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08/04/2015 | FRANCE | N°13-28001

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 avril 2015, 13-28001


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Daher International (la société Daher), commissionnaire de transport chargé par les sociétés du groupe Alstom, dont la société Alstom Power, d'organiser le déplacement de deux rotors au départ du port de Bilbao (Espagne) et à destination de celui de Skikda (Algérie), en a confié le transport, sur le navire CEC Caledonia, à la société CEC Lines Ltd (le transporteur) ; qu'au cours de la traversée, le navire a subi des vents violents et a dû faire escale au

port de Leith, en Ecosse ; que les sociétés Alstom ont assigné la socié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Daher International (la société Daher), commissionnaire de transport chargé par les sociétés du groupe Alstom, dont la société Alstom Power, d'organiser le déplacement de deux rotors au départ du port de Bilbao (Espagne) et à destination de celui de Skikda (Algérie), en a confié le transport, sur le navire CEC Caledonia, à la société CEC Lines Ltd (le transporteur) ; qu'au cours de la traversée, le navire a subi des vents violents et a dû faire escale au port de Leith, en Ecosse ; que les sociétés Alstom ont assigné la société Daher, le capitaine du navire, le transporteur et la société Clipper Elite Carriers, propriétaire du navire, en réparation des dommages subis par la marchandise, leurs assureurs intervenant à l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches :
Attendu que la société Daher fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité pour faute personnelle alors, selon le moyen :
1°/ que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l'origine des avaries ou pertes de marchandises ; que la cour d'appel a retenu la faute personnelle du commissionnaire de transport pour avoir choisi un navire empruntant un trajet plus long que nécessaire bien que le navire aurait pu être soumis à des conditions météorologiques identiques au cours d'un trajet direct et que ces conditions climatiques n'étaient pas suffisantes pour générer le dommage en l'absence d'un défaut d'arrimage et/ ou de conditionnement de la marchandise ; qu'en retenant cependant la faute personnelle du commissionnaire sans avoir caractérisé un lien de causalité certain entre la faute et le dommage, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4 et L. 132-5 du code de commerce ;
2°/ que la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport ne peut être retenue du fait de ses substitués ; que le commissionnaire n'est pas tenu de vérifier le calage et l'arrimage de la marchandise confiée au transporteur maritime au cours du transport ; que la cour d'appel a retenu la faute personnelle du commissionnaire de transport pour ne pas avoir assuré un « suivi de la sécurisation » de la marchandise dès lors qu'il n'avait vérifié le calage et l'arrimage de la marchandise qu'au moment de l'embarquement et non au cours du transport maritime ; qu'en retenant ainsi la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport pour un fait imputable au transporteur, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4 et L. 132-5 du code de commerce ;
3°/ que la cour d'appel a constaté qu'il était impossible de déterminer quel déplacement était intervenu en premier entre celui des rotors à l'intérieur des caisses ou celui des caisses elles-mêmes mais qu'il était certain que le déplacement de l'un était de nature à provoquer celui de l'autre ; qu'elle a ainsi retenu l'indétermination de la cause du dommage, celui-ci pouvant résulter soit du mauvais conditionnement de la marchandise, le déplacement des caisses n'étant alors que la conséquence du déplacement des rotors à l'intérieur de ces caisses, soit d'un défaut d'arrimage des caisses, le déplacement des rotors étant causé par celui des caisses ; que, cependant, pour retenir la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport, elle a estimé que la cause du sinistre était établie avec certitude, résultant notamment d'un défaut de positionnement et de sécurisation des caisses ; qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que lorsqu'une avarie est due en partie à une faute personnelle du