LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Mme X...
Y... (la caution) s'est rendue caution solidaire du remboursement de prêts souscrits auprès de la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté (la banque) et du solde du compte courant ouvert dans ses livres par l'EURL X...(l'EURL) qu'elle dirigeait ; que, le 20 février 2008, la banque a adressé à l'EURL une lettre confirmant son accord pour un règlement échelonné du solde débiteur du compte jusqu'au 20 septembre 2009 ; que le 24 novembre 2008, elle a réclamé à l'EURL la restitution des moyens de paiement mis à sa disposition ; que le 18 décembre suivant, l'EURL a été mise en liquidation judiciaire ; que la banque a assigné la caution en paiement de diverses sommes ; que celle-ci, soutenant que la banque avait commis une faute dans la rupture de ses concours, a recherché sa responsabilité ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de la condamner à payer à la caution les sommes de 90 000 euros et de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que la rupture d'une autorisation de découvert à durée déterminée n'est soumise à aucun préavis ; qu'en imputant à faute à la banque d'avoir rompu le 24 novembre 2008 une autorisation de découvert dont elle constatait elle-même qu'elle était à durée déterminée pour avoir été mise en place du 20 février 2008 au 20 août 2009, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 313-12 du code monétaire et financier ;
2°/ que la rupture d'une autorisation de découvert à durée déterminée n'est pas soumise au délai légal de préavis de soixante jours mais doit seulement être précédée d'un préavis dont il appartient au juge de s'assurer qu'il était suffisant ; qu'en imputant à faute à la banque d'avoir rompu une autorisation de découvert dont elle constatait elle-même qu'elle était à durée déterminée pour avoir été mise en place du 20 février 2008 au 20 août 2009, sans rechercher si le délai séparant, d'une part la notification de la rupture et, d'autre part le retrait effectif des moyens de paiement dont elle observait qu'ils étaient intervenus respectivement le 28 novembre et à la mi-décembre 2008 n'était pas suffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ;
3°/ que la banque peut réduire ou interrompre un crédit sans préavis lorsque le bénéficiaire se trouve dans une situation irrémédiablement compromise ; que le juge doit donc se placer, pour apprécier l'existence d'une telle situation, au jour de la rupture du crédit ; qu'en se fondant, pour considérer que la banque avait commis une faute en rompant, sans préavis, le 24 novembre 2008, le crédit alloué à l'EURL, sur le fait que le 31 décembre 2008 cette société avait ramené le solde de son compte bancaire à un montant inférieur au découvert autorisé, la cour d'appel, qui s'est placée à une date postérieure à la rupture du crédit, a violé l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que, si des dépassements de l'autorisation de découvert étaient intervenus entre les mois de février et décembre 2008 pour les sommes de 739, 86 euros au 31 juillet, 478, 61 euros au 29 septembre, 586, 28 euros au 31 octobre et 883, 81 euros au 28 novembre, ceux-ci n'étaient pas systématiques et que l'EURL avait continué à rembourser les échéances des prêts, puis constaté que le 31 décembre 2008 le solde débiteur de son compte bancaire avait été ramené à celui du découvert autorisé, la cour d'appel ne s'est pas placée à une date postérieure à la dénonciation du concours pour apprécier le caractère irrémédiablement compromis de la situation de l'EURL ;
Et attendu, en second lieu, que, sauf stipulation contractuelle, une ouverture de crédit consentie à une entreprise pour une durée déterminée ne peut être réduite ou interrompue avant son terme que dans les cas prévus par l'article L. 313-12, alinéa 2, du code monétaire et financier ; que, si c'est à tort qu'après avoir constaté que la banque ne rapportait pas la preuve du caractère irrémédiablement compromis de la situation de l'EURL, la cour d'appel en a déduit qu'elle était tenue de respecter le délai de préavis de soixante jours fixé par l'alinéa premier de ce texte, qui ne concerne que les concours à durée indéterminée, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que n'était invoquée aucune autre cause de rupture anticipée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour rejeter l'intégralité des demandes en remboursement de la banque, l'arrêt retient que la caution est fondée à invoquer la rupture fautive des concours accordés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la caution est tenue, en vertu du caractère accessoire de son engagement, de payer à la banque le montant des sommes restant dues par le débiteur principal, la créance de dommages-intérêts détenue par la première à l'égard de la seconde ne pouvant donner lieu qu'à compensation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu qu'après avoir retenu que la banque avait fautivement rompu les concours consentis à l'EURL, l'arrêt la condamne à payer à la caution la somme de 90 000 euros au titre de la perte de valeur du fonds de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice ainsi réparé n'est pas subi par la caution mais par l'EURL, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 22 juillet 2011, il rejette la demande de la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté en paiement de la somme de 71 274, 59 euros formée contre Mme X...
