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09/04/2015 | FRANCE | N°13-24178

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 avril 2015, 13-24178


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 13 novembre 2000 par l'Union mutualiste générale de prévoyance en qualité d'agent téléphonique, Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre du 28 novembre 2006 ; que contestant son licenciement et s'estimant victime de harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de son licenciement et de diverses demandes indemnitaires ;<

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 13 novembre 2000 par l'Union mutualiste générale de prévoyance en qualité d'agent téléphonique, Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre du 28 novembre 2006 ; que contestant son licenciement et s'estimant victime de harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de son licenciement et de diverses demandes indemnitaires ;
Attendu que pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient que si la salariée s'est effectivement affranchie de certaines de ses obligations contractuelles, notamment en multipliant les retards injustifiés ce qui était de nature à fonder des rappels à l'ordre ainsi qu'un avertissement, l'injonction donnée à plusieurs salariés de ne plus lui adresser la parole, y compris pendant les pauses déjeuners et le déplacement de ses collègues afin de l'isoler et de la marginaliser révèlent un management inadapté ayant eu pour objet de dégrader des conditions de travail de la salariée et de porter atteinte à sa santé constitutif de harcèlement moral et que le licenciement prononcé dans ce contexte est nul ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Union mutualiste générale de prévoyance ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour l'Union mutualiste générale de prévoyance.
L'UMGP fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement prononcé était nul et de l'avoir condamnée à verser à la salariée la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, celle de 4.493,10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, celle de 2.995,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et celle de 9.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QU' aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'après avoir rappelé qu'elle a été engagée le 13 novembre 2000 en qualité d'agent téléphone, Mme X... expose que : - bien qu'ayant assumé avec les félicitations de son employeur des fonctions de conseiller commercial d'abord sur le secteur de l'Essonne puis à la demande de l'employeur, dans les secteurs des Hauts de Seine et de Cergy-Pontoise, en remplacement d'une collègue partie en congé de maternité, elle a été privée du versement d'une prime de 3.000 euros versée aux autres commerciaux ; - après réclamation, seule une prime de 240 euros lui a finalement été accordée, - en dépit de la satisfaction de l'employeur, à défaut d'avenant à son contrat de travail lui reconnaissant le statut de commercial, elle a réintégré son poste d'agent téléphone au sein de la plate-forme téléphonique, - ayant postulé à un poste de conseillère mutualiste en raison du départ en congé maternité d'une salariée, sa candidature a été retenue, - satisfait de son investissement dans ses fonctions, l'employeur lui a versé une prime de 3.200 euros au mois de décembre 2005, - postérieurement à un grave accident de la circulation survenu en novembre 2005, elle a réintégré son poste au sein de la plate-forme téléphonique sous l'autorité hiérarchique d'une nouvelle responsable ; qu'elle soutient que celle-ci a profité de son absence pour tenir des propos médisants à son égard, l'a ensuite humiliée, dénigrée, marginalisée au sein de l'entreprise en l'éloignant de ses collègues qui avaient en outre pour consigne de ne pas s'asseoir à sa table de travail, ni même de lui adresser la parole ; qu'elle relève également s'être vue notifier un avertissement le 7 août 2009 pour insubordination, remise en cause de l'autorité hiérarchique et de ses directives, pour non-respect des horaires de travail et avoir alors dénoncé en vain le harcèlement dont elle était victime ; qu'elle évoque enfin une agression sur le lieu de travail de la part de sa supérieure hiérarchique le 16 novembre 2006 à 16 h 35 ; que pour établir la réalité de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, Mme X... communique aux débats plusieurs attestations ; que Mme Y... évoque « les pressions professionnelles subies par Mme X... non justifiées, ... les manipulations faites par la responsable, Mme Z... interdisant