commissionnaire de transport et en partie à une faute du transporteur, le commissionnaire de transport bénéficie de la limitation de responsabilité applicable à son substitué pour la part de responsabilité imputable à ce dernier ; que la cour d'appel a retenu que le dommage était imputable pour 60 % à une faute personnelle du commissionnaire de transport et pour 40 % à une faute du transporteur, celui-ci devant bénéficier de la limitation de responsabilité prévue à la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée ; qu'en condamnant cependant le commissionnaire de transport à réparer l'intégralité du préjudice, sans le faire bénéficier de la limitation de responsabilité applicable au transporteur pour 40 % de la condamnation, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4, L. 132-5, L. 132-6 du code de commerce et 4, § 5, de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le commissionnaire, qui n'ignorait pas la fragilité du matériel transporté, a, pour un transport d'Espagne en Algérie, choisi un navire empruntant un trajet passant par la mer du Nord en hiver, l'exposant à des conditions climatiques dangereuses, et entraînant des ruptures de charge, de sorte que le calage et l'arrimage effectués au départ n'étaient plus assurés à l'identique au cours du transport, ce qui rendait nécessaire le suivi par lui de la sécurisation de la marchandise ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a caractérisé le lien de causalité entre la faute personnelle du commissionnaire et l'entier dommage, sans encourir le grief inopérant de la troisième branche ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 132-5 du code de commerce ;
Attendu que, pour condamner la société Daher à payer aux assureurs la somme de 812 051, 78 euros et à la société Alstom Power celle de 29 417, 78 euros, l'arrêt retient qu'elle ne peut se prévaloir d'une limitation de garantie, dès lors qu'elle a manqué à une obligation essentielle ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la clause litigieuse ôtait toute portée à une obligation essentielle de la société Daher, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Daher à payer à la société Alstom Power la somme de 29 417, 78 euros, l'arrêt retient que le coût de l'immobilisation du navire non couvert pas les assureurs n'est pas contesté ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société Daher faisait valoir que « les prétendus frais d'immobilisation du navire pour 19 471, 78 euros ne sont étayés par aucune facture correspondante », la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen, qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu l'article 4, § 5, de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, amendée ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'un partage de responsabilité est sans incidence sur l'application du plafond d'indemnisation qu'il fixe ;
Attendu que, pour limiter la condamnation du transporteur et du capitaine du navire à garantir la société Daher à 40 % dans la limite maximum de 156 800 DTS, l'arrêt, après avoir constaté que l'intégralité du sinistre indemnisable par le transporteur était au maximum de 392 000 DTS, retient que la garantie, fixée à 40 %, est plafonnée à 156 800 DTS ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Daher International et Logistics à payer aux compagnies d'assurances Allianz Global Corporate et Speciality France, Axa Corporate Solutions Assurance, ACE European Group Ltd, XL Insurance Company Ltd la somme de 812 051, 78 euros et celle de 29 417, 78 euros à la société Alstom Power, et en ce qu'il condamne la société CEC Lines et le capitaine du navire CEC Caledonia à garantir la société Daher International et Logistics à 40 % dans la limite de 156 800 DTS, l'arrêt rendu le 17 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Met hors de cause, sur leur demande, les sociétés Clipper Elite Carriers et Embalajes Arechaederra ;
Condamne les sociétés Daher International, CEC Lines Ltd et le capitaine du navire CEC Caledonia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Daher international.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Daher international à payer aux compagnies Allianz global corporate et speciality France, Axa corporate solutions assurance, Ace european group ltd, XL insurance company ltd la somme de 812. 051, 78 euros et celle de 29. 417, 78 euros à la société Alstom power et d'avoir limité la condamnation de la société CEC lines et de M. le capitaine du navire CEC Caledonia à garantir la société Daher international à hauteur de 40 % dans la limite maximum de 156. 800 DTS ;
