s'engage ne peut être dépassée par la production d'éléments de preuve complémentaires que pour autant que ceux-ci ont trait, non seulement à l'existence de l'engagement, mais également à son étendue ; qu'en l'espèce, pour compléter le commencement de preuve par écrit constitué par l'acte de cautionnement sur lequel figurait une mention écrite par la main d'un tiers, les juges du fond se sont appuyés sur le fait que Madame X... avait apposé sa signature sur les actes de prêts et qu'elle en avait accusé réception ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de leurs propres constatations que les actes de prêts indiquaient des montants différents de ceux que Madame X... aurait accepté de garantir en qualité de caution, les juges du fond ont également violé les articles 1326, 1347 et 2292, anciennement 2015, du code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Crédit industriel et commercial.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
D'AVOIR dit que le Crédit Industriel et Commercial est déchu de tout droit aux intérêts pour le prêt du 14 décembre 2000 et D'AVOIR en conséquence limité la condamnation de Madame X... à la somme de 11. 686, 21 euros au titre du prêt du 14 décembre 2010.
AUX MOTIFS QUE « Le CIC n'a jamais satisfait à son obligation d'information annuelle des cautions au titre du prêt du 14 décembre 2000 ; qu'il est de principe que le créancier déchu de son droit aux intérêts conventionnels ne peut prétendre y substituer des intérêts au taux légal ¿ ; qu'il est donc déchu de tout droit aux intérêts au titre de ce prêt, de sorte que Madame X... ne sera condamnée qu'au paiement de 20 % du seul capital restant dû, soit 11. 686, 21 euros ».
ALORS QUE la déchéance des intérêts, des pénalités et des intérêts de retard encourue par le banquier qui ne respecte pas son obligation d'information annuelle à l'égard de la caution ne s'applique qu'aux intérêts contractuellement prévus et non aux intérêts au taux légal auxquels la caution est tenue, à titre personnel, à compter de la première mise en demeure qu'elle reçoit ; que pour rejeter la demande du CIC, tendant à assortir la condamnation en paiement du capital restant dû au titre du prêt consenti le 14 décembre 2000 à la débitrice et cautionné par Madame X... des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée à celle-ci le 10 avril 2002, l'arrêt retient que cette demande se heurte à la règle de la déchéance des intérêts conventionnels ; qu'en se prononçant ainsi, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 341-6 du code de la consommation, et par refus d'application, l'article 1153 alinéa 3 du code civil.