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17/03/2015 | FRANCE | N°13-23562

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 mars 2015, 13-23562


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 avril 2013), que la société Financière HE (la société Financière), propriétaire d'un immeuble, a souscrit en 1995 un contrat de fourniture d'eau auprès de la société Lyonnaise des eaux ; que celle-ci, ne pouvant accéder au compteur malgré des demandes renouvelées, a adressé à son abonnée des factures estimatives jusqu'en septembre 2008; qu'ayant alors pu effectuer des relevés de consommation, la société Lyonnaise des eaux a établi une facture de rég

ularisation et obtenu une ordonnance d'injonction de payer à laquelle la soci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 avril 2013), que la société Financière HE (la société Financière), propriétaire d'un immeuble, a souscrit en 1995 un contrat de fourniture d'eau auprès de la société Lyonnaise des eaux ; que celle-ci, ne pouvant accéder au compteur malgré des demandes renouvelées, a adressé à son abonnée des factures estimatives jusqu'en septembre 2008; qu'ayant alors pu effectuer des relevés de consommation, la société Lyonnaise des eaux a établi une facture de régularisation et obtenu une ordonnance d'injonction de payer à laquelle la société Financière a formé opposition ;
Sur le moyen unique :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que la société Lyonnaise des eaux soutient que le moyen est nouveau ;
Mais attendu que, dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société Lyonnaise des eaux demandait la réformation du jugement, au visa de l'article 2272, alinéa 4, du code civil ; que le moyen est recevable ;
Et sur le moyen :
Attendu que la société Financière fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de la condamner à payer à la société Lyonnaise des eaux une certaine somme alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 2224 du code civil est inapplicable aux prescriptions acquises avant son entrée en vigueur ; que dans le cadre de l'ancien article 2272 du code civil, la prescription de l'action en paiement du fournisseur d'eau a pour point de départ la naissance de sa créance, donc la livraison de l'eau, ou la survenance du terme suspensif si la dette du client est assortie d'un tel terme ; qu'en fixant, par application du premier des textes susmentionnés, le point de départ de la prescription au jour de la facture du 7 novembre 2008 au prétexte qu'il importait peu que les quantités consommées pussent remonter jusqu'à treize ans dès lors que la Lyonnaise des eaux ne pouvait connaître les consommations réelles de la société Financière avant la dépose du compteur d'eau en septembre 2008, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2272 ancien du code civil ;
2°/ que si la prescription peut être suspendue, c'est uniquement en cas d'impossibilité d'agir ; que l'arrêt attaqué a constaté que l'article 3.3 du règlement du service d'eau potable de la CUB, applicable au contrat litigieux, obligeait la société Financière à permettre à la société Lyonnaise des Eaux d'effectuer le relevé quinze jours après que cette dernière l'eut demandé si elle n'avait pu y procéder pendant deux périodes consécutives, et ce sous peine de cessation de la fourniture de l'eau ; qu'il en résultait que le fournisseur d'eau pouvait la contraindre, y compris judiciairement et en référé, et sauf à lui couper l'eau tant qu'elle refusait, de le laisser accéder à son compteur pour relever ses consommations réelles et les facturer, sans devoir attendre treize ans ni la dépose du compteur en septembre 2008 ; qu'en jugeant que l'action de la Lyonnaise des eaux n'était pas prescrite quand bien même les consommations facturées en novembre 2008 eussent pu remonter jusqu'à treize ans, parce que malgré ses demandes, elle n'avait pu accéder au compteur d'eau avant septembre 2008 et que la société Financière ne lui avait pas adressé ses relevés, la cour d'appel n'a caractérisé aucune impossibilité d'agir suspendant la prescription, en violation de l'ancien article 2251 du code civil ;
3°/ qu'à supposer même que le point de départ de la prescription fût la date à laquelle les consommations réelles pouvaient être connues et facturées, en le fixant au jour de la facture de novembre 2008 au prétexte que la Lyonnaise des eaux n'avait pu accéder au compteur avant septembre 2008 et que la société Financière ne lui avait pas adressé ses relevés, quand il résultait des stipulations contractuelles qu'elle constatait que le fournisseur d'eau pouvait contraindre la demanderesse à le laisser accéder au compteur après deux périodes de consommation sans établissement d'un relevé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 2224 et 2272 ancien du code civil, qu'elle a ainsi violés ;
Mais attendu que, reposant sur une présomption de paiement, la prescription abrégée de l'ancien article 2272, alinéa 4, du code civil n'est pas applicable lorsque le défendeur à l'action reconnaît ne pas avoir réglé les sommes qui lui sont réclamées ; qu'il résulte du jugement et de l'arrêt qui le confirme que la société Financière contestait le montant de la créance réclamée, ce dont il résulte qu'elle reconnaissait ne pas l'avoir payée et que la créance n'était pas prescrite lorsque la société Lyonnaise des eaux en a poursuivi le paiement ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Financière HE aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Lyonnaise des eaux la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Financière HE.