AUX MOTIFS que « les sociétés Alstom font valoir que leur commissionnaire, la société Daher, a commis une faute personnelle qu'elles qualifient de faute lourde en ce qu'il était tenu, en qualité d'organisateur de l'expédition, de veiller à ce que la marchandise soit conditionnée de manière à supporter l'acheminement selon les modalités de transport dont il a fait choix ; qu'elles ajoutent que les manquements personnels du commissionnaire ont été aggravés par le défaut d'emballage imputable à la société espagnole Embalajes Arechaederra et par le défaut de sécurisation et d'arrimage de la marchandise par le capitaine du navire et l'armateur, la société CEC Lines ; ¿ que l'article L131-5 dispose que le commissionnaire « est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture ou force majeure » ; ¿ que les sociétés Alstom reprochent à la société Daher d'avoir choisi un navire empruntant un trajet périlleux alors qu'il existait une ligne directe ; ¿ que, pour le transport de Bilbao à Skikda, il avait été prévu au contrat des délais de transport aussi réduits qu'il est possible et dans l'annexe il avait été précisé un délai de 15 jours ; que, si, à priori, le trajet Bilbao Skikda était réalisable en 5/ 6 jours, la consultation du site de la CNAM, transporteur spécialiste de ce type de destination, révèle qu'il n'existait qu'un seul navire par mois effectuant ce trajet directement ; qu'il n'est pas démontré que le commissionnaire Daher était dès lors en mesure d'utiliser celui-ci pour satisfaire aux exigences de délais de la société Alstom ; que la société Daher prétend que son choix permettait de respecter le délai de 15 jours ; qu'en conséquence, les sociétés Alstom ne démontrent pas que le commissionnaire a commis une faute en ayant recours à un navire autre que celui empruntant le trajet direct Bilbao Skikda ; que toutefois, le navire de ligne choisi qui effectuait des rotations Nord Continent-Méditerranée accomplissait alors un trajet retour venant de la Méditerranée ; que le commissionnaire n'explique pas pourquoi le chargement a été réalisé sans attendre le passage retour de sorte que la marchandise a effectué un périple qui n'était pas justifié ; ¿ que la société Daher ne conteste pas que le navire a été confronté à une mer forte pendant la traversée Aabenraa et Leith, affirmant que cette circonstance n'a pas été d'une ampleur telle qu'elle aurait mis en péril la cargaison et que, quel que soit le trajet emprunté, il existait un risque de tempête ; ¿ qu'elle fait valoir que les experts ont mis en cause l'arrimage des rotors à l'intérieur de leur emballage respectif ce qui n'était pas visible de l'extérieur, faisant observer que ni la Société Générale de Surveillance qui avait assisté au chargement des caisses à bord du navire, ni le transporteur maritime n'avaient émis la moindre réserve ; ¿ qu'il appartient au commissionnaire de veiller à ce que les marchandises soient conditionnées et arrimées de manière à supporter l'acheminement qu'il a choisi ; que le trajet adopté en l'espèce, passant par le Danemark, puis l'Ecosse pour aller en Espagne alors que la destination était l'Algérie, entraînait des ruptures de charge, de sorte que le calage et l'arrimage existant au départ afin que les caisses ne bougent pas au cours du voyage, n'ont plus été assurées à l'identique dans la mesure où, au moins un débarquement de marchandises était intervenu au Danemark ; que, de plus, le trajet suivi conduisait le navire en mer du Nord en plein hiver, période propice à des conditions climatiques dangereuses ; que le calage et l'arrimage de marchandises dont le commissionnaire n'ignorait pas la fragilité, étaient des éléments essentiels auxquels il devait veiller tout au long du voyage ; qu'il ne justifie l'avoir fait qu'au moment de l'embarquement, alors qu'il avait lui-même choisi un trajet périlleux avec, au cours de celui-ci, des ruptures de charge modifiant en conséquence les conditions de sécurisation de la marchandise