LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis, ci-après annexés :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 9 octobre 2013), que Marie X..., veuve Y..., qui avait souscrit, le 18 janvier 2005, un contrat d'assurance-vie et désigné l'un de ses enfants, Mme Julie Y..., épouse Z..., en qualité de bénéficiaire, est décédée le 26 avril 2005, laissant pour lui succéder sept enfants et trois petits-enfants, venant à la succession par représentation de leur père prédécédé ; que M. Paul Y... a assigné sa soeur Julie pour voir ordonner le rapport à la succession du montant de la prime versée au titre du contrat d'assurance-vie et en application de la sanction du recel successoral ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;
Attendu que les juges du fond n'ayant pas été saisis d'une demande tendant à la liquidation et au partage de la succession de Marie X..., les demandes de M. Y... ne pouvaient qu'être écartées ; que les moyens sont inopérants ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prime payée par Marie Y... à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance-vie souscrit n'était pas manifestement exagérée eu égard à ses facultés patrimoniales et d'avoir, en conséquence, débouté Monsieur Y... de sa demande de rapport à succession,
AUX MOTIFS QUE : « Si au 18 janvier 2005, date de conclusion du contrat d'assurance-vie GMO, feue Mme Y..., alors âgée de 87 ans, disposait de liquidités s'élevant à 39.218,11 euros, ces dernières ne composaient pas ses seuls avoirs ; qu'en effet par l'acte notarié de donation-partage que son mari et elle-même avaient consenti à leurs enfants le 7 septembre 1977 portant sur la maison construite pendant leur mariage sise à Petreto Bicchisano et des parcelles de terre appartenant en propre au mari situées à Serra di Ferro, les donateurs se sont réservés expressément l'usufruit des biens donnés pendant leur vie et celle du survivant d'entre eux, usufruit qu'il convient de prendre en considération pour le calcul de la valeur de son patrimoine ; qu'il convient en outre de tenir compte que par suite du décès ab intestat de son fils Paul Joseph, elle avait hérité du quart des droits de celui-ci sur la parcelle qui avait été léguée à ce dernier par la donation-partage sus-mentionnée, située à Porto Pollo dans la commune de Serra di Ferro, près de la mer que M. B..., expert judiciaire, a évalué en 2008 à 76.000 euros ; que la cour considère que le rapport de cet expert constitue un élément d'évaluation sérieux rendant inutile l'organisation d'une nouvelle mesure d'instruction qui ne pourrait qu'avoir pour conséquence de retarder l'issue du présent litige alors que la valeur de cette parcelle de 2.926 m² devait être quasiment identique en 2005, de sorte qu'une somme de 19.000 euros représentant le quart de la valeur de ce bien doit être portée à l'actif du patrimoine de feue Mme Y..., les prétentions de l'intimé tendant à ne faire prendre en compte que la valeur de 8.000 francs indiquée dans l'acte de 1977 ne pouvant qu'être rejetées eu égard à la plus-value dont le bien litigieux a manifestement bénéficié depuis 1977 de par sa situation dans le golfe de Valinco en Corse du sud ; que feu Paul Joseph Y... ayant reçu le quart d'une propriété divisée en quatre parts d'égale valeur lors de la donation-partage de 1977, l'estimation opérée par Monsieur B... permet de calculer la valeur de l'usufruit de Mme Y... sur les autres parts que lui a laissées son mari lors de la passation de cet acte, qui en fonction de cette évaluation que la cour retient et de son âge ne pouvait être inférieure à 20% de 228.000 euros (76.000 x 3) soit 45.600 euros même si le montant de la valeur de 800.000 euros au titre de cette propriété avancée par l'appelante ne peut être retenu puisqu'il ne repose sur aucun élément d'évaluation de la valeur intrinsèque de ce bien ; que s'ajoute au patrimoine la valeur de l'usufruit sur la maison en pierres de taille construite à Petreto Bicchisano sur deux niveaux de 120m² chacun avec cave et greniers aménageables que Mme Z... évalue à 500 000 euros ; que si aucune évaluation objective de ce bien n'est versée aux débats, la description qui en est faite dans l'acte de donation-partage comme les photographies qui sont produites laissent à penser que ce bâtiment valait en 2005 au moins la moitié de cette somme, avec pour conséquence une valeur d'usufruit pour Marie Y... de 50.000 euros au moins ; que dès lors, même sans tenir compte des indemnités d'occupation dont son fils Antoine pouvait normalement être redevable à ses puisqu'elle n'avait jamais pu faire exécuter le jugement d'expulsion, qu'elle avait obtenu à l'encontre de ce dernier le 4 octobre 1990 mais qui n'avait jamais été judiciairement fixées, ou les droits dont elle pouvait disposer sur les biens provenant de la succession de son propre père, le placement en assurance-vie de euros qui ne dépassait pas le quart de son patrimoine évalué au bas mot à 39.218,11 + 19.000 + 45.600 + 50.000 euros, soit 158.218,11 euros ne saurait être considéré comme excessif ; qu'il n'a donc pas à être rapporté à la succession d'autant que si Mme Y... était en janvier 2005 lors de la souscription du contrat d'assurance-vie, âgée