à une nouvelle employée tout contact avec Mme X... ... » ; que Mme A... atteste avoir été témoin d'une violente altercation entre Mme Z... et Mme X... le 16 novembre 2006 à 16 h 35 ; qu'elle précise « j'étais en communication lorsque j'ai entendu Mlle X... demander à Mme Z... de ne pas la regarder et lui parler sur ce ton-là. Mme Z... est entrée dans une furie en hurlant et en se dirigeant vers Mme X.... Elle s'est mise face à Mme X... en faisant de grands gestes et criant, elle perturbait le service. Mme X... est restée figée ne savait quoi répondre. En entendant ces cris Mademoiselle Z... a essayé de calmer la situation en vain. À son tour M. B... est sorti de son bureau. Mme Z... est entrée à nouveau dans une fureur lorsque Mme X... était en train d'expliquer la situation à M. B.... ... » ; que Mme C... Arlette confirme l'incident du 16 novembre 2006 et explique « avoir vu Mlle Z... regarder de façon agressive Mme X... allant s'asseoir à son poste de travail. Mme X... a demandé pour quelle raison Mme Z... lui lançait un tel regard. Cette dernière s'est levée précipitamment et avec énervement de sa chaise s'est avancée très près de Mme X... en criant et toujours dans un état de nervosité. Suite à l'intervention de deux salariés le calme est revenu. Tout ceci s'est passé au sein même de la plate-forme téléphonique » ; que M. Romuald D... ancien salarié en tant que conseiller téléphonique jusqu'au 4 août 2006 explique avoir démissionné suite à une pression morale de la hiérarchie et du comportement agressif de Mme Z... ; qu'il atteste « avoir assisté avant son départ à un harcèlement moral sur Mme X... de la part de Mme Z.... Cette dernière quand elle venait sur la plate-forme téléphonique envoyait des mails exigeant que Mme X... soit son poste de travail alors que mon ancienne collègue faisait son travail, répondre aux assurés. Les mails de Mme Z... étaient répétitifs et nombreux lorsqu'elle était présente sur notre lieu de travail, indiquant le même motif. Mme Z... a également insisté auprès de mes anciens collègues et moi-même de ne plus parler à Mme X... même pour lui poser des questions professionnelles. Elle a isolé Mme X... ne plaçant aucun conseiller téléphonique à ses côtés. Notre directeur technique, Mme Z... lors de sa présence sur la plate-forme téléphonique, nous interrompait, même en pause déjeuner, lorsque nous nous adressions à Mme X... et nous exigeait de reprendre place à nos postes de travail. J'ai travaillé pendant trois ans avec Mme X... je peux confirmer son professionnalisme, son engagement pour l'Union Mutualiste Générale de Prévoyance et son énergie mise à leur disposition » ; que Mme Karen E... ancienne salariée dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée de six mois explique : « les deux derniers mois de travail ont été pénibles. Ma responsable Mme Z... m'avait formellement interdit tout comme à mes autres collègues » de prêter attention et d'adresser « la parole à Mme X.... Un jour, pour je ne sais quelle raison, mon ancienne responsable m'a ordonné de changer de place sans motif particulier. J'ai donc obéi sans discuter. Mais j'ai pris cet ordre comme une punition alors que je n'adressais nullement la parole à Mme X... et que je faisais mon travail consciencieusement et assidûment. L'objet de ces déplacements était que Mme X... se retrouve éloignée et exclue de toute communication avec ses collègues sur le lieu du travail. Elle s'est donc retrouvée plusieurs jours seule sur un bureau qui pouvait prendre quatre places de travail. L'atmosphère tendue qui règne au travail ne me donnait nullement l'envie d'aller travailler chaque matin jusqu'au jour où ma motivation s'est éteinte. J'ai moi-même été sujet à certaines accusations à tort. ... » ; que Mme X... communique enfin un certificat médical rédigé le 21 novembre 2006 aux termes duquel le médecin fait état de troubles psychologiques subis par la salariée à savoir : « troubles du sommeil, irritabilité, anxiété, anorexie, asthénie ... » ; que l'employeur rétorque que le harcèlement est invoqué de manière totalement opportuniste à défaut pour la salariée de pouvoir utilement contester les fautes qui lui sont reprochées et ayant abouti à son licenciement pour faute grave ; qu'il fait valoir que les griefs formulés par Mme X... à l'encontre de sa supérieure hiérarchique, portent sur la période de juin à novembre 2006, soit sur les cinq mois précédant son licenciement période pendant laquelle précisément, Mme X... s'est elle-même totalement affranchie de ses obligations professionnelles ; qu'il considère que les nombreux mails de rappels