qui lui avait été confiée ; ¿ que le commissionnaire expose que la cause de l'avarie réside dans le conditionnement interne des rotors à l'intérieur des caisses, de sorte qu'il ne saurait voir la responsabilité du transporteur engagée pas plus que la sienne ; que l'expert mandaté par les assureurs du consortium Alstom qui s'est déplacé à Leith indique que « les caisses d'emballage contenant les deux rotors de générateur étaient de résistance et de fabrication insuffisantes pour résister à des forces exercées à bord d'un navire endurant tangage et roulis auxquels on peut raisonnablement s'attendre pendant le passage de mer entre Bilbao en Espagne et Skikda en Algérie » ; que le commissaire d'avaries espagnol souligne qu'il « est évident et très clair que les emballages fournis par la société Arechaederra n'étaient pas appropriés pour ce genre de transport (emballages en bois faible, peu résistants et non aptes pour emballer des pièces lourdes) et en plus pour être transportées depuis le port de Bilbao (Espagne) jusqu'au port de Skikda en Algérie, une traversée très longue et difficile » ; que le transporteur et le commissionnaire en déduisent que seul est en cause l'emballage et non le trajet emprunté et les conditions de mer forte que le navire pouvait rencontrer quel que soit son trajet, faisant observer que les seules marchandises endommagées ont été les deux rotors ; ¿ que les sociétés Alstom soutiennent que la société Daher a manqué à son obligation en ne veillant pas à ce que la marchandise soit conditionnée de manière à supporter l'acheminement et transportées dans des conditions adaptées ; ¿ que la société Daher fait valoir qu'il ne lui appartenait pas de vérifier l'adaptation du conditionnement ; ¿ que l'article 6. 2 du contrat relatif à la surveillance du transport stipule « le commissionnaire s'engage à..... surveiller l'arrivée des matériels aux ports fluviaux et maritimes d'embarquement, s'assurer de la qualité et de la conformité des marquages (numéro de colis) entre colis et bordereaux d'expédition, s'assurer du chargement, du calage, du saisissage des matériels (notamment des colis lourds) à bord des navires et ce, sous la surveillance d'un responsable qualifié et contrôler qu'il n'y a pas de colis laissé à quai » ; que, s'il en résulte que le commissionnaire n'avait pas en charge la vérification de ce que les emballages étaient adaptés aux marchandises transportées, les sociétés Alstom et la société Embalajes Arechaederra invoquent aussi un défaut d'arrimage ; ¿ que la société Daher indique avoir fait appel à un technicien pour les opérations de chargement et de calage et fait observer que l'arrimage n'a été mis en cause par aucun des experts qui s'est déplacé mais par les rédacteurs du rapport produit par la société Embalajes Arechaederra et établi uniquement sur documents ; ¿ que le rapport d'expertise X... et Y...indique que le capitaine du navire a indiqué qu'il avait dès le 14 février aux environs de 3H00, constaté un « tangage et un roulis violent » et que l'équipage s'était alors mobilisé pour « renforcer le saisissage des marchandises sur le pont » et que « entendant du bruit en provenance de la cale, l'équipage s'y est donc rendu aux environs de 8H00 et a découvert que les colis étaient délabrés et déformés » ; qu'il ne fait état d'aucune mesure prise alors ; qu'il relate que « Le navire est parvenu à se remettre en route entre 8H et 10H mais comme le temps s'est encore détérioré et que la marchandise se déplaçait à l'intérieur des colis, le navire a repris la cape jusqu'au 15/ 02/ 05 à 6H, moment où le navire a repris prudemment sa route vers Leith... Pendant le passage vers Leith, l'équipage a ajouté des chaînes et des cales pour contribuer à sécuriser la cargaison et à minimiser mouvements et dommages » ; qu'il en résulte que le capitaine a, en raison des conditions de mer, estimé utile avant d'aborder à Leith et avant la venue des experts d'ajouter des chaînes et des cales alors qu'il avait auparavant constaté que les colis étaient délabrés et déformés ; qu'il résulte de ce témoignage qu'au moment du roulis et du tangage, la cargaison n'était pas sécurisée, faute d'un arrimage suffisant et que les seules mesures prises ne l'ont été qu'alors que le sinistre était consommé ; que les experts
X...