Y... en sa qualité de caution, la déclare responsable du préjudice financier subi par Mme X...
Y... et la condamne à payer à cette dernière une indemnité de 90 000 euros à ce titre, l'arrêt rendu le 21 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne Mme X...
Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE de ses demandes dirigées contre Madame X...
Y... et de l'avoir condamnée à verser à Madame X...
Y... les sommes de 90. 000 € et de 10. 000 € à titre de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture abusive de crédit : La SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE soutient que la rupture du concours apporté par la banque ne peut être qualifié d'abusif alors qu'il est justifié par la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise et que celle-ci était en cessation des paiements. Elle fait valoir que Christelle X...
Y... était parfaitement informée de la situation irrémédiablement compromise de son entreprise et qu'elle avait elle même opté pour la liquidation judiciaire. La SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE précise avoir demandé la restitution de ses moyens de paiements à Christelle X...
Y... par lettre du 24 novembre 2008. Christelle X...
Y... fait valoir en revanche que la rupture du soutien de la banque n'est pas justifiée et que la situation de son entreprise n'était pas irrémédiablement compromise mais qu'au contraire elle avait respecté ses engagements d'amortissement de son compte courant suite à l'accord intervenu le 20 février 2008 et ce malgré quelques difficultés liées à la phase de démarrage de l'entreprise. Elle soutient également que le courrier du 24 novembre 2008 n'a pas respecté le délai de 60 jours posé par le Code monétaire et financier et que la suppression brutale des moyens de paiement a entraîné la liquidation judiciaire de la société. Mais la Cour relève qu'aux termes de l'accord intervenu entre les parties en date du 20 février 2008, une autorisation de découvert dégressive avait été mise en place du 20 février 2008 au 20 août 2009, sous réserve d'un fonctionnement normal du compte et du commerce. Il ressort des éléments du dossier qu'entre le mois de février 2008 et le mois de décembre 2008 plusieurs dépassements de cette autorisation sont intervenus pour les sommes de 739, 86 euros au 31/ 07, de 478, 61 euros au 29/ 08, de 586, 28 euros au 31/ 10 et de 883, 81 euros au 28/ 11. Il est constaté par ailleurs que le compte de l'EURL X...présentait un solde débiteur de 7074, 52 euros au 31 janvier 2008 et que le solde créditeur n'a pas été rétabli par la suite. La Cour relève cependant que les éléments présentés ne démontrent pas le caractère irrémédiablement compromis de la situation de l'EURL X...étant constaté par ailleurs que les dépassements n'étaient pas systématiques, que l'EURL X...avait ramené son solde débiteur à la somme de 6741, 83 euros au 31/ 12/ 2008 et avait continué à rembourser les prêts souscrits auprès de la SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE. Par ailleurs le caractère irrémédiable de la situation du crédité ne saurait se déduire d'une difficulté de trésorerie ni de l'état de cessation des paiements postérieur à la rupture. En conséquence la Cour constate que SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, ne rapportant pas la preuve du caractère irrémédiablement compromis de la situation de l'EURL X...était tenue de respecter le délai de préavis de 60 jours fixé par la loi bancaire en application de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. En l'espèce il est n'est pas contesté que suite au courrier du 24 novembre 2008, la SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE a retiré à I'EURL X...ses moyens de paiements mi-décembre alors que le banquier est tenu, sous peine d'engager sa responsabilité, de respecter le préavis fixé lors de l'octroi du crédit ou à défaut le préavis de 60 jours fixé par l'article L 313-12 du Code monétaire et financier. Il s'ensuit que la SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE a rompu de manière abusive les concours accordés à l'EURL X...et que c'est à bon droit que Christelle X...
Y... demande le rejet des prétentions de la SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE sur ce fondement. La demande de la SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE est rejetée. Sur le préjudice La SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE soutient que le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice n'est pas rapporté par Christelle X...
Y.... Elle fait valoir que la caution ne justifie pas d'une perte de chance sérieuse qui lui aurait permis, par la poursuite du découvert autorisé, le redressement de la société cautionnée. Elle conteste le montant du préjudice calculé sur la différence entre le prix d'achat du fonds de commerce et son prix de revente, soit 140 000 euros. Elle fait valoir en outre qu'en qualité de caution avertie, Christelle X...
Y... était consciente de la portée de son engagement et qu'en dépit de ses compétences professionnelles, des difficultés personnelles l'ont amenée à se désintéresser de la gestion de son entreprise. Christelle X...
Y... soutient que la privation brutale de ses moyens de paiement par la banque à la mi-décembre 2008 l'a privée de réaliser un chiffre d'affaires pendant les fêtes de fin d'années et de la chance de rétablir la situation de son commerce. Elle fait valoir un préjudice financier qui doit être évalué à la différence entre le prix d'achat et le prix de vente de son fonds soit 140 000 euros et un préjudice moral évalué à 50 000 euros. Christelle X...