à l'ordre et de consignes, ainsi que l'avertissement notifié le 7 Août 2006 étaient parfaitement justifiés au regard des fautes commises par elle, et caractérisent non pas un harcèlement mais l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur ; que l'Union Mutualiste Générale de Prévoyance estime enfin que les témoignages produits sont vagues, imprécis et dénués de toute force probante ; qu'enfin, elle soutient que la prétendue agression du 16 novembre 2006 est postérieure à l'entretien préalable, relève d'une affirmation opportuniste ; qu'elle dénie toute force probante aux attestations produites dès lors qu'elles sont révélatrices de la complaisance de leurs auteurs, la salariée ayant elle-même été à l'origine de l'échange qu'elle qualifie d'agression ; qu'elle fait observer que Mme X... n'a pas évoqué cet incident dans la main courante déposée au commissariat le 20 novembre 2006 ; que s'il est avéré qu'au cours de la même période, soit de juin à novembre 2006, Mme X... s'est effectivement affranchie de certaines obligations contractuelles lui incombant et notamment en multipliant les retards injustifiés ce qui était de nature à fonder des rappels à l'ordre ainsi qu'un avertissement, l'injonction donnée à plusieurs salariés de ne plus adresser la parole à Mme X... y compris pendant les pauses déjeuner, le déplacement des collègues afin d'isoler et de marginaliser cette dernière révèle un management inadapté ayant eu pour objet de dégrader les conditions de travail de la salariée, de porter atteinte à sa santé et caractérisent en conséquence un harcèlement au sens légal ; que dans ces conditions, le licenciement prononcé dans ce contexte est nul ; ... que si l'attitude de la supérieure hiérarchique, consistant à isoler et à mettre à l'écart Mme X... constitue un management brutal et inadapté et caractérise un harcèlement, force est de relever que Mme X... a effectivement adopté des comportements de nature à provoquer et à déstabiliser l'encadrement ; qu'elle a ainsi participé au préjudice qu'elle invoque ; que dans ces conditions, le préjudice allégué sera exactement réparé par l'allocation d'une somme de 1.500 euros ;
1°) ALORS QUE le simple usage par l'employeur de son pouvoir de direction consistant, en raison des difficultés causées par le comportement d'un salarié adoptant une attitude provocatrice envers l'encadrement, à le mettre à l'écart de ses collègues, ne constitue pas, à l'égard de celui-ci, une situation de harcèlement moral ; qu'en déduisant le harcèlement moral subi par Mme X... du management brutal et inadapté de sa supérieure hiérarchique consistant à la mettre à l'écart, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'attitude désinvolte, provocatrice et déstabilisante de la salariée à l'endroit de l'encadrement ne justifiait pas cette mise à l'écart et n'excluait pas ainsi toute mesure de harcèlement à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le harcèlement moral implique des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en déduisant le harcèlement moral subi par Mme X... d'une simple mise à l'écart de cette dernière, sans constater de faits répétés visant personnellement la salariée et portant atteinte à ses droits et à sa dignité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE le harcèlement moral ne peut se déduire du seul état dépressif du salarié ; qu'en se fondant encore, pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, sur la circonstance que la salariée avait produit un certificat médical faisant état de troubles psychologiques subis par cette dernière, sans par ailleurs caractériser l'existence d'un lien entre les troubles de la salariée et le comportement de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, le licenciement disciplinaire prononcé concomitamment à des agissements de harcèlement moral ne peut être annulé que si le salarié rapporte la preuve que ce licenciement trouve son origine dans le comportement de harcèlement de l'employeur ou lui est directement lié ; qu'en se bornant, pour dire que le licenciement de la salariée était nul, à se fonder sur la seule circonstance qu'il était intervenu dans un contexte de harcèlement, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un lien direct entre la mesure de licenciement et les faits de harcèlement invoqués et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-24178
Date de la décision : 09/04/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 avr. 2015, pourvoi n°13-24178


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.24178
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