et Y...n'ont pas mis en cause l'arrimage des colis en cale alors qu'ils disposaient du plan de chargement et ont conclu que c'était le mouvement des rotors à l'intérieur des caisses qui avait entraîné leur déplacement à l'intérieur de la cale ; que toutefois, ils ne font aucune démonstration à l'appui de cette conclusion ; qu'il convient de relever que le navire a été chargé alors qu'il faisait son trajet retour de la Méditerranée et qu'il a subi des ruptures de charge ; que les experts ont constaté sur place que « la marchandise consiste en 11 caisses... Deux des grandes caisses étaient arrimées contre la cloison arrière de la cale côté bâbord avec devant elles deux autres grandes caisses. Quatre colis plus petits étaient entreposés à tribord et trois autres devant les éléments principaux. Les deux grandes caisses de devant ont été trouvées extrêmement déformées et même cassées par endroits. Il est aussi apparu distinctement que les caisses avaient reculé d'environ 200mm.... Nous sommes entrés dans les deux grandes caisses à l'avant et avons constaté qu'elles contenaient des rotors de générateur d'environ 102 tonnes chacun. Il est apparu que les rotors ont beaucoup bougé à l'intérieur des caisses et que les supports internes et les planchers des caisses se sont sévèrement affaissés et écrasés » ; que ces experts notent encore « Tous les socles se sont écroulés à l'intérieur des caisses et le bois sous le rotor est réduit en miettes. Les extrémités de chaque caisse se sont brisées à cause des chocs avec le rotor » ; qu'au regard de cette constatation, s'ils ont indiqué que « A l'inspection des caisses avant et après en avoir extrait les rotors rien ne nous permet de penser que les rotors aient été posés sur un berceau à l'intérieur des caisses », ils indiquent qu'ils n'ont pas pu déterminer si les rotors étaient posés sur la base de la caisse ou si des cales étaient placées tout autour ; qu'en conséquence, il ne peut être tiré de ces observations la conclusion que les rotors auraient été conditionnés dans des conditions telles qu'ils auraient été amenés à bouger et ce indépendamment de tout mouvement des caisses ; qu'il résulte des déclarations du capitaine que les conditions climatiques se sont aggravées après ses premières constatations ; que celles-ci n'ont dès lors pu aussi qu'augmenter les dommages affectant tant les emballages que leur contenu ; que les experts ont relevé que les caisses avaient glissé vers l'arrière du navire ce qui n'est pas contesté ; qu'il est patent que ce glissement a pu être limité par les mesures prises par le capitaine, celui-ci ayant indiqué avoir mis des cales et des chaînes lorsqu'il a constaté la détérioration des caisses ; que, dès lors, s'il n'est pas contesté que les rotors se sont déplacés à l'intérieur des caisses, il n'est nullement démontré l'ordre des déplacements constatés, celui des caisses, d'une part, celui des rotors, d'autre part ; qu'en revanche, il est certain que le déplacement de l'un était de nature à provoquer celui de l'autre et à aggraver les dommages subis par les deux ; ¿ Sur la mise en cause de la société Embalajes Arechaederra ¿ sur sa responsabilité ¿ que la société Embalajes Arechaederra soutient avoir réalisé des caisses conformes aux commandes passées et répondant aux normes SEI ; qu'elle communique les plans et instructions d'emballages édités par la société Alstom ; ¿ que la société Embalajes Arechaederra est un spécialiste de l'emballage ; que préalablement à la réalisation des caisses, elle a réalisé un devis concernant les rotors destinés au chantier de Beni Haroum qui a été accepté par la société Power Alstom qui n'a pas précisé d'exigence particulière au regard de la spécificité de ces matériels ; qu'il n'est pas démontré que les caisses litigieuses ne correspondaient pas à la commande ; que la société Embalajes Arechaederra fournit un rapport du cabinet RTS qui conclut que « les dommages ne sont pas dus à un emballage inadapté de la marchandise mais sont le résultat de l'absence d'arrimage des caisses dans la cale et des chocs réitérés subis par l'emballage par suite du mouvement du navire et d'autres marchandises dans la même cale » ; que le fait que cette analyse ait été faite sur pièces ne lui enlève pas pour autant sa pertinence ; que, si le commissaire aux avaries a indiqué « les 2 rotors ont été emballés sur des caisses en bois (mauvaise fabrication et non apte pour transport maritime) », il convient de relever que deux autres caisses identiques contenant aussi des matériels lourds, arrimées contre la paroi du navire, n'ont subi aucun dommage au cours de la tempête ; ¿ que le devis accepté par la société Alstom précisait qu'il portait sur « l'emballage et l'arrimage des équipements avec matériaux amortissants et fixation de bois » ; que, si les