LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 5 juillet 2005 par la société Cilomate transports en qualité de chauffeur routier ; qu'il a été licencié pour faute grave le 2 juin 2006 ; que contestant cette mesure et estimant ne pas être rempli de ses droits, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Vu l'article L. 3121-1 du code du travail, ensemble l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que pour faire droit aux demandes du salarié au titre des heures supplémentaires et à celles subséquentes au titre des repos compensateurs, l'arrêt retient qu'il ressort de la lecture des agendas très détaillés remplis journellement par le salarié que ses temps de conduite et de travail ont dépassé ceux décomptés par l'employeur dont le tableau de synthèse ne fournit aucun éclairage sur le calcul et le pourcentage des temps de conduite, de mise à disposition et de repos et que l'employeur ne s'explique pas sur la distorsion entre le volume de l'amplitude et celui du temps de rémunération alors que chaque journée répertoriée par le salarié fait état de plusieurs sites de chargement et de déchargement impliquant nécessairement des tâches de travail effectif ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans distinguer selon que le salarié participait ou non aux opérations de chargement et de déchargement des marchandises, et sans rechercher si l'intéressé, lorsqu'il ne participait pas aux dites opérations, se trouvait cependant à la disposition de l'employeur et était tenu de se conformer à ses directives, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen et relatif à l'indemnité pour travail dissimulé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Cilomate transports à payer à M. X... les sommes de 2 970, 13 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, de 297, 01 euros au titre des congés payés afférents, de 585, 36 euros à titre de rappel de repos compensateurs et de 12 243, 44 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 19 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Cilomate transports.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Cilomate Transports à verser à Monsieur Jérôme X... un rappel de salaires à titre d'heures supplémentaires, des congés payés y afférents ainsi qu'un rappel au titre de repos compensateurs ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... soutient avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires et se réfère pour cela à ses agendas pour les périodes de septembre à décembre 2005 et d'avril 2006 ; qu'il constate que l'employeur ne produit ni les ordres de mission, ni les feuillets de fin de mois signés par lui, ni les disques chronotachygraphes ; que selon l'employeur, les agendas ne mentionnent que des missions à accomplir et ne raisonnent que sur l'amplitude de la journée de sorte qu'ils n'ont aucune valeur probante en ce qui concerne le temps de travail effectif ; que s'il résulte de l'article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que par ailleurs, aux termes de l'article L. 3121-1 du Code du travail : La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; qu'enfin l'article III-1 de l'accord du 23 novembre 1994 pris en application du décret du 26 janvier 19836 relatif aux modalités de la durée de travail dans les entreprises de transport routier de marchandises stipule que sont pris en compte pour 100 p. 100 de leur durée :- les temps de conduite,- les temps d'autres travaux tels que chargement, déchargement, entretien du véhicule, formalités administratives ¿- les temps à disposition tels que surveillance des opérations de chargement et déchargement sans y participer, et/ ou temps d'attente durant lesquels, bien que n'étant pas tenu de rester à son poste, le conducteur ne peut disposer librement de son temps ; qu'en revanche, ne sont pas pris en compte au titre du temps de service l'ensemble des interruptions, repos, temps pendant lesquels le conducteur n'exerce aucune activité et dispose librement de son temps ; qu'il ressort des éléments du dossier, et notamment de la lecture des agendas très détaillés remplis journellement par Monsieur X... que ses temps énumérés de conduite et de travail dépassaient ceux décomptés par l'employeur au regard des tableaux de synthèse et de conduites versés aux débats ; que contrairement à ce que soutient la société Cilomate Transports qui prétend que Monsieur X... ne raisonnerait que sur des temps d'amplitude, il apparait que les agendas tels que produits sont corroborés par des éléments extérieurs, notamment par les commentaires très affinés sur le décompte et la consistance de ses heures de travail sur la période septembre 2005 à avril 2006 ; qu'ainsi à titre d'exemple, sur la journée du 13 septembre 2005 