de 87 ans, elle ne présentait pas à cette date un état de santé déficient ; que de l'attestation établie le 6 avril 2012 par son médecin traitant, le docteur C..., il ressort que si elle était suivie pour une hypertension artérielle mineure, elle n'a présenté que début avril 2012 une pathologie aigue infectieuse des voies biliaires, l'ablation de la vésicule biliaire pratiquée ayant nécessité compte tenu de complications cardio-vasculaires, son placement en soins intensifs au centre hospitalier d'Ajaccio où elle est décédée de suites d'une défaillance aigue cardiorespiratoire ; que par ailleurs, ce n'est que l'analyse anatomopathologique pratiquée à l'occasion de l'intervention chirurgicale qui a mis en évidence un adénocarcinome ; que par ailleurs, feue Mme Y... qui était depuis de nombreuses années, faute de disposer d'un domicile personnel, contrainte à une vie itinérante entre les domiciles respectifs de ses quatre filles, s'était plainte auprès du docteur Guy D... qui en témoigne dans son attestation du 15 juillet 2011 de l'attitude de ses deux fils Alain et Dédé (Paul Dominique) qui l'empêchaient de vivre dans sa maison de Bicchisano ; que ce témoin précise que cette situation était de notoriété publique et connue de tout le canton, et que l'intéressée lui avait confié en juillet 2003 son intention de revenir dans sa maison fût-ce au prix d'une nouvelle action en justice, comme son désir de récompenser ses enfants qui ne l'avaient pas abandonnée, savoir Jean-Luc et ses quatre filles, de sorte que ces derniers se partagent le petit pécule qu'elle avait économisé en vivant chez eux ; que dans ces conditions, il ne peut être soutenu que le placement en assurance-vie effectué était pour elle inutile mais qu'il lui permettait au contraire de réaliser ce qu'elle envisageait depuis plusieurs mois puisqu'elle avait demandé à l'appelante bénéficiaire de l'assurance-vie d'en partager le fruit avec ses trois soeurs et son frère ; que ce placement avait de surcroît l'avantage d'être disponible à tout moment et de lui rapporter un intérêt, ce qui n'était pas le cas tant que son épargne se trouvait sur un compte de dépôt » ;
ALORS, de première part, QU'en retenant, pour apprécier le caractère manifestement exagéré de la prime versée lors de la souscription du contrat d'assurance-vie par Marie Y... au regard de son patrimoine, que, bien qu'aucune évaluation objective de l'usufruit sur la maison située à Petreto Bicchisano n'est versée aux débats, la description qui en est faite comme les photographies produites « laissent à penser » que ce bâtiment valait en 2005 au moins 250.000 euros, la cour d'appel a statué par un motif purement hypothétique, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, de deuxième part, QUE les primes versées dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie sont soumises aux règles du rapport à succession lorsqu'elles sont manifestement exagérées au regard de l'âge du souscripteur, de sa situation familiale et patrimoniale et de l'utilité du contrat pour lui ; qu'après avoir constaté que, âgée de 87 ans au moment du versement de la prime d'un montant de 25.000 euros, elle ne disposait de liquidités qu'à hauteur de 39.218 euros et que ce placement ne tendait qu'à récompenser certains de ses enfants, ce dont il résultait que le versement de cette prime avait pour seul objet d'écarter les règles de dévolution successorale et ne présentait aucune utilité pour Marie Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 132-13 du code des assurances ;
ALORS, de dernière part, QUE les primes versées dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie sont soumises aux règles du rapport à succession lorsqu'elles sont manifestement exagérées au regard de l'âge du souscripteur, de sa situation familiale et patrimoniale et de l'utilité du contrat pour lui ; qu'en déduisant l'utilité du contrat de ce que le placement présentait l'avantage d'être disponible, quand le contrat conclu par Marie Y... pour une durée de dix années prévoyait, au contraire, que le capital constitué ne serait disponible que moyennant rachat et qu'il ne stipulait aucune possibilité de retrait anticipé (v. prod.), la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande formée par Monsieur Y... au titre du recel successoral dont s'est rendue coupable Madame Z... à concurrence de 5.502,67 euros ;
AUX MOTIFS QUE : « Aucun recel successoral n'est caractérisé en l'espèce dès lors que Madame Z... a restitué spontanément au notaire saisi de la succession, le solde des retraits effectués par elle sur les comptes de sa mère après son décès, déduction faite des frais non contestés inhérents aux obsèques » ;
ALORS QU'en matière de recel, le repentir suppose une restitution spontanée et antérieure aux poursuites ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions, p. 11), si la restitution par Madame Z... du solde des sommes qu'elle a retirées sur les comptes de sa mère après son décès n'était pas intervenue après que, à la demande de Monsieur Y..., le notaire l'ait expressément invitée à s'expliquer sur ces retraits, ce qui excluait que la restitution fût spontanée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 792 du code civil.