rotors ont bougé, il n'est pas démontré que les conditions d'arrimage telles que définies par les parties n'aient pas été respectées ; que les expertises ont retenu les conditions climatiques comme ayant entraîné des roulis et tangages du navire sans que puissent être déterminées exactement dans quelles conditions les rotors étaient arrimés à l'intérieur des caisses ; que, dès lors, il n'est pas démontré que la qualité des caisses soit en lien avec le sinistre, pas plus que le conditionnement interne, de sorte que le transporteur ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la défectuosité de l'emballage ; qu'il résulte de l'ensemble des éléments que les deux facteurs combinés à l'origine du sinistre sont, d'une part, les conditions climatiques rencontrées par le navire, d'autre part le positionnement des deux caisses contenant les rotors à l'intérieur du navire ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de débouter la société Daher de sa demande en garantie à l'encontre de la société Embalajes Arechaederra et de condamner la société CEC Lines à la garantir à hauteur de 40 % ; ¿ en conséquence, que la société Daher, qui en qualité de commissionnaire devait veiller à la sécurité de la marchandise au mieux des intérêts de son client, a personnellement manqué à son obligation, d'une part, en choisissant un navire de ligne empruntant un trajet plus long que nécessaire et dès lors nécessairement plus périlleux, d'autre part, en n'assurant pas un suivi de la sécurisation de cette marchandise rendu nécessaire du fait même des conditions de trajet choisi ; que, dès lors, elle a manqué à une obligation essentielle et ne peut se prévaloir d'une limitation de garantie ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Daher à réparer l'intégralité du préjudice ; ¿ que le capitaine du navire et la compagnie maritime CEC Lines font valoir qu'ils n'ont commis aucune faute lourde et qu'ils sont fondés à bénéficier des limitations de garantie ; ¿ que la faute lourde est la faute d'une extrême gravité confinant au dol et démontrant l'inaptitude du transporteur à accomplir sa tâche ; que tel n'est pas le cas dans la mesure où si le défaut d'arrimage des deux caisses contenant les rotors s'est révélé insuffisant, c'est en raison même des conditions particulières de vent et de roulis ; qu'il y a lieu de faire application des limitations de responsabilité prévues la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée et les conditions générales de la fédération des Commissionnaires de Transport intégrées dans le contrat. »
1) ALORS que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l'origine des avaries ou pertes de marchandises ; que la cour d'appel a retenu la faute personnelle du commissionnaire de transport pour avoir choisi un navire empruntant un trajet plus long que nécessaire bien que le navire aurait pu être soumis à des conditions météorologiques identiques au cours d'un trajet direct et que ces conditions climatiques n'étaient pas suffisantes pour générer le dommage en l'absence d'un défaut d'arrimage et/ ou de conditionnement de la marchandise ; qu'en retenant cependant la faute personnelle du commissionnaire sans avoir caractérisé un lien de causalité certain entre la faute et le dommage, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4 et L. 132-5 du code de commerce ;
2) ALORS que la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport ne peut être retenue du fait de ses substitués ; que le commissionnaire n'est pas tenu de vérifier le calage et l'arrimage de la marchandise confiée au transporteur maritime au cours du transport ; que la cour d'appel a retenu la faute personnelle du commissionnaire de transport pour ne pas avoir assuré un « suivi de la sécurisation » de la marchandise dès lors qu'il n'avait vérifié le calage et l'arrimage de la marchandise qu'au moment de l'embarquement et non au cours du transport maritime ; qu'en retenant ainsi la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport pour un fait imputable au transporteur, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4 et L. 132-5 du code de commerce ;