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, déclaré recevable la demande de la société LYONNAISE DES EAUX, et condamné la société FINANCIERE HE à lui payer la somme de 5 506,77 € en principal outre les intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2009 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la SCS FIANCIERE HE invoque la prescription de deux ans de l'article 2272 alinéa 4 ancien du code civil faisant valoir que la somme qui lui est réclamée correspond à un arriéré d'impayés de 13 ans ; mais que ce n'est que lors de la dépose du compteur au mois de septembre 2008 que la SA LYONNAISE DES EAUX a pu prendre connaissance des consommations réelles de son abonnée et calculer en conséquence sa créance à son encontre puisqu'elle n'avait pu accéder au compteur antérieurement malgré les avis qu'elle justifie lui avoir régulièrement adressés lui demandant soit de convenir de rendez-vous pour lui permettre de procéder au relevé de ses consommations soit de procéder elle-même à ceux-ci et de les lui communiquer soit par téléphone soit par courrier ; qu'aux termes de l'article 2224 du code civil Issu de la loi du 17 juin 2008, invoqué par l'intimée, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il ne peut en conséquence être objecté à la SA LYONNAISE DES EAUX au motif que ces consommations recouvrent une période de 13 ans que la prescription de l'ancien article 2272 du code civil lui serait applicable, la facture dont le paiement est poursuivi étant en date du 7 novembre 2008 et n'ayant pu être établie auparavant du fait de l'inertie de la société appelante ; que sur le bien-fondé de la créance, c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le premier juge a considéré que la créance invoquée par la SA LYONNAISE DES EAUX était fondée ; que contrairement à ce que soutient la société FINANCIERE HE il n'a pas inversé la charge de la preuve ; que d'une part il est acquis que les indications du compteur sont présumées exactes sauf à l'abonnée de rapporter la preuve contraire ce qu'elle ne fait pas ; elle indique elle-même que son dirigeant était présent lorsque le relevé a été effectué et a pu vérifier l'index relevé ; que d''autre part la SCS FINANCIERE HE avait la possibilité qu'elle n'a pas utilisée en vertu du règlement du service de l'eau potable de la CLIB soit de contrôler elle-même la consommation indiquée sur son compteur soit de demander à tout moment à son fournisseur la vérification de l'exactitude de ses indications ; qu'en outre elle n'a pas laissé la SA LYONNAISE DES EAUX accéder à son compteur malgré les nombreux avis que celle-ci lui a adressés pour obtenir cet accès et ne lui a pas communiqué soit par téléphone soit par courrier ainsi qu'elfe y était invitée par ces avis les index de son compteur ; que le règlement du service de l'eau mentionne d'ailleurs en son article 3 l'obligation pour l'abonné de faire en sorte que le relevé de ses consommations puisse être réalisé au moins une fois par an ; qu'au surplus si les consommations estimées de la SCS FINANCIERE NE s'élevaient à environ 300 € par semestre et qu'à compter du changement du compteur les consommations réelles sont toujours d'environ 300 € ces dernières ne prennent pas en considération les consommations de l'occupant du rez-dechaussée pour lequel un compteur indépendant a été installé ; qu'en conséquence le jugement déféré dont la cour adopte les motifs sera confirmé » ;
ET AUX MOTIFS QUE : « RECOPIER TOUS LES MOTIFS DU JUGEMENT » ;
ALORS 1°) QUE : l'article 2224 du code civil est inapplicable aux prescriptions acquises avant son entrée en vigueur ; que dans le cadre de l'ancien article 2272 du code civil, la prescription de l'action en paiement du fournisseur d'eau a pour point de départ la naissance de sa créance, donc la livraison de l'eau, ou la survenance du terme suspensif si la dette du client est assortie d'un tel terme ; qu'en fixant, par application du premier des textes susmentionnés, le point de départ de la prescription au jour de la facture du 7 novembre 2008 au prétexte qu'il importait peu que les quantités consommées pussent remonter jusqu'à 13 ans dès lors que la société LYONNAISE DES EAUX ne pouvait connaître les consommations réelles de la société FINANCIERE HE avant la dépose du compteur d'eau en septembre 2008, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2272 ancien du code civil ;
ALORS 2°) QUE : si la prescription peut être suspendue, c'est uniquement en cas d'impossibilité d'agir ; que l'arrêt attaqué a constaté que l'article 3.3 du règlement du service d'eau potable de la CUB, applicable au contrat litigieux, obligeait la société FINANCIERE HE à permettre à la société LYONNAISE DES EAUX d'effectuer le relevé 15 jours après que cette dernière l'eut demandé si elle n'avait pu y procéder pendant deux périodes consécutives, et ce sous peine de cessation de la fourniture de l'eau ; qu'il en résultait que le fournisseur d'eau pouvait contraindre l'exposante, y compris judiciairement et en référé, et sauf à lui couper l'eau tant qu'elle refusait, de le laisser accéder à son compteur pour relever ses consommations réelles et les facturer, sans devoir attendre 13 ans ni la dépose du compteur en septembre 2008 ; qu'en jugeant que l'action de la société LYONNAISE DES EAUX n'était pas prescrite quand bien même les consommations facturées en novembre 2008 eussent pu remonter jusqu'à 13 ans, parce que malgré ses demandes elle n'avait pu accéder au compteur d'eau avant septembre 2008 et que la société FINANCIERE HE ne lui avait pas adressé ses relevés, la cour d'appel n'a caractérisé aucune impossibilité d'agir suspendant la prescription, en violation de l'ancien article 2251 du code civil ;
ALORS 3°) QUE : à supposer même que le point de départ de la prescription fût la date à laquelle les consommations réelles pouvaient être connues et facturées, en le fixant au jour de la facture de novembre 2008 au prétexte que la société LYONNAISE DES EAUX n'avait pu accéder au compteur avant septembre 2008 et que la société FINANCIERE HE ne lui avait pas adressé ses relevés, quand il résultait des stipulations contractuelles qu'elle constatait que le fournisseur d'eau pouvait contraindre l'exposante à le laisser accéder au compteur après deux périodes de consommation sans établissement d'un relevé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 2224 et 2272 ancien du code civil, qu'elle a ainsi violés.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-23562
Date de la décision : 17/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 mar. 2015, pourvoi n°13-23562


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.23562
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