au titre de laquelle Monsieur X... comptabilise une durée de travail de 14, 50 minutes, telle que d'ailleurs reprise dans le tableau de l'employeur dans la colonne « durée » pour ne retenir que 9, 47 heures après déduction d'une durée de 5, 47 heures de repos, il apparaît que la société Cilomate Transports n'a pas pris en compte les temps de chargement et déchargement au départ sur le site de Renault Cléon (1 heure), ni sur celui de Jarny (2 heures), pas davantage que sur celui de Florange (2 heures), tous temps de travail accomplis sur trois sites de chargement et déchargement ; qu'il en est de même des journées décrites de façon détaillée des 4, 6 et 21 octobre 2005 comptabilisant respectivement 4, 6 et 5 opérations de chargement et déchargement manifestement non prises en compte par l'employeur à la lecture des tableaux par suite de la déduction respective de 2, 28, 7, 20 et 6, 97 heures de repos ; que Monsieur X... verse les attestations de MM. Z..., Frédéric A...et Cédric A...collègues de travail, certifiant que les heures supplémentaires n'étaient pas entièrement payées et lorsqu'elles étaient payées, elles l'étaient sous forme de primes déguisées ; que la lecture des bulletins de paie produits au dossier fait effectivement apparaître le versement d'une prime dite « distri » d'un montant variant chaque mois et manifestement proportionnel au volume plus ou moins important d'heures supplémentaires revendiquées par le salarié ; que la société Cilomate Transports ne s'explique pas sur ce point, ni davantage sur la distorsion manifeste entre le volume de l'amplitude et celui du temps de rémunération alors que chaque journée répertoriée par le salarié fait état de plusieurs sites de chargement et de déchargement impliquant nécessairement des tâches de travail effectif au sens des dispositions conventionnelles ci-dessus énoncées ; que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande d'heures supplémentaires réclamées par Monsieur X... sur la base d'éléments suffisamment précis, et non sérieusement contredits par l'employeur, qui sont de nature à étayer sa réclamation ; que le jugement mérite donc confirmation sur ce point ; qu'au vu de ce qui précède, il convient également de faire droit à la demande de repos compensateurs sur la base retenue par les premiers juges, à savoir de deux jours de repos compensateurs pour 230 heures de temps de service par mois calendaire, soit en l'espèce sur les mois de septembre, octobre, novembre 2005 et sur le mois d'avril 2006, soit représentant huit jours sur la base d'une moyenne de 9 heures et d'un taux horaire maintenu à 8, 13 euros, soit aboutissant à la somme de 585, 36 euros ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE l'article L. 3171-4 du Code du travail stipule : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; que le salarié fournit ses agendas et 2006, ainsi que leur décompte (pièces 4 et 5) qui font apparaître l'accomplissement d'heures supplémentaires ; que l'employeur n'apporte aucun élément contestant cesdites heures supplémentaires ; que le juge ne peut rejeter la demande du salarié dès lors que ce dernier apporte des éléments à l'appui de sa demande (Cass. Soc., 12. 10. 04, n° 02-41.289 ; Cass. Soc., 10. 05. 07, n° 05-45.932 P) ; qu'après vérification, le décompte des heures supplémentaires effectuées apparaît exact, que néanmoins certaines heures supplémentaires, au vu des bulletins de salaire ont déjà été payées, celle-ci seront retranchées de la totalité de celles réclamées ; qu'après décompte les heures supplémentaires s'établissent ainsi :- septembre 2005 : 44 h à 50 % X 9, 16 = 604, 56,- octobre 2005 : 7h à 25 % X 9, 16 = 80, 15, 40 h30 à 50 % X 9, 16 = 680, 13, novembre 2005 : 39 h à 50 % X 9, 16 = 534, 86,- décembre 2005 : 25h à 25 % X 9, 16 = 286, 25, 11 h à 50 % X 9, 16 = 151, 14,- avril 2006 : 46h à 50 % X 9, 16 = 632, 04 soit un total de : 2 970, 13 ; que le conseil fait droit à la demande et accorde ladite somme ; que sur les congés payés sur heures supplémentaires ; l'article L. 3141-22 du Code du travail stipule : « le congé annuel prévu par l'article L. 3143-3 du travail ouvre droit à une indemnité égale au 1/ 10ème de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence » ; que le conseil fait droit à cette demande et accorde la somme de 297, 01 euros (2 970, 13/ 10) ; que sur les repos compensateurs, la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport définit dans son article 5. 2 : « Le salarié a droit à 2 jours pour 230 h de temps de service par mois calendaire » ; que le salarié a effectué plus de 230 heures les mois de septembre et octobre novembre 2005 et avril 2006, que le salarié a effectué une moyenne de 10 heures par jour ; que le conseil fait droit à la demande et accorde la somme de 732, 80 euros 8jrs (septembre, octobre, novembre 2005, avril 2006) X 10 h X 9, 16 taux horaire ;
