LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 271 du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend en considération, notamment, leur situation respective en matière de pensions de retraite ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... ;
Attendu que, pour fixer à 50 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par l'époux, l'arrêt écarte le moyen de l'épouse selon lequel ses droits en matière de retraite seront moins importants que ceux de son époux, en retenant qu'il est dénué de pertinence au regard de l'âge des époux et du temps qui les sépare de celui de la retraite ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à payer une prestation compensatoire de 50 000 euros, l'arrêt rendu le 12 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Eric Y... à payer à Axana X... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 50. 000 euros nets de frais et de droits ;
AUX MOTIFS QUE la durée du mariage aura été de 22 ans lors du prononcé du divorce par la cour, la vie commune pendant celui-ci ayant duré 16 ans ; que de cette union sont issus deux enfants ; qu'Axana X..., née le 7 juin 1968, est actuellement âgée de 45 ans, Eric Y..., né le 27 février 1967, est âgé de 46 ans ; qu'Axana X... ne fait pas état de difficulté de santé ; qu'Eric Y... a été atteint d'un lymphome en 2007 ayant nécessité une chimiothérapie ; qu'il ne produit pas de pièce médicale sur l'incidence de cette pathologie sur sa situation actuelle ;
qu'Axana X... titulaire d'un diplôme de chirurgien-dentiste obtenu en Russie, n'a pu faire valider son diplôme et, donc, exercer en cette qualité depuis son installation en France ; qu'elle explique ainsi avoir occupé divers emplois peu qualifiés (serveuse dans un restaurant, assistante dentaire, manipulatrice en radiologie, responsable commerciale) et suivi une formation d'esthéticienne ; que depuis 2011, elle occupe un emploi de masseuse qui lui procure un revenu mensuel de l'ordre de 1. 822, 91 euros établi par le cumul imposable figurant sur le bulletin de paie de décembre 2012 ;
qu'elle supporte les charges usuelles de la vie courante et devra exposer des charges de logement lorsqu'elle quittera l'ancien domicile conjugal dont la jouissance lui a été attribuée par le magistrat conciliateur, étant relevé que cette jouissance a été accordée à titre gratuit pendant une période d'une année et à titre onéreux au-delà ;
Considérant qu'Eric Y... indique avoir, comme son épouse, connu au cours de la vie commune plusieurs périodes de chômage ; qu'il produit à cet égard un tableau (pièce 14) démontrant outre les périodes de chômage, qu'il a travaillé au sein de diverses sociétés tant en France qu'à l'étranger, ce qu'Axana X... ne conteste pas ;
que selon l'avis d'impôt 2012, Eric Y... a déclaré au titre de l'année 2011, un revenu annuel de 30. 315 euros, soit 2. 526 euros par mois ; qu'il indique dans sa déclaration sur l'honneur avoir perçu en 2012 des indemnités du pôle emploi, sans s'expliquer sur les circonstances l'ayant conduit à bénéficier de ces indemnités, lesquelles se sont élevées à la somme mensuelle de 2. 490 euros pour la période du 1er janvier au 5 octobre 2012 ;
qu'il résulte du courrier du Pôle emploi du 28 novembre 2012, qu'à compter du 8 octobre 2012, il a perçu l'allocation spécifique de solidarité d'un montant journalier de 15, 63 euros, soit 468, 90 par mois de 30 jours, dont le versement a pris fin ainsi que l'établit le courrier de cet organisme du 15 février 2013 ;
qu'il indique et justifie par la production de ses statuts être associé dans une société ayant pour objet la vente de cartouches pour fax, photocopieur, imprimante ainsi que la vente d'imprimante et tout matériel ou services liés à l'informatique, société immatriculée le 13 août 2012 ;
qu'il indique que cette société dont le magasin a ouvert le 12 février 2013, ne dégage encore aucun bénéfice, qu'elle a contracté des crédits justifiés par les contrats de prêts produits et qu'il ne parvient à subvenir à ses besoins que grâce à l'aide de ses parents ; qu'il ne produit toutefois aucune pièce comptable de la société et notamment ne communique aucun prévisionnel ;
que dans sa déclaration sur l'honneur, il fait état des charges usuelles de la vie courante, précise supporter des charges de copropriété à hauteur de 113 euros par mois et régler un crédit à hauteur de 816 euros par mois, la cour relevant qu'il reste peu explicite sur ses conditions de vie ;
qu'Axana X... indique que ses droits en matière de retraite qu'elle ne justifie cependant pas, seront moins importants que ceux de son époux puisqu'elle n'a pu occuper que des emplois nécessitant une faible qualification alors que l'intimé qui a travaillé pour des sociétés importantes, bénéficiera d'une retraite plus avantageuse ;