Y... souligne par ailleurs l'attitude de la SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE tendant à la discréditer par de fausses allégations sur son état de santé. Mais la Cour constate que, nonobstant la qualité de caution avertie de Christelle X...
Y..., le retrait brutal des moyens de paiement de l'EURL X...a entraîné la cessation des paiements et la liquidation judiciaire de I'EURL X...et a causé un préjudice financier à Christelle X...
Y.... Il est ainsi relevé que ce retrait a privé l'entreprise de la possibilité de réaliser un chiffre d'affaires pendant les fêtes de fin d'année et de redresser sa situation, et a en conséquence impacté le prix de cession du fonds de commerce.
Mais étant constaté par ailleurs que c'est à bon droit que le Tribunal de commerce de LYON a retenu la somme de 165 000 proposée à Christelle X...
Y... pour la valorisation de son fonds, le préjudice financier a justement été évalué à la somme de 90 000 euros. Il est également constaté que l'attitude de la SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE a causé un préjudice moral à Christelle X...
Y..., justement évalué à la somme de 10 000 euros par les premiers juges » ;
ALORS D'UNE PART QUE la rupture d'une autorisation de découvert à durée déterminée n'est soumise à aucun préavis ; qu'en imputant à faute à la BPBFC d'avoir rompu le 24 novembre 2008 une autorisation de découvert dont elle constatait elle-même qu'elle était à durée déterminée pour avoir été « mise en place du 20 février 2008 au 20 août 2009 » (arrêt, p. 3, § 8), la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et L. 313-12 du Code monétaire et financier ;
ALORS D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la rupture d'une autorisation de découvert à durée déterminée n'est pas soumise au délai légal de préavis de soixante jours mais doit seulement être précédée d'un préavis dont il appartient au juge de s'assurer qu'il était suffisant ; qu'en imputant à faute à la BPBFC d'avoir rompu une autorisation de découvert dont elle constatait elle-même qu'elle était à durée déterminée pour avoir été « mise en place du 20 février 2008 au 20 août 2009 » (arrêt, p. 3, § 8), sans rechercher si le délai séparant d'une part, la notification de la rupture, et d'autre part le retrait effectif des moyens de paiement dont elle observait qu'ils étaient intervenus respectivement le 28 novembre et à la mi décembre 2008 n'était pas suffisant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de L. 313-12 du Code monétaire et financier ;
ALORS SUBSIDIAIREMENT ET DE TROISIEME PART QUE la banque peut réduire ou interrompre un crédit sans préavis lorsque le bénéficiaire se trouve dans une situation irrémédiablement compromise ; que le juge doit donc se placer, pour apprécier l'existence d'une telle situation, au jour de la rupture du crédit ; qu'en se fondant, pour considérer que la BPBFC avait commis une faute en rompant sans préavis, le 24 novembre 2008, le crédit alloué à l'EURL X..., sur le fait que le 31 décembre 2008, cette société avait ramené le solde débiteur de son compte bancaire à un montant inférieur au découvert autorisé, la Cour d'appel, qui s'est placée à une date postérieure à la rupture du crédit, a violé l'article L. 312-12 du Code monétaire et financier ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE la rupture brutale de crédit se résout par l'allocation à la victime de dommages-intérêts, mais ne prive pas la banque de la possibilité de réclamer au débiteur et/ ou à la caution le remboursement des sommes dues ; qu'en jugeant que, du fait de la rupture prétendument abusive par la BPBFC des concours accordés à l'EURL X..., la banque devait être déboutée de l'intégralité de ses demandes en remboursement, par la caution, des crédits qu'elle avait consentis, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et L. 312-12 du Code monétaire et financier ;
ALORS ENFIN QUE le seul préjudice que subit la caution du fait d'une rupture abusive par la banque des crédits consentis au débiteur, consiste dans la perte d'une chance de ne pas avoir été appelée, ou d'avoir été appelée pour un montant moindre ; qu'en revanche, seul le propriétaire du fonds de commerce peut demander à la banque réparation du préjudice consistant dans la perte de la valeur de son fonds, du fait de la rupture des crédits ; qu'au cas d'espèce, les crédits en cause avaient été consentis à la seule EURL X..., en sorte que seule cette dernière, non partie à l'instance, était fondée à réclamer réparation du préjudice consistant en la perte de la valeur du fonds, Madame X...
Y... elle-même n'ayant aucun titre ni aucune qualité à demander réparation de ce préjudice qu'elle n'avait pas personnellement subi ; qu'en sorte que la cour d'appel, qui alloue à la caution, en réparation de son préjudice, une somme compensant la perte de valeur du fonds de commerce appartenant à l'EURL X..., a violé l'article 1147 du Code civil.