3) ALORS que la cour d'appel a constaté qu'il était impossible de déterminer quel déplacement était intervenu en premier entre celui des rotors à l'intérieur des caisses ou celui des caisses elles-mêmes mais qu'il était certain que le déplacement de l'un était de nature à provoquer celui de l'autre (arrêt p. 14 § 6) ; qu'elle a ainsi retenu l'indétermination de la cause du dommage, celui-ci pouvant résulter soit du mauvais conditionnement de la marchandise, le déplacement des caisses n'étant alors que la conséquence du déplacement des rotors à l'intérieur de ces caisses, soit d'un défaut d'arrimage des caisses, le déplacement des rotors étant causé par celui des caisses ; que, cependant, pour retenir la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport, elle a estimé que la cause du sinistre était établie avec certitude, résultant notamment d'un défaut de positionnement et de sécurisation des caisses (arrêt p. 15 dernier paragraphe et p. 16 § 1 et 2) ; qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS, subsidiairement, que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que la société Daher faisait valoir que, dans l'hypothèse où sa responsabilité personnelle serait retenue, elle devrait bénéficier de la limitation de responsabilité prévue au contrat de commission (conclusions de la société Daher p. 13 et 14) ; que, pour décider que la société Daher ne pouvait se prévaloir de cette limitation de garantie, la cour d'appel a retenu qu'elle avait manqué à une obligation essentielle ; qu'en statuant ainsi, sans avoir constaté que la clause limitative de réparation vidait de toute substance l'obligation essentielle du commissionnaire de transport, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1134, 1147, 1150 du code civil, L. 132-4 et L. 132-5 du code de commerce ;
5) ALORS, subsidiairement, que lorsqu'une avarie est due en partie à une faute personnelle du commissionnaire de transport et en partie à une faute du transporteur, le commissionnaire de transport bénéficie de la limitation de responsabilité applicable à son substitué pour la part de responsabilité imputable à ce dernier ; que la cour d'appel a retenu que le dommage était imputable pour 60 % à une faute personnelle du commissionnaire de transport et pour 40 % à une faute du transporteur, celui-ci devant bénéficier de la limitation de responsabilité prévue à la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée ; qu'en condamnant cependant le commissionnaire de transport à réparer l'intégralité du préjudice, sans le faire bénéficier de la limitation de responsabilité applicable au transporteur pour 40 % de la condamnation, la cour d'appel a violé les articles L. 132-4, L. 132-5, L. 132-6 du code de commerce et 4 § 5 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Daher international à payer à la société Alstom power la somme de 29. 417, 78 euros ;
AUX MOTIFS que « la société Alstom Power Hydraulique réclame paiement d'un préjudice résiduel de 29. 417, 78 ¿ correspondant d'une part, au montant de la franchise, d'autre part, à celui de l'immobilisation du navire non couvert par les assureurs ; que cette somme n'est pas contestée »
ALORS que la société Daher contestait l'indemnisation réclamée par la société Alstom en faisant valoir, dans ses écritures, que « les prétendus frais d'immobilisation du navire pour 19. 471, 78 ¿ ne sont étayés par aucune facture correspondante » (conclusions de la société Daher, p. 12 § 7) ; qu'en retenant cependant que la somme réclamée au titre de l'immobilisation du navire n'était pas contestée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Daher, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de la société CEC lines et de M. le capitaine du navire CEC Caledonia à garantir la société Daher international à hauteur de 40 % dans la limite maximum de 156. 800 DTS ;
AUX MOTIFS que « le capitaine du navire et la société CEC Lines sont fondés à se prévaloir des limitations de garantie ; que l'article 4. 5 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée fixe à 666, 67 DTS par colis ou 2 DTS par kilo de poids brut de marchandises perdues ou endommagées la limite la plus élevée de la réparation applicable ; que le poids de chacun des rotors étant de 98 tonnes, l'intégralité du sinistre indemnisable pour le transporteur serait au maximum de 392 000 DTS ; que leur garantie étant fixée à 40 %, celle-ci s'élève donc au maximum à 156 800 DTS »
ALORS qu'un partage de responsabilité est sans incidence sur l'application du plafond d'indemnisation prévu dans la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir fixé à 40 % la garantie du transporteur à l'égard du commissionnaire de transport et relevé que l'indemnité résultant des limitations de responsabilité prévues par la convention de Bruxelles s'élevait à 392. 000 DTS, a limité le montant de la garantie due par le transporteur et le capitaine du navire au commissionnaire à la somme de 156. 800 DTS, correspondant à 40 % de 392. 000 DTS ; qu'en appliquant ainsi au plafond d'indemnité prévu dans la convention de Bruxelles la proportion fixée par le partage de responsabilité, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, 3 et 4 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-28001
Date de la décision : 08/04/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 avr. 2015, pourvoi n°13-28001


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.28001
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