que cependant ce moyen est dénué de pertinence au regard de l'âge des époux et du temps qui les sépare de celui de la retraite ;
que durant le mariage les époux ont acquis deux biens immobiliers :
- l'un situé à CONFLANS SAINT HONORINE, ayant constitué le domicile conjugal, financé au moyen d'un prêt de 22. 867, 35 euros aujourd'hui soldé et de fonds appartenant en propre à Eric Y... à hauteur de 86. 895, 93 euros, bien estimé par ce dernier entre 433. 000 euros et 469. 000 euros et par Axana X... entre 450. 000 et 470. 000 euros ; Axana X... indique en outre avoir effectué de nombreux travaux dans ce bien ayant permis de le valoriser ;
- l'autre situé à COURBEVOIE, donné en location jusqu'en mai 2012, date de départ du locataire, pour lequel un prêt a été contracté, le capital restant dû au 10 décembre 2012 s'élevant à la somme de 50. 671, 81 euros ainsi qu'il résulte du courrier du Crédit Foncier du 2 janvier 2013 ; ce bien est estimé par Eric Y... entre 263. 000 et 275. 000 euros et par Axana X... à la somme de 270. 000 euros ;
qu'Eric Y... indique disposer d'une épargne salariale à hauteur de 2. 332 euros ; qu'au titre de son patrimoine mobilier propre, il précise dans sa déclaration sur l'honneur disposer de parts de société d'une valeur de 4. 500 euros ;
qu'il dispose en outre d'un droit à récompense sur le bien immobilier ayant constitué l'ancien domicile conjugal à proportion du montant de son apport personnel ; que l'intimé a d'ailleurs versé aux débats deux tableaux portant sur le calcul des plus values et le partage relatifs à chacun des biens précités (pièces 1 et 5) desquels il ressort, hors compte d'administration, que sa part s'élève, au titre de ces biens, à la somme globale de 482. 942, 86 euros tandis que celle de son épouse à la somme de 140. 151, 20 euros ;
qu'Axana X... ne fait état d'aucun élément de patrimoine propre ;
qu'en l'état de ces éléments, la rupture du lien conjugal est de nature à créer une disparité dans les conditions de vie respective des époux au détriment d'Axana X... ;
que tenant compte de la durée du mariage et de vie commune pendant celui-ci, de la qualification professionnelle initiale d'Axana X... non reconnue en France, ce qui ne lui a pas permis d'obtenir une situation professionnelle en adéquation avec ses diplômes, de la situation patrimoniale respective des époux mais aussi de leur situation professionnelle et financière actuelle, il convient d'allouer à l'épouse une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 50. 000 euros, étant en effet observé que l'attribution d'une partie de l'ancien domicile conjugal en pleine propriété ou en usufruit n'est pas justifiée en l'espèce ;
1°/ ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que pour apprécier l'évolution de la situation des époux dans un avenir prévisible, le juge prend en considération leur situation respective en matière de droits à la retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les choix professionnels faits pendant la vie commune pour l'éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; qu'en posant en pétition de principe que le moyen fondé sur l'infériorité notable des droits à retraite de l'exposante par rapport à ceux de son mari « est dénué de pertinence au regard de l'âge des époux et du temps qui les sépare de la retraite », se bornant ainsi à prendre en compte la « situation professionnelle et financière actuelle » des époux pour évaluer le montant de la prestation compensatoire versée à Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article 271 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que Madame X... « ne justifie ¿ pas » de ses droits en matière de retraite (arrêt, p. 6, § 6), cependant que figuraient au bordereau annexé aux conclusions de l'épouse les pièces n° 112 et n° 125 respectivement intitulées « relevé de points de retraite de Madame X... » et « relevé de situation individuelle de retraite de Madame Y... » ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ces deux pièces dont la communication n'avait pas été contestée, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE forment des propres, par l'effet de la subrogation réelle, les biens acquis en remploi ; qu'en faisant état d'un « droit à récompense du mari sur le bien immobilier ayant constitué l'ancien domicile conjugal à proportion du montant de son apport personnel », la Cour d'appel a postulé qu'il s'agissait d'un bien commun cependant que chacun des époux reconnaissait que ce bien était un propre de Monsieur Y... en raison du remploi ayant servi majoritairement à son acquisition ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;