ALORS QUE la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que le temps nécessaire aux opérations de chargement et de déchargement d'une remorque ne constitue un temps de travail effectif pour un conducteur routier que si le salarié participe à ses opérations ou à tout le moins s'il se trouve pendant toute leur durée à la disposition de l'employeur et est tenu de se conformer à ses directives ; qu'en l'espèce, pour considérer que les temps de conduite et de travail de Monsieur X... dépassaient ceux décomptés et payés par l'employeur et condamner ce dernier à un rappel d'heures supplémentaires, la Cour retient que chaque journée répertoriée par le salarié fait état de plusieurs sites de chargement et de déchargement impliquant nécessairement des tâches de travail effectif au sens des dispositions conventionnelles ; qu'en se déterminant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que le salarié participait effectivement aux opérations de chargement/ déchargement ou qu'il se trouvait pendant toute leur durée à la disposition de l'employeur et était tenu de se conformer à ses directives, la Cour entache sa décision d'un défaut de base légale au regard du texte précité, ensemble l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 et l'article 3-1 de l'accord du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandises " grands routiers " ou " longue distance ".
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Cilomate Transports à verser à Monsieur X... la somme de 12. 243, 44 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... réclame la somme de 12. 243, 44 euros sur la base d'un salaire moyen brut de 2. 040, 57 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé au motif que l'employeur payait une partie des heures supplémentaires par le biais de primes et qu'il imposait aux salariés de décompter le temps de travail hors conduite en temps de repos ; que la société Cilomate Transports dénie toute volonté de dissimulation dès lors que les temps non rémunérés n'étaient pas des temps de travail effectif ; qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur les bulletins de paye un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli ; qu'or au vu de ce qui précède sur la réalité des heures supplémentaires et l'existence de primes dites « distri », il est à observer que la société Cilomate Transports ne fournit aucune pièce justificative tant sur la nature et la consistance de ces primes que sur les conditions d'octroi de telles gratifications dont la Cour ignore s'il s'agit d'un usage, d'un avantage, d'un engagement unilatéral de l'employeur dès lors qu'il n'y est aucunement fait mention dans le contrat de travail ; qu'enfin, il ne peut être considéré que la société Cilomate Transports ait déféré à la demande de production par la Cour des disques chronotachygraphes assortis du relevé de leur lecture optique sur l'ensemble de la période d'exécution du contrat de travail dans la mesure où les pièces fournies par l'employeur correspondent à de simples tableaux de synthèse numérisés dénués de toutes indications significatives sur le temps de travail accompli concrètement par Monsieur X... au regard de ses agendas très détaillés ; qu'il résulte de toutes ces données que la société Cilomate Transports n'a pas mentionné sur les bulletins de paye de Monsieur X... l'intégralité des heures accomplies, et ce par examen comparatif entre ses agendas, les tableaux de synthèse peu explicites remis par l'employeur et les bulletins de paie ; qu'il sera donc fait droit à la demande d'indemnité de travail dissimulé de Monsieur X... s'élevant sur la base de son salaire mensuel moyen non contesté de 2. 040, 57 euros à la somme de 12. 243, 44 euros ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt du chef de l'indemnité pour travail dissimulé, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, subsidiairement, la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Cilomate Transports à verser une indemnité pour travail dissimulé, la Cour se borne à relever le versement régulier d'une prime au salarié sans justification de l'employeur et la production par ce dernier de tableaux de synthèse des heures de travail du salarié au lieu et place des disques chronotachygraphes et à en déduire que l'employeur n'a pas mentionné sur les bulletins de paye du salarié l'intégralité des heures accomplies ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'élément intentionnel de nature à caractériser la dissimulation d'emploi salarié reprochée à la société Cilomate Transports, la Cour d'appel prive sa décision de base légale au regard du texte précité.